25 JANVIER 1927
PRIX QAN3 MAJORATION
32 fr.
MASSON & C"
YALE
MEDICAL LIBRARY
HISTORICAL LIBRARY
The Gift of
MEDICAL LIBRARY
ASSOCIATION EXCHANGE
1
LABORARE
EST
ORARE
( 'So llûork is to Tray )
EX LIBRIS
S. ADOLPHUS KNOPF
'
NEW YORK
WAF
LES SANATORTA
*è
PUBLICATIONS DU MEME AUTEUR
Dress Reform and its Relation to Medicine Southern Californis Practi-
tioner, july 1889.
Les Sanatoria; Traitement et prophylaxie de la phtisie pulmonaire.
Thèse de Paris : Mention honorable de 1 Académie de médecine (Georges
Carré, éditeur, Paris, iSg5).
Sanatoria for the Treatment and Prophylaxis of Pulmonary Tuber-
culosis. New York Med. Journal, 5 el 12 oct. 1893.
Les Sanatoria des phtisiques sont-ils un danger pour le voisinage ?
Revue de la Tuberculose, vol. III, 1895.
Should we treat Pulmonary Tuberculosis as a Contagious or as a
Communicable Disease? Southern California Practitioner, may 1896.
Are Sanatoria for Consuniptives a Danger tho the Neighborhood ?
New York Médical Record, "> oct. 1896.
La Phtisio- Thérapie et les Sanatoria Presse Médicale, Paris, 14 ocl
1896.
The Hygienic, Educational and Symptomatic Treatment of Pulmonary
Tuberculosis. New York Médical Record, 1 ! fcbr. 1897.
Antistreptococcic Sérum in the Mixed Infection of Tuberculosis Jour-
nal of the American Med. Association, 16 sept. 1897.
The Présent Status of Préventive Means against the Spread of Tuber-
culosis in the Various States of the Union Critically Reviewed.
■tournai of the American Med. Association, Jo oct. 1897.
The Urgent Need of Sanatoria for the Consumptive Poor of our
Large CitieS New York Med. Record, X] nov. 1897.
Ein neues binaurales Stethoskop mit Armentarium fur vollstandige
Auscultation und Percussion. Zeitschrift fur Krankenpflege und Aerzt-
liche Polytechnik, Mârz 1898.
State and Municipal Care of Consuniptives New York Med Record,
1 J sept. 1898.
The Tuberculosis Problem in the United States. North American Review,
february 1899.
Pulmonary Tuberculosis; its Modem Prophylaxis and Treatment in
Spécial Institutions and at Home Alvàrenga Prize Essay of the Col-
lège of Physir.ians of Philadelphie, for the year 1898 (P. Blakislon's Son
et C"., Philadelphia).
LES SANATORIA
TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE
LA PHTISIE PULMONAIRE
P A 11
S.-A. KNOPF
»»»
de la Faculté do Paris et de Bellevue Hospital Médical Collège (New- York),
Médecin du Département pulmonaire du New York Throat and Nose Hospital
Ancien Assistant du Professeur Dettweiler au Sanatorium de Falkenstein ;
Membre de l'Académie de Médecine de New-Y'ork ; Lauréat de l'Académie
de Médecine de Paris.
Aux grandes âmes, hommes, femmes,
médecins, hygiénistes et philanthropes,
qui ont à cœur le sort des phtisiques
malheureux.
DEUXIEME EDITION'
PARIS
Georges CARRÉ et C. NAUD, Éditeurs
3 , RUE RACINE, 3
I9OO
Digitized by the Internet Archive
in 2012 with funding from
Open Knowledge Commons and Yale University, Cushing/Whitney Médical Library
http://www.archive.org/details/lessanatoriaaiOOknp
PRÉFACE DE LA PREMIERE EDITION
Msyiixtov 8» xai yzAzTZMZono'i , xa! itXîîiTTO'Jî
Existve "ô "oO'.vcûSs;.
De toutes les maladies, la plus grande, la plus
difficile et celle qui emporta le plus de monde,
fut la phtisie.
Hippocrate.T. III. Trad.de Littré, p. g3.
O'jto^ r]v i\ àpyjrtz 8Epocrcâu97J ÔY"fc Y'VETa'-
Le malade (phtisique), s'il est traité dès l'ahord,
g-uérit.
Hippocratk. T. VII. Trad. de Littré, p. 77.
En choisissant pour ma thèse inaugurale devant la Faculté
de Paris un sujet si vaste, si important que celui du trai-
tement de la tuberculose, je sens vivement la difficulté de
ma tâche. Mais depuis des années cette question me préoc-
cupe.
Déjà, dans la- lointaine Californie du Sud où j'ai com-
mencé mes études médicales, j'ai vu chaque hiver des
milliers de tuberculeux venir en foule de tous les coins des
Etats-Unis. L'impuissance où nous nous trouvons, en pré-
sence de cette maladie meurtrière, m'a profondément im-
pressionné. Dans cet admirable climat de Californie, où
fleurissent les orangers, où les roses s'épanouissent en
janvier, où les rigueurs de l'hiver sont inconnues comme
les chaleurs extrêmes de l'été, les malades peuvent demeu-
rer nuit et jour dehors pendant 323 jours de l'année, et
cependant ils y meurent encore en très grand nombre.
Pourquoi ce pays si merveilleusement doté par la nature
v; PREFACE DE LA PREMIERE EDITION
ne répond-il pas davantage à l'espoir que Ton met en lui ?
Pourquoi le « paradis des phtisiques », comme le nomment
là-bas nies confrères, reste-t-il si souvent impuissant ? Nous
essayerons de le dire plus loin.
Sous ce ciel d'une rare clémence, les malades riches
peuvent épuiser toutes les ressources du traitement, et
cependant beaucoup succombent. Quant aux pauvres
atteints, ils s'éteignent en foule dans les hôpitaux, comme
j'ai pu le constater pendant mon année d'internat à Los
Angeles County Hospital (Californie du Sud).
Plus tard, dans les hôpitaux de New- York et de Paris,
j'ai retrouvé, aussi nombreuses, les victimes de la tuber-
culose : ici encore les pauvres payent le plus lourd tribut.
Faut-il donc attendre le remède, tuberculine ou sérum,
œuvre d'un Koch, d'un Behring ou d'un Poux?
Je saluerai avec joie le jour où un semblable trésor sera
donné à la science et aux malheureux. .Mais on ne saurait
laisser venir cette heure, peut-être lointaine encore, sans
demander le secours de remèdes dont l'efficacité est cer-
taine et le danger nul, sans tenter des réformes hospitalières
dont l'utilité n'est plus à démontrer.
Le but de ce travail sera donc :
L étude approfondie du seul traitement qui jusqu'à ce
jour ait fourni de bons résultats : la cure hygiénique et
diététique dans les sanatoria ; je m'efforcerai de faire
mieux connaître et mieux apprécier la valeur de cette théra-
peutique.
La lecture des livres ne pouvait suffire à me préparer à
cette tâche difficile : il fallait étudier sur place. Dans trois
longs voyages, j'ai parcouru les différents pays d'Europe et
d'Amérique. J'ai visité et j'ai étudié avec soin 22 sanatoria
ou hôpitaux spéciaux. Là ne s'est pas bornée ma mission :
il fallait apporter des statistiques exactes et récentes.
Plusieurs centaines de lettres ont été adressées aux méde-
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION VIr
cins de France et de l'étranger, leur demandant le chiffre
des insuccès, des guérisons ou des améliorations qu'ils
avaient constatés. ' Cent d'entre eux environ m'ont ré-
pondu.
La partie économique n'a pas moins attiré mon attention :
quelles dépenses peut nécessiter le traitement dans un
sanatorium pour les pauvres ? J'ai cherché des documents
près des directeurs des sanatoria existant ou en Aoie de
construction. Presque tous m'ont donné les renseignements
nécessaires. Je remercie ici tous ces messieurs de leur
grande obligeance.
Je faillirais à la coutume et à mes propres sentiments si
j'allais plus loin sans dire à mes maîtres des Hôpitaux tout
ce que me dicte une sincère et juste gratitude.
Pendant cinq ans et demi j'ai entendu les maîtres de la
Faculté de Paris ; c'est à eux que j'adresse les premiers
remerciements.
De mes maîtres des Hôpitaux, Messieurs les professeurs
Potain, Tillaux, Tarnier, je garderai toujours un souvenir
précieux ; qu'ils veuillent accepter ici l'expression de ma
reconnaissance profonde pour leurs enseignements éclai-
rés, pour l'exemple que nous donne à nous, jeunes méde-
cins, leur inépuisable bonté envers leurs malades et leurs
élèves.
Je dois à M. le professeur Straus d'avoir pu acquérir
quelques connaissances microbiologiques nécessaires dans
l'étude de la phtisio-thérapie. En m'ouvrant son labora-
toire, il m'a donné la marque d'une bienveillance dont je
lui ai une vive gratitude.
Parmi MM. les professeurs agrégés et médecins des
Hôpitaux auxquels je dois, pour leurs renseignements,
une reconnaissance toute particulière , je désire citer
MM. Jalaguier, Gaucher, Walther, et Ménard de Berck-sur-
Mer.
vin PREFACE DE LÀ PREMIERE EDITION
Je ne saurais trop dire à M. le professeur agrégé Letulle
combien je suis heureux d'avoir été honoré des conseils
qu'il m'a prodigués. Je lui sais le plus grand gré de l'inté-
rêt toujours soutenu qu'il m'a témoigné pour ce travail.
11 a été pour moi plus qu'un maître, qu'il me laisse le lui
dire.
11 me faut rendre maintenant hommage à M. le professeur
Grancher, dont les œuvres sur la tuberculose m'ont con-
firmé dans l'idée de prendre ce sujet de thèse inaugurale-
devant la Faculté de Paris. Ses leçons sur les maladies de
l'appareil respiratoire me l'ont fait choisir comme le meilleur
guide, et dès lors m'est venue la pensée d'entreprendre ce
travail sous ses auspices.
M. le professeur Grancher m'a accueilli avec une rare
bienveillance; se rendant à mon désir, il a accepté la pré-
sidence de cette thèse. Sa carte, qu'il avait eu la générosité
de me confier, m'a fait recevoir dans tous les sanatoria de
l'Europe avec la plus grande cordialité.
Le prestige de son nom m'a valu la réponse des plus
hautes personnalités médicales de France et de l'étranger,
et je lui dois ainsi une part des importants renseignements
que j'ai pu recueillir.
Ses conseils m'ont guidé dans l'embarras, et si mon
travail a quelque valeur, si je réussis à faire connaître un
peu le traitement des tuberculeux dans les établissements
fermés, enfin si j'ai le bonheur d'attirer l'attention des gou-
vernements sur la question des sanatoria pour les pauvres,
je devrai à M. le professeur Grancher la plus grande partie
du succès. Qu'il me considère donc toujours comme son
élève profondément reconnaissant et dévoué.
Faisant retour vers des temps plus éloignés, je reporte ma
pensée vers mes premiers maîtres : ceux de la Faculté de
médecine de l'Université de la Californie du Sud.
J'allie dans le même sentiment de respectueuse sym
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÊDITIOS ik
pathie M. le doyen Widney, MM. les professeurs Lindley
et Kurtz, dont la bonne amitié ne m'a pas fait défaut, et
qui tant de fois m'ont fait part de leurs renseignements
personnels.
Depuis la première année de mes études, M. le professeur
Nadeau, directeur de la clinique médicale de Los Angeles,
s'est intéressé à moi avec une sollicitude paternelle. Son
aide efficace et sûre m'a toujours soutenu aux heures cri-
tiques de ma carrière médicale, de la vie même.
Que ce maître, que cet ami, croie à la filiale affection de
son élève dévoué !
Qu'il me soit permis de rappeler ici le nom de Bellevue-
Hospital Medical-College et de dire à mes maîtres de New-
York, surtout à MM. les professeurs Lusk, Flint, Janeway,
Biggs, Sayre, Dennis, A. A. Smith Bryant et Doremus,
combien leur souvenir m'est cher.
Le cordial et bienveillant accueil que j'ai partout reçu
dans mes voyages me fait un agréable devoir de remercier
ici MM. Sabourin du Canigou, Petit d'Ormesson, Achter-
mann, Rompler, Weicker de Goersbersdorf, Hess, Blu-
menfeld et Nahm de Falkenstein, Wolff de Reiboldsgrûn,
Haufe de Saint-Blasien, Turban de Davos, Lauth de Leysin,
Meissen de Hohenhonnef, Lewis de Ventnor, Philip d'Edim-
bourg, Perkins de Brompton (Londres) , Ménard de Berck-sur-
Mer, Panzeri de Milan.
Je suis également très reconnaissant à M. le Dr Napias,
inspecteur général des services administratifs du ministère
de l'intérieur, de l'amabilité avec laquelle il m'a fourni des
renseignements précieux pour mes chapitres sur les lois
sanitaires et les sanatoria pour les pauvres.
Avant de terminer, je tourne ma pensée vers un des maî-
tres de l'Allemagne, dont le nom est aujourd'hui connu de
la France et du monde entier. J'ai cité M. le professeur
Dettweiler, de Falkenstein, qui a tout fait pour faciliter
x PREFACE DE LA PREMIERE EDITION
ma tâche et rendre plus fructueuses mes études sur les
sanatoria et le traitement hygiénique et diététique de la
tuberculose.
Pendant mon court séjour à Falkenstein,M. le professeur
Dettweiler a mis à ma disposition ses aides, sa bibliothè-
que, sa personne même. Durant île longues heures, il m'a
fait partager son expérience, sa science profonde de la
tuberculose.
A mon départ de Falkenstein, il a voulu me donner une
nouvelle marque de bienveillance et d'intérêt. 11 m'a invité
à revenir faire un stage dans ce célèbre sanatorium, quand
la Faculté de médecine de Paris aura agréé la tliése que je
soutiens ici.
Que ce maître vénéré reçoive avec ceux de France et
d'Amérique l'expression de mes hommages, de mon pro-
fond respect et de ma gratitude, qu'il croie avec eux tous
que le précieux souvenir de la bonté que Ton m'a témoi-
gnée îestera gravé dans mon cœur.
Piiris. le 20 juin 1895.
PREFACE DE LA DEUXIÈME EDITION
« Il est dans le pouvoir de l'homme de faire
disparaître toutes les maladies parasitaires du
monde. »
Louis Pasteur.
Pour faire paraître une deuxième édition d'un ouvrage
quelconque, l'auteur doit avoir des raisons sérieuses, des
motifs urgents, car en médecine comme dans toute autre
science les livres abondent. On écrit trop rapidement et
trop facilement dans notre âge d'imprimerie électrique.
Si j'ai donc enfin cédé aux sollicitations de plusieurs
de mes confrères' d'Europe et d'Amérique et de mes
éditeurs, il faut que je donne les raisons qui, selon moi,
justifient la publication de cette deuxième édition. Le suc-
cès de la première édition de mon traité : Les Sanatoria ;
Traitement et prophylaxie de la phtisie pulmonaire, fut
un succès inattendu. Ainsi que la préface de la première
édition l'indique, j'ai présenté ce travail comme thèse inau-
gurale devant la Faculté de médecine de Paris. Le jury
devant lequel j'ai soutenu ma thèse était composé d'hommes
illustres, tels que Bouchard, Grancher, Letulle, Marie, et
ces messieurs m'ont accordé la note « extrêmement satis-
fait » pour mon travail. L'Académie de médecine de Paris
xii PRÉFACE DE LA DEUXIEME ÉDIT/0.\
décernait à ce travail, dans sa séance solennelle du i5 dé-
cembre 1896, la mention honorable (Prix Monbinne). Le
même ouvrage écrit en langue anglaise (1) fut couronné
Tannée dernière par le Collège des médecins de Philadel-
phie (Alvarenga Prize) .
La première édition française, quoique tirée à un nom-
bre exceptionnel d'exemplaires, était épuisée en quelques
mois, et mes éditeurs m'écrivaient à plusieurs reprises
que mon livre continuait à être demandé. Bien que très
encourageantes, ces raisons seules ne suffiraient pas pour
entreprendre une tache demandant un travail tel que le
renouvellement d'un livre sur un sujet d'une semblable
importance, par un praticien occupé.
Dans la préface de la première édition de mon ouvrage, je
disais : « Le but de ce travail sera l'étude approfondie du
seul traitement qui jusqu'à ce jour ait donné de bons
résultats, la cure hygiénique et diététique dans les sana-
toria. » Mais dans la même page je disais aussi : « Je
saluerai avec joie le jour où il sera donné aux malheureux
phtisiques un trésor, un remède qui guérit, un sérum ou
tuberculine, œuvre d'un Koch, d'un Behring ou d'un Roux. »
Ce jour est-il venu ? Nous parlerons plus tard des travaux
de nos grands bactério - phtisio -thérapeutes ; ici nous
voulons simplement, en justification c'.e la deuxième édition
de notre livre, faire la déclaration suivante.
Quatre ans se sont écoulés depuis que j'ai exprimé le vœu
que nos grands bactério-thérapeutes viennent à l'aide de
nos malheureux phtisiques. Ils ont fait de leur mieux leur
devoir, l'illustre Koch aussi bien que ses imitateurs, et nous
autres cliniciens avons essayé leurs produits. Les résultats
décourageants de ces essais institués par des milliers de
(1) S. A. Knopf. Pulmonary Tuberculosis ; Modem prophylaxis and ils
treatment in spécial institutions and at Home (P. Blakiston's Son et C°,
Philadelphia).
PREFACE DE LA DEUXIEME EDITIOS
médecins dans presque tous les pays civilisés, sont le vrai
motif cpii me fait céder au désir de mes confrères et de
mes éditeurs en publiant cette seconde édition. Dans
ce travail augmenté, mieux documenté et je dirai même
encore plus approfondi que le premier, je m'efforcerai de
faire mieux connaître et mieux apprécier la valeur de la
cure hygiénique et diététique des tuberculeux dans les
sanatoria ou au moins dans les milieux hygiéniques, sous la
surveillance d'un médecin au courant de la phtisio-thérapie
moderne. Depuis la publication de ma thèse, dans laquelle
j'ai décrit mes visites et mes études sur place d'une
vingtaine de sanatoria et d'hôpitaux spéciaux, j'ai rendu
visite à des sanatoria d'Europe et d'Amérique cpii n'ont pas
encore été décrits. J'ai fait de plus un stage prolongé
comme assistant de mon vénéré maître le professeur Dett-
weiler dans le célèbre sanatorium de Falkenstein. A mon
retour en Amérique, j'ai fait quelques expériences intéres-
santes avec le sérum de Marmorek dans les infections
mixtes de la tuberculose, d'abord dans le laboratoire de
la ville de New-York, puis dans le service de mon distingué
maître le professeur Biggs, à l'hôpital Bellevue. Nommé
médecin du service des maladies pulmonaires du New
York Hospital pour les maladies de la gorge et du nez, je
me suis attaché surtout à étudier la meilleure manière
d'appliquer le traitement hygiéno-diététique aux tuber-
culeux ambulants de nos consultations [Dispensary Service).
Dans ma clientèle privée et aussi à l'hôpital, j'ai étudié
pendant plusieurs mois les effets du « cabinet pneumatique » .
Cet appareil m'a donné de si bons résultats, que je me fais
un devoir d'introduire une description un peu détaillée de
ce cabinet et de son emploi dans mon chapitre sur l'aéro-
thérapie. Comme membre de la Société de médecine
publique et d'hygiène professionnelle de Paris, de la
Société américaine pour la santé publique [American Public
PREFACE DE LA DEUXIEME EDITIOX
Health Association) et de la Société pour la prévention de
la tuberculose de l'Etat de Pensylvanie [Pennsylvania
Society for the Prévention of Tuberculosis) , je me suis tenu
au courant des mesures prophylactiques instituées dans les
pays civilisés en général, et j'ai eu occasion d'étudier
quelques nouveaux problèmes à ce sujet. Quant à la
question des sanatoria pour phtisiques pauvres, laquelle
m'a toujours particulièrement intéressé, j'en ai fait depuis
mon retour dans mon pays l'objet d'une étude spéciale. Je
vois la récompense de mes plaidoyers répétés pour ces
institutions dans la fondation récente de plusieurs établis-
sements de ce genre par quelques-unes des grandes villes
des Etats-Unis.
Je me suis informé des projets établis dans les pays que
je n'ai pu visiter sur tout ce qui intéresse la phtisio-thé-
rapie moderne et les sanatoria pour tuberculeux, en adres-
sant des lettres aux phtisio-thérapeutes les plus distingués
de ces diverses contrées. Les réponses n'ont pas manqué et
je tiens à remercier ici tous ces messieurs de leur grande
obligeance.
J'ai puisé d'utiles renseignements dans la Revue de In
Tuberculose, ce journal excellent, rédigé par notre savant
confrère, M. le docteur L.-II. Petit, de Paris, secrétaire
général de l'Œuvre de la Tuberculose.
Presque tous les chapitres ont reçu quelques pages d'ad-
ditions importantes, et si l'on considère que la deuxième
édition contient en plus la description et la reproduction
photographique de plusieurs sanatoria, qu'elle donne en un
mot l'état actuel de la phtisio-thérapie moderne et ration-
nelle dans tous les pays civilisés, je puis espérer pour cette
seconde édition, de la part du public médical, un aussi
bon accueil que celui qu'il a accordé à la première.
De même que le premier traité : Les Sanatoria ; Traite-
ment et prophylaxie de la phtisie pulmonaire, ce nouveau
PREFACE DE LA DEUXIEME EDITIOS xv
travail est le résultat d'une expérience acquise auprès des
phtisiques, au milieu desquels j'ai beaucoup vécu. Les
quatre années que j'ai passées, depuis la publication de la
première édition, avec les tuberculeux de toutes conditions
sociales, chez eux ou dans les sanatoria et les hôpitaux
généraux, m'ont permis d'augmenter considérablement le
nombre de mes observations.
J'ai dédié ce livre à ceux cpii ont à cœur le sort des phti-
siques malheureux, comptant ainsi appeler leur attention
sur une classe si intéressante de malades, à la bonne direc-
tion et au bon traitement desquels la société en général
est si étroitement intéressée.
New- York, le icr octobre 1899.
LES SANATORIA
TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE MODERNE
DE LA PHTISIE PULMONAIRE
CHAPITRE PREMIER
Historique.
Écrire l'histoire du traitement de la tuberculose, c'est faire
celle de la maladie elle-même, car aux diverses époques du
passé la thérapeutique des modalités de cette affection varie
parallèlement à sa conception étiologique et pathologique.
Pour ne pas trop étendre ce chapitre, nous relèverons seu-
lement les faits qui nous ont paru offrir le plus d'intérêt et se
rapporter le mieux au sujet de notre travail.
Ici comme presque toujours, quand il s'agit d'histoire de
la médecine, c'est à Hippocrale qu'il faut demander le premier
mot.
Vivant à deux nulle ans de nous (460-377 avant Jésus-
Christ), cet immortel précurseur nous a laissé les premières
indications heureuses du traitement de la tuberculose pulmo-
naire.
Une vie sobre, un régime approprié, des exercices modérés,
tels sont ses conseils (i) : « Ce malade marchera, dit-il, si la
« marche lui est utile, sinon il gardera le repos autant que
« possible. » Ne retrouve-t-on pas là les promenades réglées
de Brehmer de Goerbersdorf, la cure par le repos sur des
chaises longues, la « Liegekur » de Dettweiler de Falkenstein .'
L'hérédité de la phtisie ne lui a pas échappé, il l'indique
dans ses aphorismes (sect. IV, 8). La contagion, en revanche,
(i) Hippocrati; (Lrad. française de Litlré, 1848), t. VII, § 49, p. 73, el
§ 10, p. 190.
Kxoit. Sanatoria, i
■i UISTOBIQIE
n'est nulle pari signalée par lui. 11 croil à la curabilité du mal
pris an début.
Un remarquable nosographe, Arétée i , venu vers 25o avant
Jésus-Christ, nous a laissé un tableau exact el saisissant de la
phtisie. Dans son œuvre ci De la cure de la phtisie •> on voit
préconiser l'air marin, l'exercice, les promenades en nier, sui-
vies de repos et de frictions. Quant au régime, le lait y tient le
premier rang; c'est, dit-il, « une excellente boisson pour les
phtisiques ». Un peu plus loin il ajoute : « Celui qui boit beau-
. coup de lait peut se passer d'autres aliments ; les peuples qui
s'en nourrissent n'ont pas besoin de blé. »
Un siècle et demi après. Celse .5o ans avant Jésus-Christ à
5o après , l'Hippocrate latin, recommandait aux uns la cam-
pagne en été, a d'autres, plus robustes, des voyages en mer;
enfin le séjour le meilleur était, à sa pensée, celui d'Alexan-
drie.
De -?> à -aô avant Jésus-Christ. Pline l'Ancien, tout empi-
rique, de médiocre science médicale 2 . donne au soleil une
large part, compte pour le reste sur l'air que l'on respire dans
les forêts de pins 3 .
Galien (i3i-2oo après Jésus-Christ préfère les stations éle-
vées : l'air des montagnes dessèche l'ulcération des poumons.
La cure de lait a en lui un partisan. 11 envoie ses malades au
mont Augré, voisin de Naples. 11 accuse l'air confiné d'être
une puissante cause du mal : le premier, il songe à la conta-
gion possible par la cohabitation avec les phtisiques Pericu-
losum pneterea est consuescere cum fus qui tabv trnnittir j .
Nous devons ici passer quelques siècles et laisser la civilisa-
tion latine pour la civilisation arabe du x" siècle.
(1) Arétée De uiorborum diulurnorum el acutorum causis, signis el cura-
lione (trad. française de Renard). Paris', i834, ch. ni, p. 3oi.
Il en esl d' Arétée comme de plusieurs illustres écrivains de l'antiquité dont
les ouvrages sont maintenant connus et admirés do tous, mais dont la vie el
l'époque même où ils out vécu restent ensevelies dans une obscurité profonde.
Préface de Littré dans la trad. française de 1 histoire de Pline 18 |8).
( t) Destkez Thèse, 1888.
(j) Boisseau. Historique de la contagion de la phtisie pulmonaire. Recueil
de mémoires de médecine, chirurgie et pharmacie militaires, i' série, un,
nui 1869.
HISTORIQUE 3
Avicenne (i) et d'autres de ses célèbres contemporains
croyaient à la contagion.
Suivant les préceptes de Galien, ils recherchent l'air et le
climat propices : c'est à l'île de Crète (aujourd'hui Candie) que
s'adresse Avicenne, et nous trouvons dans les écrits de cette
Ecole des cas fréquents de guérison définitive (2).
L'histoire médicale est muette du xic au xvi° siècle : la tuber-
culose pas plus que les autres maux ne sortent de l'ombre
pendant cette période.
La Renaissance n'est pas seulement le réveil de la Poésie, de
l'Art, mais encore de la Science.
Venu de l'Université de Leyde au Collège de France, le
savant Jacobus Sylvius (1478-1 555) (3) donne une description
précise du tubercule ; il semble avoir pressenti les points de
contact et d'union de la scrofule et de la tuberculose.
Son contemporain Fallope (i5a3-i562) reconnaît qu'il n'y a
pas un même climat pour tous les malades, mais que le choix
doit en être subordonné à leur tempérament, à leur constitution.
La même époque (i55o) a vu dans Montano le partisan le
plus convaincu de la contagion qui ail jamais été : il suffit,
dit-il, pour contracter la maladie « de passer pieds nus sur les
crachats expectorés par un phtisique ».
Au même siècle, Lazare Rivière (i58c)-i6j5) de Montpellier,
de science plus rigoureuse, d'opinion moins exagérée, sou-
tient avec conviction la transmission de la tuberculose par la
cohabitation et diminue au profit de la contagion l'influence
de l'hérédité (4) •
Il faut encore citer nombre de thérapeutes engendrés par ce
siècle fécond. Van Helmont (1077-1644)1 se ralliant à l'opinion
de beaucoup de maîtres antiques, croit à l'efficacité des mon-
tagnes et des climats chauds ; surtout il se montre novateur
hardi en recommandant le vin dans la fièvre (5).
(1) Avicenne (980-1037), célèbre médecin arabe, né en Perse. Son vrai nom
fut Abou-Iba-Sina-Avicenna. — Voir Boisseau : Arabum medicorum principis
canon medicinse.
(■i) Manasse. Die Heilung der Lungentuberkulose.
(3) Son vrai nom fut Dubois. — Voir Pkedùhl : Die Geschichtc der Tuber-
kulose, 1888.
(4) Boisseau. Historique de la contagion de la phtisie pulmonaire. Loc. cit.
(5) Destrez. Thèse, 1888.
i HISTORIQUE
La croyance à l'influence <lu climal guidait aussi le médecin
de Londres, Willis 1622-1675). Chaque hiver, il envoyail en
foule ses compatriotes atteints dans la région méridionale <lc
la France qu'il regardait connue privilégiée.
La même pensée animait Baglivi 1669-1707} <|ui, déplorant
l'inefficacité des remèdes, nous a laisse'' une longue description
des contrées propices aux tuberculeux en les classant <l après
leur efficacité (1).
Citerons-nous l'illustre Sydenham 1624-1689), médecin du
faubourg de Westminster à Londres, qui nous rapporte, sans
élever le moindre doute, avoir sauvé plusieurs phtisiques par
l'exercice du cheval (2)?
Parmi les maîtres qui appartiennent aussi bien au xvn'' qu'au
xviii0 siècle, nous devons mentionner Frédéric Hoffmann
(1660-1742 • Morgagni et Boerhaave 3).
Le premier, étudiant avec beaucoup de soin celle partie de
la thérapeutique, mel sa confiance dans un air d'humidité
modérée. Il reprend l'idée de contagion, mais en ajoutanl
qu'elle n'est possible que par un contact prolongé et chez des
sujets prédisposés.
Nul ne s'accorde mieux avec Montano que Morgagni [1682-
1771) (4) : il était hanté par l'idée de contagion au point qu'il
ne voulut jamais pratiquer l'autopsie d'un sujet mort de ce
mal. 11 n'a cependant apporté à l'appui de celte croyance popu-
laire qu'il subissait aucun fait qui pût justifier ses craintes
excessives.
Au contraire, Boerhaave ( 1 6(38- 1 7 >^ "•' parle pas de conta-
gion; cependant il écarte ses malades du lieu où ils ont pris le
mal et les envoie sous un nouveau ciel.
Son élève Van Swieten (1700-1772 apporte le même éclec-
tisme dans le choix du climat; son traitement ne diffère en rien
de celui de Boerhaave, mais il esl convaincu de la contagion.
ilrine, connues sous le nom
(1) Dodiëau. Thèse, 1889.
(■x) Dupké de Lisle. Traité îles maladies de la p<
<le la phtisie pulmonaire. Paris, 1769.
( > Boisseau. Historique de la contagion de la phtisie pulmonaire, loc. cit.
(4) Morgagni. Opéra omnia physico-medica, t. III : De afTectione phtisici
sive tabe.
HISTORIQUE 5
Dupré de Lisie, dans son livre paru en 1769, écrit en parlant
de l'exercice du cheval : « Cet exercice doil être dirigé par la
prudence du médecin » ; il ajoute : « La vie champêtre est
encore préférable au séjour de la ville pour le phtisique à raison
de l'air qu'on respire, lequel est ordinairement plus sain et
plus léger (p. 260). »
Dans la bibliothèque du chirurgien général de l'armée des
Etats-Unis se trouve un ouvrage daté de Londres (1747)1 dont
l'auteur est inconnu. Il est intitulé : « A lelter from a physician
in the Highlands to his friend in London» (1).
Nous y rencontrons, pour la première l'ois, une idée qui con-
corde avec une de celles que nous avons l'intention de défendre
bientôt :
i° Le traitement hygiénique et diététique est le véritable
traitement de la tuberculose ;
•j° Le climat et les médicaments ne sont que des adjuvants
[dus ou moins précieux.
L'auteur s est donné pour tâche de démontrer qu'un régime
strict, joint à une vie sobre, à des exercices modérés, peut
amener une guérison presque certaine sans le secours des
médicaments et du climat.
Il cite alors des succès incontestables obtenus malgré l'hu-
midité et les intempéries de certaines contrées.
La croyance en la contagion de la phtisie pulmonaire était
aussi très répandue dans quelques pays d'Europe à cette épo-
que. Jeannet des Longrois relate que « en 1700, à Nancy,
les magistrats firent brûler sur la grande place de cette ville le
mobilier d'une femme pulmonique. Quoique bien constituée
auparavant, cette femme avait été atteinte de la pulmonie, pour
avoir couché souvent dans le même lit avec une femme poitri-
naire (2) ». A Naples, un édit royal du 20 septembre 1782 pres-
crivait la séquestration des phtisiques, la désinfection des
locaux, effets, meubles, livres, etc., avec du vinaigre, de l'ean-
de-vie, du jus de citron, de l'eau de mer, des fumigations, etc.,
le tout sous peine de trois ans de galères pour les vilains, de
(1) Index catalogue of llie library of the Surgeon-General's Office U. S.
Army, t. VIII, p. 70.
(2) Jeannet des Longrois. Traité de la pulmonie, 1781.
C HISTORIQUE
trois ;ms de château fort el de 3oo ducats d'amende pour les
nobles. Le médecin <|ui ne faisait pas connaître un malade
phtisique s'exposait à une amende de 3oo ducats pour La pre-
mière lois et, pour la deuxième, à un bannissement de ili\ ans ;
celui qui facilitait l'évasion d'un phtisique était condamné à six
mois de prison. Portai rapporte qu'en Espagne et en Portugal
la loi forçail les parents d'un phtisique à en faire la déclaration
lorsqu'il était arrivé à la dernière période, afin de procéder à
l'enlèvement de ses hardes el les brûler; il en était de même
dans le Languedoc i .
La fin du xvnr siècle, le commencement du xix", ont vu se
produire, dans toutes les Ecoles du monde, des discussions
sans nombre sur l'étiologie, la pathologie et le traitement de la
tuberculose. Loin de faire éclater la lumière, la controverse
obscurcissait la question.
Quelques noms de cette période sont cependant à retenir.
Un des illustres professeurs du Collège de France, Portai
(i^42-I832 . conseille, dans chacune des nombreuses variétés
de phtisie qu'il décrit, des voyages en des contrée diverses.
Dans son livre ci Observations sur La nature el le traitement
de la phtisie pulmonaire », nous lisons : « Dans toute espèce de
phtisie, le même air pourrait bien aussi ne pas convenir éga-
lement; par exemple, l'air de la mer réussit aux phtisiques
de naissance et aux scroi'uleux, mais pas aux scorbutiques,
et celui de nos provinces méridionales convient beaucoup
mieux a ces derniers » 2 .
Peu après, Broussais î—a-iS.iS . appliquant sa théorie
générale de l'inflammation aux maladies du poumon, recon-
naît deux (lasses de phlegmasies chroniques de «et organe :
les capillaires sanguins d'un côté, les réseaux lymphatiques
de l'autre dominent par leur phlogose la pathogénie de ces deux
ordres.
La déduction logique du traitement fut pour Broussais la
saignée.
In étonnement profond nous saisit en lisant ses œuvres :
m Straus. La tuberculose et son bacille. Paris, iSi,">.
(2) Portai.. Observations sur la nature et le traitement «le la phtisie pulmo-
naire, (. III. p. jo5.
HISTORIQUE 1
non seulement il applique sa méthode au premier degré de la
phtisie, mais dans le chapitre « Traitement du deuxième degré
de l'inflammation, force du pouls, faiblesse de l'individu » (i),
il écrit : « J'ai saigné dans ce degré de phlegmasie et les
malades sont morts; j'ai épargné leur sang et je n'ai pas été
plus heureux ; j'ai cependant obtenu plus de guérisons avec
la saignée que sans le secours de ce moyen. »
A Londres, Thomas Reid, dans son ouvrage « An essay on
tbe nature and cure of phtisis pulmonalis » (Londres, 1785),
revenant, pour les combattre, sur les idées que le xvc siècle
avait admises avec Jacobus Sylvius, met une barrière entre la
scrofule et la tuberculose (2). La contagion est rare, dit-il, et
ne survient que par cohabitation. La diète végétale, l'usage du
lait, des saignées modérées, telle est sa thérapeutique. En
parlant de la saignée il écrit cependant, au traitement de la
phtisie, chap. vi : « De toutes les maladies dont le corps humain
est le sujet, aucune n'a été aussi généralement combattue par
des saignées fréquemment répétées que la phtisie et je crains
bien qu'on ait trop souvent vérifié l'ancienne observation (3),
que la lancette tue plus de monde que la lance. »
11 se montre optimiste dans son pronostic, et conclut
ainsi : « Je pense que la consomption pulmonaire est sus-
ceptible de guérison comme les maladies des autres vis-
cères. »
Nous trouvons dans Cullen d'Edimbourg (1700-1790) une
opinion singulière sur la contagion : elle ne se produit, d'après
lui, que dans les pays chauds.
Sans rien apporter de nouveau aux connaissances acquises,
Hufeland en Allemagne (1781-1827) admet, dans son ouvrage
« Sur la nature, le diagnostic et le traitement de la maladie
scrofuleu.se », l'influence de l'hérédité et de la prédisposition
à cette maladie. Il recommande de se défier prudemment de la
contagion.
Son œuvre prend une plus haute portée quand il envisage
le traitement. Nous associerons ici sou nom à celui de Schœn-
(1) Broussais. Histoire des phlegmasies chroniques, 4e éditv 1826, p. 253,
(2) Reid. Trad. française, p. i3o, 1792.
(3) Boisseau. Loc. cit.
S HISTORIQUE
lein i i-i)!l- iS(i j . Tous deux remarquèrent l'immunité des
habitants des contrées montagneuses donl la vie l < > 1 1 1 entière
s'écoulait dans leur pays natal. Us instituèrent une méthode de
traitement <|iii a acquis une grande importance.
Parmi les médecins viennois de la même époque, citons
Vetter 2) (i8o3 . li décrit trois types de phtisie :
1" Phtysis pulmonalis ;
20 Tabès pulmonum ;
il" Phtysis tuberculosa Knotige Lungenschwindsuchl .
La première variété est, dit-il, d'origine inflammatoire el
d'un pronostic assez favorable.
La deuxième est un effet de l'épuisement général el d'excès
de (oui genre.
La troisième forme se localise avec prédominance dans les
ganglions bronchiques.
Sauvage ii-o(3-i-ii- distinguait vingt espèces de phtisie
pulmonaire 3).
Portai ( 17 j'- iXT< n'en reconnaît que quatorze. Citons la
phtisie scrofuleuse, nerveuse, dartreuse, pleurétique, scorbu-
tique, \ énérienne, etc.
Tel est le chaos des idées, jusqu'au jour ou s'ouvre 1ère que
Virchow a justement nommée : « Die interessanteste Entwicke-
lungszeil der franzôsischen Medicine ». la période la plus
intéressante di\ développement de la médecine en France.
Ce temps remarquable de l'histoire a vu s'accomplir les plus
grands progrès et toute la nosologie île la tuberculose s'éclai-
rer d'un jour nouveau.
Bayle i"4-ir!(i(i). le maître de Laënnec, s'attache à l'étude
du tubercule pulmonaire qui avait été décrit, pour la première
l'ois, sous ce nom par le médecin anglais Baillie, en 1 — » j i 1 .
A Laënnec (4) (1781-1827 revient l'honneur d'avoir le premier
admis et enseigné l'unité de la phtisie pulmonaire. Malgré
l'opposition de l'école allemande, de Virchow surtout, (elle
I I 1 Dodie.vu. /.Oc. cit.
I 2 I l'ill IMiill . hoc. Cit.
1 li Straus. La tuberculose el son bacille, 189?.
( i) Laennki . Traité de I auscultation médiate el «les maladies tin poumon el
du cœur (éd. de la Faculté 1
HISTORIQUE g
unité est restée intacte, et nous en devons rendre hommage
aux mémorables travaux de notre éminent maître M. le profes-
seur Graneher (i).
Laënnec, phtisique lui-même, trouvant dans l'air des régions
maritimes le meilleur spécifique du mal, avait fait joncher de
varechs le sol de sa chambre, espérant ainsi respirer quelque
peu de l'air marin.
A-t-il cru à la contagion ? Nous ne saurions l'affirmer. Nulle
part il ne tranche nettement la question; mais, s'étant blessé au
doigt en faisant une autopsie, il avait pu voir le tubercule se
développer et accomplir sous ses yeux toute son évolution. Ne
semble-t-il pas qu'il ait dû croire l'inoculation possible (2) ?
Vingt ans plus tard, Laënnec mourait du mal qu'il avait si bien
étudié. Il avait créé de toutes pièces l'auscultation du pou-
mon.
Depuis Laënnec, les plus grands progrès qu'on ait accom-
plis regardent l'étiologie, la prophylaxie, le traitement de la
tuberculose.
Ils sont donc tout particulièrement intéressants pour nous.
Ville min apporte le premier une notion capitale appuyée sur
des faits irréfutables : le 5 décembre 1 865, il démontre à l'Aca-
démie de Médecine que la tuberculose est inoculable et rentre
dans la classe des maladies virulentes.
Poursuivant ses travaux, Villemin (1869^ met en lumière, avec
une clairvoyance et une précision qu'on ne saurait trop admi-
rer, le rôle probable que jouent les crachats desséchés dans la
dissémination de là tuberculose (3).
Nombre de fois la clinique, et bien souvent aussi le labora-
toire, ont depuis lors corroboré cette hypothèse. Ci tons, parmi les
expérimentateurs connus en France : Graneher, Cornil, Straus,
Verneuil, Constantin-Paul, Chauveau, Hérard, Iiippolyte Mar-
tin, Clado. — En Allemagne : Tappeimer, Koeh. Klebs,
Cohnheim, Cornet. — En Angleterre : Williams, Clarke,
(1) Grancher. De l'unité de la phtisie. Thèse, 1873. — Maladies de l'appareil
respiratoire, 1890.
(2) Note prise au cours de pathologie comparée et expérimentale de M. le
Pr Straus. Semestre d'hiver 1894-95.
('3) Straus. La tuberculose et son bacille, Paris, 189Î.
,,, HISTORIQUE
Wilson Fox. — En Amérique : Welch, Biggs, Loomis, Prudden
el llodenpj 1.
Enfin, le i>4 mars 1882, la grande découverte de Koch 1
apporta la preuve irréfragable de la nature contagieuse el
microbienne tic la tuberculose. Pendant que le laboratoire
Huns apprenait la nature et les causes de cette maladie, 1rs
thérapeutes cherchaient un nouveau traitement.
11 faudrait un long- ouvrage pour énumérer tous les médica-
ments qu'a vus naître la dernière moitié de ce siècle et dont les
vertus spécifiques ont été l'objet de panégyriques aussi nom-
breux que peu mérités.
Nous avons vu dans ces dernières années ingérer ou injecter
tour à loin- les bactéricides les plus divers, renouveler sans
cesse les tentatives d'immunisation. .Vous avons vu enfin le
dernier, le plus célèbre, mais non le moins néfaste de ces
agents, la tuberculinc de Koch, échouer sans retour, ne lais-
sant que le souvenir de l'espoir décevant qu'elle avait fait
éclore.
Toute l'élude à laquelle nous venons de nous livrer nous
montre combien est vaine la recherche d'un médicament spéci-
fique ; nous avons alors résolu, après mûre réflexion et en nous
fondant sur l'expérience de nombreux maîtres, de mettre notre
confiance et notre conviction dans la prophylaxie, dans l'hy-
giène, dans un régime approprié et surtout dans les établisse-
ments fermés.
C'est après Laènnee qu'ont été posées les premières indica-
tions de cette thérapeutique.
May (2) (1791 . à la fin du siècle dernier, s'était efforcé de
trouver la guérison dans le seul régime alimentaire : ce n'était
la qu'une ébauche. Poursuivant la même idée, Curchot et Car-
rière demandèrent le succès à la cure de petit-lait et de raisin.
Un de nos meilleurs thérapeutes. Benne! de Menton, dut la
guérison à la tentative qu'il fit sur les conseils d'une infirmière
géniale, miss Florence Nightingale : la vie en plein air et un
régime reconstituant l'arrachèrent à la phtisie.
(il II. Koch. Die .Tïtiologie der Tuberkulose. Berliner klin. Wochenschr..
n i5, 188a.
(2) Hérard, Cornil et Ha.not. La phtisie pulmonaire, 1888.
HISTORIQUE ■ i
La cure hygiéno-diélélique clans des « établissements fermés»,
exclusivement destinés aux phtisiques, fut définitivement insti-
tuée par Hermann Brehmer, de Goerbersdorf.
Le titre de sa thèse inaugurale (i856) dit assez sa pen-
sée : « Tiiberculosis primis in stadiis scmper curabilis. » Il
ne reçut l'autorisation de fonder un sanatorium qu'en i85c),
grâce à l'influence puissante de ses amis Humboldt et Sehœn-
lein.
Dettweiler, son élève le plus distingué, apporta quelques
modifications importantes à la méthode de son maître.
En France, en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, et
presque dans tous les pays d'Europe, aux Etats-Unis d'Amé-
rique et même en Australie, les pratiques de Brehmer et
Dettweiler comptent aujourd'hui de nombreux partisans clans
le monde médical.
Les sanatoria pour le traitement des phtisiques payants se
sont multipliés partout depuis quelques années. L'historique des
sanatoria et hôpitaux spéciaux pour les phtisiques pauvres est
encore assez récent, sauf peut-être pour l'Angleterre. Là le
premier hôpital pour les phtisiques pauvres fut ouvert pendant
l'année 1814 sous le nom de « Royal Hospital for diseases oftlie
cites t ». Le premier « Cottage sanatorium » (système de petits
pavillons isolés), où les malades peu aisés ne paient qu'une
partie des dépenses, était établi aux Etats-Unis il y a quinze
ans par le docteur Trudeau, à Saranac Lake, sous le nom d' « Adi-
rondack Cottage Sanitarium ». Le premier sanatorium pour le
traitement des phtisiques pauvres selon le principe deBrehmer-
Dettweiler est celui de Buppertshain, qui ne date que de dix
ans, et dont les commencements furent particulièrement diffi-
ciles. Voici un petit fait historique dont j'ai été témoin, étant
à cette époque l'assistant du professeur Dettweiler. Le sana-
torium pour les phtisiques pauvres fonctionnait déjà depuis
quelques années; il était situé non loin du grand sanatorium
de Falkenstein pour les malades payants. Le nombre des
malades augmentait et l'établissement devenait trop petit. Après
avoir, non sans beaucoup de peine, recueilli les fonds néces-
saires à la construction d'un autre sanatorium plus spacieux,
on vit une clame noble, très riche, s'opposer à ce projet. Cette
clame, qui craint les microbes, possède une villa dans les
, , a/STORTQl I
environs de Falkenslein,à une distance assez éloignée du sanr.-
torium projeté.
La peur «les bacilles a néanmoins porté bonheur cette fois
aux phtisiques pauvres : cette daim' acheta le terrain destiné
au nouveau sanatorium, le paya forl cher, et donna en plus une
somme considérable pour contribuer à celle oeuvre philanthro-
pique; mais elle imposa la condition que 1'établissemenl ne
sérail liàti qu'à une certaine distance de sa propriété. Depuis le
ià octobre i8o,5, les malades pauvres sont enl rés à Ruppertshain
dans un superbe sanatorium dont l'étendue dépasse de beau-
coup les prévisions des premiers plans, grâce à la générosité
de la personne en question.
Le premier sanatorium pour les phtisiques pauvres en
Autriche subit une épreuve presque analogue. Là, toute une
municipalité prés de Vienne s'opposa fortement à la fondation
d'un pareil établissement. C'étail une station bien connue pour
son doux climat et en laveur parmi les phtisiques riches autri-
chiens. De plus, un grand phtisio-thérapeute envoyait souvent
ses malades aristocratiques à cet endroit. Les habitants, crai-
gnant de perdre leur clientèle riche par la proximité d'un sana-
torium pour les phtisiques pauvres, se refusèrent à sa création.
Mais le même médecin était à la Lète ùu sanatorium projeté
pour les phtisiques pauvres. Voyant cette opposition, il choisit
une autre localité, et au grand étonne nt des lions villageois
de la place désignée auparavant, les clients du grand profes-
seur vont à présent dans le voisinage du sanatorium érigé pour
les pauvres.
Je suis heureux de pouvoir constater que depuis la publica-
tion de la première édition de ce livre, les sanatoria pour les
pauvres s'élèvent un peu partout. Mais nous verrons, dans le
chapitre qui sera consacré a ce sujet, combien il v a encore à
l'aire pour les phtisiques malheureux et sans moyens.
Axant d'en finir avec ce chapitre historique du traitement el
delà prophylaxie de la phtisie pulmonaire, il convient de noter
encore quelques événements littéraires, scientifiques et huma-
nitaires des plus importants au point de vue de l'étude de la
phtisio-thérapie moderne. Il y a a peine dix ans que Yer-
neuil. déjà président de l'Œuvre de la tuberculose, fondait le
journal L'Etude expérimentale el clinique de la tuberculose.
HISTORIQUE i3
L'œuvre était en plein fonctionnement, et le premier fascicule
de ce journal avait paru, lorsqu'un vétérinaire très distingué île
province, M. Bu tel (dp Meaux), eut l'idée de réunir dans un
Congrès les vétérinaires et les médecins, afin d'y discuter les
questions qui touchent aux rapports de la tuberculose chez
l'homme et chez les animaux. A cette époque on se préoc-
cupait vivement des dangers qui pouvaient provenir pour
l'homme de l'usage de la viande et du lait des animaux tuber-
culeux. De là certaines mesures à prendre pour prohiber cet
usage, et surtout des études à faire sur l'éliologie de la mala-
die. Le Congrès d'organisation eut lieu en 1888, et avec un tel
succès que plus de 5oo membres se rendirent à l'appel. Le
professeur Chauveau fut le premier président du Congrès
pour l'étude de la tuberculose.
En avril 1893, parut pour la première fois la Revue de la
tuberculose, sous la direction de MM. les professeurs Verneuil,
président de l'Œuvre de la tuberculose ; Bouchard et Chau-
veau, vice-présidents de l'Œuvre de la tuberculose ; Brouardel,
Charcot, Cornil, A. Fournier, J. Grancher, Lannelongue,
Nocard (d'Alfort), Potain, Richet, I. Straus, Tarnier, membres
fondateurs de l'Œuvre de la tuberculose ; Kelsch, directeur de
l'Ecole de santé de Lyon; L. Landouzy, N. Gamaleia (de Saint-
Pétersbourg), etc , et M. le D1' L. -IL Petit, comme rédacteur en
chef.
Le icr janvier 1897 parut, à Berlin, sous la direction du
D'' Gotthold Pann.witz , la Correspondence des Sanatoria
(Heilstàttén Korrespondenz) , organe du Comité central allemand
pour la fondation de sanatoria pour phtisiques. Au moyen de
ce journal on peut se tenir particulièrement au courant de tout
ce qui concerne le mouvement en faveur des sanatoria pour
les phtisiques pauvres.
Le i5 février 1898 a commencé à paraître La Tuberculose
infantile, revue bimestrielle, consacrée à l'étude de toutes les
questions relatives à la pathologie, l'hygiène et le traitement des
maladies tuberculeuses médicales et chirurgicales de l'enfance.
Ce journal est publié sous la direction de MM. les Dls Léon
Derecq, médecin de l'hôpital d'Ormesson et Georges Petit,
médecin du dispensaire de l'Œuvre des Enfants tuberculeux.
Elle compte parmi ses collaborateurs MM. Blache, Castex,
, | HISTORIQUE
De Lavigerie, Hamonic, Kazimir, Lagrange, Launois, Ménard,
Metton-Lepouze, Léon Petit, Thibierge, Vaquier et Gautrelet.
Le « Journal of tuberculosis », le premier journal de lan-
gue anglaise exclusivement consacré à la question de la
tuberculose, a paru pour la première fois aux États-Unis le
ier janvier 1899. Il est r- < 1 i t ('■ par le Dr von Ruck et paraît
tous les trois mois à Asbeville, clans l'étal de la Caroline du
Nord.
Gomme événement humanitaire des plus importants au
point de vue de l'histoire de la phtisio-thérapie moderne, il
faut noter enfin le dernier Congrès de Berlin, qui a eu lieu
du 24 au 1- mai 1899. Ce « Congrès international pour la
lutte contre la tuberculose, maladie endémique » (Kongress
zur Bekâmpfung der Tuberkulose als Volkskrankheit), doit sa
création à l'initiative du « Comité cent rai allemand pour
la création d'établissements destinés au traitement des mala-
dies du poumon ». Le Gouvernement de l'empire allemand
avait invité les Gouvernements étrangers à se faire repré-
senter à ce Congrès. Le Gouvernement tramais était repré-
senté par une délégation des ministères de l'Intérieur et de
l'Instruction publique, avant à sa tète le professeur Brouardel,
et parmi les membres de laquelle figuraient nombre de
savants et d'hygiénistes, entre autres MM. Grancher. Lan-
douzy, Lannelongue, Metchnikoff, Napias, Nocard, .1 .-A. .Martin.
Voisin, Honoré, Spillmann, Pic. Thoinot et Méry. La Russie.
l'Angleterre, l'Autriche, la Turquie, l'Italie et les Etats-Unis
étaient aussi bien représentes par des savants et des hygié-
nistes distingués.
Le Congrès se réunit sous le patronage de Sa Majesté
l'Impératrice d'Allemagne. Le prince de Hohenlohe-Schil-
lingsfiïrsl était président d'honnsur, le dur ds Ratibor pre-
mier président et le professeur E. von Leyden deuxième
président. Les ministres Losse et Posadowski, ainsi que le
maire de Berlin ont prononcé les discours d'ouverture.
Nous reviendrons dans les chapitres suivants sur les com-
munications les plus importantes faites par les divers délé-
gués. Ici nous désirons seulement dire que la question prin-
cipale traitée ii ce Congrès était celle îles Sanatoria populaires.
Des délégués ouvriers ont été conviés à la séance d'ouverture.
HISTORIQLE 1 5
L'ouverture de ce Congrès a été marquée par un incident
des plus intéressants, qui mérite d'être signalé à l'attention
des riches philanthropes de tous les pays. Un don de 3 mil-
lions de marks a été offert par le député Heyl, grand indus-
triel allemand, à l'œuvre des Sanatoria populaires.
CHAPITRE II
Mortalité par phtisie pulmonaire.
De ! < >u l < ■>- les maladies, la plus grande, la plus difficile et
celle qui emporta le plus do monde fui La phtisie. «
Nous avons choisi ces paroles d'Hippocrate comme épigraphe
de notre travail, car aujourd'hui comme aux temps antiques la
mortalité par la phtisie esl terrible.
Un septième de ions les décès est <lù à la phtisie.
Dans le livre classique de notre regretté maître Straus i .
on trouve une statistique allant jusqu'en îcS^v. el un exposé
complet de la distribution géographique de la tuberculose, de
l'influence dos professions, de l'âge, etc., etc. Je me contente
simplement de donner la statistique de la mortalité par
phtisie dans les principales villes de France, d'Europe et
d'Amérique, en iS()_j.
J'ai envoyé plusieurs centaines dv lettres aux diverses
autorités pour obtenir une statistique plus récente. Les répon-
ses uni été nombreuses, mais néanmoins incomplètes, et j'ai
cru qu il était mieux dv reproduire une statistique générale de
la mortalité par tuberculose pul nain', dressée par un journal
allemand 2) au commencement do l'année 1896. Elle montre
les proportions de cette mortalité sur 1 000 habitants dans
toutes los grandes villes du monde où cette constatation a pu
être faite pour l'année 1H94.
(1) Straus. La tuberculose el son bacille. Taris. 1893.
(a Munchener med. Woekenschrifl, janvier 1896, ]>. 28.
MORTALITE PAR PHTISIE PCLMOXA/RE
Mortalité par tuberculose pulmonaire pour i ooo vivants.
HABITANTS
'894
Le Havre. . .
Rouen . . . .
Paris. ...
Nancy . . . .
Lyon
Reims ...
Nantes . . .
Roubai.v. . .
Lille. . . .
Bordeaux. . .
Saint-Etienne
Marseille. . ,
Toulouse. . .
Alger. . . .
116 000
I 1 1 000
2 424 °°°
86 000
43i 000
io5 000
122 000
I I 5 000
70 000
252 000
i3i 000
406 000
148 000
83 000
5o,3
45
4i,6
33,7
33,6
32,6
3o, 1
29,7
28,2
25, 5
23, 5
21,8
I7>7
16, 5
ALLEMAGNE
Wurzbourg.
Xuremberg .
Breslau. . .
Augsbourg .
Munich . . .
Cologne . .
Francfort. .
Elberfeld. .
Dresde. . .
Alloua . . .
Leipzig. . .
Gorlitz. . .
Chemnitz. .
Berlin . . .
Hambourg .
Lubeck . .
65 000
161 000
36i 000
81 000
3g3 000
3oc) 000
201 000
i38 000
3 16 000
149 000
404 000
67 000
1 âo 000
[ 703 000
604 000
69 000
52,4
39,3
34.9
33,5
3o,8
28,2
27,2
26,6
26
24,7
24
24,3
22,7
22, 3
ai, 1
16, 1
VILLES DIVERSES
Budapest
Vienne
Saint-Pétersbourg.
Moscou
Varsovie
New-York
Philadelphie . .
Glasgow
Naples
Buenos-Ayres. . .
Manchester . . . .
Londres
Chicago
132 OOO
j 465 000
g54 000
753 000
5oo 000
1 925 000
1 1 1 5 000
686 000
5 Ï5 000
58o 000
3 22 000
5 3oo 000
1 600 000
49-3
45,4
44.3
42,9
25,7
24,i
a3,7
22,6
ai, 1
20,7
19.6
17.3
i3,4
Knopf. Sanaioria.
i8 MORTALITE PAR PHTISIE PULMONAIRE
Mais, parmi les réponses que j'ai reçues, quelques-unes onl
une valeur toute particulière pour le présent travail.
Les rapports les plus défavorables me sont parvenus du
Portugal. Selon des renseignements récents, pour une popula-
tion de 4 5oo ooo habitants, il ne meurt pas moins de ao ooo tuber-
culeux par année. C'est avec raison que les auteurs consta-
tent qu'il n'est pas de maladie qui nuise davantage aux forces
et à la prospérité des nations.
Egalement tristes sont les conditions dans la république
du Chili, où, d'après une lettre que le Dr Mamerto Cadi/. a
bien voulu m'adresser, la mortalité par phtisie pulmonaire,
pendant l'année 189a, fut de 6677 pour une population de
moins de trois millions d'âmes.
Mais dans beaucoup île pays et surtout dans quelques grandes
villes d'Europe et des Etats-Unis, telles que Vienne, Berlin,
New- York, Philadelphie, etc., la mortalité par phtisie pulmo-
naire a notablement diminué dans ces dernières années. Nulle
part cependant cette diminution n'est aussi frappante qu'en
Angleterre, où depuis plus de quatre-vingts ans existent des
établissements spéciaux pour le traitement de la phtisie : la
mortalité par tuberculose pulmonaire y a été réduite d'une
façon tout à fait remarquable. Cette grande diminution progrès
sive de la mortalité s'explique sans doute aussi par une orga-
nisation presque parfaite des services d'hygiène générale en ce
pays.
Voici un résumé de la statistique que M. le Dr Tatham, ins-
pecteur général des statistiques au bureau du « Registrar
gênerai », a bien voulu me communiquer:
La mortalité par phtisie pulmonaire et pour 1000 000 d'ha-
bitants, en Angleterre et dans le pays de Galles, était :
Années.
1870. Mortalité par phtisie pulmonaire pour 1 000 000 d'habitants. 2 410
1H7Ï. — — — 1 ÏOl
1880. 1 869
i885
110
1890. — — 1 682
i893. — 1 468
1894. — 1 ;,s-,
1895. 1 398
1896. — 1 307
MORTALITÉ PAR PHTISIE PULMONAIRE 19
Pour Londres même, je n'ai pu recueillir que la statistique
Je quelques années ; je la dois à l'obligeance de M. le D1' Shurly
F. Murphy, inspecteur du bureau sanitaire (Public Health De-
partment).
En 1891, la mortalité par phtisie était, à Londres, pour
1 000 000 d'habitants , de 2200
En i8g3, seulement de 1 900
— 1894 , 1 743
— 189J 1 8a5
— 1896 1 ^3i
Ces chiffrés sont certainement intéressants au point de vue
des progrès qu'il est possible de réaliser par l'hospitalisation
des tuberculeux et par une bonne hygiène publique.
Nous sommes arrivés, grâce aux progrès de la science, à
faire reculer des maladies telles que la peste, la variole, qui
autrefois décimaient les populations autant et plus que la
tuberculose aujourd'hui ; la phtisie pulmonaire n'est pas plus
difficile à combattre si nous voulons mettre en usage tous les
moyens qui sont entre nos mains.
CHAPITRE III
Preuves anatomo-pathologiques de la curabilité
de la tuberculose pulmonaire.
Opinion d'Hippocrate, de Celse, de Galien et de Laennec.
— La phtisie pulmonaire est curable. Hippocrate en a la con-
viction, nous lavons déjà vu. Celse et Galien partagent son
opinion, nous le savons. Du Ve au x1' siècle celle idée est battue
en brèche : lous les médecins croient la tuberculose mortelle ;
il faut venir jusqu'à l'Ecole arabe pour retrouver l'idée hippo-
cratique. Il s'est rencontré depuis lors, à toutes les époques,
des homme de grande valeur qui ont contesté la possibilité de
la guérison (i).
Laennec fut un des premiers anatomo-pathologistes qui ne
douta pas que la guérison de la phtisie pulmonaire lut possible.
Il s'est exprimé ainsi : « Un assez grand nombre de faits m'ont
prouvé que, dans quelques cas, un malade peut guérir après
avoir eu dans les poumons des tubercules qui se sont ramollis
et ont formé une cavité ulcéreuse (2). »
Opinion de Hérard, de Cornu., de Carswei.l, de Crweilhier,
de Charcot, de Grancher. — Hérard et Corail ajoutent :
« Tous les observateurs ont partagé l'opinion du maître, tous
sont d'avis que non seulement la phtisie est curable, mais
encore qu'elle est curable dans toutes ses périodes (3) ».
(1) Voir les noies sur les expériences de von Ziemsscn, Ollivier et Loomis,
dans le Traité de médecine de Charcot, Bouchard et Brissaud, (Art. Phtisie
pulmonaire).
(2) Laennec. Traité de l'auscultation médiate, etc., 1879, p. 38 1 .
( i) Hérard, CoKMi. et IIanot. La Phlisie pulmonaire. 1888.
CURABILITE DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE 21
Garswell (de Londres) a dit, en i838 : « L'anatomie patholo-
gique n'a peut-être jamais donné de preuves plus décisives de
la guérison d'une maladie que celles qu'elle a données pour la
phtisie pulmonaire (1). »
Cruveilhier (2) écrivit cette phrase décisive : « Non, les
tubercules ne sont pas une maladie essentiellement incurable,
même les tubercules pulmonaires ».
Le plus grand maître de l'époque, l'immortel Charcot (3),
affirmait, avec son autorité incontestable, que la phtisie est
susceptible de guérir complètement et définitivement, même à
la période des cavernes.
Charcot, et notre maître M. le professeur Grancher, ont
éclairé par des recherches anatomo-palhologïques le méca-
nisme de la guérison de la tuberculose pulmonaire, et nous
lisons dans les leçons cliniques de Grancher (4) sur les mala-
dies de l'appareil respiratoire, cette phrase consolante :
« Nous affirmons la curabilité naturelle du tubercule ; nous
affirmons qu'au lieu d'être un néoplasme misérable et inca-
pable d'organisation, le tubercule tend naturellement à l'orga-
nisation fihreuse », c'est-à-dire à la cicatrisation ou guérison.
Dans notre premier tableau statistique, nous exposons le
nombre des lésions tuberculeuses anciennes guéries que l'au-
topsie a révélées chez des sujets morts d'autres affections.
Un second chapitre sera réservé au chiffre des guérisons
relevées dans les sanatoria, d'après les données de la clinique
et de la bactériologie.
Tous ces chiffres ont été recueillis soit au cours de notre
voyage personnel, soit au cours de l'enquête que nous avons
faite par lettres circulaires, soit à la suite de recherches biblio-
graphiques. Si nous n'accordons pas le premier rang à la
statistique clinique, c'est qu'elle peut être le sujet de
controverses. Tout le monde ne comprend pas de la même
façon la guérison des tuberculeux, et beaucoup contestent
(1) Carswell. Pathological Analomy. Londres, i S3S.
(2} Cruveilhier. Traité d'anatomic générale, t. IV, p. 538.
(3) Charcot. Traité de médecine (art. Phtisie pulmonaire).
(4) Grancher. Leçons cliniques sur les maladies de l'appareil respiratoire :
Tuberculose et Auscultation, 1880, p. ifi .
22 Crii.tBU.ITJ-: DE LA TUBERCULOSE PULMOXAIRE
qu'elle puisse être définitive : mais comment ne pas admettre
la curabilité quand on se trouve en présence de cavernes pul-
monaires dont les parois se sont transformées en une gangue
cicatricielle ?
Or, bien souvent, cette lésion se rencontre chez des indi-
vidus qu'une maladie aiguë différente de la tuberculose a em-
portés à un âge plus ou moins avancé.
Voici les résultats de notre enquête :
K.U'pni! rri'its
Baudet de Paris
Beaux de Paris
Bennot de Menlon . . . .
Bollinger de Munich . . .
Boudel de Paris
Chiary de Prague . . . .
Klini de New- York . . . .
Heitler de Vienne
Letulle de Paris
Loomis de New- York. . .
Marsini de Bàle
Ormeroth de Londres . .
Viberl de Paris
F. -P. Weber de Londres.
Bugge de Christiania. . .
Fûrbringer de Berlin. . .
rhomas Harris
Renvers de Berlin . . . .
Roger de Paris
Standacher
Walker(i) de Chicago . .
Kowler de Londres. . . .
Martin de Londres. . . .
Coats de Glasgow . . . .
Biggs de New- York. . . .
NOMBRE
d'autopsies
faites .
'97
166
73
400
1 v»
701
670
16 Ï72
l8q
7°3
228
i3i
NOMBRI
d'individus morts d'autres af-
fections qur la tuberculose
avant présenté à L'autopsie
des lésions tuberculeuses ci-
catrisées.
■1 S
69
116
78
7>
789
92
71
89
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27 ]i. 100
10 —
39
3o —
"il
27 —
i —
9
10 —
24 —
So —
(1) Relevé à la Morgue de la ville de Chicago; mais M. Walker pense que ce
chiffre n'est pas suffisant et qu'on a souvent négligé de noter l'étal exact des
poumons.
En dehors des données précises fournies par les auteurs
cités, Amiral, Meckel, Rokitansky, Ullsperger, Virchow, Werd-
miiller ont également rapporté des cas nombreux d'individus
morts d'autres maladies ou d'un accident, chez lesquels les
PREUVES AXATOMO-PAT/IOLOGIOUES 23
autopsies ont révélé des lésions tuberculeuses cicatrisées ou
calcifiées (i).
Réponses reçues de MM. Brouardel et Letulle. — Parmi
les réponses que j'ai reçues aux lettres adressées à un très
grand nombre de pathologistes et médecins légistes de la
France et de l'étranger, je tiens à citer d'abord celle de
M. Brouardel, professeur de médecine légale et doyen de la
Faculté de Médecine de Paris. Sur la question : Quelle propor-
tion de tuberculoses méconnues et guéries (cicatrisées ou cal-
cifiées) avez-vous constatée dans les autopsies de sujets morts
d'autres affections ? il me répondait :
« Il n'y a guère d'autopsies pratiquées sur des individus
morts de cause violente et habitant Paris depuis plus de dix
années, qui ne montrent pas de lésions tuberculeuses souvent
guéries, soit par transformation crétacée soit par cicatrisation
fibreuse. » C'est à la fois une preuve de la tuberculose pulmo-
naire et de sa guérison . Mais , comme M . le professeur
Brouardel l'a très justement fait remarquer : « Il ne faut pas
oublier que la clientèle delà Morgue n'est pas très choisie. »
Les observations détaillées de M. Letulle à ce point de vue
sont tellement intéressantes que je crois bien faire de repro-
duire en entier la note suivante qu'il a bien voulu me trans-
mettre en réponse à ma question. C'est le résumé des résultats
fournis par ses « cahiers d'autopsies » pour les années 1892,
1893, 1894 et 1890, jusqu'au ierjuin exclusivement.
« Sur 189 autopsies pratiquées pour des affections autres que
la tuberculose pulmonaire, les protocoles dictés à l'amphi-
théâtre me donnent :
A. Cas exempts de toute lésion tuberculeuse (plèvres, poumons
et ganglions trachéo-bronehiques) 79
B. Tuberculose des voies respiratoires latente, ou guérie (sclé-
rose anthracosique, tubercules fibreux, caséo-plâlreux, cal-
cifiés) 92
C. Cas suspects (adhérence des sommets, pneumonie chronique
ardoisée, ramollissement anthracosique des ganglions trachéo-
bronehiques , cicatrices rayonnées du parenchyme pulmo-
naire, etc.) 18
(1) P. Manasse. Heilung der Lungentuberkulose. Berlin, 1891
24 CURABILITÉ DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
T A U 1. E A U
Nombre d'autopsies iKcj
Appareil respiratoire indemne 79
Tuberculose ancienne hdente (tubercules de guéri-
son) 92
Lésions suspectes iS
Total 189
En ne. tenant pas compte des cas suspects, on voit que la
tuberculose éteinte équivaut à peu prés à 5o p. 100. La propor-
tion est cependant plus forte, car, dans plusieurs laits réputés
suspects à l'œil nu, le microscope m'a montré qu'il s'agissail
bien de lésions tuberculeuses, le plus souvent éteintes, gué-
ries au sens anatonio-patholo^ique du mot.
Trois exemples en rendront compte : 1" dans une fièvre
typhoïde compliquée de broncho-pneumonie, les poumons
contenaient une vingtaine de noyaux fibroïdes, disséminés,
qui furent reconnus bacillaires sur les coupes histologiques ;
20 de même, une pneumonie lobaire étendue, terminée par lié-
patisation grise, englobait au milieu de ses blocs fibrino-leuco-
cytiques cinq ou six nodules anthracosiques qui, au microscope,
étaient sûrement tuberculeux ; 3° enfin, chez un homme ayant
succombé à un cancer de l'estomac généralisé au péritoine et
aux poumons, j'ai trouvé de nombreux nodules tuberculeux,
fibro-caséeux, entremêlés aux noyaux cancéreux greffés dans
les lymphatiques sous-pleuraux.
Ces trois cas, seulement suspects à la vue (et comptés plus
haut comme tels), sont donc positifs et mériteraient de grossir
le chiffre des tuberculoses éteintes du poumon.
Un dernier point me parait mériter d'être signalé. J'ai noté
comme tuberculoses éteintes quelques observations où la cause
de la mort, manifestement indépendante de lésions bacillaires
cicatrisées dans le poumon, se rattachait à une Localisation
extra-respiratoire des bacilles de Koch. Ces derniers, cultivés
à nouveau, avaient infecté à distance des organes importants,
d'où une tuberculisation secondaire plus ou moins rapidement
mortelle.
Ainsi, j'ai recueilli jusqu'à ce jour trois observations de sym-
PREUVES AXATOHO-PATIIOLOGIQVES i'-,
physe cardiaque tuberculeuse (péricardite chronique fibro-
caséeuse) dans lesquelles la tuberculose pulmonaire était abso-
lument devenue stérile. L'infection bacillaire de la séreuse
péricardique s'étant laite secondairement, les malades succom-
bèrent à l'asystolie chronique.
Mêmes remarques à propos d'un cas de mort subite, due à
la tuberculose des capsules surrénales. Dans cette observation
(publiée ailleurs), les lésions tuberculeuses de la plèvre et du
poumon étaient minimes, anthracosiques. Les foyers caséeux
des glandes surrénales, en pleine évolution, avaient occasionné,
selon toute vraisemblance, la syncope terminale.
Enfin, il m'a été encore donné d'observer une hématémèse
foudroyante, causée par la rupture d'un anévrisme de l'artère
bronchique développé à l'intérieur d'un abcès caséeux gan-
glionnaire. Ce ganglion tuberculeux, ramolli, était sous-tra-
chéo-bronchique et communiquait par un trajet fistuleux avec
la cavité œsophagienne. Ici encore les tubercules pulmonaires
étaient guéris, morts depuis de longues années ; puis, sourde-
ment, l'adénopathie chronique avait produit une série com-
plexe de désordres, mortels en dernière analyse.
Concluons de ce qui précède que la tuberculose des voies
respiratoires (plèvres, poumons, ganglions traehéo-bronchi-
ques) est très communément curable.
Elle peut, toutefois, déterminer à distance et à longue
échéance des manifestations chroniques, voire même aiguës,
de même nature, susceptibles de causer la mort. La lin peut
survenir par différents procédés pathogéniques, ne relevant
pas tous nécessairement de l'infection bacillaire.
H. Weber (de Londres) relate, dans son livre : Traitement
hygiénique et climatérique de la phtisie pulmonaire (i), un cas
extrêmement intéressant. Il s'agit de la nécropsie d'un individu
mort de fièvre typhoïde, sept ans après la deuxième guérison
d'une tuberculose pulmonaire qui avait été reconnue antérieu-
rement par un examen physique des plus minutieux; à l'au-
topsie on ne trouva cpie les cicatrices des anciennes lésions
tuberculeuses guéries.
(i) Webek. Hygienische und klimatische Behandlung der chronischen Liin-
genschwindsucht.
26 CVRABILITE DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
Réponses reçues de MM. Stra.ssma.nn, Goodhart, Whittakkb
et Nicolas. — M. le professeur Fritz Strassmann, médecin
légiste de Berlin, me répondait de la façon suivante :
« J'ai trouvé très souvent d'anciens foyers de tuberculose
pulmonaire cicatrisés ou crétacés chez des individus morts
accidentellement. »
M. le professeur James Goodhart, médecin de Guy's IIos-
pital, à Londres, m'écrivait : « Je puis vous dire que rien n'est
plus fréquent que de trouver à l'autopsie d'individus morts
d'autres affections des traces évidentes d'une ancienne phtisie
guérie, ou encore des transformations calcaires dans les divers
ganglions. Bien plus, dans beaucoup de cas de mort par tuber-
culose, on trouve des traces d'une tuberculose antérieure
guérie. Aussi j'ai l'habitude de dire qu'il n'y a pas de maladie
ayant une tendance plus évidente à guérir que la phtisie pul-
monaire. »
M. le professeur James T. Whittaker (de Cincinnati), sans se
prononcer sur la valeur de la cicatrisation ou de la calcification
des anciennes lésions tuberculeuses, au point de vue de la
guérison, me dit « qu'il est exceptionnellement rare qu'il ne
trouve pas, à toutes ses autopsies de poumons, des traces évi-
dentes d'une tuberculose en voie d'évolution ou d'une tuber-
culose préexistante. »
Enfin, M. le docteur Nicolas, médecin en chef de l'hôpital de
Neuchâtel (Suisse), m'écrivait : « Il m'est fréquemment arrivé
de constater à l'autopsie des cicatrices ardoisées avec ou sans
noyaux crétacés aux sommets des poumons; mais faute de notes
spéciales, je ne saurais en indiquer la proportion. »
Recherches de Kurbow et de Dejerine. — II faut admettre
que quelques-uns de ces anciens foyers représentent souvent
une tuberculose devenue latente. Mais Kurbow (i), le collabo-
rateur de Bollinger, a pu constater que les tubercules dont la
transformation fibro-calcaire est complète ne sont pas viru-
lents. Sur ioo cas de lésions d'apparence latente il a montré
par inoculation que 27 avaient perdu leur pouvoir infec-
tieux.
(1) Kurbow. Arch. /'. klin. Med., 1 8 8 < > ; t. .j|, fasc. 5-6.
PREUVES AXAT0M0-PAT1I0L0G1QUES 2_
Dejerine (i) n'a jamais pu trouver de bacilles tuberculeux
dans les foyers calcifiés.
Abstraction faite de toutes erreurs possibles, nous croyons
avoir recueilli des documents suffisants, et avoir vu nous-mème
des cas assez nombreux dans les salles d'autopsie des hôpitaux
d'Europe et d'Amérique, pour répéter avec Carswell (2) que
« V anatomie pathologique ri a peut-être jamais donné de preuves
plus décisives de la guérison d'une maladie que celles quelle a
fournies pour la phtisie pulmonaire ».
(1) Dejerine. Recherche du bacille de Koch. Compi. rend, des séances de la
Soc. de biol., 1884, n° 3o.
(2) Carswell. I.oc. cit.
CHAPITRE IV
Preuves cliniques de la curabilité de la tuberculose
pulmonaire.
La guérison île la phtisie pulmonaire a été constatée un très
grand nombre de fois pendant la vie d'individus antérieure-
ment reconnus phtisiques. Des cliniciens célèbres de tous les
pays en ont recueilli et publié des observations, et j'ose dire
qu'il n'est guère de médecin pratiquant à la ville ou à la cam-
pagne qui n'ait vu çà et là une guérison spontanée.
Opinion de Bouchard, de Jaccoud, deWeber, devonLeyden.
— Parmi les cliniciens distingués de notre époque qui ont
affirmé par leur expérience les preuves cliniques de la cura-
bilité de la phtisie pulmonaire, je tiens à citer M. le professeur
Bouchard, qui, en 1888, terminait ainsi son cours sur la tuber-
culose, à la Faculté de médecine de Paris :
« Cette maladie qui s'acharne sur l'humanité est curable dans
le plus grand nombre des cas. »
M. le professeur Jaccoud, plus optimiste encore, va jusqu'à
dire : « La phtisie est curable dans tontes ses périodes (1). »
Le Dr Hermann Weber, dans ses célèbres conférences faites
devant le Royal Collège ofPhysicians, à Londres (2), en citant
plusieurs guérisons appuyées sur des faits cliniques incon-
testables, dit : « Même la présence d'une cavité n'exclut
pas la possibilité de la guérison. Les meilleurs observateurs
(1) Jaccoud. Curabilité de la phtisie pulmonaire, 1888.
(2) H. V\ eber. Croonian Lectures on chronic pulmonary phthisis, Londres,
i885.
PREUVES CLINIQUES DE LA CURABILITÊ DE LA TUBERCULOSE 29
de l'Ang:leterre et du continent ont été témoins de ce fait. »
M. le professeur von Leyden s'exprimait, dans son discours
au dernier Congrès international, à Moscou (i), de la façon
suivante : « La thérapeutique d'aujourd'hui n'est pas du tout
impuissante envers la phtisie pulmonaire. La croyance que
la maladie est incurable n'a plus raison d'être depuis Brehmer
qui, après une longue existence consacrée au travail le plus
ardu, démontrait la eurabilité de cette maladie. » La physio-
thérapie moderne, inaugurée par Brehmer et perfectionnée
par Dettweiler, est acceptée aujourd'hui comme le meilleur
traitement par la majorité des médecins.
Sans vouloir critiquer les autres méthodes thérapeutiques, il
faut reconnaître que le plus grand nombre de guérisons a été
observé là où ce traitement a été rigoureusement appliqué,
c'est-à-dire dans les sanatoria ou établissements fermés consa-
crés exclusivement à la cure de la phtisie pulmonaire. A
l'appui de cette assertion, je reproduis ici une statistique inté-
ressante de Manasse sur les résultats obtenus durant une
période de dix 3113(1876 à 1886) dans le traitement de 5 o32 ma-
lades qui ont été soignés au sanatorium de Brehmer.
Statistique de Mimasse.
DEGRÉS
DE LA MALADIE
NOMBRE
DE MALADES
GUÉRIS
PRESQU
E GUÉRIS
GUÉRIS
ET
PRESQUE GUÉRIS
I
II
III
p. 1O0
1 3gO (27,62)
2 225 (44,21)
l4l7 (28,17)
387
152
12
55 1
p. 100
(27,8 )
( 6,83)
( 0,48)
(11,00)
43o
325
33
p. 100
(3 1,00)
(14,6 )
( 2,3 )
p. 100
817 (58,8)
477 (21,43)
45 ( 3,14)
5 o3i
788
(i5,6 )
1 339 (26,6 )
Voici d'autre part les statistiques que j'ai recueillies
dans mes visites aux sanatoria. Je tiens celles des éta-
(1) E. von Leyden. Ucbcr den gegenvàrtigen Sland der Behandlung Tuber-
kuloscr und die staallichc Fiirsorgc fur dieselben. Berlin, 1898.
(0
< ciiaiiiu/ï; de la tuberculose pulmonaire
Statistique de A'/<«/</'.
NOMS DES SA.NATOIIIA
Falkcnstcin i Allemagne)
llohcnhonnef —
Ruppertshain —
Muskoka (Ontario) . .
Sharon, Mass. (Etals-
Unis)
Goerbersdorf (Allema-
gne)
Goerbersdorf, Sanat .
Brehmer
Goerbersdorf, Sanat.
Rômpler
Goerbersdorf, Sanat.
Pûckler
Reiboldsgrûn (Allema-
gne) . ._
Davos (Suisse) . . . .
Nordrach (Allemagne).
Halila (Finlande) . . .
Canigou (France). . .
Adirondacks Cottage-
Sanitar. (Etats-Unis).
Loomis, Liberty (New-
York)
Chestnut Hill (Pensyl-
vauie)
\\ inyah , As h ville
(N. C.) _
I.<\ sin (Suisse) . . . .
Rehburg (Allemagne) .
Ventnor (Angleterre) .
22 Haufe Sanat. Si . lila-
sien
2 5 Scbômberg (Allemagne)
2 j Malchow, pris Berlin .
It.W'l'iim I l lis
Dettweiler .
Moisson . .
Nalun . . .
Elliol . . .
Bowdilch .
Achtermann .
Rômpler. . .
VVeicker. . .
Wolff. . . .
Turban . . .
Walll.er. . .
Gabrilowitch.
Sabourin. . .
Trudeau . . .
Slubbcrt. . .
Cohen et Ba-
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Von Ruck . .
Burnier . . .
Thornspcck .
Sander. .
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|J. 17
')8,2
3 a
o")
(1) Bowditch n'emploie pas le mot de guérison. 11 ne parle que des cas « arrê-
tés i [arresied cases): il veut dire quela maladie est arrêtée quand tous les symp-
tômes pathologiques ont disparu.
blissements que je n'ai pu visiter de MM. les Directeurs.
.1 ai relevé les numéros 19, 20 et ai dans la thèse de Beau-
PREUVES CLISiqUES il
lavon (i). J'ai trouvé les numéros 22, 23 et 24 dans le livre de
Hohe (2).
Il faut ajouter que les sanatoria de Ruppertshain, Malchow,
Chestnut Hill et Halila sont pour les pauvres. Aux sanatoria des
Adirondaeks, de Loomis, de Sharon et deVentnor, les malades
ne paient qu'une partie (à peu près les deux tiers)des dépenses.
Les sanatoria de Ruppertshain, de Davos, cl' Adirondaeks et
de Liberty ne prennent que des sujets aux premiers degrés
de la maladie.
Une telle statistique ne saurait avoir de valeur scientifique
que si les observateurs qui ont constaté la guérison se sont
placés dans des conditions identiques.
Tous ont-ils une même conception ; tous apprécient-ils de
même façon les signes objectifs fournis par l'auscultation, la
bactériologie et l'état général du malade ?
Non : les entretiens que nous avons eus avec les phtisio-
thérapeutes les plus distingués nous ont permis de compren-
dre que le concept de « guérison » donnait lieu pour presque
tous à une interprétation différente.
Nous ne saurions mieux le démontrer qu'en relatant ici les
conclusions de quelques auteurs.
Concept de « guérison » selon Daremberg. — Daremberg
est cité comme il suit par Marfan, qui adopte ses idées (3) :
« On peut déclarer guéri un ancien tuberculeux qui, pendant
dix ans, a repris ses occupations sans avoir un crachement de
sang, un accès de fiè.vre imputable à une poussée tuberculeuse,
un crachat bacillaire. S'il a résisté pendant dix ans à quelques
bacilles perdus dans un coin de son poumon et probablement
morts (car nous avons vu que les bacilles morts sont aussi
infectieux), il n'y a aucune raison pour qu'il redevienne phti-
sique, s'il ne se replace pas dans les conditions où il a subi sa
première atteinte.
(1) Beaulayon. Contribution à lélude do lu tuberculose pulmonaire, etc.
Thèse, Paris, 1896.
(2) Hohe. Die Bekâmpfung und Heilung der Lungcnschwindsucht, etc. Munich.
(3) Marfan. Art. « Phtisie pulmonaire », in Traité de médecine de Charcot,
Brissaud et Bouchard, t. IV, p. 722.
;. CURABIL1TE DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
Il no. faul pas oublier, en effet, que le bacille tuberculeux est
incapable d'infecter tous les organismes humains; que l'homme
est un être relativement réfracta ire à l'infection tuberculeuse;
qu'il importe de considérer la virulence comme l'expression
des modalités diverses de la vie des microbes, sans cesse
influencée par les qualités physico-chimiques, essentiellement
changeantes, des milieux organiques.
« Le médecin sait que le bacille tuberculeux ne prospère que
sur les terrains qui lui sont favorables, qu'il ne suffit pas d'un
microbe pour faire un tuberculeux, et qu'à côté des maladies
il v a des malades qui moulent la matière morbide suivant leurs
dispositions héréditaires ou acquises. »
GuÉRISON ABSOLUE, GUERISON RELATIVE (DeTTWEILER).
Dettweiler distingue la « guérison absolue » et la « guérison
relative ». Il définit la « guérison absolue » le rétablissement
des fonctions normales de tous les organes, la disparition
absolue des bacilles. Il y a « guérison relative » si le malade
recouvre le bien-être; si les organes fonctionnent bien, malgré
quelques accès de toux et quelques expectorations matuti-
nales.
Ses élèves, Meisscn (de Hohenhonnef) et Turban (de Davos),
font les mêmes distinctions que leur maître.
Sabourin (du Canigou) divise ses malades en : i° curables;
a" améliorables ; l\° incurables. II ne prononce pas le mot de
guérison tant que la toux et les expectorations (crachements
sans toux) n'ont pas complètement disparu.
Guérison dans le sens de « restltutio ad integrum ». -
Weicker de Goerbersdorf) considère la guérison, prise dans le
sens de « restitutio ad integrum », comme un miracle; il divise
ses résultats curatifs en : i° amélioration perceptible par le
malade même ; i" amélioration permettant au malade de
reprendre ses occupations, soit : a travail manuel, ,3 travail intel-
lectuel; !" simple amélioration par le séjour au sanatorium.
W'oKf (de Reiboldsgrùn) pense comme Weicker ; mais il
reconnaît que. l'amélioration peut être assez remarquable pour
permettre à beaucoup de malades de reprendre leurs occupa-
tions et parvenir à un âge très avancé.
PREUVES CLINIQUES 33
Quelle valeur saurait donc avoir la statistique que nous
venons de lire ?
Aucune, si nous lui demandons de trancher rigoureuse-
ment la question de la guérison ; mais une réelle valeur, si
nous voulons interpréter les chiffres dans un sens non moins
intéressant, hien qu'un peu différent.
Nombre des invalides hospitalisés par 200 sanatoria. — La
liste qui suit montre qu'il y a à l'heure actuelle en Europe et
aux États-Unis près de 200 sanatoria et hôpitaux spéciaux en
plein fonctionnement. Bien que ce nombre soit très insuffi-
sant si on le compare à celui des phtisiques, il y a tout de
même dans chaque établissement à peu près 3oo malades trai-
tés par année, soit en tout 60 000.
Ces 60 000 tuberculeux, riches, auraient disséminé leurs
bacilles dans les stations hivernales. Pauvres, ils les auraient
semés dans la rue, parmi nous; chez eux, parmi les leurs; à
l'hôpital général, parmi les malades atteints d'autres maladies
ou convalescents.
A leur sortie du sanatorium, ils ne seront plus un danger
permanent pour leurs semblables : ils auront appris l'hygiène
et sauront en observer les règles.
On ne saurait apprécier la valeur de cette prophylaxie de
chacun pour tous : le malade connaîtra, par l'enseignement
pratique du sanatorium, les causes de sa maladie ; il saura
éviter d'aggraver son état s'il n'est pas guéri complètement ;
s'il est guéri, les règles de sa vie lui seront tracées : hors d'elles
est le danger.
Un tuberculeux, dira-t-on, n'est jamais guéri : derrière le
tubercule fibreux ou cicatrisé le mal est « endormi », il peut
s'éveiller encore.
Le chapitre précédent a été consacré à des discussions ana-
tomo-palhologiques que nous ne reprendrons pas ici : nous
voulons répéter seulement que la phtisie peut apparaître dans
un poumon portant des cicatrices, sans qu'aucun des anciens
foyers se soit ranimé. Pourquoi n'y aurait-il pas là une nou-
velle tuberculose ? Nous avons vu nous-même des poumons
présenter des lésions très distinctes de deux atteintes qui,
vraisemblablement, n'étaient pas des poussées successives,
Kxopf. Sanatoria. 3
•)
!j CVRABILITÉ DE LA TL11ERCLLOSE PULMONAIRE
car Le temps les avait séparées par un 1res long intervalle.
Les expériences de Kurbow et de Dejerine ont prouvé cette
fréquente stérilité, des anciens loyers fibreux ou crétacés.
H.Weber(de Londres) a vu mourir de fièvre typhoïde un malade
qui avait guéri deux fois de la phtisie pulmonaire.
Pourquoi ne pas admettre la guérison de la phtisie ? N'est-ce
pas assez qu'un poumon qui l'a jadis subie ait acquis de ce fait
une prédisposition spéciale et soit devenu un « loeus minoris
resistentise » ?
Celle faiblesse vient-elle de la réduction du champ de l'héma-
tose ? d'une insuffisante activité du parenchyme pulmonaire ?
de quelque autre cause inconnue.' — Ce qui est vrai pour tous
les organes, ne l'est-il pas pour le poumon ? La première
déchéance d'un organe n'est pas le signe fatal de sa déchéance
finale, et s'il y a là une cause de moindre résistance, cette cause
n'est pas plus puissante pour le poumon que pour tout autre
viscère.
L'intestin, après la dothiénentérie, est parsemé de cicatrices
des plaques de Peyer, comme le poumon l'est tic nodules
fibreux après la cicatrisation des tubercules. Faut-il dire que ni
l'un ni l'autre ne sont guéris, ou que tous deux, au contraire,
sont revenus à l'état physiologique absolu?
Il semble que ces deux opinions soient également exagérées,
et si personne n'ose affimer aujourd'hui que la fièvre typhoïde
est incurable, pourquoi conteste-t-on si vivement la guérison
réelle de la tuberculose ?
Un phtisique commence à augmenter de poids ; la toux el
l'expectoration diminuent notable ment, les douleurs s'apaisent ;
les lumoptysics, la fièvre, les sueurs nocturnes disparaissent ;
il reprend peu à peu ses occupations : on est autorisé alors à le
considérer comme guéri et il pourra demeurer en bonne santé
en évitant avec prudence toute cause d'affaiblissement, de
dépression, d'infection.
Appliquons ici la division de Dettweiler en guérison
absolue, guérison relative, amélioration, à notre statistique
générale.
Souvenons-nous qu'il ne s'agit pas tant de la statistique elle-
même que de la constatation des effets du traitement.
Nous ne prendrons pas le chiffre maximum ni même le
PREUVES CLIXIQUES 35
chiffre moyen des bons effets obtenus, mais bien le chiffre
minimum.
Le total minimum des, guérisons absolues, des guérisons
relatives et des améliorations dues au traitement hygiéno-
diététique de la tuberculose dans les établissements fermés est
de 70 p. 100.
Ces 70 p. 100 se répartissent ainsi entre les trois ordres de
modifications favorables :
Guérisons absolues 14 p. 100
— relatives 14 —
Améliorations 42 —
Si nous appliquons ces chiffres à nos 60 000 malades, qui ont
en moyenne séjourné six mois dans l'un des 200 sanatoria, nous
trouvons :
Guérisons absolues 8 400
— relatives 8400
Améliorations 2S 200
Sur ces 60 000 malades, il en reste donc 18000 encore, ou en
traitement non améliorés, ou morts.
Ni dans les stations hivernales, ni dans la clientèle privée,
moins encore dans les hôpitaux généraux, nous ne pourrions
obtenir un tel résultat.
Mais avant d'accepter cette statistique, on est en droit de se
demander : ces guérisons dans les sanatoria sont-elles du-
rables ?
Durée des guérisons. — Dettweiler a publié, dès 1886, un
rapport de 72 cas de guérisons complètes d'une durée de
.') à 9 ans (1). Voici cette importante statistique, que je
reproduis avec quelques détails : on a soigné dans l'espace
de dix ans à Falkenstein 1 022 cas de phtisie confirmée, bien
démontrée. Sur ces malades, i32 ont été renvoyés comme
absolument guéris, 1 10 comme relativement guéris (2). En 1886,
(1) Dettweiler. Bericht ûber 72 seit drei bis ncun Jahren vollig geheilte
Faite von Lungenscliwindsucht. Francfort, 1886.
(2) Voir plus haut pour la définition de ces ternies.
3,5 ( VRABILITÊ DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
Dettweiler écrivit à 99 des i32 malades sortis absolumenl guéris
depuis un temps variant de trois à neuf ans. Il recul 98 ré-
ponses. Nous n'allons nous occuper que de celles-là : 1 1 malades
étaient morts, la plupart de maladies autres que la tuberculose
cette mortalité, comparée à la mortalité générale, ne saurait
surprendre); 12 avaient eu une rechute suivie de guérison ;
3 étaient encore malades. Nous voyons donc que sur ces 98 cas
la guérison s'était maintenue chez 72 malades, soit une
moyenne d'environ 72,5 p. 100 de guérisons confirmées.
Wolff (de Reiboldsgrùn), autrefois à Goerbersdorf, qui n'ac-
cepte pas le mot« guérison absolue », a recherché en 1890 ce qu é-
laienl devenus les malades qui, en 1876, avaient quitté le sana-
torium de Brehmer « relativement guéris ». Sur ceux qu'il put
retrouver, 5g p. 100 survivaient en pleine santé apparente (1).
M. le docteur von Ruck, directeur du sanatorium de Winyah
à Ashville (N. C), Etals-Unis, a écrit à 6o5 malades qui ont
quitté son sanatorium depuis un à trois ans. Il a reçu 4^7 ré-
ponses, d'après lesquelles :
67 anciens pensionnaires se sentaient absolument guéris;
70 — — guéris relativement,
la maladie n'ayant fait aucun progrès ;
a58 se sentaient toujours améliorés ;
62 avaient vu leur étal empirer ou étaient morts.
Au Sanatorium de Saranac LaUe (Adirondack Cottage
Sanitarium on est en correspondance permanente avec
1 1 5 malades qu'on a renvoyés chez eux dans les dix der-
nières années Quelques-uns parmi eux mil eu des rechutes
légères, mais la majorité écrivenl qu ils se portent parfaite-
ment bien.
Bowditch de Boston rapporte de son petit Sanatorium que,
sur 34 eas traités depuis l'ouverture, 0' sont morts, -->.\ sont
vivants et se portent bien, et 4 ont eu des rechutes légères (2).
i 1 1 Wolfi et Saugmann. Ucber dauernde Heilung der Lungentuberkulose. Ber-
gmann, Wiesbadon, 1891.
(■2) Baldwik et Bowditch. Subsequenl Historiés of « Arrcsted Cases
of Phthisis. New York Med. Record, vol. LV, Nr. 19.
CHAPITRE V
La contagion de la tuberculose et les moyens d'éviter
sa propagation. Prophylaxie individuelle.
La contagion de la tuberculose se fait par trois moyens :
inhalation, ingestion et inoculation. Nous allons traiter sépa-
rément chacun de ces modes de propagation de la tubercu-
lose.
I. CONTAGION PAR INHALATION
Ce mode de contagion s'effectuant par les voies respiratoires
est aujourd'hui bien connu. Il n'y a plus le moindre doute que
la poussière bacillifère, qui se trouve clans les locaux fréquentés
par les phtisiques, est très fréquemment la cause de la dissémi-
nation des germes. Les expériences faites sur les animaux par
Villemin (i), Tappeiner (2), Koch (3), Straus (4), Sawitzky (5),
Hance (6), et beaucoup d'autres ont bien démontré le dan-
ger qui réside dans les crachats desséchés des tuberculeux.
(1) Villemin. Cause cl nature de la tuberculose. Bulletin de l'Académie de
médecine, i865, 5 décembre.
(2) Tappeiner. Uebcr eine ncue Méthode ïubcrkulose zu erzeugen. Vir-
chow's Arcliiv, 1878, t. 74. P- 3g3.
(3) Koch. Die /Etiologie der Tubcrkulose. Mittlieilungen a. d. k. Gesund-
heitsamte, t. 1, 1884.
(4) Straus: Sur la présence du bacille de la tuberculose dans les cavités
nasales de l'homme sain. Bulletin de l'Académie de médecine, 1894, p. 633.
(5) Sawitzky. Zur Fragc ùber die Dauer der infectiôsen Eigenschaflen des
gelrockneten tuberkulôsen Sputums. Thèse, Saint-Pétersbourg, 1891, et Cen-
lialbl. f. Bacteriol.. t. 11, 1892.
(6) Hance. A study of the infectiousness of the dust in the Adirondack
Cottage Sanitarium New York Med. Record, iSg5, 28 Décembre.
38 contagion de la tuberculose
Nombre i»e bacilles expectorés quotidiennement par un
PHTISIQUE ; LEUR DANGER ET LEUR VIRULENCE. — ■ D'après lleller,
il n'y a pas moins de - milliards aoo millions de bacilles de la
tuberculose expectorés quotidiennement par un phtisique (i).
Tous ceux qui ont l'ail la culture artificielle savent avec quelle
facilité le bacille se. cultive et se multiplie.
M. le professeur Grancher, en collaboration avec M. Ledoux-
Lebard, a institué de belles expériences sur la virulence do
ces crachats. D'après ces auteurs, les cultures de tuberculose
humaine, préalablement desséchées et soumises à la chaleur
sèche àjo0 pendant 2, 6 et 7 heures, conservent leur virulence.
Le professeur Straus et son collaborateur Gamaleia ont mon-
tré que les bacilles de la tuberculose, soumis non pas seulement
aune ou deux ébullitions momentanées, mais au séjour à l'auto-
clave à ii5°, 1200 ou i3o° pendant un grand nombre d'heures,
sont encore susceptibles, quoique morts, de provoquer des
abcès au point d'inoculation, et que les bacilles se retrouvent
dans le pus avec leur réaction colorante caractéristique.
Soumis à la chaleur sèchede ioo° pendant 1, 2, 3 heures, leur
virulence s'affaiblit graduellement, mais sans s'éteindre (2).
Les recherches de Germano cl de Flûgge ont tendu, en ces
derniers temps, à dépouiller les poussières d'une partie de leur
caractère infectieux et à substituer à leur danger celui qui
résulte de la projection dans l'air de globules extrêmement fins
de salive, quand le tuberculeux tousse ou qu'il parle. A la
Société tic médecine berlinoise (séance du i(j mars 1898),
M. Cornet a exposé le résultat des expériences qu'il a faites sur
ce sujet à l'Office sanitaire impérial. 11 a étendu \t\i lapis
dans une petite chambre et versé sur ce tapis des crachats
tuberculeux qu'il a abandonnés à la dessiccation pendant deux
jours. Il a ensuite placé des groupes de cobayes soit sur le
tapis, soit sur des étagères à différentes hauteurs ; enfin, il a
fait balayer le tapis avec un balai rude pour dégager la poussière
de ces crachats. Sur 48 animaux ainsi exposés à l'infection,
(1) Xote prise en i8y5, au cours du professeur Straus.
(a) Grancher et Ledoux-Leis.vrd. Action de la chaleur sur la fertilité cl la viru-
lence du bacille tuberculeux. Arch. de méd. expérim. et d'atiat. patkol., 1892.
p, 1.
COXTAGIOX PAR INHALATION 39
46 sont devenus tuberculeux. M. Cornet n'avait pas voulu
exposer une autre personne au danger inhérent à cette expé-
rience ; il n'entrait dans la chambre où lui-même frottait le tapis
que revêtu d'une blouse ajustée eten appliquant sur son visage
une plaque d'ouate percée de deux trous pour les yeux. Malgré
ces précautions, il constata la présence de bacilles tuberculeux
dans le mucus de ses fosses nasales, et ce mucus inoculé à un
cobaye rendit l'animal tuberculeux. Cette observation montre
bien qu'il n'y a pas de doute à avoir au sujet du danger que
présentent les poussières de crachats tuberculeux.
En dehors des travaux de laboratoire démontrant que l'infec-
tion tuberculeuse par inhalation est très possible, les faits
cliniques abondent qui prouvent la fréquence de la phtisie
pulmonaire acquise par la voie respiratoire.
Les observations cliniques où la tuberculose pulmonaire a
été contractée par des individus exposés à respirer l'air conta-
miné par les poussières provenant des produits de l'expecto-
ration desséchée, sont trop nombreuses et trop connues pour
que nous fassions autre chose que les mentionner.
D'autres travaux de Cornet (1), ceux de Weber (a), Krue-
ger (3), de Musgrave-Clay (4), Debove (5), Laveran (6), Kirch-
ner (7), Murrel (8), etc., ainsi que mes observations person-
nelles, montrent la fréquence de la tuberculose, par suite des
inhalations de la poussière bacillifère, parmi les sœurs de
charité, les infirmiers militaires, les prisonniers, dans les fa-
(1) Cor.net. Die Sterblichkeitsverhaltnisse in den Krankeupflegeerden.
Zeitschr. f. Hygiène, 1889, t. YI, p. 65. — Die Tuberkulose in den Strafan-
stalten. Zeitschr. f. Hygiène, 1891, t. X, p. 455.
(2) Weber. On the communicability of consumption from husband to wife.
Clin. Society's Transaet. Londres, 1874. t. VII, p. 144.
(3) Krueger. Einige Untersuchungen des Staubniederschlags der Luft in
Bezug auf tub. Bacillen. Baugmarteiis Jahresbuch, 1889, p. 277.
(4) De Musgrave-Clay. Elude sur la contagiosité de la phtisie pulmonaire.
Thèse, Paris, 1897, p. 99.
(5) Debove. Leçons sur la tuberculose parasitaire. Paris, 1884, p. 22.
(6) Laveran. Traité des maladies épldémiques des armées. Paris, 1875,
p. 3l2.
(7) Kirch.ner. Ueber die Notwendigkeit und die beste Art der Sputiundesin-
fection, etc. Centralbl. f. Bactériologie, 1891, t. IX, p. 7.
(8) Murrel. The Lancet, 1897, 10 avril, p. 1018.
io
COSTAGIO.X DE LA TrBF.lICll.OSE
nulles de phtisiques, et parmi les individus demeurant dans les
stations libres fréquentées par des phtisiques. Pour rendre les
ciachats inoffensifs et les empêcher de répandre autour d'eux
les microbes qu'ils contiennent, il suffit d'en prévenir la des-
siccation. Dans ce but, nous n'avons qu'à les recevoir dans des
vases et les traiter de façon à détruire les bacilles. De celte
manière nous procédons à la partie la plus importante de la pro-
phylaxie de la phtisie pulmonaire. Nous allons donc aborder dès
maintenant l'importante question de la prophylaxie individuelle.
Un tuberculeux, à n'importe quel degré de sa maladie, ne doit
jamais expectorer là où celte expectoration peut devenir un
danger pour son semblable. A cet effet et en règle générale, le
tuberculeux doit toujours se servir d\\n
crachoir.
Crachoir de poche de Dettweiler. —
Comme crachoir de poche un des meilleurs
est celui qu'a imaginé Dettweiler et dont je
donne le dessin : c'est un flacon en verre
bleu, de forme ovale, ouvert à ses deux extré
mités. L'une, la plus grande, servant pour
cracher, se ferme hermétiquement au moyen
d'un couvercle métallique à ressort garni
d'un tampon de caoutchouc ; elle est munie
d'une sorte d'entonnoir métallique 'analogue
au système des encriers irrenversables» plon-
geant dans le flacon, de façon à empêcher le
liquide des expectorations de venir souiller
le couvercle. L'autre, d'un diamètre plus
petit, est obturée par un couvercle de
métal, se vissant sur elle et pouvant être
enlevé; on peut ainsi vider le flacon et faire passer un fort
courant d'eau chaude au travers pour le désinfecter.
Ce crachoir est maniable d'une seule main et mesure io cen-
timètres 1/2 de longueur sur 5 centimètres dans son plus
grand diamètre.
Après chaque nettoyage, le ressort doit être huilé pour assu-
rer son bon fonctionnement.
Fig. 1. — Crachoir de
poclic de Dettweiler.
CONTAGION PAR INHALATION
4i
Crachoir de poche de Knopf. — Mais ce crachoir a quelques
désavantages. J'ai essayé de les supprimer en apportant quel-
ques modifications au principe du crachoir de Dettweiler.
D'abord, j'ai fait fabriquer le crachoir en aluminium, ce qui en
fait un vase incassable, contrairement au crachoir de verre de
Dettweiler, dont les débris mettent le malade, ou ceux qui l'ap-
prochent, en danger d'inoculation si par hasard il se brise (i).
1
LP
Fig. 2. — Crachoir de Knopf. (Aluminium.)
Au lieu d'être composé de trois pièces, le mien ne l'est que de
deux, et par conséquent plus facile à désinfecter, moins com-
pliqué, et beaucoup plus léger. Celui de Detvweiler pèse
180 grammes, le mien 60 grammes seulement. Quoique la
forme de ce dernier soit plutôt cylindrique et que son plus
grand diamètre n'ait que 4 centimètres et sa hauteur 10 centi-
mètres, il contient plus de liquide que celui de Dettweiler,
lequel est beaucoup plus volumineux d'apparence, son plus
grand diamètre mesurant 5 centimètres et sa hauteur 10 centi-
mètres 1/2.
Le protège-ressort du crachoir en verre est tranchant et
peut être la cause d'une inoculation du pouce; le ressort du
mien est assez fort pour qu'on puisse le dispenser de protec-
teur. La forme cylindrique du crachoir en aluminium est plus
commode à dissimuler dans le mouchoir que la forme ovale.
(1) Dernièrement j'ai fait fabriquer ces crachoirs en uickel. Ce métal a l'avan-
tage de se corroder moins facilement que l'aluminium.
js CO.\TAGIO.\ DE LA TUBERCULOSE
Si l'on considère la susceptibilité de la plupart dos phtisiques
au point de vue de leur maladie, il faut chercher autant qu'il
est permis, tout en leur enseignant la prophylaxie, à leur pres-
crire comme moyens ou instruments préventifs des mesures ou
des objets attirant le moins possible l'attention.
Les deux modèles sont construits de façon qu'ils s'ouvrent
facilement à l'aide d'une seule main, en appuyant le pouce
sur les ressorts. Ils se fermenl aussi très aisément en appuyant
l'index sur le couvercle. Des rondelles en caoutchouc amiantées
disposées ad hoc s'opposent efficacement à l'écoulement acci-
dentel du liquide contenu dans les petits réceptacles.
J'ai observé dans la construction démon crachoir le principe
de l'encrier irrenversable. L'application de ce principe adapté au
crachoir de poche est de l'invention de mon maître le professeur
Dettweiler, qui a eu le premier l'idée d'un objet de ce genre.
Désinfection des crachoirs. — Il est bon d'avoir toujours
un peu de liquide dans les crachoirs, et de préférence une solu-
tion antiseptique quelconque (de vinaigre de bois ou d'acide
phénique à 5 p. ioo). Pour nettoyer le crachoir 0:1 doit le plonger
avec son contenu dans de l'eau bouillante. Afin de rendre la
destruction des bacilles et la désinfection encore plus certaines,
il faut, selon la recommandation du professeur Grancher, ajouter
à cette eau un peu de carbonate de soude (1). La température
de l'ébullition atteint ainsi 102 à io3 degrés centigrades.
Quand l'expectoration est abondante et que le malade vit au
dehors, ce traitement des crachats devient un peu plus com-
pliqué. 11 convient de se rappeler encore que plus les instruc-
tions au point de vue de la prophylaxie sont simples, plus il y
a de chances de les voir suivre par les patients. On peut donc
sans crainte permettre au malade de vider simplement son
crachoir de poche dans les latrines où les microbes saprophytes
empêchent le développement des bacilles de la tuberculose.
De plus, il faut savoir que la dissémination des bacilles par
les individus se fait surtout par des tuberculeux ambulants,
c'est-à-dire des tuberculeux qui ne sont pas alités, ou même
(1) Gkaxchek. Maladies de L'appareil respiratoire, 1890, p. iH;.
CONTAGION PAR INHALATION 43
qui se trouvent en pleine activité. C'est à ces sujets qu'il im-
porte de l'aire comprendre le péril de la réinfection pour
eux-mêmes, et le danger de l'infection nouvelle pour d'autres,
provenant de leurs crachats non détruits. En ce qui concerne
les malades alités et trop faibles pour faire usage du crachoir
fixe ou d'un crachoir de poche, ils auront toujours près de leur
lit de petits linges ou chiffons mouillés dans lesquels ils pour-
ront expectorer. Ces linges devront être brûlés après usage.
Crachoirs fixes. — Pour les crachoirs communs ou lixes, il
semble que nous ne devrions plus employer les crachoirs de
porcelaine, de verre ou d'argile. En outre, il faudrait aban-
donner l'habitude de placer les crachoirs par terre. Les
raisons qui doivent faire rejeter l'emploi des crachoirs fragiles
sont les suivantes : le liquide contenu dans les crachoirs en
porcelaine, par exemple, placés au dehors en hiver, peut se
congeler, briser ainsi les vases et en conséquence causer
l'écoulement du liquide dangereux.
Or, nous savons que le froid ordinaire ne tue pas le bacille.
Galtier (i) et plus tard Cadéac et Malet (2) ont montré que la
congélation des produits tuberculeux soumis à des tempéra-
tures de — 3° à — 8° C. alternant avec des dégels successifs et
des températures diurnes de -+- 3" à -\- 8°, pendant plusieurs
semaines, ne détruit pas la virulence de ces produits.
De plus, il se pourrait que des animaux domestiques mangeas-
sent les produits tuberculeux ainsi accidentellement répandus.
Une autre raison qui devrait faire repousser les crachoirs cas-
sables, est le danger d'inoculation qui peut en résulter pour les
personnes auxquelles sont confiés le nettoyage et la désinfection
de ces vaisseaux. Mon objection à l'habitude de mettre les cra-
choirs par terre est fondée à la fois sur des raisons hygiéniques
et esthétiques. A l'exception de quelques cracheurs expérimen-
tés, surtout de nationalité américaine, j'ai vu peu de gens
atteindre le but, dans leurs efforts d'expectoration, surtout
quand l'orifice n'est pas exceptionnellement large. Ces cra-
choirs sont, en règle générale, rarement propres, et leur
(1) Galtier. Congrès pour l'étude de la tuberculose. Paris, 1888.
(2) Straus. La tuberculose et sou bacille. Paris, i8g5.
.j j CONTAGION DE LA TUBERCULOSE
pourtour offre La triste preuve de l'inexpérience du cracheur,
ce qui justifie ainsi La définition fantaisiste : Crachoir, petit
meuble autour duquel...
Le dessèchement de ces substances sur le pourtour du cra-
choir est, bien entendu, pour les raisons données ci-dessus,
absolument dangereux. Sans compter que les mouches vien-
nent s'imprégner du liquide virulent qu'elles peuvent ensuite
disséminer dans les aliments, sur les blessures, etc.
Dissémination des bacilles par lks mouches. — Les belles
expériences de Spillmann et Haushalter (i) et celles de
Hoffman (2) ont bien démontré la facilité de la dissémination
des bacilles de la tuberculose par les mouches. Ces observa-
teurs s'assurèrent que le contenu de l'abdomen de mouches
ayant séjourné autour des lits des tuberculeux et s'élant
posées sur les crachoirs de ces malades, renfermait en
quantité notable des bacilles de la tuberculose. Ils retrou-
vèrent de même le bacille de Koch dans les excréments de
mouches raclés sur les fenêtres ou sur les murs d'une salle
d'hôpital. « En somme, concluent-ils, la cavité abdominale de
mouches qui ont absorbé des crachats tuberculeux contient
des bacilles tuberculeux. Après leur mort, ces insectes se
dessèchent et tombent en poussière ; les bacilles qu'ils con-
tenaient sont mis en liberté, et, comme les mouches vont
mourir sur les plafonds, sur les tentures, sur les tapisseries,
elles peuvent aller semer partout les germes de la tubercu-
lose. Ces germes, elles peuvent les disséminer encore parleurs
excréments, dont elles vont imprégner bien des substances
alimentaires dont elles sont si friandes ».
Pour so mettre à l'abri de tous les dangers (pie peinent faire
courir ces insectes, il est donc' nécessaire de n'employer aucun
réceptacle destiné à recevoir des substances tuberculeuses
(crachats ou autres sécrétions) sans couvercle.
J'ai essayé, il y a trois ans, clans la première description
(1) Spillmann cl Haushalter. Comptes rendus de l'Académie des Sciences,
1886, t. CV, p. 35î.
(2) E. Hoffmann, liber die Verbreitung der Tuberkulose durch misère Stu-
benfliegen. Baumgartens'Jahresbuch, 1888, p. 191.
COXT AGIOS PAR IXIIALATIOX
45
d'an sanatorium idéal (i), de décrire un crachoir élevé et fixe,
qui remplit peut-être toutes les conditions nécessaires pour
empêcher la congélation en hiver et l'impossibilité pour les
animaux domestiques ou les insectes de venir en contact avec
son contenu.
Ce crachoir, mis dans une niche de mur ou enfermé dans une
boite de profondeur suffisante, est situé à mi-hauteur du corps,
afin que le tousseur n'ait qu'à se pencher un peu pour diriger
sûrement le produit de son expectoration
dans le vase destiné à le recevoir.
Crachoir de Proedohl. — Je reproduirai
la description de ce crachoir idéal pour
sanatorium dans les pages suivantes. Pour
le moment, je tiens à décrire un crachoir
que M. Proedohl (2) a construit d'après le
principe que je viens de rappeler. Ce cra-
choir est surtout à recommander pour les
hôpitaux, fabriques, usines, etc. Ilesten mé-
tal émaillé, étala forme d'une hotte ; il peut
se fixer facilement au mur au moyen d'un clou
à crochet. Le couvercle dépasse les parois
de la hotte, de façon à pouvoir être facilement et rapidement
soulevé par le tousseur. Aucune partie n'est saillante, tous les
angles sont arrondis, ce qui rend le nettoyage très facile.
Le mouchoir, l'a barbe et les linges des tuberculeux. —
Un autre mode par lequel les bacilles de la tuberculose sont
réinspirés par les malades mêmes, ou disséminés, mettant en
danger d'autres existences, est l'emploi du mouchoir. J'ai vu
souvent des gens tuberculeux tousser et cracher dans leur
mouchoir. Quelques heures après, quand le crachat était
desséché, le même individu dépliait son mouchoir, en imitant
les mouvements rapides des blanchisseuses pour faire dispa-
raître les plis du linge. Il n'est guère possible d'imaginer une
Fig. 3.
Crachoir de Proedohl.
(1) Knopf. Les Sanatoria ; Traitement et prophylaxie de la phtisie pulmo-
naire. Thèse, Paris, 1893. Carré, éditeur.
(2) Proedohl. Der Spucknapf. Mûnchener med. Wochenschr., i8g5, 22 oct.,
p. i3;.
.'■
CONTAGION DE LA TUBERCULOSE
meilleure méthode pour la dissémination du crachai bacillifère.
Le mouchoir comme réceptacle des (rachats tuberculeux de-
vrait être condamné une Ibis pour toutes, et tous les tuber-
culeux devraient se munir d'un crachoir de poche et se servir
de mouchoirs pour tout autre usage. Je recommande a mes
malades tuberculeux de porter toujours deux mouchoirs, l'un
pour se moucher, l'autre pour dissimuler, s'ils veulent, le
crachoir de poche, pour se nettoyer les lèvres après l'expecto-
ration, et enfin pour tenir devant la bouche, pendant les accès
de toux, car souvent, pendant une quinte, de petites par-
celles de crachats se trouvent expulsées. Afin d'éviter l'accu-
mulation des bacilles dans la moustache ou dans la barbe, il est
bon (pie les tuberculeux hommes portent la barbe courte.
De celte manière on fait tout ce qu'il est possible pour éviter
la tuberculose par suite d'inhalations de poussière bacilli-
fère, cl l'on se protège en même temps contre une infection
de la muqueuse nasale.
Là oii se trouvent beaucoup de phtisiques, comme par
exemple dans les hôpitaux spéciaux, il nous semble lion de
suivre le conseil de B. Fraenkel, de Berlin, qui l'ait porter à ses
malades tuberculeux de l'hôpital de la Charité un masque de son
invention, dont nous don-
nons le dessin (fig. 3 bis .
Les malades s'habituent
rapidement à l'usage de ce
masque. La gaze, retenue
par le masque, qui a pour
but d'arrêter les goutte-
lettes bacillifères que le
tuberculeux lance quand
il tousse, élernue ou parle,
est imprégnée par une
substance antiseptiq ue
quelconque. Le malade.
croyant ainsi porterie masque dans un but thérapeutique,
ne fait aucune objection à son emploi. Afin de protéger l'en-
tourage contre l'infection qui pourrait provenir de cette
source, il est nécessaire de recommander aux phtisiques,
sinon de porter un masque, tout au moins de mettre iwx
Fig. 3 bis. — Masque de Fraenkel.
'7. Cadre métallique. — b. Soutien. — c, Selle. —
il. Bande élastique. — e, Amicaux pour attachement .
CONTAGION PAR INHALATION _j7
mouchoir devant leur bouche quand ils toussent; ensuite, on
évitera de s'approcher inutilement à moins de un mètre de dis-
tance du phtisique pendant qu'il tousse et tant qu'il n'aura pas
mis son mouchoir devant sa bouche ; enfin, on exigera que, dans
les ateliers et les bureaux, les têtes des ouvriers et des employés
soient éloignées de plus de un mètre les unes des autres.
Chaque ibis que le malade rentre chez lui, il doit mettre ses
mouchoirs souillés dans un vase contenant de l'eau, jusqu'au
moment où le linge est rassemblé pour le blanchissage. Non
seulement les mouchoirs du tuberculeux, mais encore ses
autres linges demandent un traitement spécial. Ils ne devraient
jamais être gardés à l'état sec, attendu que le linge d'un
tuberculeux peut se trouver en contact avec des crachats
surtout pendant la nuit, et la sueur elle-même peut contenir
des bacilles (i). Combien, en général, on a peu de souci à cet
égard ! Je m'en suis rendu compte au cours d'une visite que
j'ai laite à un asile américain pour phtisiques. Je parlerai plus
tard du véritable danger que présentent ces asiles sans mé-
decin [Homes foi' consumptives) .Ici, je veux simplement décrire
ce que j'ai vu. Au cinquième étage, on m'a montré « la chute »,
une espèce de cheminée ou glissoire communiquant avec tous
les étages, et dans laquelle on jette tous les linges. Ces linges
s'accumulent au fond de « la chute » jusqu'au jour du blan-
chissage, que l'on l'ait une fois par semaine. Il ne faut pas
beaucoup d'imagination pour comprendre avec quelle facilité
les microorganismes séjournant dans ces linges, mouchoirs
inclus, se disséminent dans cette « maison de santé ». A
chaque étage se trouve une porte communiquant avec la chute,
et un courant d'air assez fort déterminé parla disposition même
de celte « oubliette » ainsi que par le passage des paquets qu'on
y précipite, soulève un nuage de poussière chaque fois qu'une
des portes s'ouvre pour recevoir une pièce de linge.
Propagation de la tuberculose par les vers de terre.
— Enfin, d'après MM. Lortet et Despeignes (2), il faut encore
(1) A. Saltek. The Lancet, 1898, i5 janvier, p. i52.
(2) Lortet et Despeignes. Les vers de terre et le bacille de la tuberculose.
Comptes vendus de l'Académie des Sciences, 1892, 25 janvier et /(juillet.
[8 CONTAGIOX DE LA TUBERCULOSE
citer comme mode probable de dissémination de la tubercu-
lose les bacilles amenés à la surface du sol par les vers de
terre. L'incinération de toutes les viandes saisies comme tuber-
culeuses el la vulgarisation de la crémation des cadavres
feraient probablement disparaître ce danger de propagation.
II. — CONTAGION PAR INGESTION.
Fréquence de la tuberculose par ingestion. — Après la
tuberculose acquise par inhalation de la poussière bacillifère,
vient la tuberculose acquise par ingestion de substances tuber-
culeuses. Les premières expériences démontrant que l'infection
tuberculeuse peut s'effectuer par la voie digestive furenl laites
par Chauveau. Depuis, de nombreux expérimentateurs, et des
cliniciens tel que Bollinger i), Toussaint V, Baumgarten (3),
Nocard(4 . Biedert (5), d'autres encore, ont confirmé au labo-
ratoire ou par la clinique les conclusions de Chauveau, qui
montrent à la fois la facilité et la fréquence avec lesquelles se
l'ail l'infection tuberculeuse par la voie digestive.
Mes recherches au point de vue de l'étiologie de la tubercu-
lose pulmonaire dans ces dernières années m'ont convaincu
que chez l'homme, la tuberculose par ingestion est à peu près
aussi fréquente que la tuberculose par inhalation. J'ai étudié
l'histoire de nombreux cas île phtisie parmi des fermiers, jar-
diniers, abatteurs de bois, et d'autres individus qui mènent
une vie à l'air libre, et pour lesquels la contagion par inhalation
était presque impossible, car ils n'avaient jamais été en contact
avec des phtisiques. Quoiqu'il soit vrai que la tuberculose ini-
(ii Bollinger. Lober kùnstliche Tuberkulose, erzeugl durch don Genuss der
Milch tuberkuloser Kuhe. Deutsche Zeitschrifï /'. Thiermed., t. VI. 1879,
||. io3.
(2) Toussaint. Contribution à l'étude de la transmission de la tuberculose.
Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 18S0, 1. XC, p. ~r>\.
(3) Baumgakten. Ueber die Uebei'tragbarkeit der Tuberkulose durch die
.Nalirung, etc. Centralbl. /'. klin. Med,, 1S8J. p. jî.
li) Nocard Des dangers auxquels expose l'usage de la viande el du lait des
animaux tuberculeux. Congrès pour l'étude de la tuberculose. Paris, 1888,
I1- i'.i-
l">> Biedekt. Die Tuberkulose des Darms und des lymphatischen Apparales.
Jahrbuch d Kinderheilkunde, 1884, 1. XXI. p. 1 58.
CONTAGION PAR INGESTION 4g
tiale des intestins soit rare chez l'adulte, et beaucoup plus
fréquente chez l'enfant où l'épithélium intestinal est plus
délicat, cela peut s'expliquer par deux raisons: un adulte prend
rarement du lait pour repas exclusif comme le fait l'enfant.
Chez ce dernier le milieu le plus favorable pour l'arrêt et la
culture des bacilles est l'intestin et le mésentère (phtisie mésen-
térique ou carreau). Quant à l'adulte, même s'il prend du lait
ou d'autres substances tuberculeuses en assez grande quantité,
son épithélium semble plus réfractaire aux bacilles, et dans la
majorité des cas ces microorganismes passent par le système
lymphatique dans la circulation pour ensuite se fixer en un
point plus favorable à leur développement, point qui est le plus
souvent le sommet du poumon. On sait, d'après les expériences
de Falk (i), Wesener (2), Straus et\Vurtz(3) et d'autres auteurs,
que le pouvoir bactéricide du suc gastrique est presque nul.
Si l'on considère que le lait, le beurre et la viande provenant de
la race bovine constituent les aliments le plus universellement
employés, et si l'on veut considérer d'un autre côté que les lois
contre la propagation de la tuberculose par la race bovine sont
presque toutes récentes et encore peu strictement appliquées,
on devra admettre qu'un grand nombre de cas de phtisie pulmo-
naire ont pour origine l'ingestion de substances tuberculeuses.
Le fait même de la diminution de la mortalité par la tuber-
culose pulmonaire dans les pays où la prophylaxie de la tuber-
culose dans la race bovine est le plus rigoureusement exécutée
est la meilleure confirmation de ce que nous venons d'avancer
au sujet de la fréquence de la tuberculose par ingestion
comme facteur étiologique de la phtisie pulmonaire. J'ai fait à
ce point de vue une enquête (4) sur les lois et règlements
(1) Falk. Ueber das Yerhalten von Infeclionssloffen im Verdauungskanalc .
Virchow's Archiv, i883, t. XCIII, p. 144.
(2) Wesener. Beilriige zur Lchre von der Fûtterungs tubcrkulose. Fribourg-e:i-
Brisgau, i885, p. 55-6o.
(3) Straus et Wurtz. De l'action du suc gastrique sur le bacille de la tuber-
culose. Congrès pour ï étude de la Tuberculose. Vans, 1888, p. 33o. — De l'ac-
tion du suc gastrique sur quelques microbes pathogènes. Arch. de méd. expé-
rim. et d'anat. palhol., 1889, p. 3;o.
(4) S. A. Knopf. The présent status of préventive means against the spread of
tuberculosis in the various states of the Union, etc. Journal of the American
M éd. Association, 1897, 3o octobre.
Knopf. Sanatoria. :
5o CONTAGION DE LA TUBERCULOSE
dans les diverses régions des Etats-Unis. Certains Etais de
l'Union n'ont pas encore adopté les moindres précautions contre
la propagation de la phtisie pulmonaire par les irai liais îles
tuberculeux, mais ils ont édicté des lois rigoureuses relative-
ment à la tuberculose dans la race bovine. Lue réduction notable
des cas de phtisie pulmonaire chez l'homme est le résultat de cette
lutte contre la pommelière, cette phtisie de l'espèce bovine.
Le danger lies laits non stérilisés. — ■ Là où Ton ne peut
s assurer que le lait n'est pas tuberculeux, il faut conseiller,
soit l'achat des laits stérilisés du commerce, soit la stérilisation
à domicile, au moyen d'un appareil spécial (i). A défaut d'un
appareil stérilisateur, on peut se contenter de chauffer le lait
à 70° pendant dix minutes. Par ce procédé le lait n'acquiert
point le goût particulier du lait ayant longtemps bouilli, et la
plupart des bacilles et autres inicroorganism.es dangereux
sont tués. La viande suspecte ne devrait pas être mangée sai-
gnante ; pour se garantir contre tout danger, il suffit que
l'intérieur du morceau cuit ait une couleur gris rose. Le dan-
ger, en mangeant du beurre et du fromage de provenance
inconnue, est moins grand; car si ces aliments renferment
des bacilles de la tuberculose, ils ne les contiennent qu'en très
petit nombre. El il faut, surtout pour l'adulte, l'ingestion d'une
grande quantité d'éléments virulents pour contaminer la voie
digeslive.
Infection intestinale par des crachats avalés . — En
dehors de celle source de la tuberculose par contagion à la suite
de l'ingestion des substances alimentaires viande, lait, etc.,
provenant d'animaux tuberculeux , sur laquelle nous revien-
drons en parlant de la prophylaxie publique ou officielle, il
existe d'autres sources d'infection et île réinfection par inges-
tion de bacilles tuberculeux. Pour les exiler, la prophylaxie
individuelle seule peut agir avec succès. 11 faut que lout tuber-
(11 Beaulavon. La phtisie; hygiène; cuit; guérison. Paris, 1897, p. ii-i.
Emile Mauchamp. L'allaitement artificiel des nourrissons par le lail stérilisé :
conditions : pratique; résultats; indications. Paris, itfyS (Georges Carré et
il Xaud, éditeurs).
l'.-A. Mlsn.uih. I.a Presse médicale, iSyg, 12 avril, p. 1 7 J.
COSTAGIOX PAR INGESTION 5l
culeux sache que non seulement son expectoration, mais encore
sa salive et toutes les autres sécrétions, peuvent être bacilli-
fères. Un malade ne doit jamais avaler son crachat, car il s'ex-
pose ainsi à une infection du canal alimentaire. Mosler (i) a
signalé le fait intéressant que les phtisiques aliénés, qui avalent
presque constamment leurs crachats, présentent relativement
aux phtisiques ordinaires une proportion notablement plus
grande de tuberculose intestinale, laquelle produit chez eux
des lésions exceptionnellement étendues.
La salive bacillifère. — Dans beaucoup de pays où l'on a
encore l'habitude du baiser sur les lèvres, la transmission de
la tuberculose peut se faire ainsi. L'a coutume en vogue en
France, où l'on s'embrasse sur le front ou sur les joues, est plus
hygiénique et devrait être suivie, par tous les tuberculeux du
monde. Néanmoins, je suis de l'avis de mon excellent confrère
et ami le D'' Beaulavon, lorsqu'il dit (a) : « Malgré tout, comme,
on ne saurait prendre trop de précautions, il vaut mieux
ne pas laisser embrasser les enfants par des personnes qu'on
ne connaît pas bien. » Il faut, bien entendu, éviter de porter
à la bouche des objets qui ont touché à celle d'un phti-
sique, tels que porte-plumes, cuillers, verres, ou autres usten-
siles. Les observations où la muqueuse buccale a servi de
porte d'entrée aux bacilles sont très nombreuses. Les adé-
nites sous-maxillaires de nature tuberculeuse sont assez
communes chez les. enfants. Mais, de véritables phtisies ont
éclaté à la suite de l'infection de la muqueuse buccale. Je veux
rappeler ici le cas intéressant du Dr L.-H. Petit, cité dans la
Revue de la tuberculose pour l'année 1894, d'une infection buc-
cale par l'intermédiaire d'un porte-plume (3). Des substances
alimentaires touchées par la bouche d'un tuberculeux ne de-
vraient plus servir (4), et il est dangereux de manger ou de
(1) Mosler. Ucber die Infection der Darmschleimhaut nach Verschlucken
luberkulûser Sputa. Deutsche med. Wochènschr., 188 3 , n0iç).
(a) Beaulavon. La phtisie; hygiène : cure ; guérison. Paris, 1897.
(3) L.-H. Petit. Revue de la tuberculose, 1894, p- a36.
(4) Demme. Tuberkulôse Infection rnehrerer Siiuglinge seitens einerTuberku-
jiisen Warlefrau. i~ er Bericht itber die Th'itigkeit des Jenner schen Kinder-
spitals in Bern ini Jahr 1889, p. 61.
52 COXTAGIOX DE LA TIBICIICLI.OSE
faire manger le résidu laissé dans l'assiette par un phtisique.
Il faut détruire ces restes alimentaires, et laver à l'eau bouil-
lante les assiettes, fourchettes, couteaux, verres, etc., qui onl
servi à ces malades. 11 n'y a pas de doute que les ouvriers tuber-
culeux qui font les cigares à la main ne puissent introduire des
bacilles de la tuberculose clans ces cigares. C'est surtout l'ha-
bitude de coller la dernière touille avec la salive qui rend
cette pratique dangereuse. Ainsi le D'' J.-C. Spencer, ^\n Bureau
de santé de la ville de San Francisco, a pu déceler des bacilles
deKoch dans des cigares à lui soumis pour l'examen bactério-
logique. L.-H. Petit a trouvé, en outre, dans des « mégots (i) »
provenant de tuberculeux, et dans des cigarettes laites à la
main et à l'aide de la salive, des bacilles de Koch. L'idée que
la nicotine rend la présence de ces microorganismes inoffen-
sive est malheureusement Causse. Lors même que le tabac a
eu le temps de tuer les bacilles, leurs cadavres restent dan-
gereux.
Tous les doutes possibles à ce sujet ont été écartés par les
expériences répétées de MM. Straus et Gamaleia, qui sont
arrivés aux conclusions suivantes : « Les cadavres des bacilles
tuberculeux n'ont pas seulement la propriété de se conserver
pendant longtemps dans le corps des animaux. Ils présentent
une autre particularité : c'est de garder, quoique morts, une
grande partie des propriétés pathogènes caractéristiques du
bacille vivant (2) ».
MM. ( ! ranche r et Lcdoux-Lebard, qui ont fait des expériences
analogues, désignent sous le nom de « nécro-tuberculose » les
réactions cellulaires des tissus vivants contre le bacille tuber-
culeux mort qui agit surtout par ses qualités proléiques, comme
un corps étranger spécial (3).
Pour se mettre à l'abri de tout danger, M. L.-IL Petit pro-
(1) Mégots : petits bouts de cigares ou de cigarettes ramassés par les men-
diants, puis vendus comme tabac neuf pour les cigarettes.
(ii) Straus et Gamaleia. Contribution à l'étude du poison tuberculeux. Arck.
de méd. expérim. et d'anat. pathol., 1891.
(3) Grancher cl Ledoux-Lebard. Tuberculose aviaire et humaine. Arcli. de
méd. expérim. et d'anat. pathol.
Prudden et Hodenpyl. .Studies on llie action of dead bacteria in tbe living
body. New York Med. Journal, 189'i, 6 et 20 juin.
CONTAGION PAR INGESTION 53
pose de ne fumer de cigares ou de cigarettes qu'avec un
bout en bois ou en ambre ou toute autre substance ana-
logue. Et encore ne serait-il pas superflu de placer dans le
fond de ces porte-cigares ou cigarettes un petit tampon d'ouate,
pour intercepter plus sûrement l'arrivée des microbes dans la
bouche.
N'étant pas fumeur moi-même, je ne saurais apprécier si
l'interposition d'un tampon d'ouate — moyen qui me semble
exagéré — ne diminue pas le plaisir du fumeur. En tout cas, il
me semble que faire tirer la fumée à travers un tampon d'ouate
demande des efforts d'aspiration trop grands et trop souvent
répétés pour ne pas devenir nuisibles à un fumeur invétéré.
La tuberculose parmi les petits animaux homestiques. —
L'infection par la salive tuberculeuse peut également s'effec-
tuer quoique celle-ci ne provienne pas d'un être humain. Je
parle de la tuberculose du perroquet et d'autres petits animaux
domestiques. Bien que la tuberculose se manifeste chez le per-
roquet surtout par une lésion tuberculeuse de la peau, chez
d'autres animaux domestiques, tels que le chien ou le chat, par
exemple, la tuberculose pulmonaire se rencontre encore assez
souvent. Il faut donc éviter de caresser ces animaux de trop
près, et surtout de les embrasser. Cette interdiction s'applique
principalement aux tuberculeux.
Les dangers de contagion par les excréta des tuberculeux
semblent être moins grands. Néanmoins, la désinfection des
selles et des urines d'un malade atteint de tuberculose intes-
tinale est fortement indiquée. Il n'est pas sans danger non plus
d'enterrer superficiellement des excréments, des crachats ou
d'autres substances tuberculeuses. Que la propagation de la
tuberculose par les vers de terre soit possible, voilà un fait
bien démontré par MM. Lortet et Despeignes (1) dans leurs
expériences. Les lombrics rejettent les bacilles qu'ils amènent
à la surface du sol ; les animaux, en paissant, peuvent manger
les herbes sur lesquelles les vers ont disséminé les substances
tuberculeuses.
(1) Lortet et Despeignes. Les vers de terre et les bacilles de la tuberculose.
Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1892, i5 janvier et 4 juillet.
-, j COXTAGIOlt DE LA TUBERCULOSE
Infection par l'ancienne méthode de la respiration artifi-
cielle.— Un mode d'infection par La salive assez rare, niais trop
importanl pour ne pas être cité, est celui qui peut s'effectuer par
un médecin ou une sage-femme tuberculeux, dans les efforts faits
pour ramener à la vie un enfant né en état d'asphyxie. Malheu-
reusement il y a plusieurs cas de cette infection dans la litlé-
ralure. Le plus important est celui qu'a observé Reich i : une
sage-femme du village de Neuenberg (Allemagne] devint phti-
sique en i <Sj4- Elit' mourut en juillet iS-(i. Elle avait l'habitude
de mettre sa bouche sur celle du nouveau-né, pour aspirer les
mucosités qui gênaient la respiration. Dix enfants soignés par
cette sage-femme, du mois d'avril i8y5 au mois de niai 1876,
moururent de tuberculose. Aucun de ces entants n'avait de
parents tuberculeux. L'emploi du tube recommandé par
Tarnier et Lusk, ou de l'insufflateur de Ribemont-Dessaignes,
ou encore la traction rythmique selon la méthode de Laborde,
sont des moyens à préférer à la succion de bouche à bouche.
III. — CONTAI! ION PAR INOCULATION
Ai To-iNocuLATioN. — Les cas les plus fréquents decontagion
par suite d'une inoculation des matières tuberculeuses sont
des auto-inoculations. Un malade phtisique se blesse au doigt,
il porte l'organe blessé à sa bouche, et, par l'intermédiaire de
la salive bacillifère, il en résulte une inoculation sous forme de
tuberculose locale ou cutanée (2). Si donc un tuberculeux se
fait une blessure, il devra appliquer un pansement antisep-
tique sur la plaie, et au cas où cela serait impossible immédia-
tement, celle-ci devra être lavée à l'eau ordinaire, mais le
contact de la partie blessée avec la salive sera rigoureusement
évité.
Inoculation par crachoirs cassés, etc. — Les domestiques
ou infirmiers auxquels on confie le nettoyage des crachoirs
(1) Reich. Berliner med . Wochenschr . , 1878, n° 37.
(a) Cutancous tuberculosis by auto-infection. New York Lancet, 1898, avril.
p. i36.
C0STAG10X PAR IXOCULATIOX 55
s'infectent souvent par inoculation. La moindre écorchure à la
main peut servir de porte d'entrée aux substances tubercu-
leuses et entraîner les conséquences les plus désastreuses. Jai
toujours insisté pour que les infirmiers qui font ce travail se
munissent de gants de caoutchouc.
Une source analogue d'infection locale à laquelle les mé-
decins et les infirmiers sont exposés, est le traitement ou pan-
sement des plaies tuberculeuses. J'ai pu observer moi-même
cette infection dans le service d'un collègue. In infirmier
s'fnocula le doigt par suite de pansements répétés d'une tuber-
culose osseuse avancée. La plus grande prudence delà part do
médecin et des infirmiers est donc nécessaire pour éviter ces
accidents. L'antisepsie chirurgicale actuelle nous protège dans
une large mesure contre le péril d'une infection par des ins-
truments ayant servi à opérer des sujets tuberculeux.
Piqûres anatomiques. — Le danger des piqûres anatomiques,
souvent de nature tuberculeuse, est connu depuis Laënnec ; je
n'ai donc pas besoin d'insister sur les soins à prendre pendant
la dissection ou à l'autopsie. Il est bon, en faisant l'autopsie
d'un phtisique, de mettre des gants de caoutchouc.
Transmission de la tuberculose d'enfant a nourrice. —
Nous parlerons plus tard des relations entre les mères ou nour-
rices tuberculeuses et leurs enfants. Mais ici, au chapitre de la
contagion par inoculation, il faut mentionner ce l'ait, à savoir
qu'un enfant tuberculeux peut infecter une nourrice saine. Le
cas du D1' Weber (de Londres) (i) montre bien que cette ino-
culation peut s'effectuer assez facilement. Il est donc du devoir
du médecin d'examiner très soigneusement un enfant de
souche tuberculeuse avant de le confier à une nourrice, et de
s'assurer qu'il n'y a pas le moindre danger pour elle à allaiter
cet enfant.
Dangers de la circoncision selon les rites Israélites ortho-
doxes. — Un autre mode d'infection tuberculeuse par l'inocu-
lation de salive bacillifère est malheureusement trop fréquent
(i) Weber et Hermann. Croonian Lectures. Londres, i885.
56 CONTAGION DE LA TUBERCULOSE
encore dans nombre ilo pays. Je veux parler de l'infection
tuberculeuse par suite de la circoncision rituelle chez les
Israélites. Chez nous, en Amérique, cette inoculation n'est |>as
rare. Tout récemment, le l)r Ware (i présentait à la Metropo-
litan Médical Society ofNew York un enfant rendu phtisique
à la suite de la succion préputiale par un rabbin phtisique. Le
Dr \Yill Meyer (de New-York (2 rapportait un cas analogue,
il v a quelques années, et le Dr A. Jacobi, professeur des mala-
dies des enfants à l'Université de Golumbia, à New- York, m'as-
surait qu'il avait vu à peu prés une douzaine de cas d'infection
tuberculeuse due à l'application de ce rite, par des rabbins
tuberculeux. D'autres médecins américains m'ont parlé d'expé-
riences pareilles, mais ils n'ont à ce sujet pris aucune note,
précise. Le Dr Hadges Bey d'Alexandrie d'Egypte a commu-
niqué à la Semaine médicale du 3o septembre 1896 le cas d'un
enfant victime d'une inoculation tuberculeuse ayant pour ori-
gine cette succion, que la tradition maintient dans tout l'Orient.
Les parents étaient très bien portants et n'avaient point d'anté-
cédents tuberculeux. A l'âge de douze mois, l'enfant présentait
un gonflement des deux testicules, auquel on ne prêta pas
d'abord grande attention. Du consulta plus tard un médecin
qui lit suivre pendant cinq mois un traitement antisyphilitique
sans succès. Rien du cote des poumons, du système lympha-
tique, etc. Les testicules étaient douloureux, avaient doublé de
volume, et l'on sentait des noyaux durs, roulant sous la pres-
sion du doigt. Au testicule gauche, un noyau plus volumineux
était fluctuant. Le D1' Hadges lit une ponction exploratrice avec
une seringue de Pravaz et constata dans la plaie de nombreux
bacilles de Koeh. Une empiète prouva que le rabbin qui avait
circoncis l'enfant avec succion de la plaie était phtisique à un
degré avancé.
La littérature à ce sujet est abondante dans tous les pays
ou les Israélites pratiquent encore ce rite 3 .
1 1 1 Y\ are. A case ol inoculation aller circumeision. New York Mai. Journal.
1898. 26 février.
im Meyer. New York .'/<■./. Presse, 1887. juin.
I i| t'.-C. Remondino. History of Circumeision from earlicst lime to I lie
présent, 1891. — Hofmokl. Ein Fall von Tuberkul. Geschwûr nach der Cir-
CO.XTAGIO.X PAR LXOCCLATIO.X 5;
Nous ne parlons pas ici des nombreux cas d'inoculation
syphilitique et mémo diphtéritique, des gangrènes (i) et des
hémorragies secondaires qui ont suivi l'opération de la circon-
cision faite par des rabbins malades, maladroits ou ignorants
des premiers principes de la chirurgie.
En France, le Consistoire israélite de Paris a prohibé depuis
plusieurs années la succion de la plaie préputiale après la cir-
concision, en vue d'empêcher l'inoculation syphilitique ou tuber-
culeuse de cette plaie. En Hollande et en Allemagne, sur les
conseils de von Pettenkofer, les rabbins pratiquent depuis 1888
la succion indirecte sur la plaie du circoncis à l'aide d'un
tube de verre portant un renflement rempli d'ouate. De la
sorte, même en cas de lésions syphilitiques ou tuberculeuses à
la bouche de l'opérateur, tout danger de contagion directe est
évité.
Que faut-il faire dans les pays ou les rabbins ne consentent
pas à apporter une modification si importante et hygiénique au
rite de la circoncision ? En Amérique, où il n'existe pas de con-
sistoire ou d'autorité ecclésiastique capable d'imposer un tel
règlement, j'ai proposé qu'il ne soit permis à aucun rabbin de
faire l'acte de la circoncision s'il ne présente pas un certificat
de bonne santé signé par un médecin désigné par le Conseil de
santé. Ce certificat devra attester que le porteur n'a ni tubercu-
lose, ni syphilis, ni diphtérie. Le rabbin sera soumis à un
examen médical un jour avant l'opération, et les parents, ou
mieux encore les autorités, exigeront la remise de ce certificat
avant qu'il soit procédé à là circoncision. Si les parents insistent
pour que cette opération soit faite selon l'ancien rite et les tra-
ditions orientales, sans les modifications instituées en France
et en Allemagne, les précautions devront être doublées. L'exa-
men d'un rabbin non seulement au point de vue de sa santé,
mais aussi de son aptitude comme « circonciseur », c'est-à-dire
cumcision. Wiener Med. Presse, 1886, n° 11. — Elsenberg. Inokulation der
Tuberkulose bei einem Kinde. Berliner klin. Wochenschr., 1886, n° 35. —
Loewenstein. Die Bescbneidung im Licbte der heutigen med. Wissenschaft.
Archiv f. klin. Chir., t. LIV, 1897.
(1) A. Brothers. Gangrené of the pénis after rilual circumcision. New York
Med. Record, 1897, 3o janvier.
58 CONTAGION DE l.A TUBERCULOSE
de sa capacité chirurgicale pour faire correctement ladite opé-
ration, et au point de vue de sa connaissance des méthodes
antiseptiques, devrait devenir une condition sine (jua non.
Infection tuberculeuse par voie génitale. — Que l'in-
fection tuberculeuse puisse s'effectuer par voie génitale, cela
n'est plus à discuter. Le fait est démontré par le labora-
toire i et par la clinique. Presque tous les phtisio-théra-
peutes rencontrent de temps en temps des cas où ce mode
d'inoculation est évident. La littérature médicale montre aussi
la fréquence relative de ces faits. Je citerai seulement les
travaux, les plus réc< nls à ce sujet. île Reclus 2 . de Schu-
chardt 3 . de Carrera \ et de Petit 5). Les conseils du méde-
cin d'une famille où l'un îles deux conjoints est tuberculeux
peuvent rendre les plus grands services au point de vue de la
prophylaxie. Dans les cas spéciaux où la police sanitaire a le
droit d'intervenir, la tuberculose devra être mise au même
rang que la syphilis et les autres maladies vénériennes.
Ikfectios rvi! les dekts malades. — L'inoculation ou 1 auto-
inoculation peut se faire également par les dents malades, et
les tuberculeux devraient soigner leurs dents non seulement
en vue de la mastication nécessaire à une bonne digestion, mais
aussi en raison du danger de l'inoculation tuberculeuse par une
carie dentaire.
Infection pah la vaccination. — 11 me reste encore à parler
de L'inoculation tuberculeuse possible par suite de La vaccina-
tion. Quoique rare et même disculée par beaucoup d'auteurs, il
in Cobkil et DobROKLAssKi. Sur la tuberculose des muqueuses considérées
comme portes d'eiilrée du virus tuberculeux. Congrès pour l élude de la tuber-
culose. Paris. 1888, p. ï5g.
(a)P. Ru us. Cliniques chirurgicales de 1 Hôtel-Dieu. Paris, 1888. p. 314- >-C-
• K. Si buchakdt. Die Uebertragung derTuberkulose auf déni YYege des ge-
schlechllichen Verkchrs. Arch. f. klin. Med., Berlin, iScju, t. XLIY.
1 ii Carrera y Mibo. Conlagio tuberculoso por la via génital, Gac. med.
calai. Barceloue, 1888. t. XI. p. J85.
L.-II. Petit. Tuberculose et rapports ai oie. Revue de la tuberculose,
t. II. p. 234.
CONTAGION PAR INOCULATION 59
me semble bon de suivre la pratique conseillée par Brouardel
et qui est en vogue à l'Institut vaccinogène de Bruxelles, dirigé
par M. Degive. Là on a soin, immédiatement après la récolle du
vaccin, de sacrifier la génisse et d'en pratiquer l'autopsie à
l'Institut même pour s'assurer que l'animal n'était pas tuber-
culeux, auquel cas le vaccin recueilli serait détruit.
En ce qui concerne la vaccination et la revaccination chez les
tuberculeux en pleine évolution de leur maladie, il me parait
indiqué de suivre le conseil de Verneuil, de Hervieux et de notre
distingué collègue Daremberg. Ces auteurs sont arrivés à cette
conclusion, dans le cas de tuberculose en état d'activité, qu'il y a
lieu de suspendre temporairement la revaccination. Hervieux dit
à ce propos : « La vaccination et la revaccination sont assez fré-
quemment suivies d'adénite axillaire ; or, si le sujet était en ce
moment en état de tuberculose active, celle-ci, trouvant clans
les ganglions enflammés un lieu de moindre résistance, s'y
installerait probablement et ainsi seraient créés de nouveaux
foyers tuberculeux ».
Ixfection par tatouage. — Que le tatouage de la peau
puisse devenir un sport dangereux et qu'on doive se méfier
des « tatoueurs », c'est ce que démontre le cas de MM. Gol-
lings et Murray, rapporté dans le British Médical Journal, et
cité dans la Revue de la tuberculose, t. III, p. 182. Trois
sujets âgés de dix, treize et quinze ans, ont été inoculés par
la même personne, morte peu de temps après de tuberculose
pulmonaire: l'opérateur avait employé sa salive comme véhi-
cule des matières colorantes; dans ce cas, l'origine de la tuber-
culose inoculée est donc incontestable. Le tatouage a été bien
vite suivi de la formation de lésions locales qu'un spécialiste
n'a pas hésité à rapporter à la tuberculose.
CHAPITRE VI
Les lois sanitaires et la lutte contre la tuberculose
dans les divers pays.
Dans les chapitres précédents nous avons parlé de la prophy-
laxie individuelle. Avant d'aborder la discussion de la prophy-
laxie publique de la phtisie pulmonaire et d'exposer les
réflexions qu'elle nous a suggérées, nous allons passer en
revue les lois sanitaires et les efforts ayant pour but île com-
battre la propagation de la tuberculose clans les pays où il nous
a été possible de recueillir des renseignements.
Allemagne. — Il existe en Allemagne, depuis le 20 mai 189a,
une circulaire du ministre adressée à tous les préfets et ainsi
conçue :
« Sc-liuizinassregeln gegen dit- Yerbreitung Jer Tuberculose. » —
Mesures protectrices contre lu propagation de la tuberculose.
Cette lettre circulaire recommande, partout où il y a des aggloméra-
tions de population, surtout dans les stations pour phtisiques, hôpitaux,
casernes, écoles :
1" Des crachoirs d'une certaine profondeur et en forme de terrine
(pour empêcher le dessèchement rapide de l'eau et le renversement des
crachoirs) ;
■j." Pour éviter que le liquide ne gèle dans les crachoirs, on doit les
placer, autant que possible, à l'abri, et y verser du chlorure de chaux ou
du chlorure de sodium ;
3° Pour empêcher les animaux domestiques de boire le contenu des
crachoirs, ceux-ci doivent avoir une ouverture d'une forme spéciale, et on
ajoute au liquide du sel ou du chlorure de chaux.
En dehors de ces instructions émanant du ministre, beaucoup
ANGLETERRE 61
de villes allemandes prennent des initiatives individuelles en
publiant des instructions populaires. Ainsi une petite plaquette
fort intéressante et très facile à comprendre est distribuée gra-
tuitement par le Collège médical de Hambourg. Nous ne repro-
duirons pas dans leur entier ces instructions, qui sont d'ordre
général ; on peut les trouver dans la Mùnchenev mediciiiische
Wochenschrift, 1896, n° 37, et dans la Revue de la tuberculose
d'avril 1897, P- 94- Nous désirions seulement mettre en relief
une petite note, qui manque dans beaucoup de circulaires et
qui me semble assez importante pour être reproduite ici.
« Les enfants sont particulièrement exposés au danger, non
seulement parce que la réceptivité pour la maladie est très
grande à leur âge, mais parce que, jouant souvent par terre et
habitués à porter à la bouche leurs mains sales et leurs jouets,
ils sont plus facilement en contact avec l'expectoration réduite
en poussière.
« La réceptivité s'accroît quand l'organisme est affaibli par
une cause quelconque (accouchement, maladie, et, chez les
enfants en particulier, pendant la rougeole et la coqueluche).
» Les germes de la maladie peuvent pénétrer chez les gens
sains par toutes les petites plaies (éruptions humides de la
peau, écorchures, dues à la présence de parasites, dents
malades). »
Mais il y a dans la même circulaire une recommandation que
je ne crois pas bonne. Il y est dit : «Pour remplir les crachoirs
on se servira de préférence de sciure de bois humide ». Cette
pratique nous semble dangereuse. S'il n'y a pas une surveillance
constante, la sciure de bois peut se dessécher, et ensuite par
le moindre courant d'air se répandre et devenir une source
d'infection.
De nombreux sanatoria pour les phtisiques riches, pour ceux
de la classe moyenne et pour les phtisiques pauvres se fondent
partout en Allemagne. Jusqu'aujourd'hui j'ai pu en compter en
tout 4o en plein fonctionnement, et un nombre considérable en
voie de construction ou à l'état de projet.
Les lois contre la tuberculose bovine sont rigoureusement
exécutées dans tous les Etats de l'empire allemand.
Angleterre. — En Angleterre, d'après les informations que
I3i LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TVRERCULOSE
j'ai reçues de M. le Dr Murphy, inspecteur sanitaire de la ville
de Londres, il n'existe ni lois ni règlements contre la conta-
gion de la tuberculose chez l'homme ; la phtisie pulmonaire
n'est pas comprise dans les maladies reconnues contagieuses
par la loi.
Mais ce pays a depuis le commencement de ce siècle des
hôpitaux spéciaux qui se sont multipliés d'une façon notable
depuis une trentaine d'années, et dans ces derniers temps plu-
sieurs sanatoria où on traite les malades selon le principe
Brehmer-Dettweiler ont été établis. Dans les cercles médicaux
on s'occupe beaucoup en ce moment du danger provenant de
l'expectoration des malades tuberculeux au dehors des hôpi-
taux.
Pour combattre la tuberculose bovine, le gouvernement
anglais a nommé une commission composée de savants choisis
dans les professions médicale et vétérinaire, chargée d'étu-
dier les mesures administratives à prendre pour empêcher la
contagion par l'usage, connue aliment, de la chair ou du lait
d'animaux tuberculeux, et de rechercher quelles sont les consi-
dérations qui pourraient guider les autorités pour la proscrip-
tion des os ou chairs des animaux destinés à la boucherie et
reconnus tuberculeux r .
Australie. — Dans une partie de l'Australie on semble être
bien avancé, car la ville de . Sydney 2 inflige une amende de
:>.') francs à toute personne coupable d'avoir craché sur le par-
quet d'un bâtiment public ou dans la rue. En ce qui concerne
la tuberculose bovine, une loi a été décrétée par le gouverne-
ment colonial en date du -j.S décembre i8i).">, et ainsi désignée :
« An act to provide for the inspection of life stock and méat,
intended for export, and to regulate the exportation thereof ».
Une autre loi, en date du 22 juillet 1896, est appelée : « An act
to prevenl the introduction and spread of tuberculosis in
stock . »
Par ces deux lois, l'inspection des animaux destinés à la con-
sommation (bœufs, moutons, porcs, etc.' se trouve assurée.
(il Revue de la tuberculose, 1896, 1. IV. p. 26a.
1 m New York Médical Record, cité par la Revue de lu tuberculose.
AUTRICHE, BELGIQUE 63
La surveillance de l'exportation de ces animaux, ou du beurre
et de la viande, est également visée par ces dispositions.
D'après la lettre que M. le D1' Jackson a bien voulu m'en-
voyer, il y a en ce moment deux sanatoria pour phtisiques
pauvres, l'un à Dalby, l'autre à Roma, et le gouverneur de la
colonie a affecté la somme de 12J ooo francs pour la construc-
tion d'un troisième.
Autriche. — En ce qui concerne l'Autriche, je n'ai pu obte-
nir de renseignements précis au point de vue des lois ou
règlements sanitaires ayant pour but d'empêcher la propagation
de la tuberculose par l'homme ou les animaux. De nombreux
médecins viennois, et à leur tète le distingué professeur von
Schroetter, s'occupaient depuis des années de la fondation de
sanatoria. Enfin, en 1892, ils réussirent à constituer une société
composée de médecins, de philanthropes, de financiers et d'in-
dustriels, sous le protectorat de l'archiduc Charles-Louis, en
vue de créer un établissement pour le traitement climatérique
des maladies de poitrine (Verein zur Errichlung und ErhaUung
einer klimaiischen HeilanstaU fui1 Brustltvanke). D'après des
nouvelles que je dois à l'obligeance de M. le professeur von
Schroetter et de M. le D1' von Weissneyer, il existe aujourd'hui
à Alland, en plein fonctionnement, un très beau sanatorium,
assez vaste pour recevoir 3oo phtisiques pauvres ; les malades
ne paient rien et l'entreprise est sous le protectorat de Sa
Majesté l'empereur d'Autriche.
Belgique. — Gomme partout ailleurs, la tuberculose exerce
en Belgique plus de ravages que toutes les autres affections
transmissibles. Aussi le gouvernement belge s'est-il ému de cet
état de choses et, après avoir pris avis du Conseil supérieur d'hy-
giène publique, a-t-il publié en 1S96 deux instructions pratiques
à l'usage des administrations et du public, l'une contre les
principales maladies épidémiques et transmissibles, suivie
d'une notice sur la désinfection, l'autre pour prévenir et com-
battre la tuberculose.
Les instructions relatives à la tuberculose sont d'une clarté
remarquable ; elles visent toutes possibilités d'infection, ino-
culation, ingestion, inhalation. Très intéressant est le para-
graphe qui traite de la désinfection. Il y est dit : « La désin-
fection obligatoire s'appliquera non seulement au logement des
phtisiques décèdes, mais aussi aux chambres d'hôtels, auberges,
maisons de logement, wagons-lits et cabines de navires, cel-
lules de prisonniers, où auront séjourné des tuberculeux et
avant que ces locaux soient réoccupés. »
En ce qui regarde la prophylaxie de la tuberculose bovine,
ce pays a un règlement prescrivant une série démesures pour
parer aux dangers que peut faire naître le bétail tuberculeux.
Pour les animaux du pays, ce règlement détermine quand, com-
ment et par qui il pourra être fait usage de la tuberculine ; il
établit les mesures de prophylaxie à prendre, et fixe les indem-
nités à payer aux éleveurs. Quant aux animaux présentés à
l'importation, s'ils sont suspects de tuberculose ils seront
renvoyés dans leur pays d'origine, et, si leur propriétaire
n'obtempère pas à ces prescriptions, ils seront saisis et abattus
sans indemnité. Si les animaux paraissent sains, mais pro-
viennent d'un pays ou règne la tuberculose, ils seront refoulés
ou bien soumis à la tuberculine et, s'ils réagissent, saisis et
abattus.
Beaucoup de médecins belges sont partisans des établisse-
ments fermés pour le traitement des phtisiques riches ou
pauvres. La propagande en laveur de cette idée a été menée, il
y a quelques années, par un phlisio-lhérapeute distingué,
M. le l)1 Mœller (de Bruxelles). Voici les vœux qui ont été
adoptés par le Congrès d'hydrothérapie, réuni à Ostende,
il y a trois ans : « Le Congrès d'hydrothérapie marine, réuni
à Ostende le 26 août 1895, émet le vœu de voir les admi-
nistrations communales, les gouvernements de tous les pays,
ainsi que les particuliers philanthropes, établir au bord de la
mer les établissements nécessaires à la guérison des malades
pauvres. » Déjà il existe pour le traitement des enfants tuber-
culeux quelques hôpitaux dont on trouvera le nom dans notre
liste des sanatoria et hôpitaux spéciaux.
Les instructions publiques auxquelles nous avons fait allu-
sion plus haut disent en outre : « En attendant la création de
sanatoria populaires où les malades seraient traités au grand
air, il y a lieu d'examiner si l'on pourrait organiser pour eux
des services spéciaux dans les hôpitaux ; outre que celle
CANADA 65
mesure d'isolement garantirait mieux les autres patients contre
la transmission des germes tuberculeux, elle permettrait de
soumettre les phtisiques à l'action des moyens d'hygiène
thérapeutique et de désinfection recommandés aujourd'hui et
qui sont d'une application difficile ou impossible lorsque les
individus atteints de consomption sont disséminés dans les
salles communes. »
Les autres villes de Belgique ne restent pas non plus indif-
férentes à la lutte contre la tuberculose, si l'on en juge d'après
un très intéressant rapport sur les travaux des commissions
médicales provinciales pour l'année i8cp, publié dans le
numéro d'octobre du Bulletin de l'Académie de médecine de
Belgique par M. le D' van Bastelaer.
Canada. — Au Canada, l'idée de la contagiosité de la tuber-
culose pulmonaire est bien entrée dans l'esprit du public.
Ainsi, à Toronto (i), le médecin chargé par la municipalité de
veiller à ce qu'aucun enfant atteint de maladie contagieuse ne
fréquente les écoles, refusa l'admission scolaire à un enfant
phtisique. Les parents intentèrent une action judiciaire, mais le
tribunal rendit un jugement en faveur du médecin, la décision
du juge se fondant sur la nature contagieuse de cette maladie.
Les règlements contre la tuberculose bovine semblent bons,
et la propagande pour l'établissement de sanatoria destinés
au traitement des phtisiques a commencé. Le sanatorium de
Gravenhurst est le premier de ce genre érigé dans le Dominion
du Canada.
L'utilité des sanatoria pour le traitement des phtisiques est
bien comprise par le Corps médical de cet Etat. Le D1' Camille
Laviolette a obtenu du gouvernement de Québec, par une
loi en date du 19 juillet 1894, la concession gratuite d'une
grande étendue de terrain (147^0 acres) afin d'y construire
un sanatorium au nom d'une Société dont il était le repré-
sentant. Il existe aussi une Association Canadienne pour la
santé publique, présidée par le D1' Persillier-La Chapelle (de
Montréal), qui s'était affiliée il y a trois ans à la Ligue Française
contre la tuberculose.
(1) The Médical Week, 1894, 14 septembre.
Krs'OPF. Sanatoria.
66 LOIS SANITAIRES ET LOTTE CONTRE LA TVBERCCLOSE
Chili. - — Le gouvernement de la République du Chili nous a
l'ait demander dernièrement des renseignements par sou chargé
de mission, M. le D* Mamerto Cadiz. En raison de la morta-
lité effrayante causée par la tuberculose, on a projeté de créer
au Chili îles sanatoria pour le traitement de cette maladie.
Comme nous l'avons déjà dit dans notre chapitre sur la morta-
lité par phtisie, celte petite république, avec une population
d'à peine trois millions d'âmes, a perdu, pendant l'année i S » | ."> ,
(i 6-~ sujets par la phtisie pulmonaire. 11 est à souhaiter que
des lois rigoureuses et des règlements hygiéniques intelli-
gents, combinés avec l'érection de sanatoria, réussissent à ré-
duire cette terrible mortalité d'une façon notable.
Danemark. — En Danemark la lutte contre la tuberculose
est assez énergique. D'après des renseignements que je dois au
Dr Saugmann, la prophylaxie se l'ait en partie par le gouver-
nement, et en partie par l'initiative privée. Il y a quelque
temps, une petite plaquette, rédigée par MM. Scheppelern,
Traubneret Saugmann, de la Société des médecins danois, était
répandue à profusion dans le public. Celle circulaire donne une
description de la tuberculose et des instructions pour éviter la
contagion. Le sujet y est traité de telle façon que tout lecteur
puisse bien comprendre l'importance de la prophylaxie indivi-
duelle :
<( i° D'où viennent les bacilles tuberculeux ?
« 2° Que peut-on faire pour diminuer le danger de la matière
contagieuse tuberculeuse ?
« 3° Tous les hommes ont-ils une prédisposition également
grande à la tuberculose '.'
« 4" Peut-on guérir la tuberculose ? »
Telles sont les diverses questions sur lesquelles l'attention
du public est appelée. Au Parlement, le ministère a présenti''
une proposition de loi sur les mesures à prendre contre la
tuberculose : celles-ci ne concernent que la désinfection
gratuite après décès : le Dr Rôrdam, député, a déposé une
autre proposition contenant des mesures beaucoup plus elli-
caces, mais, à certains égards peut-être, un peu trop restric-
tives pour la liberté individuelle. En attendant, dans toutes les
voitures de tramways à Copenhague et dans les wagons de
ESPAGNE, ÉTATS-UNIS frj
troisième classe des chemins de fer de l'Etat, on a dès mainte-
nant affiché la mention : Défense de cracher sur le plancher.
Sur l'instigation de M. Bang, professeur à l'Ecole vétérinaire
de Copenhague, une loi du i4 avril 1893 a été décrétée par le
Parlement et ratifiée par le roi, sous le titre : Loi concernant la
subvention accordée par V Etat pour combattre la tuberculose du
bétail. Une somme de 70 000 francs a été mise annuellement,
et pendant cinq ans, à la disposition du ministre de l'Intérieur,
pour venir en aide aux propriétaires de bestiaux qui désire-
raient employer la tubereuline ou autres moyens de diagnostic
en vue de combattre la tuberculose parmi le bétail. La tuber-
euline est fournie gratuitement et les vétérinaires sont indem-
nisés par l'Etat pour effectuer les injections et surveiller la
température avant et après l'injection.
Une Société sanitaire pour phtisiques se formait en 1896 sous
la présidence de M. le professeur Reiss ; on construit actuel-
lement un grand sanatorium, et grâce à une concession de
i3o 800 francs fournie par l'État, un certain nombre de lits
sera réservé pour les phtisiques pauvres.
Espagne. — L'Espagne a compris que, pour épargner à
ses colonies la tuberculose pulmonaire, il fallait que la loi
défendit aux tuberculeux avérés d'émigrer. Je n'ai pu avoir de
renseignements au point de vue de la prophylaxie contre la
tuberculose bovine ; mais j'ai appris qu'il s'estproduit dans ces
derniers temps un mouvement favorable pour créer des sana-
toria, et pour publier' et distribuer des instructions publiques.
Selon la « Higiene popular » de septembre 1897, la revue
madrilène avait déjà donné la traduction de la Circulaire
adressée aux médecins et indiquant les moyens adoptés par le
Se/vice de santé, dans le but cl éviter la propagation de la tuber-
culose pulmonaire dans la ville de New-York, dont nous don-
nons copie, page 69.
États-Unis d'Amérique. — Aux États-Unis nous n'avons pas
de Direction générale de l'hygiène publique. Chaque État,
même chaque ville, peut user de son initiative au point de vue
de la prévention des maladies ou des lois ou des règlements
d'hygiène en général.
68 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
Ainsi il y a des Elals où la prophylaxie de la phtisie pulmo-
naire chez l'homme est des plus rigoureuses, presque parfaite,
et il en existe d'autres où les lois sanitaires l'ont absolument
défaut. Quelques Elals ont pris des mesures contre la pro-
pagation de la tuberculose chez, les bovidés, niais en laissant
de côté toutes les prévisions contre la dissémination de la
phtisie pulmonaire par l'homme. L'année dernière, j'ai l'ail une
enquête pour savoir où en est la question de la prophy-
laxie de la tuberculose dans les divers Etats de l'Union (i).
En voici le résultat : quatorze Etats possèdent tics lois
contre la tuberculose des bovidés, et distribuent des ins-
tructions au point de vue de la phtisie pulmonaire chez
l'homme ; ce sont : Californie, Colorado, Connecticut, Towa,
Maine, Massachusetts, Miehigan, New-Jersey, New-Hamp-
shire, New-York, Pensylvanie, Rhode-Island, Virginie et
Wisconsin. Deux Etats, Minnesota et South-Dacota, ont seule-
ment des lois contre la tuberculose du bétail, Un État, le
Tennessee, a voté une loi contre la tuberculose des bovidés,
mais manque de fonds pour la faire exécuter. Deux Elals, dis-
trict de Colombie et Oklahama-Territory, n'ont pas de lois contre
la vente du lait tuberculeux. Huit autres, Delaware, Indiana,
Kentucky, Louisiane, Nouveau-Mexique, Ohio, Texas et West-
Virginie, répandent des circulaires relatives à la prophylaxie
de la tuberculose chez l'homme, mais ne l'ont rien contre la
tuberculose bovine. Neuf Etals n'ont ni lois ni règlements
contre la propagation de la tuberculose chez, l'homme ou les
animaux ; ces neuf Elals sont : Alabama, Arkansas, Illinois,
Kansas. Maryland, Mississipi, North-Caroline, North-Dacota
et South-Caroline. Et pas moins île sept Elats n'ont pas même
de bureau de santé; ce sont : Georgia, Idaho, Montana,
Nebraska, Oregon, l'tah et Wyoming.
J'ai adressé, en outre, des lettres aux bureaux de santé de
quarante de nos grandes villes : trente seulement ont pris des
mesures pour enrayer le fléau de la tuberculose. Aucun com-
mentaire n'est nécessaire.
in S. -A Knopf. The présent slalus of préventive means against Llie spread
oi tuberculpsis in the varions States ofthe Union critically reviewed. Journal
of the American Médical Association, 181.17. Ju octobre.
ÉTATS-UNIS 69
La création d'un ministère de la santé publique à Washington
avec un pouvoir analogue à celui de la « Direction de l'hygiène
publique » ou du « Comité consultatif » de France peut seule
l'aire disparaître ces conditions déplorables (1). Mais le
manque d'énergie montré parles gouvernements des Etats indi-
viduels est quelquefois heureusement suppléé par le bureau de
santé de quelques-unes de nos grandes villes et par l'initia-
tive privée. Comme exemple, je veux citer New-York :
Je me suis informé en personne depuis mon retour en Amé-
rique de la façon dont le bureau de santé de la ville de New-
York lutte contre le fléau.
Yoici la circulaire principale publiée sur les conseils de
notre maître à New-York, M. le professeur Biggs, inspecteur
en chef du Laboratoire municipal de pathologie, bactériologie
et désinfection, en collaboration avec MM. les professeurs
T.-M. Prudden et H. -P. Loomis. Cette circulaire est imprimée
en quatre langues, anglaise, allemande, italienne, hébraïque,
pour quelle puisse être lue par les nombreux émigrants des
divers pays :
Service de santé.
Instruction pour les phtisiques et ceux qui vivent avec eux.
La phtisie est une maladie contagieuse et qui n'est pas seulement la
suite d un rhume. Un rhume peut augmenter le danger d infection. La
phtisie est causée par un bacille qui pénètre dans l'organisme avec l'air
inspiré. Les substances que les phtisiques éliminent par la toux ou les
crachats contiennent une grande quantité de ces bacilles.
C'est par millions que ces organismes sont souvent expectorés en une
seule journée. Si ces crachats sont projetés sur le parquet, les murs, n'im-
porte où, ils se dessèchent, tombent en poussière et sont entraînés sous
l'orme de poussières par l'air : ces poussières contiennent des bacilles et
pénètrent dans le corps avec l'air inspiré. L'haleine d'un phtisique ne
contient pas de bacilles et ne peut pas propager la maladie. Une personne
saine ne peut être contagionnée par un phtisique que si elle recueille
dune manière quelconque les produits expectorés par la toux.
(1) S. -A. Knopf. Modem Pi-opliylaxis of Pulmouary Tuberculosis and ils
treatmeut in spécial institutions and at home. Alveranga-Prize essar of Col-
lège of 'Physiciens of Philadelphie!, 1898.
■je LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
La phtisie peut quelquefois guérir, quand elle a été reconnue de bonne
heure et qu'on l'a traitée par des remèdes appropriés.
Il n'est pas dangereux pour une personne saine de vivre avec un pliti-
sique, pourvu que les substances expectorées par ce dernier soient immé-
diatement détruites. Ces produits ne doivent pas être projetés sur le sol,
les murs, les tapis, les poêles, les trottoirs ni ailleurs, mais seulement
dans des récipients spécialement réservés à cet usage. Ces derniers
doivent contenir de l'eau, aiin que les crachats ne puissent pas sécher, et
leur contenu doit être jeté tous les jours dans les lieux d'aisance ; les réci-
pients seront soigneusement lavés à l'eau bouillante. Le phtisique doit veil-
ler avec le plus grand soin à ce que ses mains, son visage et ses vêtements
ne soient pas souillés par les crachats. Si cependant cela arrivait, ce qui a
été sali devrait être immédiatemment savonné .avec de l'eau très chaude.
Quand les phtisiques sortent de chez eux, les substances expectorées
peuvent être recueillies dans un linge qui sera immédiatement brûlé au
retour. Si l'on emploie des mouchoirs (des linges sans valeur, qui peuvent
être brûlés, sont bien préférables), il faut les faire bouillir séparément
avant de les laver.
11 est préférable que les phtisiques dorment seuls. Leur linge de lit et de
corps doit être séparé du linge d'autres personnes ; il doit être bouilli,
puis lavé.
Dès qu'une personne est soupçonnée d être tuberculeuse, il tant en-
voyer immédiatement son nom et son adresse au Service de santé en di-
sant de quoi il s'agit; un médecin inspecteur du Service de santé exami-
nera la personne au point de vue de la phtisie (en supposant que cette
personne n'ait pas de médecin attitré), et, si cela est nécessaire, il avisera
de façon à préserver les gens de son entourage.
Souvent alors, on verra un phtisique non seulement continuer ses
occupations quotidiennes, mais encore guérir complètement.
Les chambres qui ont été habitées par des phtisiques doivent être
sérieusement nettoyées, frottées, blanchies, on tapissées avant d'être
utilisées de nouveau. Les lapis, les couvertures de laine, la literie, etc.,
qui proviennent de chambres ayant été habitées par des phtisiques
doivent rire désinfectés avec soin.
Le Service de santé doit être prévenu alin que les objets soient gra-
tuitement désinfectés puis renvoyés à leur propriétaire, à moins que ce
dernier ne manifeste le désir qu'ils soient détruits.
Des circulaires de ce genre sont envoyées aux médecins pra-
ticiens, avec prière de. veiller autant que possible à ce que les
prescriptions ci-dessus soienl exécutées.
Toute personne ayant connaissance d'un cas de tuberculose
ETATS-UXIS
7'
pulmonaire est obligée, sous peine d'être punie par la loi,
d'envoyer au Service de santé le nom du malade, son âge et
son domicile, dans les sept jours à partir de celui où ils ont eu
connaissance de la maladie. Ce sont surtout les médecins, les
directeurs d'hôpitaux, d'asiles, de prisons, d'écoles, de fabri-
ques, etc., qui sont responsables vis-à-vis de cette loi.
Les médecins inspecteurs ont le devoir de s'informer plus
exactement au sujet des cas de tuberculose qui sont annoncés,
et de recueillir des produits d'expectoration pour les sou-
mettre à l'examen bactériologique ou de les faire recueillir par
les médecins des malades.
A cet effet, il est distribué gratuitement aux médecins de
petits récipients en verre avec des bouchons à l'émeri, et ren-
fermés dans des petites boîtes en bois, sur lesquelles est impri-
mée l'adresse du Service de santé. Chaque petite boite est
accompagnée de deux bulletins. L'un des deux (schéma I) con-
tient une instruction pour recueillir les crachats et reste entre
les mains du médecin. Le second (schéma II) doit être rempli
et renvoyé avec la boîte. Les matières expectorées sont
remises au Service de santé, afin que, se basant sur leur
examen, on puisse porter un jugement définitif et décider s'il
est utile ou non d'avoir recours aux mesures sanitaires. Si on
ne trouve pas de bacilles tuberculeux clans les crachats sus-
pects, le médecin ordinaire du malade reçoit le schéma III ;
si au contraire le diagnostic de tuberculose est confirmé, on lui
envoie le schéma IV. Et dans ce cas, si le médecin ordinaire
désire que la famille du malade soit renseignée par un
médecin inspecteur sur ce qui concerne la désinfection de l'ap-
partement ou la prophylaxie en général, il en avertira l'Adminis-
tration. Si, au contraire, le médecin de la famille préfère insti-
tuer les mesures prophylactiques lui-même, sans intervention
du Service de santé, il a le droit de le faire.
Schéma I. — Service de santé
Manière de recueillir les crachats destinés à l'examen bactériologique
dans les cas de phtisie.
Les crachats ne doivent être recueillis que clans des récipients à large
ouverture et bien fermés. Ces derniers peuvent être obtenus gratuitement
-Jl
LOIS SAMTAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
dans tous les dépôts qui ont été installés dans le but de distribuer îles
tubes à l'usage du diagnostic de la diphtérie,
Il faut avoir soin de recueillir des crachats provenant du poumon, et
non du pharynx. Les expectorations que Ton doit préférer aux autres sont
celles du matin. Si elles sont peu nombreuses, il faut recueillir toutes
celles qui ont été rejetées pendant les vingt-quatre heures.
Schéma II. — Service de santé
Crachats provenant d' un malade suspect de tuberculose. — Nom
de l'expéditeur de l'échantillon.
Les crachats envoyés représentent tout ce qui a été expectoré pendant...
heures du au Nom du malade Age Sexe Adresse
Profession Médecin habituel ; son domicile Diagnostic clinique
Durée de la maladie Étiologie (source probable de l'infection)
Y a-l-il eu dans la famille d'autres malades tuberculeux? Com-
bien? Quels rapports ces malades ont-ils eus avec le patient ? Date
de sa dernière maladie '.'...
S c n É MA III. — S i: i! v i c i: DE s a x t é
Numéro du laboratoire Date...
A M. le D'-....,
L'examen des crachats de qui a eu lieu le n'a pas révélé l'exis-
tence de bacilles.
Mais il ne faut cependant pas conclure de ce résultat négatif que le cas
en question ne soit pas un cas de tuberculose ; car, dans le cours de celle
affection, les bacilles disparaissent de temps à autre des crachats. L'exis-
tence d'une tuberculose pulmonaire peut être éliminée avec probabilité
quand des examens bactériologiques répétés de crachats ont été négatifs.
Si. dan- le cas en question, on a encore à l'avenir quelque doute sur la
tuberculose pulmonaire, il faudra renvoyer de nouveaux échantillons.
Nous insistons encore sur ce fait que la présence de bacilles tubercu-
leux dans les crachats suffit pour affirmer le diagnostic de tuberculose
pulmonaire, alors <pi au contraire 1 absence de bacilles ou un examen
négatif de crachats n'exclut nullement l'existence de cette affection.
S C II É M A IX . — S E It V I C E D E S A N T É
Numéro du laboratoire Date
A M. le D'
L'examen des crachats de qui a eu lieu a décelé la présence de
bacilles tuberculeux.
ÉTATS-UNIS -j3
La maladie est donc de nature tuberculeuse. Si vous désirez que la
famille du malade soit instruite par un médecin inspecteur en ce qui con-
cerne la désinfection de l'appartement ou la prophylaxie en général,
veuillez en avertir l'Administration.
(Signature de l'Expert.) (Signature du Directeur.)
Les médecins inspecteurs ont le devoir de notifier an Service
de santé les habitations de tous les tuberculeux morts ou démé-
nagés, afin qu'elles soient désinfectées. En vertu de cet avis,
l'Administration envoie au propriétaire de l'immeuble l'ordre de
désinfecter et de remettre l'appartement à neuf, et il ne devra
être loué à aucune personne autre que celles qui y demeuraient
avant que la prescription ci-dessus ait été exécutée.
En même temps, on pose sur la porte de l'appartement
infecté le placard suivant :
SERVICE DE SAXTE
Laphtisie est une maladie contagieuse. Un phtisique a demeuré dans cet
appartement. Il faut donc le considérer comme infecté. Il ne doit pas être
habité par des personnes étrangères tant que l'ordre du Service de santé de
le désinfecter et de le remettre à neuf n'aura pas été exécuté. Ce bulletin ne
doit pas être enlevé avant que la prescription ci-dessus ait été remplie.
Autant que possible, il faut soigner les phtisiques dans des
hôpitaux spéciaux.
Il est urgent de faire désinfecter de temps à autre par une
équipe de désinfection les lieux particulièrement exposés aux
bacilles tuberculeux.
Il est utile d'établir des crachoirs spéciaux dans les endroits
où il y a agglomération d'individus, en particulier dans les
restaurants, les fabriques, etc.
C'est de cette façon qu'on lutte à New-York depuis octo-
bre 1889, et avec succès. Dans cette ville, en effet, la mortalité
par tuberculose était, pour 1.000 habitants :
En 1884 De 4,45
— 1886 — 4,42
- 1888 - 3,99
— 1890 — 3,97
— 1892 — 3,55
• — 1894 — 3,i6
— 1896 — 3,o6
-\ LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE l..\ TUBERCULOSE
Mais le bureau de santé n'est pas satisfait de ce. résultat. Jus-
qu'au 19 janvier 1897 'a maladie n'a pas été classée parmi les
affections contagieuses : on l'appelait jusque-là une maladie
transniissible, et la notification de l'existence de la maladie
dans la famille privée était facultative pour le médecin traitant.
Mais, à la date du 19 janvier 1 897. la tuberculose pulmonaire
était déclarée par la loi maladie infectieuse, transniissible et
dangereuse pour la santé publique; et la déclaration de la
maladie, de même que pour les autres affections contagieuses,
est ainsi rendue obligatoire pour le médecin traitant. Partout,
sur les glaces des tramways, des chemins de fer élevés et des
steamers publics de la ville de New- York, se détache l'inscrip-
tion : « Il est expressément défendu de cracher sur le parquet. »
Dans le chapitre sur la prophylaxie publique de la tubercu-
lose humaine, nous dirons notre sentiment au sujet d'une loi
qui rend la déclaration de la tuberculose obligatoire de la part
du médecin.
Depuis quelque temps la ville de New-York s'occupe de
créer des hôpitaux spéciaux pour les phtisiques pauvres. Le
bureau de santé reçoit, depuis le i'*r janvier 1898, 3ooooo francs
par an pour isoler provisoirement dans un sanatorium privé
1rs tuberculeux les plus nécessiteux.
Cet exemple est suivi par beaucoup de villes des Etals-Unis,
entre autres Philadelphie, Boston, Chicago, Saint-Louis, San-
Francisco, Denver, etc., qui font des efforts héroïques pour
combattre la propagation de la tuberculose.
En ce qui concerne les sanatoria pour le traitement des phti-
siques déjà en fonctionnement aux Etats-Unis, nous en parle-
rons dans le chapitre Une visite aux sanatoria, et nous y join-
drons une liste, des sanatoria en construction ou à l'état de
projet.
Avant d'en finir avec les Etais luis, on me pardonnera si je
mentionne encore la Société pour la prévention de la tuber-
culose de l'État de Pensylvanie, dont j'ai l'honneur d'être
vice-président. Celte Société a un double but : 1" encourager
l'érection de sanatoria pour le traitement des phtisiques des
classes moyenne et pauvre ; 2° instruire le public sur la vraie
nature de la tuberculose et les moyens d'éviter la contagion.
Elle publie des « tracts » et les envoie partout dans les Etals-
FRANCE 7".
Unis pour y être distribués gratuitement. Voici les titres de
quatre petites plaquettes qui ont été distribuées l'année dernière,
au nombre de 5o ooo chacune :
i° Comment on peut éviter de devenir phtisique.
1° Comment des personnes tuberculeuses peuvent éviter de donner leur
maladie à leurs semblables.
3° Comment les propriétaires des hôtels peuvent aider par leurs efforts
individuels à la prophylaxie de la tuberculose.
4° Comment les propriétaires de magasins et les fabricants peuvent se
rendre utiles à la prophylaxie de la phtisie.
Chacune de ces plaquettes donne en plus des instructions
sur la meilleure méthode pour désinfecter les crachats ou
autres substances tuberculeuses. Ces brochures sont souvent
copiées par d'autres Sociétés ou ligues analogues dans les
États-Unis.
Le gouvernement-central des Etats-Unis à Washington semble
particulièrement bien disposé à aider toutes les initiatives pri-
vées tendant à améliorer le sort de nos tuberculeux pauvres.
Ainsi, tout récemment 160 acres, situés dant l'Etat du Nouveau-
Mexique, ont été cédés par l'Administration à la Société des
invalides américains de Boston (Massachusetts) pour y ériger
un sanatorium destiné au traitement des phtisiques pauvres.
France. — La France n'est pas non plus restée en retard
pour les mesures à prendre contre la tuberculose. A Paris, la
Commission hospitalière de la tuberculose avait recommandé
un certain nombre de mesures prophylactiques concernant les
indigents soignés à domicile.
Tout d'abord M. le D1' A.-J. Martin, inspecteur général de
l'assainissement, s'enquit auprès des médecins des bureaux
de bienfaisance du nombre de tuberculeux indigents qu'ils
considéraient comme devant être l'objet de ces mesures.
Une enquête immédiate permit d'évaluer approximativement
à a ooo le nombre de ces indigents. Aussi, en raison de
ce chiffre si considérable, fut-il décidé qu'un essai serait
préalablement tenté dans cinq quartiers différents, au domicile
de tuberculeux désignés par les médecins eux-mêmes. Cet
;6 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TVRERCULOSE
essai a porté jusqu'ici sur i>o malades, dont 4y sont morts,
12 ont été transportés à l'hôpital, 4 sont partis à la campagne ;
Il y a eu 10 refus, 5 améliorations et io son! encore en cours
de traitement.
Chez ces malades, le service municipal de désinfection a fonc-
tionné 707 ibis. La moyenne de ces opérations a été de 7 ou 8
pour chacun d'eux. Ilcu est pour lesquels il est intervenu plus
de 5o t'ois, à raison d'une opération régulière chaque semaine.
Voici les résultais obtenus en suivant pas à pas les instruc-
tions de la Commission de la tuberculose :
i° Deux crachoirs ont été remis au domicile de chacun des
malades. Le modèle adopté a été généralement trouvé trop
lourd et ne garantissant pas assez les doigts contre leur souil-
lure par les crachats. Beaucoup de malades l'ont remplacé par
la cuvette ou le crachoir émaillé. Des crachoirs d'un nouveau
modèle, répondant à toutes ces exigences, sont actuellement
mis en usage.
20 Le crachoir devait être pourvu d'une certaine quantité de
liquide. Celte prescription a été remplie ; mais on a partout
rejeté l'emploi de l'acide phénique comme dégageant une
odeur pénible pour les malades et leur entourage. C'est sim-
plement de l'eau (pie le crachoir contenait d'ordinaire.
.'5° Le crachoir devait être nettoyé chaque jour en le mettant
dans de l'eau froide portée ensuite à l'ébullition. Les médecins
ont été unanimes pour faire vider le crachoir dans les cabinets
d'aisances, seul endroit du logement suffisamment aménagé
pour l?éloignement rapide, immédiat et complet des liquides
et des objets impurs. Il a paru, d'autre part, (pie dans de tels
logements il est impossible d'obtenir le nettoyage du crachoir
à l'eau bouillie ; la plupart d\\ temps, tous les ustensiles
nécessaires l'ont défaut et pendant la plus grande partie de
l'année il est même impossible d'y avoir du l'eu.
4° Les linges salis devaient être, à la maison, plies et main-
tenus pendant cinq minutes dans l'eau bouillante. Les mêmes
motifs que ci-dessus ne permettent pas, dans les neuf dixièmes
des cas, de prendre une telle précaution.
> A défaut de celle-ci, il été recommandé de mettre soigneu-
sement à part les linges salis pour les livrer au service muni-
cipal tic désinfection. Il été ainsi fait sans trop de difficulté,
FRANCE 77
sauf dans un des quartiers de Paris où le linge lui-même man-
quait aux indigents tuberculeux.
6° Après décès, ce qui a été le cas le plus général, ou après
guérison, le service de désinfection a pu pratiquer la désinfec-
tion suivant les règles habituelles, sans trop de difficultés.
Ce service consistait à se rendre, au moins une fois chaque,
semaine, au domicile des tuberculeux désignés. On y faisait
échange de linges désinfectés contre les linges souillés qui
étaient emportés et on procédait au nettoyage antiseptique des
water-closets et des vases et ustensiles ayant servi au malade.
Certaines de ces désinfections ayant été faites au crésyl, on s'est
plaint de l'odeur qui persistait; il est facile d'y remédier.
Mais le plus grand obstacle à la pratique de la désinfection,
c'a été la désignation qui en résultait pour le malade. 11 ne tar-
dait pas à être considéré comme « un pestiféré », et même il est
arrivé qu'on l'a expulsé de son domicile.
Aussi, en fin de compte, les opérations de désinfection
n'ont-elles pu être régulièrement appliquées que dans un peu
plus de la moitié des cas. Il en a été de même pour la désin-
fection après décès.
En ce qui concerne la désinfection régulière des salles de
consultation, des maisons de secours, des locaux des mairies
oii fréquentent les tuberculeux indigents, elle a été faite sans
difficultés.
De même, chaque fois qu'un tuberculeux a été admis dans
un établissement hospitalier, le service de désinfection, informé
téléphoniquement de son adresse par l'administration de
l'Assistance publique, s'y est aussitôt rendu. Il n'a pas toujours
été accepté, et cela par l'unique raison que la notion de la trans-
mission de la tuberculose est encore très loin d'être entrée
dans l'éducation populaire parisienne.
Tels qu'ils sont, ces résultats apparaissent assez encoura-
geants pour qu'à la demande des médecins des bureaux de
bienfaisance et sur l'avis conforme de la Commission de la tuber-
culose, ces mesures soient prochainement appliquées chez un
grand nombre d'indigents tuberculeux, par les soins du service
municipal de désinfection de la Ville de Paris, d'accord avec
l'administration de l'Assistance publique.
A la séance du 3 mai 1898 de l'Académie de médecine, M. le
-g LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TURERCVLOSE
professeur Gi'ancher, au nom d'une Commission composée de
MM. Théophile Roussel, président, Bergeron, vice-président,
Besnier, Brôuardel, Colin, Magnan, Monod, Motet, Napias,
Nocard, Proust, Roux, Vallin et Grancher, a présenté un très
remarquable rapport sur la prophylaxie de la tuberculose.
Nous aurons certainement occasion de revenir sur cet impor-
tant travail dont voici les conclusions générales, soumises au
vote de l'Académie :
i° L'Académie confirme le sens de ses conseils et de son vote
de 1890 <[ui visent trois mesures de prophylaxie :
a. Recueillir les crachats dans un crachoir de poche ou d'ap-
partement contenant un peu de solution phéniquée à 5 p. 100
et colorée, ou au moins un peu d'eau.
b. Eviter les poussières en remplaçant le balayage par le lavage
au linge humide.
c. Faire bouillir le lait, quelle qu'en soit la provenance, avant
de le boire.
20 En ce qui concerne la famille, l'Académie recommande aux
médecins l'application soutenue de ces mesures de défense dès
que la tuberculose est ouverte ; elle leur recommande aussi île
maintenir, si possible, la tuberculose pulmonaire à l'état fermé,
par un diagnostic précoce et un traitement approprié.
3° Pour Vannée, l'Académie demande la réforme temporaire
qui convient aux tuberculeux du premier degré avant l'expecto-
ration bacillaire, et la réforme définitive dés que les crachats
contiennent le bacille de Koch. Et elle l'ait appel à l'entente
cordiale du commandement et du service de santé pour l'appli-
cation, dans toutes les casernes, des trois mesures énoncées
plus haut.
4° L'école, l'atelier, le magasin, etc., relevant de l'instituteur,
du patron, du chef d'industrie, etc., l'Académie ne peut que
leur rappeler l'importance de cette question d'hygiène et la
simplicité des moyens qui suffisent à combattre efficacement
l'extension de la tuberculose qui menace toutes les familles.
5° L'Académie approuve les conclusions du travail de la
Commission hospitalière en ce qui concerne les malades et
l'hygiène de nos hôpitaux, à savoir :
a. Isolement des tuberculeux dans des pavillons ou salles
séparées, en attendant la création de nouveaux sanatoria.
FRANCE 79
b. Antisepsie des salles de tuberculeux et des salles com-
munes, notamment par la réfection des planchers et la suppres-
sion du balayage.
c. Amélioration du corps des infirmiers par une paye plus
haute, un meilleur recrutement et une retraite.
d. Création d'un corps d'infirmiers sanitaires.
6° L'Académie approuve enfin les restrictions de la loi en
projet et des arrêtés nouveaux concernant la chair musculaire
des animaux tuberculeux. La saisie totale et la destruction de
cette chair doivent être réservées à des cas assez rares de tuber-
culose généralisée et d'hecticité. Elle recommande aux culti-
vateurs l'emploi diagnostique de la tuberculine, et l'élimina-
tion, par la boucherie, de leurs animaux légèrement tubercu-
leux et, partant, inolTensifs.
70 Enfin, l'Académie^ voulant marquer l'intérêt exceptionnel
qu'elle attache à la continuité de son action en faveur de la
prophylaxie delà tuberculose, a créé une nouvelle commission
permanente dite Commission de la prophylaxie de la tubercu-
lose, qui aura pour objet d'encourager et de coordonner tous
les efforts contre l'envahissement du bacille tuberculeux.
Les renseignements que j'ai recueillis sur les lois et règle-
ments sanitaires institués dans les principles stations hiver-
nales de France sont assez complets et intéressants pour être
reproduits ici.
Voici les réponses que j'ai reçues des stations hivernales les
plus connues :
MAIRIE DE XICE ( AL I> E S - M A II I T I M E s)
Service d'hygiène et de salubrité.
Kice, le 27 février 1890.
Monsieur,
L'arrêté municipal du 17 juin 1892 avait prescrit la déclaration de
diverses maladies, notamment la phtisie. La loi du 3o novembre 1892 a
rendu cet arrêt caduc, et les cas de tuberculose ne sont pas déclarés.
Mais les articles relatifs à la désinfection sont restés en vigueur ; seule-
ment ces désinfections n'ont lieu qu'après le décès.
80 LOIS SAXITAIRES et lutte contre la tuberculose
Il esl clair que la prophylaxie se trouve ainsi bien réduite, mais un
arrêté municipal ne peut pas renchérir sur une loi.
Je ne sache pas que les hôtels et les maisons meublées, du moins en
général, prennent tics mesures quand un phtisique s'en va. Ce n'est que
par exception que la désinfection esl pratiquée. En revanche, bien > li-
personnes, avant d'occuper un appartement, le font désinfecter par le
bureau d'hygiène, opération qui se fait gratuitement.
Il est de notoriété publique que Nice, et surtout Menton, ont vu aug-
menter dans une proportion ('■norme le nombre de leurs tuberculeux
depuis ipie les phtisiques ont fréquenté ces stations.
1)' Balestre.
Voici l'arrêté municipal dit 17 juin iStja :
M A 1 II 1 E L) E > 1 1: E
Arrêté municipal prescrivant des mesures prophylactiques contre les mala-
dies contagieuses, transmissibles et épidémiques.
I.e Maire Je la \ ille de Nice, Chevalier de la Légion d'honneur;
\ 11 la loi du j avril i88.'|, article y-, §6;
\u l'article 171. § ù du Code pénal ;
\ u le rapport du Directeur du Bureau municipal d'hygiène :
Considérant que les maladies contagieuses, transmissibles et épidémi-
ques font annuellement des victimes dont le nombre peut être diminué
par 1 observation des règles <! hygiène;
Considérant qu'il esl du devoir de l'Administration municipale de
prendre les mesures nécessaires pour empêcher le développement de ces
maladies el préserver la vie el la santé des citoyens :
A u 11 1'. 1 r. :
ARTICLE PREMIER. — Les parents ou logeurs ayant garde île malades
atteints d affections contagieuses, infectieuses, transmissibles et épidé-
miques, telles que : la fièvre typhoïde, le typhus, le scorbut, la variole, la
- la scarlatine, la coqueluche, la diphtérie, croup ou angine couen-
nçuse, la phtisie, la. suette miliuire, le choléra asiatique ou nostras, la fièvre
• ■[ les maladies puerpérales, sont tenus d'en taire la déclaration a la Mai-
rie (bureau d'hygiène) ou au Commissariat de police de leur quartier,
dans le plu- brel délai.
Art. -i. — Les habitants de la même maison ou les voisins sont invités,
FRA.XCE Si
à défaut de la déclaration des familles, à en donner avis à la Mairie ou au
Commissariat.
Une boîte aux lettres, portant l'inscription du Bureau municipal
d hygiène, sera placée à l'Hôtel de Ville, au pied du grand escalier, à l'ef-
fet de recevoir, en dehors des heures de bureau, les déclarations écrites,
prescrites aux articles précédents. Cette déclaration devra porter le nom
et l'adresse précis du cas connu.
Art. 3. — Dès qu'un cas de maladie transmissible, prévu à l'article ier,
est porté à la connaissance du Commissaire de police du quartier, ce
fonctionnaire devra en faire prévenir immédiatement le Bureau municipal
d'hygiène par les voies les plus rapides.
Art. 4- — Les familles dans lesquelles sera soigné un malade atteint
d'une desdites maladies devront prendre des mesures de désinfection
reconnues efficaces pour les personnes, les vêtements, les objets de lite-
rie, les meubles et les locaux d habitation.
Dans le cours de la maladie, tous les linges de corps et de toilette ou
autres ayant servi et qui viendraient à être échangés seront immédiate-
ment désinfectés sur place, puis mis de côté et envoyés à l'étuve à désin-
fection sous pression avant d'être remis au lavage et au blanchissage (i).
Il est expressément recommandé de désinfecter les déjections des
malades contagieux, en particulier celles des typhoïdes et cholériques,
avant leur déversement dans les cabinets d'aisance.
A la fin de la maladie, c'est-à-dire après guérison ou décès, il sera
procédé à une désinfection complète.
Les linges de corps, de toilette, les objets de literie : matelas, oreil-
lers, traversins, les rideaux, tentures, tapis, en un mot tout objet mobi-
lier qui aura servi au malade ou au décédé, qui se trouve dans la chambre
par lui occupée et qui est susceptible d'être désinfecté par l'étuve sous
pression, y sera envoyé. L'appartement lui-même sera désinfecté sous la
surveillance de l'Autorité municipale. La fosse de la maison sera immé-
diatement désinfectée sous la surveillance des agents de l'Autorité.
Art. ">. — L'Administration municipale (bureau d'hygiène) fournira tous
les renseignements et mettra son service de désinfection à la disposition
des intéressés mojTennant une rétribution basée sur le tarif en vigueur.
La désinfection sera pratiquée gratuitement, dans les familles qui ne
pourront en faire les frais, par le Bureau municipal d'hygiène, soit sur
la présentation d un certificat d'indigence délivré par le Commissaire de
police du quartier, soit sur la présentation de la carte d'admission à l'As-
sistance publique délivrée par l'autorité municipale.
(i) Celte étuve existe à l'hôpital civil de Nice, et est à la disposition du
public .
Knopf. Sanatoria. <>
8-2 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TVBERCOLOSE
Art. G. — ■ Les désinfections seront toujours pratiquées sous la sur-
veillance d'un agent du Bureau municipal d'hygiène, afin d'en assurer
l'efficacité et la parfaite exécution.
Aux. -. — 11 est interdit aux personnes qui ont chez elles un malade
atteint de maladie contagieuse ou transmissible, de secouer par les
fenêtres ou dans l'escalier ou la cour de la maison qu'elles habitent, des
tapis, vêtements, etc.
Les poussières, les balayures provenant de l'appartement occupé par
un malade contagieux ne pourront être descendues sur la voie publique
sous aucun prétexte, mais seront brûlées dans un foyer dans l'apparte-
ment même.
Art. 8. — Il est expressément interdit de donner, de vendre ou de
livrer à des blanchisseuses, et il est prohibé à celles-ci de recevoir un
objet quelconque de literie, vêtement, tenture ou autre provenant de
personnes avant été atteintes de maladie contagieuse, sans que ces objets
aient été préalablement désinfectés par les moyens prescrits par les délé-
gués de l'autorité.
Il est également interdit de porter ces objets dans les lavoirs publics
ou privés avant qu'ils aient subi la désinfection.
Art. 9. — Les voitures de toute nature amenant des malades à l'hôpital
devront entrer dans la cour intérieure de cet établissement où seulement
les malades seront descendus.
Lesdites voilures ne pourront repartir qu'après qu'il leur aura été
délivré, par l'interne de garde, un bulletin indiquant que les malades
transportés ne sont pas atteints de maladie contagieuse ou transmissible.
Ce bulletin devra être remis par le conducteur de la voiture au concierge
de l'établissement, qui le fera immédiatement parvenir au Bureau d'hy-
giène.
Art. io. — Tout conducteur de voiture qui aura transporté des per-
sonnes atteintes de maladie contagieuse devra faire soumettre sa voiture à
une désinfection immédiate et complète par les soins ou sous la surveil-
lance d'un agent du Bureau municipal d'hygiène.
Art. ii. — La déclaration des décès survenus à la suite d'une maladie
contagieuse ou transmissible doit être faite sans délai à la Mairie.
Les corps seront le plus promptement possible placés dans un cercueil
étanche, goudronné et contenant une épaisseur de 5 à (i centimètres de
poudre de charbon de bois, arrosée d'une solution désinfectante.
Ils seront recouverts d'un linceul imbibé du même liquide.
L'inhumation aura lieu dans le plus court délai.
Art. 12. — Des instructions concernant les soins préventifs à prendre
contre les maladies contagieuses seront distribuées au public, à la Mairie.
au Bureau d'hygiène et au Bureau de l'état civil.
FRANCE 8 3
Aut. i3. — Il est enjoint aux hôteliers et logeurs en garai, et cela sous
peine de poursuites, de tenir dans leur établissement, dans un endroit des
plus apparents, de manière à être facilement consulté par leur clientèle, un
exemplaire du présent arrêté.
Art. i '(. — Les personnes qui n'auront pas fait les déclarations ci-
dessus prescrites ou qui auront commis quelques infractions aux disposi-
tions du présent arrêté, seront l'objet de procès-verbaux de contraven-
tions, sans préjudice des mesures que l'autorité locale croirait devoir
prendre ou prescrire dans l'intérêt de la santé publique et des responsabi-
lités civiles qu'elles peuvent encourir par le fait de leur négligence.
Art. i j. — Le Commissaire central de police, le Directeur du Bureau
municipal d hygiène, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exé-
cution du présent arrêté, qui sera publié et affiché dès qu'il aura reçu
l'approbation de M. le Préfet.
T'ait à Nice, le 17 juin 1892.
Le Maire,
Comte de MalAUSSEXA. Vu : Nice, le i« juillet 1892.
Pour le Préfet :
Le Secrétaire général délégué,
Signé : Laugier.
Lettre du D1' Hameau, médecin consultant à Arcachon.
Monsieur,
Je vous adresse une circulaire imprimée qui fut distribuée en 1891 aux
hôteliers et propriétaires de maisons meublées, par le maire d' Arcachon.
Depuis, d'autres avis ont été envoyés sur la demande des médecins, et
tous les logeurs savent que -leurs maisons seraient mises moralement en
interdit s'ils ne s'y conformaient pas. Depuis trois ans, une étuve de dé-
sinfection de Geneste et Herscher fonctionne sous la surveillance et le
tarif de la mairie.
Personne ne se soustrait maintenant aux obligations de la désinfection
méthodique.
Pratiquement, d'ailleurs, la chose est plus facile qu'on ne l'aurait pu
croire, parce que les frais sont supportés par les locataires. En sorte que
les hôteliers et les agents de location n'ont aucun motif pour éluder une
prescription qui ne leur coûte rien, au contraire !
A défaut de la loi qui rendra les mesures de désinfection obligatoires,
l'unanime pression du Corps médical d'Arcachon les a fait entrer immé-
diatement dans les mœurs de la population.
Signé : Dr Hameau.
,S| LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
Voici l'instruction pour la désinfection des locaux dans les-
quels ont séjourné ou sont décédées des personnes atteintes
de maladies contagieuses.
Instruction pour lu désinfection des locaux dans lesquels ont séjourne ou
sont décédées des personnes atteintes de maladies contagieuses.
i° Enlever toute la literie, les rideaux, tentures et tapis de la chambre,
et les faire passer à l'étuve sous pression ( i).
■i" Essuyer soigneusement tous les meubles ; puis en frotter le bois
avec un linge bien imbibé d'une solution de sublimé à i p. iooo. Le dénu-
des armoires, les corniches, le dos des cadres, et toutes les saillies des
moulures seront l'objet d'une attention spéciale.
!" Lessiver à l'eau bouillante le parquet et toutes les boiseries (portes,
fenêtres, plinthes, etc.), et les laver ensuite largement avec la même solu-
tion de sublimé.
î" Tous les meubles étant laissés dans l'appartement, le fermer hermé-
tiquement et y faire brûler du soufre, à raison de 5o grammes par mètre
cube. — Ouvrir seulement après vingt-quatre heures et laisser toutes les
issues extérieures largement ouvertes pendant quarante-huit heures au
moins. — ■ Ne pas oublier d'ailleurs que l'air et la lumière sont d'excellents
adjuvants de désinfection.
5° Repeindre après cela ou revernir toutes les boiseries de la pièce
désinfectée, cirer les meubles à l'encaustique ou, s'ils sont vernis, les
oindre extérieurement et intérieurement avec un mélange désinfectant tel
que celui-ci :
Huile de lin 100 grammes ;
Bichlorure hydrargyrique. ... o gr. 10 centigr.
Alcool Q. S.
6° Brûler toutes les choses qu'il n'est pas nécessaire de conserver et
notamment les papiers enlevés des murs, les jouets et autres menus objets.
Lettre de M. le D1' Bouloumié, médecin consultant à Mande-
liez, prés Cannes.
Monsieur,
Je me suis informé auprès de mes confrères de Cannes et au secrétariat
ge
néral de la mairie.
|i) La vapeur sous pression de cette étuve doit avoir iao degrés centigr. de
chaleur. Elle exi^e une installation spéciale et l'Administration s'occupe de la
faire établir à Arcachon.
FRANCE 8~>
Voici le résultat de mes informations ;
i° Il n'y a pas de règlements sanitaires spéciaux;
2° On n'a pu à la mairie me donner aucun imprimé ou autographie con-
cernant les mesures d'hygiène à prendre dans les divers cas;
3° A la mairie, on m'a assuré que le maire était plein de sollicitude
pour tout ce qui intéresse l'hygiène et veillait au bon fonctionnement de
l'escouade de désinfection municipale ;
4° Il y a une escouade de désinfecteurs munis d'une pompe à pulvérisa-
tion de Geneste et Herscher.
Ces désinfecteurs se rendent aux domiciles indiqués, pulvérisent du
bichlorure sur les meubles, la literie, les parois de la pièce, et dans cer-
tains cas brûlent certains objets d'habillement ou de literie.
Dans les hôtels et villas on ne fait pas de désinfection systématique :
on la pratique généralement par les deux moyens ci-dessus quand il y a
eu un décès, un cas grave, une maladie contagieuse aiguë ; mais ce n'est
pas formellement réglementé et appliqué.
De plus, rien ne renseigne le public sur les établissements pratiquant
la désinfection. C'est donc au hasard que s'installe le locataire.
En automne, avant la saison, annuellement dans les établissements bien
tenus, les tapis sont généralement levés et battus, mais le plus souvent ils
le sont dans la cour même ou le jardin des hôtels.
Il y a, vous le voyez, quelque chose d ébauché, mais rien de suffisant ;
il faut, là comme ailleurs, en arriver à ce que l'intérêt oblige les proprié-
taires ou gérants d'hôtels et de villas meublées à désinfecter régulièrement,
et pour cela qu'il soit délivré un certificat de salubrité qui sera affiché.
(Voir ma communication à ce sujet dans les Bulletins de la Société de
Médecine publique et d'Hygiène.)
Signé : Dr Bouloumié.
Pau, le aG avril 1 895.
Ville de Pau
Bureau municipal d'hygiène.
Monsieur.
Je m'empresse de vous faire connaître qu'il est de règle à Pau que tout
propriétaire ou habitant, pour avoir le droit d'exhiber un écriteau de
patente nette de location, doit se soumettre aux pratiques de la désinfec-
tion par les appareils Geneste et Herscher, chaque fois que cela est
reconnu nécessaire.
86 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
A cel effet, il est détenteur d'un livret sur lequel le médecin inscrit la
nécessité de cette désinfection. Un inspecteur de police est spécialemenl
chargé de la surveillance de ce service. Les désinfections sont faites par
les soins el sous la surveillance du bureau d'hygiène.
Signé : Dr BarthÉ.
Contre la tuberculose bovine on agit plus énergiquement
en France que contre la tuberculose humaine. Il faut rendre
ici hommage au distingué professeur Nocard et aux efforts per-
sévérants avec lesquels il a mené la campagne qu'il a entre-
prise clans le but d'extirper la tuberculose des grandes agglo-
mérations d'animaux de la race bovine en France.
Sur l'avis de l'Académie de médecine, sanction légale a été
donnée à l'emploi de la tuberculine comme moyen île dia-
gnostic de la tuberculose bovine. Ou accorde aux cultivateurs
des indemnités, variant de la moitié aux deux tiers de la valeur
de la viande, dans les cas d'abattage pour cause de tuberculose,
lorsque l'animal a été soumis à l'épreuve de la tuberculine.
Le ministre de l'agriculture a également donné connaissance
à la Commission des épizooties d'un projet de décret régle-
mentant les dispositions à prendre- pour empêcher la propa-
gation de la tuberculose par le bétail d'espèce bovine provenant
de l'étranger. Le principe de ce décret a été approuvé par la
Commission permanente du Conseil supérieur de l'agricul-
ture.
En conséquence, le ministre de l'agriculture a rendu, en
date du i4 mars 1896, un décret en vertu duquel les animaux
de l'espèce bovine venant de l'étranger, présentés à l'impor-
tation en France, sont soumis à l'épreuve de la tuberculine
el, à cel effet, sont placés en observation à la frontière, aux
frais des importateurs , pendant quarante-huit heures au
moins. Ceux qui présentent à celle épreuve les réactions carac-
téristiques de la tuberculose sont reroulés après avoir été
marqués, à moins que l'importateur ne consente à ce qu'ils
soient immédiatement abattus. Dans ce cas, l'abattage a lieu
sur place, sous la surveillance du vétérinaire inspecteur attaché
au bureau de douane au point d'introduction.
Sont exempts de l'épreuve de la tuberculine les animaux de
l'espèce bovine qui sont déclarés pour la boucherie. Ces ani-
FRANCE 87
maux ne sont admis qu'à destination des marchés des localités
où il existe un abattoir public. Ils sont marqués, et le laisser-
passer mentionne la localité de destination. Ce laisser-passer
est renvoyé dans les quinze jours de sa date, au vétérinaire
inspecteur qui l'a délivré, avec un certificat d'abattage émanant
du vétérinaire préposé à la surveillance de l'abattoir où les ani-
maux ont été sacrifiés. Dans le cas où les animaux ne seraient
pas tous abattus dans la localité déclarée au moment de l'en-
trée en France, la réexpédition ne pourra avoir lieu qu'avec
un laisser-passer délivré par le maire de ladite localité, et à
destination d'autres localités également pourvues d'un abattoir
public. La justification de l'abattage de ces animaux devra être
fournie dans la l'orme et le délai indiqués au paragraphe pré-
cédent.
L'arrêté ministériel en ce qui concerne la viande tuberculeuse
est ainsi conçu :
Article premier. — L'article XI de l'arrêté ministériel du 28 juil-
let 1888 est modifié ainsi qu il suit :
Les viandes provenant d'animaux tuberculeux sont saisies et exclues en
totalité ou en partie de la consommation suivant la nature et l'étendue des
lésions constatées, ainsi qu'il est ci-dessous déterminé.
Elles sont saisies et exclues en totalité de la consommation :
i° Quand les lésions tuberculeuses, quelle que soit leur importance,
sont accompagnées de maigreur ;
'i° Quand il existe des tubercules dans les muscles ou dans les ganglions
intra-musculaires ;
3° Quand la généralisation de la tuberculose se traduit par des éruptions
miliaires de tous les parenchymes et notamment de la rate ;
4° Quand il existe des lésions tuberculeuses importantes à la fois sur
les organes de la cavité thoracique et sur ceux de la cavité abdominale.
Elles ne sont saisies et exclues qu'en partie de la consommation :
i° Quand la tuberculose est localisée soit à la cavité thoracique, soit à
la cavité abdominale ;
20 Quand les lésions tuberculeuses, bien qu'existant à la fois dans la
cavité thoracique et la cavité abdominale, sont peu étendues.
La saisie et l'exclusion de la consommation ne portent dans ce cas que
sur les portions de viande (parois abdomidales ou costales) qui sont direc-
tement en contact avec les parties malades de la plèvre ou du péritoine.
Dans tous les cas les organes tuberculeux sont saisis et détruits, quelle
que soit l'étendue de la lésion.
88 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
Toutefois les viandes suffisamment grasses peuvent être remises au
propriétaire après stérilisation prolongée pendant une heure au moins
soil dans l'eau bouillante, soit dans la vapeur sons pression ; mais la sté-
rilisation ne pourra avoir lieu qu'a l'abattoir sons le contrôle du vétéri-
naire inspecteur.
Art. i. — Les préfets des départements sont chargés, chacun en ce qui
le concerne, de l'exécution du présent arrêté.
Fait à Paris, le '28 septembre 1896.
.Iules MÉL1NE.
Si jusqu'à présent, on n'a l'ait que liés peu tic chose on o-éné-
ral pour les tuberculeux adultes, notamment au point de vue
de leur traitement dans des établissements fermés ou de leur
isolement dans des hôpitaux spéciaux, il faut reconnaître
qu'en France les enfants tuberculeux ont été l'objet d'une
attention spéciale.
Comme la liste jointe à ce travail sur les sanatoria nous l'en-
seigne, il y a plus d'établissements pour traiter les enfants
tuberculeux en France que dans tous les autres pays réunis. Et
tout récemment, clans une de ses séances, la Chambre des
députés a décidé que le gouvernement peut autoriser rémis-
sion d'une loterie par séries de iooooo lianes, jusqu'à concur-
rence de la somme d'un million, en faveur de l'Œuvre des
enfants tuberculeux (hôpital d'Ormesson). Mais, nous le répé-
tons, il y a encore beaucoup à faire pour la prophylaxie de la
phtisie pulmonaire chez l'homme dansée beau pays de France,
oit le nombre des sanatoria pour le traitement des phtisiques
de toutes les classes sociales, mais surtout de la classe pauvre,
devra être considérablement augmenté.
Les membres les plus distingués du Corps médical fran-
çais ont bien compris la situation, et il existe aujourd'hui en
France plusieurs Sociétés qui travaillent sans relâche dans le but
de faire adopter des mesures de prophylaxie sérieuse contre la
tuberculose et provoquent par tous les moyens en leur pouvoir
des réformes hospitalières en même temps qu'elles l'ont une
propagande active pour l'érection de sanatoria.
Voici les noms de quelques-unes de ces Sociétés les plus
importantes : l'Œuvre de la Tuberculose, fondée par le proies-
IlOLLASDE, 1I0SGRIE 8<)
seui' Verneuil (de l'Institut), avec M. le professeur Bouchard
(de l'Institut) connue président; MM. les professeurs Chauveau
(de l'Institut) et Lannelongue (de l'Institut) comme vice-prési-
dents, et M. le D1' L.-H. Petit comme secrétaire général. —
L'Œuvre des Enfants tuberculeux, avec M. le D1' E.-P. Léon
Petit comme secrétaire général. — L'Œuvre des Hôpitaux
marins. — L'Œuvre nationale des sanatoria de montagne
(Dr Bournct). — Société d'étude des sanatoria français. — Il y
a en plus de nombreuses ligues françaises contre la phtisie
pulmonaire : la première de ces ligues a été fondée par M. le
D1' Armaingaud (de Bordeaux).
Pour couronner les efforts qui ont lieu partout en France
dans la direction de la prophylaxie de la tuberculose, tout
récemment, sur la proposition de M. Brouardcl, l'Académie des
sciences a décidé qu'une commission spéciale serait chargée
de l'examen des questions se rapportant aux effets et à la pro-
pagation de la tuberculose, ainsi qu'aux logements insalubres.
Cette commission comprendra les six membres de la section
de médecine et de chirurgie, à savoir : MM. Potain, Bouchard,
Marey, Guyon, d'Arsonval, Lannelongue, les deux secrétaires
perpétuels de l'Académie, et MM. Brouardel, de Freycinet, de
Jonquières, Chauveau, Duclaux, Arm. Gautier.
IIollaxde. — En Hollande, les vacheries industrielles sont
soumises à une surveillance sanitaire. Il y a plusieurs sanato-
ria et hospices marins pour le traitement des enfants tubercu-
leux ; et dernièrement une société hollandaise a fondé à Davos
un sanatorium pour le traitement des phtisiques qui ne peu-
vent payer qu'un prix modéré. Il n'existe pas encore d'autre
établissement fermé pour le traitement de la phtisie pulmonaire,
mais la jeune reine, lors de son avènement au trône de Hol-
lande, a décidé qu'une grande partie du tribut d'argent offert
à cette occasion par ses sujets sera consacrée à la construction
de sanatoria pour tuberculeux pauvres.
Hongrik. — De la Hongrie comme de l'Autriche, je n'ai pu
obtenir de renseignements précis relativement aux lois sani-
taires ou règlements destinés à empêcher la propagation de la
tuberculose par l'homme ou les animaux. Mais l'opinion
go l'OIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
publique est favorable à l'établissement de sanatoria. Une
somme de 10000 florins a été mise récemment à la disposition
iln professeur Koranyi (de Budapest1, et dernièrement un autre
legs important a été fait par un philanthrope hongrois en
faveur des phtisiques pauvres (ï).
Italie. — Il semble que l'Italie, le pays qui, dans les siècles
passés, a pris les mesures de prophylaxie les plus sévères et
édicté les lois les plus draconiennes contre la tuberculose, se
soit relâché jusqu'à l'indifférence à l'égard des prescriptions
adoptées dans les temps modernes contre celte maladie.
D'après les renseignements que mon très distingué confrère
M. le professeur Massalongo a bien voulu m'envoyer, il n'y a
encore en Italie ni hôpitaux spéciaux, ni sanatoria pour les
phtisiques. Mais, à la date du 10 mai dernier, le ministre de
l'intérieur a adressé à tous les préfets une circulaire dont
voici, sinon le texte, au moins la substance :
Dans beaucoup d'hôpitaux du royaume, les tuberculeux sont
mêlés aux autres malades dans les salles communes; il est
inutile d'insister sur le danger qui peut en résulter, au point
de vue. de la contagion, chez des sujets dont la résistance
vitale est déjà affaiblie par d'autres maladies. Il importe de
remédier à cet état de choses en plaçant dans un corps spécial
de bâtiment tous ceux chez lesquels l'existence de la tubercu-
lose est démontrée. Il serait assurément désirable que cet iso-
lement fût complet et rigoureux; mais beaucoup d'hôpitaux
sont construits de telle sorte qu'ils n'ont qu'un seid corps de
bâtiment, et leurs ressources ne leur permettent pas d'édifier
des constructions nouvelles répondant au but à atteindre. Dans
ces cas, il faudra se contenter de répartir les tuberculeux dans
des salles spéciales, autant que possible séparées du reste de
l'hôpital.
A la réception de la présente circulaire, une commission se
réunira afin d'étudier la question dans les hôpitaux de chaque
province, et fera connaître au ministère les mesures prises
dans chaque cas particulier.
Il y a quelques hôpitaux spéciaux pour le traitement des
(ï) Heilstàtten /Correspondent, I. Il, 1898, avril.
JAPON, NORVEGE ET SUEDE gi
enfants tuberculeux et rachitiques disséminés un peu partout
dans le royaume d'Italie.
Japon. — Au Japon, le gouvernement impérial a créé à
Tokio, pour le célèbre professeur Kitasato, un grand hôpital
destiné au traitement et à l'étude de la tuberculose pulmonaire
chez l'homme.
Norvège et Suéde. — En Norvège et en Suède, grâce aux
efforts persévérants de mon ami le D1' Klaus Hansen, médecin
en chef de l'hôpital de Bergen, la lutte contre la tuberculose
accomplit de réels progrès. En ce moment même le Parlement
norvégien est saisi d'un projet de loi relatif aux mesures à
prendre contre la tuberculose humaine, élaboré sur l'ordre
du département de justice et rédigé par MM. les D's Holmboe
et Klaus Hansen.
La tuberculose bovine est soumise à une surveillance gou-
vernementale; mais les fermiers de ces pays savent bien appré-
cier la valeur commerciale de produits absolument sains. Voici
comment procède une nouvelle entreprise cjui fonctionne depuis
quelques années en Suède et en Norvège, ainsi qu'en Dane-
mark : plusieurs fermes voisines se réunissent pour centraliser
leur lait frais dans un local commun, où ce lait est d'abord
pasteurisé à une température d'environ 70°, puis refroidi à — io°.
Les blocs de lait congelés sont mis dans des tonneaux de sapin
étanches que l'on remplit à moitié de cette façon. Ce qui reste
d'espace est alors rempli de lait stérilisé, puis les tonneaux sont
hermétiquement fermés. Les secousses du voyage ne peuvent
donner lieu à la production de beurre parce que, d'une part, les
tonneaux sont exactement remplis et que, d'autre part, les gla-
çons de lait ne fondent que très lentement et maintiennent
longtemps le liquide à une température relativement basse. Le
lait se conserve ainsi au moins trois semaines, et de Suède et
de Danemark on expédie en Angleterre des cargaisons entières
de tonneaux de lait ainsi préparé (1).
L'agitation créée par les médecins norvégiens en faveur de
(1) Bulletin Médical. 1893, 27 octobre.
92 LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
sanatoria pour le traitemenl dé phtisiques de toutes classes
n'a pas été sans résultat. II existe déjà quelques établissements
de ce genre, et le gouvernement et les municipalités aident
ces entreprises par des concessions de terrain et des subven-
tions. En outre, le parlement norvégien a décidé que deux des
anciens hôpitaux destinés aux lépreux et situés aux environs
de Bergen, seraient transformés en sanatoria pour le traite-
ment de la phtisie. Un autre l'ait caractéristique montre à quel
point le public est convaincu de la nécessité de mesures
énergiques.
Le roi de Suède recevait dernièrement, à l'occasion du jubilé
de sa vingt-cinquième année de règne, une donation de près de
3oooooo de francs, offerte par ses sujets en témoignage de
reconnaissance el de dévouement envers leur souverain. Avec
une générosité qu'on peut doublement qualifier de royale, Sa
.Majesté a décidé que cet argent serait employé à la création de
sanatoria pour les phtisiques pauvres.
Portugal. — Le Portugal parait particulièrement affligé. Ce
pays, avec une population d'environ 45ooooo âmes, voit chaque
année 20000 de ses habitants succomber à la tuberculose. Le
manque absolu de lois contre la propagation de la maladie
provoqua l'organisation d'un Congrès île la tuberculose en
Portugal, lequel eut lieu à Coïmbre. Il est à souhaiter que
les travaux de ce Congrès amènent bientôt une réduction de
celte mortalité effrayante.
Russie. — Dans le grand empire de Russie, on semble,
d'après des nouvelles que nous avons reçues de notre distinguée
collègue MmcPaolowskoja(de Saint-Pétersbourg) et des rensei-
gnements puisés dans la Revue de ht tuberculose et dans
quelques journaux étrangers, vouloir résoudre le problème de
la tuberculose par la création multiple de sanatoria el hôpi-
taux spéciaux pour les pauvres. Dans aucun pays l'intérêt
pour celte œuvre philanthropique ne parait plus grand qu'en
Russie. Les plus hauts personnages s'occupent de cette ques-
tion, et l'empereur Nicolas II donne l'exemple. Il a fait présent
à la Société des médecins russes, à Saint-Pétersbourg, de
j(ij 000 roubles pour la construction et l'entretien d'un sana-
SUISSE, TURQUIE 93
torium pour les tuberculeux, en mémoire de feu l'impératrice
Marie Alexandrowna, morte de phtisie. Dans ce même but,
l'empereur a également donné à la Société sa propriété de
Taitzi, renommée pour son excellente eau de source, son parc
superbe et sa situation heureusement abritée des vents.
La direction des sanatoria impériaux en Russie est confiée
aux soins du médecin particulier de Sa Majesté, M. le D1' Hirsch.
Nous parlerons plus loin des nombreuses autres œuvres phi-
lanthropiques, inaugurées en Russie en faveur des phtisiques
pauvres. Nous désirons de plus mentionner ici que, grâce à
l'initiative de M. le D1' Schnaubert (de Moscou), la ligue orga-
nise et développe sa propagande par des conférences et par la
distribution d'un nombre considérable d'instructions sur la
contagion et la prophylaxie de la tuberculose.
Suisse. — ■ La Suisse s'est décidée à agir énergiquement
contre la propagation de la tuberculose. Une commission com-
posée de MM. les professeurs Gosse, Vincent et M. le D1' Gil-
bert, a été chargée par le gouvernement d'étudier les mesures
à prendre contre cette maladie. Les instructions publiées par
cette commission sont analogues à celles d'autres pays, et
visent les précautions à prendre pour se protéger contre la
contagion venant de l'homme ou des animaux. A signaler le
dernier paragraphe, qu'on ne trouve pas partout : « La tuber-
culose doit être traitée dès le début et, dès le début, il faut
savoir se résoudre aux sacrifices auxquels on consent alors
qu'il est souvent trop tard. »
Un arrêté du Conseil fédéral, en date du 7 juillet 1896, con-
cernant les mesures à prendre contre la tuberculose de l'es-
pèce bovine, et qui entrait immédiatement en vigueur, protège
aulant que possible ce pays contre le danger venant de la
tuberculose des bovidés.
La Suisse n'a pas fait moins de progrès au point de vue du
traitement de la phtisie pulmonaire dans les établissements
fermés. Le plus ancien de ce genre est celui du Dr Turban, à
Davos; mais pour les phtisiques pauvres plusieurs sanatoria,
dans les divers cantons, sont déjà en plein fonctionnement ou
à l'état de projet.
Turquie. — Le gouvernement ottoman rendait obligatoire,
ni
LOIS SANITAIRES ET LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
en i8q5, et sous peine d'amende en cas d'infraction, la déclara-
tion des maladies infectieuses suivantes : choléra, fièvre
typhoïde, typhus, dysenterie, variole, varicelle, rougeole,
rubéole, scarlatine,, coqueluche, diphtérie et tuberculose pul-
monaire. On voit donc que la phtisie pulmonaire est considé-
rée, à Constantinople aussi, comme une maladie essentielle-
ment contagieuse. Mais il esl à craindre que la loi, au point de
vue de la phtisie pulmonaire tout au moins, ne soit pas liés
rigoureusement appliquée. J'ai visité, il y a quelques années,
la ville du Bosphore et quelques-unes de ses institutions mé-
dicales, et le doute que je viens d'émettre ma été inspiré par
ce que j'ai vu. Je le répète, il est à craindre que cette loi sur
les maladies infectieuses ne reste pour longtemps en Turquie
à l'état de lettre morte.
Il m'a été impossible de rien apprendre de précis au point
de vue de la prophylaxie de la tuberculose bovine; mais il v a
quelque années, le sultan a décidé qu'un hôpital spécial poul-
ies tuberculeux serait créé à Constantinople. Un établissement
pour les enfants tuberculeux est également projeté.
CHAPITRE VII
Prophylaxie publique de la tuberculose dans la race bovine.
Dans les pages précédentes nous avons traité d'abord de la
prophylaxie individuelle, ensuite nous avons passé en revue
les lois, règlements et prescriptions sanitaires contre la tuber-
culose humaine et bovine, émanant des autorités publiques
ou des associations privées. Il nous reste donc à parler de ce
qui, selon nous, reste encore à l'aire pour combattre avec plus
de succès la propagation de la tuberculose par la prophylaxie
publique.
Distribution géographique de la tuberculose des bovidés.
— En ce qui concerne la tuberculose bovine, il n'y aura jamais
rien de définitivement accompli tant que les lois ne devien-
dront pas internationales, c'est-à-dire que c'est seulement par
suite d'une entente comme il en existe pour certaines épidé-
mies, telles que le choléra, la peste, etc., que nous pourrons
espérer supprimer les dangers venant de la tuberculose des
bovidés. Pour atteindre ce but, je propose un Congrès inter-
national de la tuberculose analogue à la Conférence interna-
tionale qui eut lieu il y a quelques années à Dresde, pour les
mesures à prendre contre le choléra. Afin de justifier la néces-
sité d'une telle mesure, je ne puis que citer l'article remar-
quable que M. E. Leclainche, professeur à l'École vétérinaire de
Toulouse, a publié dans la Revue de la tuberculose, sur la « Fré-
quence et la distribution géographique de la tuberculose des
Bovidés » (i). Ce distingué vétérinaire nous apprend d'abord
(i) Revue de la tuberculose, t. IV, p. 3oi.
96 PROPHYLAXIE PUBLIQUE
qu'en France La proportion des bovidés tuberculeux est vrai-
semblablement comprise entre 10 et ao p. 100, en Belgique
(>o |>. uni, en Prusse 9 p. roo, en Saxo ai p. 100. En Angleterre,
un rapporl officiel, basé sur une. enquête très sommaire, admel
une proportion variant de 3 à 17 p. 100. Hunting, qui a examiné
4ooo bêtes, en a trouvé ao p. 100 de tuberculeuses. Des statis-
tiques officielles récentes indiquent un pourcentage de 18, 7 dans
le Durbam,de ao dans le Midlothian, de 22,8 dans leYorkshire,
de a5 dans les vacheries de Londres et île a6 dans relies
d'Edimbourg. L'Ayrshire compte 70 à 80 p. 100 de malades.
Par contre, la tuberculose est rarement signalée dans le bétail
de Devon, d'Aberdeen, des comtés de Stafford et de Montgo-
mery.
En Danemark, îles épreuves par la tuberculine ont révélé
i5o p. 100 d'animaux tuberculeux. En Hollande il y en a, d'après
Schmidt, ao p. 100; en Italie (Lombardie , 3o p. 100; au Mexi-
que, 34 P- It)0 ; cn Australie-, de 10 à ao p. 100.
Ces chiffres montrent bien la fréquence de la tuberculose
dans presque tous les pays, mais ce que Leclainche nous dit
au point de vue de l'exportation et l'importation des bestiaux
de ces diverses contrées, est encore plus frappant et plus ins-
tructif.
Voici quelques exemples :
La Russie, d'après les évaluations optimistes de Semmer,
renferme à coup sur plus d'un demi-million de bovidés tuber-
culeux. La proportion est de 7,a6 p. 100 à l'abattoir de Moscou.
Alors que les troupeaux indigènes sont peu gravement atteints,
on trouve 10 à 90 p. 100 de tuberculeux dans le bétail importé
maintenu en stabulation ; en 1896, Petrowsky rencontre 18,2
p. 100 de malades dans les métairies du gouvernement mili-
taire de l'OuraL
En Afrique, la tuberculose est encore peu répandue chez les
races indigènes. En Algérie, on trouve tout au plus un animal
tuberculeux sur 10000; par contre, le bétail européen importé
est souvent affecté. En Egypte, Piot compte 5 p. 100 de
malades dans le domaine de l'Etat.
Au Japon, la tuberculose s'observe presque uniquement sur
le bétail importé. Les bovidés d'origine américaine donnent
.")o p. 100 de tuberculeux dans les abattoirs ; les animaux d'ori
TUBERCULOSE DES BOVIDES 97
gine anglaise payent le même tribal; au contraire, le bétail
indigène est encore indemne (Janson).
J'ai déjà parlé, dans mon chapitre « Les lois sanitaires »
(p. 67), de la situation déplorable (pie l'on constate aux
États-Unis. Ici, où chaque Etat a le droit de l'aire des lois
comme bon lui semble, il est facile de comprendre comment
d'une partPeters évaluait le nombre des animaux tuberculeux
dans l'État de Massachusetts — -où les lois contre la pommelière
sont très strictes — seulement à 2 ou 3 p. 100, tandis cpie Osgood
en rencontrait dans les régions d'élevage (situées dans d'au-
tres États) jusqu'à 80 et 90 p. 100. Je ne peux pas admettre la
conclusion de M. Leclainche, d'après laquelle c'est avec le
bétail anglais seulement que la tuberculose pénètre en Dane-
mark, en Suède, en France, en Russie, en Japon, aux Etats-
Unis, au Chili et en Australie. Je sais que la faute en incombe
non seulement à l'Angleterre, mais à tous les gouvernements
des pays où l'exportation et l'importation du bétail se font sous
les conditions actuellement en vigueur. Pour combattre avec
succès la tuberculose qui frappe l'espèce bovine et ipso facto
l'espèce humaine, il faut commencer chacun chez soi, c'est-à-
dire que chaque pays devrait détruire les animaux tuberculeux,
démolir les locaux où ces animaux ont vécu, construire ou
reconstruire les étables selon les conceptions hygiéniques
modernes et instituer une surveillance permanente des vache-
ries, abattoirs, boucheries, dépôts et marchands de lait, et
instruire les fermiers et laitiers des précautions hygiéniques
indispensables à leur métier.
Tout en faisant table rase chez soi, et afin de ne pas rendre
la précaution inutile, il faudrait instituer en même temps à la
frontière de chaque pays la plus stricte surveillance contre
toute possibilité d'importation de bétail tuberculeux.
Entente internationale. — ■ Sans une entente internationale,
la tuberculose des bovidés progressera et s'étendra toujours
M. le D1' F.-W. Smith, membre du Tuberculosis Committee 0/
t/ie State Boavd of Health of New York-, une des autorités amé-
ricaines les plus considérables en matière de tuberculose,
m'écrivait l'année dernière : The first great slep toward llie
prophylaxis of tuberculosis inman is lo stamf out the diseast
Kxopf. Sanatoria.
gg LES SANATORIA
in caille (le premier grand pas vers la prophylaxie de la
tuberculose humaine consiste à exterminer la tuberculose dans
l'espèce bovine). Mieux vaudrait encore essayer de combattre
la tuberculose à la fois chez l'homme et chez les bovidés.
Revenons doncà présenta la prophylaxie dans la race humaine.
CHAPITRE VIII
Prophylaxie publique de la tuberculose humaine.
Nous avons traité longuement, dans le chapitre « Prophylaxie
individuelle »,de tout ce qu'on peut demander au malade lui-
même ou à sa famille. Quels sont les devoirs des autorités
publiques au point de vue de la prophylaxie de la tuberculose
chez l'homme ? Pour prévenir la propagation de la tuberculose
dans la race humaine il nous tant d'une part des lois, des
règlements, des instructions publiques, émanant des autorités,
et des établissements spéciaux pour le traitement de la tuber-
culose. Et d'autre part, il importe que l'esprit médical soit
dirigé vers une meilleure compréhension de la nécessité du
traitement prophylactique. Nous parlerons plus loin du véri-
table traitement prophylactique ; ici, nous voulons discuter
seulement les mesures prophylactiques qui devraient être ins-
tituées par les autorités publiques.
Transmission et prédisposition. — La tuberculose per se
est rarement transmise par la mère au fœtus. Les quelques
cas rapportés par divers auteurs, quoique incontestables, sont
en trop petit nombre pour que nous nous y arrêtions. Mais que
l'hérédité de la prédisposition soit un facteur des plus impor-
tants dans l'étiologie delà phtisie, c'est un point qui n'est plus
guère discutable. Les gens « tuberculisables », comme les
appelait l'ingénieux Peter, sontle plus souvent des enfants issus
d'un père ou d'une mère tuberculeux. Il existe un tel nombre
d'enfants et de jeunes gens « tuberculisables », mais non encore
tuberculeux, que je crois qu'une grande partie, peut-être la
plus grande partie, de la prophylaxie moderne de la phtisie
pulmonaire devrait avoir pour but de faire de ces sujets, qu'on
,00 PROPHYLAXIE PUBUQVE
pourrait appeler aussi des « candidats à la phtisie ». des
hommes et des femmes loris cl sains, des candidats préparés
n n a pour la tuberculose, mais entraînés à la lutte pour la vie tout
comme les autres. Nous verrons plus loin que le traitement
prophylactique devrait commencer avec l'enfant in utero, et il
en est de même pour les mesures prophylactiques à prendre
par les autorités sanitaires.
Femme tuberculeuse enceinte. — Toute femme enceinte el
tuberculeuse devrait, surtout si elle appartient à la classe
pauvre, devenir un objet de soins publics. Aussitôt qu'une
femme dans cel état se présente à un médecin, elle devrait
être envoyée à une Maternité spéciale (Maternité-Sanatorium
située dans les conditions atmosphériques les plus favorables.
où, sous les soins d'un accoucheur expérimenté et au cou-
rant de la phtisio-thérapie, elle attendrait sa délivrance. Après
l'accouchement elle devrait rester encore quelques mois dans
ce sanatorium d'accouchement avant de rentrer dans son foyer.
Le surmenage, l'ennemi le plus dangereux de toute femme
enceinte ou récemment accouchée, mais surtout de la mère
tuberculeuse sans moyens, peut être enrayé par ces précau-
tions, au moins dans un grand nombre de cas. Les rensei-
gnements que la mère aura reçus au point de vue des soins à
prendre pour elle-même et son enfant seront d'une valeur ines-
timable; et l'enfant, quoique issu d'une tuberculeuse, aura
ainsi grand'chance de devenir un homme fort el sain.
Ecoles spéciales pour enfants tuberculeux. — - La France,
la Belgique, la Hollande, l'Italie, el quelques autres pays ont
déjà des sanatoria pour enfants tuberculeux et rachitiques.
A ces sanatoria, surtout consacrés au traitement de la tubercu-
lose osseuse, sont rattachées des écoles où les enfants peuvent
recevoir l'instruction. 11 n'y a guère d'établissements où
un enfant atteint de tuberculose pulmonaire ou prédispose à
cette maladie puisse avoir les soins médicaux et intellectuels
que son cas exige.
Davos est à ma connaissance le seul endroit possédant un
établissement privé, où un enfant prédisposé à la phtisie puisse
recevoir non seulement le traitement climatérique de celte sta-
REPAS AUX ECOLES DES PACVRES 101
lion, mais aussi une bonne éducation. Les devoirs des autorités
sont tout tracés.
Ce sont des établissements pareils qu'il nous faut, situés de
préférence près d'une grande ville, dans un milieu sain, et
s'il est possible à une altitude de quelques centaines de mètres.
Car si nous ne voulons pas qu'un enfant tuberculeux fréquente
les écoles ordinaires, il nous appartient de créer des écoles
spéciales. De plus les autorités sanitaires devraient veiller sur
les conditions hygiéniques de toutes les écoles où se trouvent
assemblés pendant des heures des centaines d'enfants avec leur
constitution susceptible. Ces écoles devraient être des modèles
de tout ce qu'il y a de plus hygiénique et sanitaire. De grandes
cours ou « roofgardens (i) » pour récréation, jeux, chants et
récitations en plein air sont indispensables au bien-être et au
développement des enfants.
Dans plusieurs villes des Etats-Unis, et surtout à New- York,
nous jouissons depuis quelque temps d'une innovation très
heureuse au point de vue de l'hygiène scolaire. Un ou plu-
sieurs médecins nommés par le bureau de santé de la ville sont
attachés à chaque école publique. Le matin il y a un défilé des
enfants devant le médecin. Au cas où un écolier ou une écolière
présente les symptômes d'une maladie contagieuse, il est ren-
voyé avec une note à ses parents. Il est évident que cette pra-
tique a eu pour effet une diminution appréciable des maladies
contagieuses de l'enfance.
Repas aux écoles des pauvres. — Dans les écoles fréquen-
tées par les pauvres, le médecin reconnaîtra aussi bien vite les
enfants mal nourris et qui, par ce fait même et en raison des
conditions peu hygiéniques où ils se trouvent chez leurs
parents, sont prédisposés à la phtisie. Donner à ces enfants
non seulement des leçons de propreté, d'hygiène élémentaire,
mais aussi vers le milieu de la journée un simple mais bon
repas avec un ou deux verres de lait comme boisson, sera une
des meilleures mesures prophylactiques que puisse prendre un
gouvernement prévoyant.
(i) Jardins sur les toits.
i.i, PROPHYLAXIE PUBLIQUE
RÈGLEMENT DU TRAVAIL DES ENFANTS ET DES FEMMES. —
Une question <|ui concerne La prophylaxie publique de La
tuberculose humaine au plus haul degré, c'esl le règlement <\\t
travail des enfants et des femmes dans les manufactures. .Nous
ne pouvons pas entrer ici en détail dans celle question sociale
sanitaire et morale toul à la lois. Nous voulons seulement
insister sur ce fail qu'une surveillance hygiénique de tontes
les usines, fabriques ou magasins où les mineurs et les
femmes sônl employés, s'impose comme une nécessité absolue,
et qu'un travail prolongé au delà de huit heures devrai! être
absolument interdit aux mineurs. On n'ignore pas, en effet, que
le plus grand nombre de jeunes «eus tuberculeux se recrute
parmi ees classes de la population où la position sociale exige
que toute la famille travaille, et il n'y a pas le moindre doute que
le germe de la phtisie s'acquière le plus souvent à l'âge de la
puberté. Ajoutons à cela les dangers provenant du surmenage cl
de la misère, et nous pourrons comprendrela mortalité effrayante
par tuberculose qui s'observe parmi les jeunes ouvriers.
D'après Ilolti, la mortalité par phtisie pour les sujets à^és
de plus de quinze ans, dans la classe aisée, à Helsingfors, est
de 27,7 p. 100 de la mortalité générale, tandis qu'elle esl de
44,6 p. ioo pour les hommes de la classe nécessiteuse : la
différence est donc presque du simple au double.
Professions particulièrement dangereuses aux prédisposés.
— L'influence exercée par les professions sur le développe-
ment tle la tuberculose devrait être aussi un guide pour les
autorités sanitaires. Les décès par phtisie sont particuliè-
rement nombreux parmi les ouvriers qui respirent des pous-
sières minérales, végétales ou animales, les marbriers, les
tailleurs de pierre, les taillandiers, les couteliers, les fabri-
cants de limes, les serruriers, les maçons, les ouvriers en
drap, les boulangers, les typographes et lithographes, etc.
A propos de ces professions qui prédisposent à la phtisie,
M. Krieger, de Strasbourg, ajoute dans son très intéressant
rapport au Congrès de Berlin (i) : « Les professions qui
'i) « Rapport entre les conditions extérieures de la vie et la dissémination
de la tuberculose. » In Presse Médicale. 27 mai 1809.
USINES ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS io3
nécessitent une attitude telle que, pendant son travail, l'ou-
vrier ne respire que par les parties postérieures des pou-
mons : il en résulte une diminution de la circulation de l'air
et du sang dans les régions supérieures pulmonaires dont la
résistance se trouve par suite diminuée.
« Les professions où l'individu reste tout le temps assis :
le défaut de mouvements et de travail musculaire amène,
dans ces conditions, un affaiblissement du cœur et de tout
le système musculaire, d'où résulte une diminution de la résis-
tance de tout l'organisme. »
Pour tous, une meilleure division du travail ou le moyen
de respirer plus souvent l'air frais, l'usage de respirateurs (i)
pendant leur exposition aux poussières, et une meilleure
appréciation des applications de l'hygiène, telles sont les
mesures qui favoriseront le mieux les progrès de la prophy-
laxie de la tuberculose dans cette classe.
Surveillance des usines et des établissements publics. —
Une surveillance de toutes les usines, fabriques, grands maga-
sins, théâtres, écoles (2), lycées, prisons (3), asiles, crèches (4),
etc., en ce qui concerne une bonne ventilation et l'utilisation de
nombreux crachoirs, pareils ou analogues à ceux que nous
(1) On donne ce nom aux appareils que l'on adapte à la bouche des personnes
exposées aux bronchites graves, afin de tamiser l'air qu'elles respirent. Entre
deux parois de iils métalliques on interpose une couche d'ouate mélangée de
charbon porphyrisé. destinée à intercepter les poussières atmosphériques et en
même temps à éviter l'introduction dans les voies respiratoires d'un air trop
froid; pour les tailleurs de pierres et les aiguiseurs, on interpose dans l'appa-
reil une éponge que l'on humecte de temps à autre (Duval. Dictionnaire des
Sciences médicales).
(2) En Italie, en 1890, la mortalité la plus forte par tuberculose a été constatée
parmi les écoliers, étudiants et séminaristes : chez eux, pour 1000 décès géné-
raux, les morts ducs à la tuberculose se chiffreraient par le nombre énorme
de 4^9, près de la moitié.
(3) Baek. Ueber das Aorkommen von Phtisis in den Gefangnissen Zeitschr.
f. klin. Med., i883, t. VI, p. 5n. — La mortalité dans la prison cellulaire de
Moabit, à Berlin, n'a pas été, en 1879, inférieure à 71 p. 100.
(4) P. Richard. Communication faite au 4e Congrès pour l'étude de la
Tuberculose. — D'après Gauchas, la fréquence de la tuberculose dans les crèches
de la ville de Paris est de 11 p. 100. ic Congrès pour l'étude de la Tubercu-
lose.
,,,i PROPHYLAXIE PUBLIQUE
avons décrits dans le chapitre sur la contagion (p. 45), consti-
tuera un autre devoir des autorités publiques. A la Nouvelle-
Orléans [Etats-Unis) , on a commencé, il y a déjà quelque temps,
dans plusieurs théâtres, après chaque représentation, à désinfec-
ter la salle parles vapeurs de formaldéhyde. Il esl à souhaiter
qu'une mesure semblable, rendue obligatoire, soit bientôl
inaugurée dans tout le inonde civilisé, pour les théâtres,
salles de concerts, etc.
Le danger du transport des PHTISIQUES par chemin de feu.
— Le danger du transport des phtisiques par chemin de fer a
été signalé depuis longtemps. En France : Villemin (i),
Petit (2); <Mi Autriche : Prausnitz (3); en Amérique: Whit-
tacker (4), Gonn (5) et nous-mème (6) avons plaidé à plusieurs
reprises devant les autorités sanitaires et les compagnies >\<'
chemins de fer en faveur de la désinfection des wagons. Les
vvagons-salons-lits sur les lignes particulièrement fréquentées
par des voyageurs tuberculeux demandent une surveillance
spéciale. M. le professeur Whittacker (de Cincinnati) décrit de
la façon suivante un voyage dans un de ces « sleeping cars » :
«On ne peut guère concevoir une réunion plus complète de con-
ditions capables de disséminer la tuberculose que celles que
présentent les wagons-salons. Us sont toujours mal ventilés,
chauffés et clos avec soin. Le wagon-lit renferme de seize à
trente personnes dans un espace si restreint que, dans une
habitation particulière, il ne viendrait à personne l'idée d'en
l'aire une chambre à coucher pour deux. Gomme il y a toujours
quelqu'un qui craint les courants d'air, les fenêtres, tenues
(1) Villemin. Bulletin </<• l'Acad. de Méd., 1889, 1 XXII, p. 17a.
(a) I. -II. Petit. Revue de la tuberculose, 1. I, p. 337.
(3) Pkaus.mtz. Sur la propagation <le la tuberculose par les voyages on
chemin de fer. Deutsche med. Wochenschr ., 1894. 12 juin.
(4) Whittacker. Tuberculosis in sleeping cars. Boston Med . and Surg.
Journal, 1889. 7 novembre.
(5) Cokn. Car sanitation; Report of Committee. Journal of the American
Med. Association, 1896, septembre.
(6) Knopf. 'Ilic présent status of préventive means against the spread of
Tuberculosis, etc. Journal of the American Med. Association. 1897. 3o oc-
tobre.
DANGER DV TRANSPORT PAR CHEMIN DE EER io5
bien fermées , ne permettent pas la ventilation ; comme on
ne peut non plus cracher sur le plancher ou dans les très
petits crachoirs, qui ne contiennent jamais d'eau, la tempe-
rature assez élevée permet la rapide dissémination des produits
infectieux.
« A la tombée de la nuit, on ouvre les compartiments con-
tenant la literie, et il s'en dégage une odeur insupportable de
moisi. On traite le voyageur avec un luxe ostensible de draps
de lit et de taies d'oreillers, mais les couvertures, les matelas,
les tapis, et, le pire de tout, les courtines, restent en place
jusqu'à ce qu'ils soient hors d'usage.
« Songez, de plus, que chaque wagon transporte ou a récem-
ment transporté un voyageur phtisique, ne fût-ce que pour
changer de climat, eUque, par ignorance, négligence ou mal-
propreté, celui-ci n'a pas manqué de déposer de la matière
tuberculeuse sur la literie, les rideaux, etc. Cette matière
n'est-elle pas desséchée, disséminée à travers le wagon et
absorbée peu à peu par les poumons des voyageurs? »
Malheureusement, rien n'est encore changé depuis l'intéres-
sante publication de M. Whittacker. J'ai visité l'année dernière
un de nos sanatoria américains, et pendant deux jours j'ai eu
pour co-voyageurs deux phtisiques. Les crachoirs étaient des
vaisseaux plats à large pourtour et dépourvus d'eau. J'ai pu
me convaincre que les voyageurs qui employaient ces crachoirs
se souciaient fort peu de voir si leurs crachats arrivaient dans
l'étroit orifice, s'ils restaient sur le pourtour des vases ou s'ils
tombaient sur le tapis. Chaque wagon de voyageurs en Amé-
rique contient un réservoir d'eau glacée, mais ce réservoir
est rarement muni de plus d'un verre ; c'était le cas le jour où
je voyageais pour me rendre dans la Caroline du Nord. Les
deux tuberculeux, dix à quinze autres voyageurs, le conduc-
teur et le garçon du wagon se servaient tous du même verre.
Enfin le train s'arrêta pour nous laisser descendre, et con-
tinua son chemin vers le Sud. Le hasard voulut que, deux
jours plus tard, je reprisse le même train pour revenir, et
l'on me donna une place dans le même « sleeping car ».
D'après les questions cpie je posai aux employés du « car »,
je pus me convaincre qu'on n'avait rien fait à l'arrivée du
train à la station terminale pour désinfecter les wagons dans
IO(5 PROPHYLAXIE PVBLIQVE
lesquels avaient séjourné nuit et jour les tuberculeux dont
j'ai parlé.
Le D* Whittacker compare le voyageur de ces trains-express
au chien que, dans un but expérimental, on fait respirer dans
une boite chargée de particules tuberculeuses, et qui y con-
tracte la maladie. Et mon distingué confrère a bien raison.
Quels sont doue les moyens de supprimer ou d'atténuer
!<■ danger sans sacrifier les sleeping cars.'
On a proposé — et celle proposition nous semble une solu-
tion pratique ■ — de l'aire disparaître la peluche, le velours et la
soie du mobilier; de recouvrir les sièges île cuir lisse, facile à
laver; de remplacer les lapis à demeure par des lapis mobiles
qu'on peut secouer en plein air, à la fin de chaque voyage, ou
mieux encore, do leur préférer le simple parquet. Les abomi-
nables rideaux doivent céder la place au bois et au cuir; les
couvertures du lit des malades seront soumises à une haute
température dans une étuve à vapeur; les matelas seronl
recouverts d'une enveloppe de soie imperméabilisée ou de
toile de caoutchouc pouvant être nettoyée. Surtout, on mettra
les malades dans des compartiments séparés, isolés du reste
du wagon, avec le même soin qu'on le l'ait pour les fumeurs,
moins nuisibles et moins dangereux. Les crachoirs seronl à
moitié remplis d'eau dans chaque wagon ; les voyageurs phli-
siques seront pourvus d'un crachoir qu'on pourra vider hors
du wagon.
Mais il me semble qu'il vaudrait encore mieux construire
des wagons-ambulance (pie l'on mettrait en circulation sur
toutes les lignes spécialement fréquentées par des phtisiques.
Et, dans l'intérêt de tous, je crois qu'il serait temps d'arriver à
une entente internationale afin que chaque train île voyageurs
soit obligé de rester à la station terminale jusqu'à ce que tous
les wagons aient élé soumis à une désinfection par les vapeurs
de formaldéhyde.
Logements insalubres. — Les logements insalubres dans les
grandes villes ainsi que dans beaucoup de petites localités, et
même à la campagne, sont sans doute une des causes principales
qui nous empêchent d'obtenir une extermination plus rapide de
hlisie pulmonaire. Il esl reconnu, d'après la distribution de
a pi
DÉCLARATION OBLIGATOIRE DE LA TUBERCULOSE 107
la phtisie pulmonaire dans les grandes villes, qu'il y a des dis-
tricts et des maisons à Paris (i), à New-York (2) et à Philadel-
phie (3), où la phtisie pulmonaire semble être endémique.
Et l'explication de l'existence de ces foyers dangereux se
trouve : i° dans la non-imperméabilité du sol sur lequel les bâti-
ments sont construits; 20 dans le fait même que des tuberculeux
ont demeuré et sont morts dans cette maison sans qu'une désin-
fection ou quoi que ce soit ait été tenté pour détruire les foyers
de tuberculose ; et 3° dans les conditions hygiéniques dans
lesquelles vivent les nombreuses familles habitant ces maisons.
Je ne puis mieux faire que de reproduire ici le tableau triste
et douloureux, mais hélas! trop vrai, que nous donne l'émi-
nent professeur Brouardel, dans le discours éloquent qu'il a
prononcé le 10 janvier dernier, en séance solennelle de l'Aca-
démie des sciences, sur le logement insalubre : « Un ouvrier
vit assez à l'aise dans une ou deux chambres avec sa femme et
ses enfants. Il est pris de tuberculose. Sa femme le soigne
avec un dévouement qui, je le dis avec fierté, est une règle
dans tous les milieux de notre société. Elle lutte pour sub-
venir aux besoins de la famille, les ressources s'épuisent, la
maladie du mari s'aggrave, la misère s'abat avec ses priva-
tions sur la mère et les enfants. Cette dernière tombe malade,
contagionnée par son mari, tous deux prennent le chemin de
l'hôpital, les enfants sont recueillis par l'Assistance publique,
mais celle-ci les reçoit inoculés eux-mêmes par le germe de la
maladie, voués à la mort ou aux infirmités. » La destruction
de pareilles habitations s'impose donc au gouvernement (4).
La question de la déclaration obligatoire de la tubercu-
lose comme maladie contagieuse. — De plus, je suis d'avis
qu'il faut une loi établissant le devoir du médecin soit pen-
dant le traitement du malade, soit après la mort de ce der-
(1) Bertillox. Statistique sanitaire de Paris, i865 à 1892.
(2) Biggs. Report of Board of Health, 1897.
(3) L.-F. Flick. Prévention of Tuberculosis. Philadelphie, 1890.
(4) Voir aussi à ce sujet : Dubousquet-Labordekie. Quelques recherches et
réflexions sur la contagion familiale et ruaisonnicre de la tuberculose. 4e Con-
grès pour l'étude de la tuberculose.
,08 PROPHYLAXIE PUBLIQUE
nier. Nombre de médecins hygiénistes réclamenl depuis long-
temps la déclaration de la tuberculose humaine comme mala-
die contagieuse, au même titre que le choléra, la variole, la
diphtérie, etc. Il y a quelques années, alors que j'avais moins
d'expérience en phtisio-thérapie, j'étais aussi partisan de celle
idée, et dans plusieurs de nies publications sur la prophylaxie
de la phtisie je réclamais l'application d'une telle loi. J'avoue
franchement qu'aujourd'hui je trouve celte loi non seulement
difficile à exécuter, mais encore presque inhumaine et peu utile.
Voici ace sujet nies idées actuelles, qui sont le résultat d'une
expérience fondée sur mes relations avec les autorités sanitaires
de beaucoup de pays : je propose que chaque médecin, dans
l'intérêt des statistiques, soil obligé de déclarer un cas de tuber-
culose quand le malade se soumet à sou traitement. Tous les
médecins seront instruits par les autorités sanitaires, par des
circulaires, brochures ou conférences, de toutes les précau-
tions à prendre pour empêcher la propagation de la tubercu-
lose. Aux indigents les crachoirs de poche devraient être dis-
tribués sans frais sur l'ordonnance du médecin.
La désinfection de l'appartement des tuberculeux. — La
désinfection de l'appartement du malade ne devrait pas se
faire seulement après la mort, mais aussi assez souvent pen-
dant la maladie. C'est au médecin traitant de décider combien
de fois la désinfection devra être pratiquée. En cas de décès,
le médecin sera obligé d'en faire part aux autorités avec
avis de procéder à une dernière désinfection. Si la famille est
trop pauvre pour payer les frais de la désinfection, celle-ci
devra être opérée gratuitement. Si l'on considère que peut-
être un cinquième de la population d'une grande ville est
composé de tuberculeux, que la durée moyenne de la phtisie
pulmonaire est à peu près de trois ans, il faut reconnaître
l'inutilité de classer la phtisie pulmonaire chronique parmi les
maladies contagieuses aiguës, telles que le choléra, la variole,
la diphtérie, etc. La durée de ces dernières maladies est de
quelques semaines; on peut donc isoler le malade de ses amis
et même de sa famille pendant ce court laps de temps. Mais
un sujet n'est souvent reconnu tuberculeux que lorsque l'affec-
tion est en pleine activité. Est-il possible de le surveiller ou
LA BÉFEXSE DE CRACHER PAR TERRE 109
de l'isoler pendant tonte la durée de sa maladie comme nous
le faisons pour un cholérique ou un diphtérique? Et si non,
à quoi bon déclarer sa maladie au même titre que les autres
maladies contagieuses aiguës?
Inspection par les autorités publiques de tous établisse-
ments ou sont traités des tuberculeux. — Je serais partisan
d'une loi qui permettrait aux autorités sanitaires d'inspecter
toute institution privée ou publique où l'on traite des phti-
siques et d'insister sur une prophylaxie absolue. Je suis aussi
d'avis de supprimer tout asile qui serait sans médecin, et je
suis surtout en faveur d'une loi qui rendrait obligatoire l'iso-
lement d'un tuberculeux aliéné, ou des individus réfractaires
aux règles hygiénique que leur cas réclame.
Sur la défense de cracher par terre. — On a déjà beaucoup
écrit sur la défense de cracher par terre. Il conviendrait de faire
apposer des affiches où on lirait : » Il est expressément
défendu de cracher sur les parquets des bâtiments publics,
dans les tramways, omnibus, etc. » Il serait bon même de punir
de temps en temps comme nous le faisons en Amérique) un
individu pour avoir enfreint cette défense. A San-Francisco
nous avons même infligé à un milliardaire vingt-quatre heures
de prison; il est vrai qu'il y avait récidive : la première fois,
Mr. B. s'en était tiré avec une amende. Mais Mr. B. n'est pas
phtisique, et il a craché à terre probablement dans un mo-
ment de distraction, pu bien il est encore possible qu'il chi-
quât. Cette habitude est malheureusement encore répandue un
peu partout en Amérique.
Mais quelle que soit la loi « à faire », je doute fort que nous
arrivions jamais à supprimer l'habitude de cracher à terre dans
les véhicules ou les locaux publics, tels que tramways, omni-
bus, chemins de fer, ou dans la rue. Il faudrait pour cela chan-
ger nos mœurs. Et puis, pourquoi exiger seulement des
phtisiques qu'ils prennent des' précautions au sujet de leurs
crachats ? Les expectorations de la grippe ou de la coquelu-
che sont également assez contagieuses pour qu'on évite de
les projeter à terre.
S'est-on jamais demandé combien il est difficile pour les
jio l'ROPUYLAXIE PUBLIQUE
pauvres phtisiques de suivre à la lettre la recommandation de
cracher toujours et uniquement dans un crachoir, el jamais
ailleurs ?
Expérience personnelle avec un crachoir de poche. — Il
m'esl arrivé, étant enrhumé, el voyageant dans un tramway ou
dans un coupé de chemin de fer, de l'aire usage d'un crachoir
île poche : je regrette 'de ne pouvoir dépeindre l'air ahuri
avec lequel certains de mes voisins me regardaient. Je prie
ceux qui sans pitié maugréent contre les phtisiques qui ne se
conforment pas religieusement aux ordonnances de police
sanitaire, de suivre mon exemple. Les regards effarés de leurs
compagnons de voyage fixés sur eux, les remarques souvent
peu généreuses arrivant à leurs oreilles, leur apprendront
bientôt à avoir plus d'indulgence.
J'ai dit dans les pages précédentes combien je suis en faveur
de l'emploi du crachoir de poche, de même que je considère
comme dangereux de cracher dans un mouchoir; mais pour
que les tuberculeux à tous les degrés suivent ces recom-
mandations, il faut en toute justice défendre également aux
grippés d'expectorer ailleurs que dans un crachoir. En un mot,
l'emploi du crachoir de poche, dans les cas de grippe, coque-
luche ou bronchite devrait devenir universel.
Alors seulement on pourra exiger que le phtisique lasse
toujours emploi de son crachoir de poche. Dans les établisse-
ments publics, les chemins de fer, les usines, etc., devraient
se trouver des crachoirs lixes, semblables ou analogues à celui
que nous avons décrit sous le nom de crachoir de Predohl
(p. 45). Car si l'on interdit de cracher sur le parquet, il est
nécessaire en même temps de distribuer les crachoirs à profu-
sion, de façon que les tousseurs n'aient aucune excuse pour
répandre par terre les produits de leur expectoration. On
pourra alors faire des lois interdisant tic cracher sur les par-
quels, dans les locaux publics, sous peine d'amende. Contre le
danger qui nous vient des tousâeurs qui expectorent dans les
rues, dans leurs cours ou jardins, rien ne peut nous protéger
que leur bonne volonté, la connaissance du danger de la réin-
fection et l'éducation générale du tousseur. Enfin, il faut
compter que le soleil, la lumière et les agents atmosphériques,
BALAYAGE DES RUES m
qui contribuent heureusement dans une large mesure à
détruire la virulence du crachat tuberculeux, feront le reste.
Surveillance ues boulangeries. — Nous avons déjà fait
allusion, dans le chapitre de la tuberculose de la race bovine,
à la nécessité d'une stricte surveillance de la part de la police
sanitaire sur les abattoirs, les laiteries et les boucheries. Mais
il y a une profession qui nous semble aussi exiger une sur-
veillance particulière : c'est celle de boulanger. Dans tous les
pays les boulangeries se trouvent souvent dans un état de
malpropreté effrayante, et si par malheur le boulanger ou un
de ses employés est phtisique et, comme d'habitude, hélas !
peu soigneux à l'égard de ses expectorations, le danger de la
transmission de la tuberculose devient évident. Mais ce qui est
surtout une habitude fâcheuse et même dangereuse, c'est la
manière dont on traite généralement le pain depuis sa sortie
du four jusqu'à son arrivée à la bouche du consommateur.
Personne au monde ne consentirait à consommer aucun autre
article d'alimentation ayant passé par autant de mains et
séjourné dans autant d'endroits — d'une propreté souvent dou-
teuse — sans l'avoir soumis à un nettoyage quelconque. Il n'y a
que le pain que nous mangions sans le nettoyer après qu'il a
passé par de nombreuses mains, dans la boulangerie où on le
fabrique, dans la voiture ouïes paniers où on le transporte, et
dans la boutique où on le vend.
Enveloppement du pain. — • Voici un procédé qu'il me paraît
bon d'introduire partout, et qu'on devrait même rendre obli-
gatoire. Il est déjà en usage dans plusieurs grandes boulan-
geries d'Allemagne. Dès que le pain sort du four, quand il est
encore trop chaud pour le manier, on le place avec l'aide d'une
pelle sur une feuille de papier propre, assez large pour qu'on
puisse l'envelopper entièrement en tordant les quatre bouts du
papier. Ainsi on peut protéger le pain jusqu'à son arrivée au
consommateur, et le danger d'une contamination quelconque
est réduit au minimum.
Balayage des rues. — Dans un très intéressant discours,
prononcé il y a quelques années par M. le professeur von
Schroetter devant le Club scientifique de Vienne, l'orateur
lia PROPHYLAXIE PUBLIQUE
disait : a Le balayage des nies et des trottoirs avec soulè-
vement de poussière est un crime contre m>s semblables. » Je
ue puis que me rallier à l'opinion de ce grand phtisio-théra-
peute, e1 déclarer avec lui que la police sanitaire ne déviait
permettre nulle part le nettoyage d'une rue sans qu'elle eùl
été préalablement arrosée. Ne savons-nous pas, d'après les
belles recherches de Miquel i . que le nombre des bactéries
de toute sorte, pathogènes el saprophytes, dans les rues très
fréquentées, est absolument surprenant ? Dans la vue de
Rivoli, à Paris, Le dixième d'un centimètre cube d'air ne con-
tenait pas moins de 55oooo germes ! Ajoutons à cela l'in-
fluence néfaste produite par l'inhalation de la poussière inerte,
connue agent physique irritant la surface pulmonaire, et l'on
comprendra la nécessité de mesures radicales à cet égard.
Le danger d'un seul calice pour tous les communiants. —
Il existe encore u\w autre cause probable de propagation de
la tuberculose, mais dans ce cas les autorités eclésiastiques plu-
tôt que les autorités sanitaires devraient intervenir. Je veux
parler de la coutume, dans les églises protestantes, de faire
boire tout le monde au même calice. En Amérique, quelques
pasteurs ont déjà inauguré une autre pratique, et chaque com-
muniant boit dans son propre verre.
Quant a la façon dont les gouvernemeDts ou les munici-
palités devraient prendre soin de leur indigents, prisonniers et
aliénés tuberculeux, ce point sera traite en détail dans les
chapitres sur les sanatoria, hôpitaux spéciaux, dispensaires et
colonies pour les phtisiques pauvres.
La. tuberculose dans l'armée. — Ed ce qui concerne la
tuberculose dans l'armée, je n'ai aucune expérience person-
nelle à cet égard. Le meilleur moyen d'empêcher la propa-
gation de la tuberculose parmi les soldats, semble être d'exa-
miner tous les conscrits îles leur arrivée au régiinent3 non
seulement par l'auscultation et la percussion les plus scrupu-
leuses, mais aussi au point de vue de la présence des bacilles
(i) Miquel . Annuaire de l Observatoire de Montsouris. Paris, armée 1 8S ; ,
p. 538.
LA CREMATIOX Il3
de Koch. Pour ceux qui s'intéressent à cette question, je ne
puis mieux faire que de les renvoyer aux articles remarquables
de M. le médecin-major Granjux dans la Revue de la tubercu-
lose, t. IV, p. 87 : « De la tuberculose dans l'armée. » Ils y
trouveront les renseignements les plus précieux sur cette ques-
tion si importante pour tous les pays qui entretiennent une
armée.
La crémation. — Comme mesure publique de prophylaxie
de la tuberculose, je désire dire quelques mots sur la créma-
tion. Il a été déjà question plus haut (p. 47) de la propagation
de la tuberculose par les vers de terre. Rappelons ce que dit
Sir Spencer Wells à ce propos : « De quelque nature que soient
les bacilles, tuberculeux, typhiques ou cholériques, il est
incontestable que les vers si nombreux et si actifs peuvent
conserver les bacilles dans leurs corps pendant de longs mois
sans leur faire perdre rien de leur virulence ni de leur faculté
de reproduction. Ce sont là les motifs sur lesquels je m'appuie
pour affirmer que les corps, après la mort, devraient être inci-
nérés et non enterrés. »
On a élevé de nombreuses objections contre la crémation.
La plus importante, la seule valable peut-être, au point de vue
médical, c'est que la crémation pourrait servir à faire dispa-
raître les preuves d'un empoisonnement.
A cela, M. L.-H. Petit répond avec raison : « Pour la tuber-
culose, cet argument est sans valeur; sauf dans des cas spé-
ciaux, ceux de méningite par exemple, où la maladie peut
marcher très vite, la mort chez les tuberculeux, qu'il s'agisse de
phtisie, de maux de Pott, de tumeurs blanches, etc., n'arrive
qu'après une maladie de longue durée, pendant laquelle on a
eu le temps d'établir le diagnostic, et lorsqu'un de ces malades
meurt, on peut affirmer sans le moindre doute qu'il est mort de
maladie et non d'empoisonnement. Et encore, s'il est des cas
qui paraissent douteux, rien n'empêche de faire l'autopsie, et
de détruire par le feu, après l'action médico-légale, les restes
du défunt. »
En outre, la crémation a l'avantage de supprimer toutes les
arrière-pensées qu'inspirent les cimetières relativement à
l'intégrité des milieux, d'éluder l'énorme souci qu'impose aux
Kkopf. Sanatoria. 8
jlj PROPHYLAXIE l'LBUQVE
municipalités l'obligation de déplacer incessamment leurs
cimetières et de trouver à la périphérie des villes de vastes ter-
rains désormais sans charmes et sans rapport, pour y installer
des nécropoles que l'accroissement de population dans la cité
vivante refoulera à bref délai (i).
La meilleure méthode pour encourager la crémation est sans
doute de l'opérer à des prix raisonnables, et gratuitement poul-
ies familles indigentes.
Il fonctionne actuellement, en Europe et en Amérique,
60 crematoria. L'Italie à elle seule n'en a pas moins de 24,
puis viennent les Etats-Unis avec 23, l'Allemagne avec 4i
l'Angleterre avec ii, la France avec 2, la Suède avec 2, le
Danemark avec 1, la Suisse avec 1.
L'intempérance, l'abus de l'alcool, etc. — L'intempérance,
surtout l'abus de l'alcool, la pauvreté et la misère, sont incon-
testablement les facteurs étiologiques les plus importants de
la phtisie pulmonaire. Faire des lois pour empêcher la con-
sommation excessive de l'alcool, prévenir autant que possible
la dégradation, la pauvreté et la misère, sera le devoir des
hommes d'Etat et des philanthropes de tous les pays.
(1) Arnolld. Nouveaux éléments d'hygiène, Paris, i8g3
CHAPITRE IX
Traitement préventif de la phtisie pulmonaire.
Dans les chapitres sur la prophylaxie individuelle et la pro-
phylaxie publique, nous avons essayé de signaler toutes les
éventualités permettant au bacille de la tuberculose de péné-
trer dans le corps humain. .Nous avons suggéré les moyens
qui nous paraissent les meilleurs pour éviter la transmission
et la propagation de la tuberculose; mais nous avons reconnu
que, malgré la stricte application des lois sanitaires, il y aura,
sans doute pendant longtemps encore, des chances multiples
de contracter la phtisie pulmonaire. Nous trouverons toujours
des malades peu scrupuleux sur la façon dont ils se débar-
rassent de leurs expectorations, et le danger de consommer
des produits d'alimentation tuberculeux n'est vraisemblable-
ment pas près de disparaître, étant donné le relâchement avec
lequel les lois contre la tuberculose bovine sont exécutées
dans beaucoup de pays.
Qualités bactéricide et piiagocytique de l'organisme. —
L'espoir que les bactério-thérapeutes arriveront à trouver
un remède immunisant contre la tuberculose n'est malheureu-
sement pas encore réalisé. Nous saluerons avec joie le jour
où l'on aura donné à l'humanité une vaccine contre la tubercu-
lose ; mais en attendant, si nous nous appliquons à instituer
un traitement prophylactique, nous mettrons sans doute un
grand nombre d'êtres humains à l'abri du fléau. Pour cela, il
convient déplacer l'organisme en état de défense. Nous savons
que la muqueuse nasale normale est bactéricide (i), et que le
(i) R. Y\ urtz et Lermoyez. Du rôle bactéricide du mucus nasal. Comptes
vendus de la Soc. de Biol., i8g3, p. 736.
,,i; TRAITEMENT PREVENTIF
sang' do l'homme sain est doué du pouvoir phagocytique, car,
si l'organisme humain ne possédait pas ces moyens de
défense, qui peut dire si [ont le inonde ne sérail pas tuber-
culeux ?
Le traitement prophylactique, selon la conception de la
phtisio-thérapie moderne, a pour but de mettre l'homme qui
est en danger de devenir tuberculeux en état de résister à
l'invasion des bacilles de Koch.
Physique kt caractère d'un individu prédisposé. — Afin <lr
saisir les indications de la thérapeutique préventive et «le
bien comprendre la nécessité des mesures que nous allons
décrire, il sera peut-être bon d'examiner brièvement le phy-
sique et le caractère d'un sujet prédisposé à la phtisie.
S'il s'agit d'un enfant, il est (.l'une taille trop petite, ou bien
au contraire trop élevée pour son âge, avec la poitrine étroite.
Il sera irritable, nerveux, anémique, mauvais mangeur, ayant
une digestion irrégulière, parfois constipé, parfois soutirant
de diarrhée, enclin à toutes les maladies de l'enfance, et
néanmoins, au point de vue intellectuel, rarement en arrière de
ses camarades plus robustes. Il est ennemi des jeux au dehors,
et comme, à cause de sa constitution délicate, on lui permet tous
ses caprices, son caractère est souvent celui d'un enfant gâté.
L'adulte candidat à la phtisie pulmonaire ne diffère que
peu de son jeune frère. Le physique est le même ; les parti-
cularités de l'état mental sont plus prononcées; le sujet est
parfois sanguin. D'un autre côté l'anxiété, les désappointe-
ments, et surtout les chagrins d'amour et d'autres soucis ana-
logues suffisent souvent pour amener le développement rapide
delà maladie. Le jeune homme mange peu; chez lui la pres-
sion artérielle est basse; la faiblesse musculaire et l'état de
dépression nerveuse entravent la respiration. L'influence bien-
faisante d'une respiration normale ne s'exerce plus; le cœur
est obligé de travailler davantage : d'où un état continuel d'ex-
citation cardiaque. Les troubles circulatoires des poumons
empêchent la nutrition de ces organes, et ainsi le terrain
se trouve tout préparé pour l'invasion des bacilles tuber-
culeux.
La diminution du pouvoir de résistance rend anémique et
FEMMES TUBERCULEUSES ENCEINTES 117
particulièrement disposé aux inflammations aiguës des mu-
queuses ou des séreuses, tandis que les déterminations
catarrhales des organes respiratoires supérieurs deviennent
de plus en plus fréquentes et ont de la tendance à gagner
les petites bronches, et finalement le tissu pulmonaire.
Cause des rhumes. — Pourquoi, peut-on se demander, ces
sujets s'enrhument-ils si facilement et si fréquemment? Peut-
être cela tient-il à ce que leur système vasomoteur participe
à l'affaiblissement général, et à ce que le moindre changement
de température, la moindre exposition à l'air d'une partie du
corps ordinairement couvert, suffît pour entraver la circulation
périphérique et produire des congestions réflexes de la mu-
queuse bronchique.
11 semble alors évident que l'insuffisance d'air fourni aux
organes respiratoires, et l'augmentation de susceptibilité aux
moindres changements de température, sont les principaux
agents qui favorisent la pénétration et le développement du
bacille de la phtisie. En conséquence, pour prévenir ou amé-
liorer les conditions créées par l'insuffisance d'air nous devons
recourir à l'aérothérapie, et pour stimuler le système vaso-
moteur il faut, parmi les divers agents thérapeutiques, donner
la préférence à l'hydrothérapie, laquelle, en raison de ses
effets salutaires secondaires, peut être considérée comme le
plus efficace.
Conseils aux femmes tuberculeuses enceintes. — Que. la
prédisposition à la phtisie soit héréditaire ou acquise, le trai-
tement prophylactique sera le même. La différence entre les
deux n'est que dans les périodes de l'institution du traitement.
Dans le cas de prédisposition acquise on devra commencer le
traitement dès qu'on s'apercevra de l'état des choses. Pour
l'enfant de souche tuberculeuse, le traitement prophylactique
devrait commencer in utero. Dans le chapitre sur la prophy-
laxie publique nous avons parlé en détail des mesures à
prendre de la part des autorités publiques pour les femmes
enceintes tuberculeuses et sans moyens. Nous allons donner
ici quelques conseils pour la mère et pour la famille de l'en-
fant qui a le malheur d'être de procréation tuberculeuse. La
nK TRAITEMENT PREVENTIF
future mère devrait abandonner le corset, el ne porter que des
vêtements qui lui permissent une respiration thoracique et
abdominale entièrement libre .
Nous reviendrons sur ce sujet en parlant des vêlements des
phtisiques en général; nous voulons seulement attirer l'a t-
tention sur ce l'ait que la mère, dans son intérêt autant que
dans l'intérêt de son enfant, devrait toujours s'habiller de façon
que sa respiration et sa circulation ne fussent gênées nulle
part. Plus les inspirations seront profondes et plus l'air que la
mère inspire sera abondant, plus le sang qui nourrit le fœtus
sera oxygéné. La mère devrait faire de véritables exercices
respiratoires sous la direction de son médecin. Elle devrait
surtout vivre à l'air libre, et mener une vie aussi hygiénique
cl tranquille que possible.
AÉROTHÉRAPIE COMME MOYEN PROPHYLACTIQUE. — Le IlOUVCaU-
né a autant besoin d'air pur que la mère, et la chambre où il
dort devra toujours être bien aérée. Quand l'enfant sort pour
prendre l'air, le voile épais et presque imperméable dont on
lui recouvre le visage doit être abandonné. Ces voiles, souvent
serrés autour de la tète, compriment le nez, et rendent difficile
sinon impossible la respiration nasale de l'enfant, que la mère
s'étonne de voir respirer par la bouche. Une autre cause assez
fréquente de la respiration par la bouche chez les enfants et
quelquefois chez les adultes, est duc à la présence de végé-
tations adénoïdes clans le rétropharynx, à l'hypertrophie des
amygdales ou aux deux affections à la fois. Ces productions,
de même que toute autre cause d'obstruction nasale, connue
la déviation du sepluin, les excroissances, l'hypertrophie des
cornets, les polypes, etc., doivent être enlevées ou réséquées,
si l'on veut protéger l'individu contre le catarrhe nasal chro-
nique, pharyngien et laryngien, avant-coureurs de tant d'affec-
tions pulmonaires. Avec de telles obstructions dans le nez ou
le nasopharynx la respiration physiologique est impossible, cl
c'est seulement après la suppression de tous les obstacles à
l'entrée el à la sortie libres et faciles de l'air dans les voies
aériennes, que l'on peut espérer obtenir un bénéfice réel d'un
système d'aérothérapie quelconque.
Je considère le bain d'air et le bain tic soleil pour les enfants
EXERCICES RESPIRATOIRES 119
en bas âge comme très salutaires. Laissez les bébés se traîner
nus tous les jours pendant quelque temps, quanti il fait
froid dans des chambres bien chauffées, et en été dans une
chambre baignée par les rayons du soleil : ils deviendront moins
susceptibles au froid que s'ils étaient toujours soigneusement
emmaillotés. Dans les endroits où il est impossible d'éviter les
inhalations de poussière de charbon ou autres substances
irritables, une toilette nasale journalière avec une solution
antiseptique faible, ou peut-être mieux encore avec de l'eau
tiède préalablement bouillie, sera faite aux petits enfants
jusqu'à ce qu'ils soient assez âgés pour se servir du mou-
choir.
Exercices respiratoires, chant et déclamation a l'air lirre.
— Aussitôt que l'âge et l'intelligence de l'enfant le permettront,
les exercices respiratoires lui seront enseignés. Il apprendra à
les aimer, comme la plupart aiment les exercices gymnas-
tiques. Nos écoles seront comme des modèles de ventilation.
Apprendre aux enfants à respirer, à rester assis ou debout et à
marcher de façon à développer leur corps et à ne gêner nulle
part leur croissance naturelle, constituera une partie du
programme des cours journaliers. Chaque école devra avoir
une grande cour ou un jardin sur le toit(i), où les élèves rece-
vront alternativement leur instruction. Dans les communes
rurales l'instruction à l'intérieur pendant l'été sera une excep-
tion et non une règle. Le chant et la déclamation seront surtout
enseignés à l'extérieur.
Avant de laisser de côté ce point d'hygiène scolaire, je ne
puis m'empècher de répéter les paroles de mon ami le Dl W-
Hitchcock (2), que j'ai eu la bonne fortune d'entendre l'année
dernière quand j'assistais à la Convention sanitaire de l'Etat de
Californie. En parlant de la gymnastique comme mesure
hygiénique, il a fait allusion au manque fréquent de développe-
ment du thorax, particulièrement frappant chez les prédispo-
sés aux maladies pulmonaires : « Il n'y a pas de doute, a-t-il dit,
(1) Roofgarden.
(2) W.-W. Hitchcock. The gymnasium from thc staiulpoint of tlie sanitarien.
Transactions ofthe IVth California Sanitary Convention .
TU. 111 EMEXT PREVENTIF
<^£>
que si le développement du thorax recevait autant de soins que
ceux que l'on donne habituellement au cerveau, la tuberculose
disparaîtrait presque entièrement. » Ces paroles m'ont beau-
coup impressionné, car elles sont très justes.
Quoique je me réserve de consacrer un chapitre spécial à
l'aérothérapie, je veux donner dès maintenant une description
des exercices respiratoires que je recommande aux prédisposés,
aux anémiques, à tous les entants et adultes qui respirent mal
et aussi aux phtisiques, mais pour ces derniers avec les gra-
dations ou les modifications que leur cas comporte. Ce sont
aussi ces exercices que je voudrais voir incorporer dans le
programme de toutes nos écoles publiques.
Debout, dans la situation verticale, la bouche fermée, l'enfant
ou l'adulte place les bras
dans la position de la nata-
tion, et fait une inspiration
de luis en haut en ramenanl
les bras lentement en arrière,
les paumes des mains en de-
hors, jusqu'à ce qu'ils se ren-
contrent derrière le dos ; il
garde l'air pendant quelque
temps, alors que la poitrine
est projetée en avant, et ra-
mène un peu plus rapide-
ment les bras pendant l'ex-
piration (voir fig. 4)- La
durée de l'inspiration devienl
ainsi un peu plus longue que
la durée de l'expiration. Pour
faciliter le mouvement des
bras en arrière il est bon de
se soulever pendant l'inspi-
ration sur la pointe des pieds,
et de descendre pendant les
mouvements d'expiration.
Meissen conseille d'accompagner l'expiration de la pronon-
ciation rapide du mot « eins », pour expulser autant que pos-
sible l'air résidual. Le mot « anse » en français demande le
Fis
Exercice respiratoire.
EXERCICES RESPIRATOIRES I2I
même effort, mais je crois qu'il est encore plus efficace de
faire l'expiration entièrement par le nez.
De plus, je fais suivre immédiatement chaque acte respira-
toire par un second effort expiratoire. Celui-ci a pour but
d'expulser autant que possible l'air supplémentaire, et peut
être efficacement aidé par la supination des bras, en les pres-
sant contre le thorax. Si l'on considère, d'une part, que l'air
d'une respiration, c'est-à-dire le volume qui est inspiré et
expiré dans une respiration ordinaire, est seulement de
5oo centimètres cubes, tandis que le volume qui peut être
inspiré après une respiration ordinaire est de i 5oo centimètres
cubes, et, d'autre part, que l'air de réserve, le volume qui peut
être facilement expulsé après une respiration ordinaire atteint
de i 240 à 1 800 centimètres cubes, on peut facilement se rendre
compte de la valeur des exercices respiratoires, et aussi de
l'utilité du second effort expiratoire.
Le fait que dans la majorité des cas le développement des
lésions tuberculeuses commence au sommet des poumons a
été expliqué par l'hypothèse d'une insuffisance de l'inspiration
dans cette partie des poumons. Bien que cette théorie ait beau-
coup de défenseurs, je suis d'accord avec Hanau (1), qui la
considère comme erronée. Au contraire, les sommets des
poumons inspirent très bien, presque trop bien- pourrait-on
dire, car la poussière et toutes sortes de microorganismes y
pénètrent plus facilement que dans les autres parties du pou-
mon, ainsi qu'on peut s'en convaincre dans les autopsies
exécutées avec soin.
Ce qui est en défaut, c'est la fonction expiratoire des som-
mets. Une expiration complète, suivie d'un effort expiratoire
forcé comme il est décrit plus haut, est selon moi le seul
moyen d'améliorer cette condition défectueuse et de prévenir
ainsi la stagnation et la congestion qui, on le sait, favorisent
admirablement le développement des bacilles.
En règle générale, les exercices respiratoires devraient tou-
jours avoir lieu à l'air libre ou au moins devant une fenêtre
ouverte. Il n'est pas toujours facile de faire au dehors le mou-
(1) A. Haxau. Beitrage zur Pathologie der Lungenkrankheiten . Zeitschr.
fur /clin. Med., 1887, t. XII.
in TRAITEMENT PREVENTIF
vement des liras sans attirer sur soi l'attention. Je recommande
de remplacer alors les mouvements des bras par une simple
rotation en arrière de l'articulation scapulo-humérale pendant
l'inspiration, et une rotation en avant durant l'expiration. La
rotation en arrière accomplie, on retient l'air de la même façon
cpie ci-dessus. Cet acte respiratoire sera également suivi de
l'expulsion forcée que nous venons de décrire. Tout cela peut
se faire sans se gêner, en se promenant, et sans que personne
s'en aperçoive.
■~f.:\;
Procédé pour empêcher les enfants de se tenir courbés.
Beaucoup d'enfants ou de jeunes gens d'une {(institution
l'aibleonl l'habitude île se tenir toujours
plus ou moins courbés. Cette position
est des plus fâcheuses, car elle tend à
aplatir davantage la poitrine, de sorte
que le diamètre antéro-postérieur di-
minue de plus en plus, à mesure que
le diamètre longitudinal augmente.
Pour corriger celle position, je con-
seille l'exercice respiratoire suivant :
le malade se tient aussi droit que pos-
sible ; il place les mains sur les han-
ches, le pouce en avant et les autres
doigts en arrière ; alors, avec la bouche
fermée, il fait une aspiration profonde
pendant laquelle il se penche en arrière,
reste quelques moments dans celle si-
tuation en gardant l'air dans ses pou-
mons, puis revient pendant l'expiration
faite un peu plus rapidement à la posi-
tion originale (voirfig. 5).
La position courbée est souvent aussi
le résultat de la manière dont reniant
ou l'adolescent a l'habitude de dormir.
Un lil trop doux avec un et parfois
même deux oreillers non seulement procure un sommeil
moins bon et moins reposant, mais encore a tendance à
produire l'attitude courbée. Dormir sur un matelas plutôt
Fig-. 5. — Exercice respiratoire
destiné à corriger l'attitude
courbée .
HYDROTHERAPIE I23
dur avec un oreiller très mince, ou même sans oreiller, se tenir
sur le côté gauche ou droit avec les bras à côté ou en avant de la
poitrine, de façon que l'on repose presque sur la poitrine, est la
meilleure position à prendre. Les couvertures ne doivent pas
être trop lourdes ; les lits de plumes et les édredons nous
semblent peu hygiéniques, et devraient être abandonnés par
tous ceux qui veulent devenir vigoureux. Il est bien entendu
que tout le inonde, mais surtout les personnes prédisposées à
la phtisie, devraient toujours dormir fenêtres ouvertes.
Les prédisposés, aussi bien que les malades, devraient
prendre soin de n'exécuter les exercices respiratoires qu'à l'air
libre, ou en des endroits où l'air est pur, et de ne jamais les
faire à l'état de fatigue ni jusqu'au point de se fatiguer. De
plus, les femmes et les jeunes filles se rappelleront qu'il est
inutile de procéder aux exercices respiratoires avec un corset
ou avec des jupes serrées de telle façon qu'une respiration
profonde où tous les muscles abdominaux et costaux entrent en
jeu devient impossible.
Enfin, on ne saurait trop répéter aux sujets prédisposés à la
phtisie que, vivre autant que possible à l'air libre, respirer
jour et nuit un air pair et frais, est pour eux l'évangile qui les
sauvera d'une mort prématurée.
Hydrothérapie comme moyen d'endurcissement. — L'hydro-
thérapie, qui donne une tonicité plus grande au système
vasomoteur, sera aussi appliquée dès le jeune âge comme
mesure préventive de la phtisie pulmonaire. Un enfant de
quelques mois peut supporter sans inconvénient, aussitôt après
son bain chaud, une lotion froide faite rapidement avec l'éponge
et suivie d'une friction relativement viamireuse à l'aide d'une
serviette-éponge. Quand l'enfant avancera en âge, on lui
apprendra non seulement à s'éponger après son bain, mais à
se laver le visage, le cou et la poitrine tous les matins à l'eau
froide. L'utilité des bains et bassins de natation gratuits ou
à un prix modéré, construits de façon à rester ouverts toute
l'année (c'est-à-dire avec des courants d'eau chaude en hiver),
n'est pas niable, car rien n'est aussi salutaire et hygiénique
pour les personnes de tout âge que les bains réguliers combinés
avec les exercices de natation.
,,j traitement préventif
Edi cation de la peau et du système nerveux a l'eau froide.
— ■ Pour les individus anémiques, <|iii sont en général des
candidats à La phtisie pulmonaire, des manœuvres graduées
d'hydrothérapie semblent agir presque comme un traitemenl
spécifique. Qu'il n'y ait aucun danger à faire des applications
d'eau froide soi! en allusions, soil en douches, c'est ce que
l'expérience a nettement démontré depuis des années. Et pour-
quoi y en aurait-il ? Tout ce qui importe, c'est d'assurer une
réaction complète, et une éducation de la peau et du système
nerveux avant l'application de la douche. En ceci je ne lais
aucune exception entre un individu simplement prédisposé à la
phtisie, ou un sujet anémique, ou un malade avec tous les
symptômes de la phtisie développée. Je commence par un
massage sec pendant quelques jours et parfois des semaines;
si la peau est par trop sèche, j'emploie quelque substance
grasse, de préférence l'huile de l'oie de morue. Ensuite,
durant à peu près Je même laps de temps, je pratique des
frictions avec de l'alcool, puis avec moitié alcool et moitié eau,
cl finalement la friction à l'eau froide seule ; alors vient le bain
froid à l'éponge, l'affusion, et eu dernier lieu la douche. La fric-
tion à l'aide des mains directement en contact avec la peau ou
à l'aide d'une grande serviette sera continuée après la douche
jusqu'à ce que le malade soit bien sec <■[ réchauffé. Une petite
promenade ou un repos au lit suivra, selon le pouvoir réactif
du sujet. La douche froide ne durera jamais plus tic vingt à
vingt-cinq secondes, et, comme règle absolue, on commencera
par cinq secondes au plus, en augmentant graduellement. A
quelle température doit être l'eau pour favoriser l'endurcisse-
ment? On doit commencera -f- 200, puis descendre progres-
sivement, sans jamais dépasser -f- 10" ou + ()"•
Installation de l'hydrothérapie dans la chambre du malade.
— Ma manière favorite consiste à appliquer la douche premiè-
rement en forme de pluie sur tout le corps, puis à diriger un
petit jet avec un peu plus de force sur les sommets des
poumons. Au cas où celle pratique, dans la clientèle privée,
présente des inconvénients, j'ai recours à la méthode suivante,
1res simple : une chaise de bois est placée dans un grand lub
circulaire; le malade s'assied à califourchon sur la chaise,
MALADIES PIITISTOGENETIQUES i25
s'appuyant avec les mains sur le dossier et penchant légère-
ment la tète en avant. Alors, deux, quatre cruches et même
plus d'eau froide ou tempérée sont rapidement versées sur
les épaules. Dans les cas où la réaction est faible, le malade
est vivement ramené dans son lit chaud, même s'il n'est pas
complètement sec.
Le meilleur moment pour appliquer l'hydrothérapie est le
matin, environ une demi-heure après un léger repas. Les
malades habitués à nos copieux déjeuners américains les pren-
dront après leur toilette et leur promenade matinale, mais ils
auront soin d'ingérer un verre de lait avec un morceau de pain
grillé et beurré avant de quitter la maison.
Dans quelques cas je trouve sage, afin de surmonter l'ap-
préhension de l'eau froide, de commencer seulement par des
aff usions ou épongements partiels.
De la gymnastique, du sport et du surmenage. — En dehors
de l'aérothérapie et de l'hydrothérapie il y a des gymnastiques
ordinaires et des sports modérés, auxquels les gens prédis-
posés à la phtisie peuvent s'adonner pour développer leur
constitution. Seulement il est toujours nécessaire de demander
conseil au médecin, car malheureusement il n'est pas du tout
rare d'observer des résultats néfastes en conséquence d'exer-
cices exagérés de sport.
J'ai eu l'occasion de noter assez souvent, parmi nos athlètes
américains, un développement rapide de la phtisie. Il faut cher-
cher l'explication de cette déchéance dans le fait que plus
un organisme se trouve en état de fatigue, plus il est sujet à
l'invasion des microorganismes pathogènes. Le sport exagéré
est donc particulièrement dangereux pour les gens prédisposés
à la phtisie.
Le surmenage physique et intellectuel devrait être épargné
aux enfants et aux jeunes gens débiles. Ce conseil est d'une
importance particulière pour les prédisposés parvenus à l'âge
île puberté. Les effets du surmenage physique se remarquent
dans l'armée française, où, dès la première année, on élimine,
d'après le D1' Beaulavon, six hommes sur mille pour tuberculose.
Maladies phtisiogénétiques. — Pendant les épidémies de
,26 TRAITEMENT PREVENTIF
grippe les gens tuberculisables devraient être particulièrement
prudents. Pour eux la grippe est une maladie vraiment dange-
reuse, surtout si le traitement est négligé, car elle laisse sou-
vent l'organisme dans un état de faiblesse tel qu'il no peut
guère résister au développement d'une tuberculose contractée
dans ces conditions. Ce que nous venons de dire de la grippe
s'applique également, niais à un degré moindre, à la pneu-
monie, à la bronchite, à la fièvre typhoïde, à la syphilis, à la
variole, à l'alcoolisme et aux diverses maladies de l'enfance.
Mai vais mangeurs. — Souvent l'on rencontre des enfants
qui semblent nés mauvais mangeurs, ou qui présentent une
aversion héréditaire pour la viande, surtout pour les substances
grasses. Je connais des cas où les sujets, arrivés à l'âge adulte,
n'avaient pas encore mangé de beurre. Il n'est pas du tout
nécessaire que ces enfants soient d'origine tuberculeuse, m;iis
ils deviendront néanmoins des prédisposés à la phtisie, si on
ne les corrige pas de bonne heure tic leur mauvaise habitude.
Il importe beaucoup d'insister sur la régularité des repas et
des selles. Empêcher ces enfants de gâter leur appétit par
l'ingestion exagérée de bonbons et autres substances sucrées,
est une prescription qui relève du traitement prophylactique.
Enfin, il faut autant que possible par raisonnement et encou-
ragement persuader les mauvais mangeurs de prendre plus de
nourriture. Parfois même il sera nécessaire de se montrer très
sévère à cet égard.
Enseignement de l'hygiène et de la physiologie élémentaire.
Choix d'une profession. — Les enfants devraient recevoir des
notions suffisantes d'hygiène et de physiologie pour pouvoir
mener une vie saine et naturelle. Lé choix d'une profession est
d'une importance exceptionnelle pour les gens prédisposés à
la phtisie. On retardera de quelques années l'âge d'envoyer
l'enfant à l'école, surtout si on ne peut le faire admettre
dans une école spéciale, analogue à celles dont nous avons
parlé à propos de la prophylaxie publique. Dans ce même cha-
pitre nous avons énuméré les professions les plus nuisibles,
et qui tendent à développer la phtisie pulmonaire.
CHOIX D'USE PROFESSION
127
Pour en finir avec le traitement prophylactique, je ne peux
l'aire mieux que de reproduire le conseil classique que Peter (1)
donnait aux parents de tout enfant prédisposé à la phtisie ou en
danger de devenir phtisique :
« Faire de l'enfant un petit paysan, changer la vie urbaine
pour la vie agreste, la vie dans les chambres pour la vie dans
les champs, la privation de soleil par l'exposition au soleil, la
crainte du froid par sa recherche, les bains chauds par les
bains de rivière, le repos par l'activité, les exercices intellec-
tuels par les musculaires, en un mot, vivre de la vie naturelle :
là est en réalité la vraie prophylaxie. »
(1) Peter. L'hygiène des lubereuleux. Bulletin de thérap., 1887, et Clinique
Médicale. Paris, 1882.
CHAPITRE X
Des saiiatoria et du traitement hygiéuo-diététique
en général.
Définition. — Avant de décrire nos visites aux sanatoria, il
faut que nous disions d'abord ce que c'est qu'un sanatorium
pour phtisiques, ou un établissement fermé. C'est une institu-
I ion où les malades atteints de tuberculose pulmonaire à divers
degrés sont reçus pour se soumettre surtout au traitement
hygiéno-diététique, sous la surveillance constante d'un méde-
cin. Ht qu'est-ce que ce traitement connu sous le nom d'hy-
giéno-diététique ? C'est le traitement qui consiste à mettre en
œuvre tous les moyens possibles fournis par l'hygiène, la dié-
tétique, et aussi la matière médicale afin de guérir le malade, de
l'instruire, de le mettre à l'abri des rechutes, et de lui donner
des instructions hygiéniques qui l'empêcheront de devenir
une source d'infection pour les autres.
Etablissement des sanatoria. — Un élahlit les sanatoria pour
phtisiques de préférence dans les régions d'une certaine alti-
tude ; mais ces dernières peuvent varier de 1 5o mètres à près île
2000 mètres (Arosa). Les climats où Ion construit les sana-
toria sont extrêmement variés, car on a reconnu qu'il n'y a pas
de climats spécifiques, mais seulement des régions où le trai-
tement hygiéno-diététique peut être suivi plus avantageusement
(pic dans d'autres; cela veut dire (pic le meilleur emplacement,
c'est l'endroit où le malade peut séjourner le plus longtemps
entièrement à l'air libre. Néanmoins il faut faire exception poul-
ies climats trop chauds ou trop froids. Mais au point de vue
du choix d'un sanatorium pour un malade, le médecin consulté
doit veiller à ce (pie la différence entre le climat de la demeure
TRAITEMENT UYGIEXO-DIETETIQUE EX GENERAL 129
actuelle et le climat du sanatorium où le patient doit être
envoyé ne soit pas trop grande. J'ai souvent remarqué qu'une
cure entreprise dans le climat où le malade était né ou avait
demeuré pendant de longues années, était plus assurée que
pour les sujets qu'on avait envoyés dans un climat doux et
souvent totalement différent de leur « home climate ».
Les objections qu'on a faites au point de vue du danger de
l'accumulation des phtisiques dans un sanatorium pour les
malades eux-mêmes, pour les infirmiers, le personnel de l'éta-
blissement et pour le voisinage, sont aujourd'hui sans aucune
valeur. Au cours de mes voyages d'études, je me suis particu-
lièrement renseigné à ce point de vue.
Me rappelant les recherches de Debove sur la fréquence de
la mortalité des infirmiers dans nos hôpitaux, celles de Bergeret,
Lombard, Cornet, sur la mortalité des sœurs de charité, de
Laveran et Kirchner (i) sur celle des infirmiers militaires, j'ai
demandé lors de ma visite dans les sanatoria si on avait
observé des cas de phtisie parmi les infirmiers et infir-
mières.
On m'en a rapporté un seul cas à Reiboldsgrùn, où une jeune
fille de santé parfaite en apparence est entrée en service et a
succombé en moins d'un an. Des recherches ultérieures ont
démontré qu'un autre membre de la famille était déjà mort de
phtisie.
A Falkenstein, pendant une période de dix ans, 220 personnes
ont séjourné au sanatorium pour tenir compagnie aux malades.
Beaucoup d'entre eux avaient passé six mois et plus dans l'éta-
blissement avec leurs amis malades. Dans aucun cas on n'a
observé d'infection tuberculeuse.
M. le Dr Trudeau, de l'Adirondack Cottage Sanatorium, m'in-
formait que depuis plus de dix ans aucun des nombreux em-
ployés de l'établissement n'avait été atteint de phtisie pulmo-
naire; et tout cela grâce aux précautions que les malades et
les employés prennent au sujet de leurs expectorations.
Mon ami le Dr Hanse (2), autrefois assistant du Dr Trudeau,
(1) Stkaus. La tuberculose et son bacille, p. 433.
(2) I. H. Ha^se. A study of the infeetiousness of the dust in the Adirondack
Cottage Sanatorium. New York Med. Record, 1895, 28 déc.
Knopf. Sanatoria. 9
i3o LES SANATORIA
a fait dos inoculations avec la poussière de divers pavillons,
et une seule fois le cobaye fut rendu tuberculeux. La pous-
sière provenait d'un pavillon habité par un phtisique, qu'on
avait réprimandé à plusieurs reprises à cause de la négligence
avec laquelle il surveillait ses expectorations.
Williams i), autrefois médecin du Brompton Hospitalà Lon-
dres (hôpital spécialement destiné aux tuberculeux), n'a pas vu
au cours de longues années plus de 3 ou 4 ca* de contagion
parmi le personnel de l'hôpital.
C'est cette rareté extrême de la contagion qui a amené Wil-
liams à la nier.
J'ai fait une visite prolongée à l'hôpital de Brompton il y a
trois ans ; j'ai pu, grâce à l'extrême obligeance du D' Perkins,
visiter complètement la maison, et je peux expliquer la rareté
de la tuberculose contractée parles infirmiers. Elle est due a
une propreté scrupuleuse, et, sauf quelques détails, les mesu-
res hygiéniques à Brompton diffèrent peu de celles des meil-
leurs sanatoria du continent.
Nous voyons donc que dans un sanatorium bien tenu et bien
surveillé il v a peu de danger pour les infirmiers, les méde-
cins et autres membres du personnel de cet établissement.
En est-il ainsi pour le voisinage '.' Nous avons essayé de
répondre à cette question dans un article qui a paru dans la
Revue de la tuberculose (n° 4- décembre 189D), sous le titre
« Les Sanatoria de phtisiques sont-ils un danger pour le voisi-
nage? » Nous voulons seulement reproduire ici quelques
statistiques montrant combien peu sont justifiées les craintes
des rares alarmistes qui existent encore.
de Goerbersdorf et de Falkenstein. — A Goerbersdorf, oii l'on
trouve trois grands sanatoria ayant hébergé plus de 2Dooo tuber-
culeux en quarante ans. la mortalité des habitants du village n'a
jamais dépassé la moyenne ordinaire; elle aurait plutôt di-
minue, grâce peut-être à l'exemple donné par les trois sana-
toria. Voici la statistique intéressante de la mortalité par
(M Williams. The contagion of « Phtisis Pulmonalis ». British Mal. Journal.
îHHz, sept.
TRAITEMENT lirGIÉNO-DlÉTÉTIQUE EX GÉNÉRAL i3g
phtisie pulmonaire pour les habitants de Goerbersdorf depuis
cent ans :
1790-1799 14 cas
1800-1809 5 —
i8io-i8ig 9 —
1820-1829 9 —
i83o-i839 8 —
1840-1849 6 —
i85o-i85g 7 —
1860-1869 4 —
1870-1879 5 —
1880-1889 5 —
Ces chiffres ont une valeur encore plus grande si on ré-
fléchit que depuis vingt-cinq ans la population de Goerbers-
dorf a doublé (1).
Récemment un de mes anciens collègues à Falkenstein, le
D1' Nahm, maintenant directeur d'un sanatorium pour les pau-
vres à Ruppertshain dans le Taunus, a fait des recherches très
minutieuses sur la mortalité par phtisie chez les habitants du
village de Falkenstein, avant et après la création de cette impor-
tante institution (2).
Yoiei la statistique que M. Nahm a pu établir grâce aux docu-
ments officiels mis à sa disposition. Dans le village de Falken-
stein la mortalité par tuberculose était :
Avant 1 établissement
du sanatorium.
i856-i858 .... I7,- p. 100
i85g-i86i ... 7.7 —
1862-1864 .... 22,6 . —
1865-1867 .... 14,0 —
1868-1870 .... 16,7 —
1871-18-3 .... 21,0 —
1874-1876 .... 33,3 —
Cela nous donne pour la période de i856 à 1876, antérieure
à l'ouverture du sanatorium, une mortalité moyenne de 18,9
p. 100 par tuberculose, et de 1877 à 1894, c'est-à-dire après
l'établissement du sanatorium, une moyenne de 11,9 p. 100.
Ajjrès
l'élabl
issement
du
sanato!
:"ium.
1877-1879 .
17,0 p. 100
1880-1882 .
i4.6 -
i883-i885 .
6,0 —
1886-1888 .
5,0 —
1S89-1891 .
i3,g —
i8g2-i8g4 .
13,1 —
(1) Rùmplek. Deutsclie medizinische Zeitung, 1891, n° 26.
(2) Nahm. Mùnchener medizinische Wochenschi-ift, 1895, n° 40.
l3a LES SANATORIA
.Nous avons donc ici des preuves irréfutables de l'innocuité
du voisinage d'un sanatorium pour phtisiques lorsque la pro-
phylaxie y est rigoureusement appliquée.
Opinion lu professeur von Leyden. — En ce qui concerne
les résultats détaillés obtenus par le traitement de la phtisie
pulmonaire dans les sanatoria, nous renvoyons nos lecteurs à
notre chapitre « Preuves cliniques de la curabilité de la tuber-
culose pulmonaire » (p. 3o et iii . Ici nous voulons seule-
ment rappeler que, d'après notre expérience, le traitement com-
paré des phtisiques dans les stations hivernales, les hôpitaux,
la famille et les sanatoria, montre que des effets curatifs plus
rapides, en même temps que d'une durée plus longue et mieux
assurée, ont été réalisés chez les malades soumis au dernier
mode de traitement. Beaucoup de médecins autorisés sont
arrivés à celte même conclusion. Dans un article très remar-
quable, M. le professeur von Leyden (i s'exprimait, à ce point
de vue, de la façon suivante : « La possibilité du traitement
d'un phtisique en dehors des sanatoria avec des résultats aussi
satisfaisants que ceux que l'on obtient dans ces établissements
ne peut pas être niée. Mais pour obtenir ces bons résultats
en dehors du sanatorium, uu repos beaucoup plus prolongé
devient nécessaire ; le cas demande beaucoup plus de temps
de la part du médecin, el les résultats ne sont nullement aussi
certains que ceux que Ton constate dans les sanatoria. »
I 1 E. von Leyden. Ueber den gegenwiirligen Stand dur BehandlungTubcrku-
lOser. Bel'liu, I^y;, p. 'il--iù.
CHAPITRE XI
Visites aux Sanatoria.
Rien n'est plus instructif pour le médecin qui s'intéresse à
la phtisie-thérapie moderne, qu'une visite aux sanatoria, aux
hôpitaux spéciaux et aux stations climatériques consacrés au
traitement de la phtisie pulmonaire. Comme je l'ai déjà dit
dans la préface de la première édition de ce livre, je me suis
préparé par de longs voyages d'études à travers l'Europe et
l'Amérique à la tâche difficile de faire un exposé de la prophy-
laxie et du traitement moderne de cette maladie. Comme
il n'est pas toujours possible à tout le monde de faire de
tels voyages, j'essayerai de décrire, dans les pages qui
vont suivre, quelques-uns des sanatoria les plus importants
parmi une vingtaine d'établissements que j'ai visités il y a
quatre ans et plusieurs autres que j'ai parcourus depuis lors.
Je parlerai aussi de quelques établissements de fondation plus
récente, pour la description desquels MM. leurs Directeurs
ont bien voulu me donner tous les renseignements nécessaires.
Afin d'être complet, je. ferai également entrer dans ce chapitre
la description de divers sanatoria étudiés par d'autres con-
frères.
ALLEMAGNE
Sanatorium de Falkenstein. — Falkenstein est la Mecque
des phtisio-thérapeutes ; tous les médecins, tous les étudiants
qui veulent s'instruire sur le traitement hygiénique et diété-
tique de la tuberculose visitent le sanatorium de Falkenstein
et son vénérable ex-directeur, le Dr Dettweiler, aujourd'hui
médecin consultant à l'établissement.
i 3 î USITES AUX SANATORfA
Beaucoup de médecins onl visité la célèbre institution, et on
en peul lire des relations plus ou moins détaillées dans lous
les ouvrages classiques qui traitent de la tuberculose pulmo-
naire.
Une des meilleures se trouve dans le livre de Moeller, qui
parut en î S94 - J'ajouterai à celle description les quelques
changements <|iii se sont effectués pendanl et depuis mon
séjour comme médecin assistant à Falkenstein.
« C'est dans le Taunus, dans le bois de l'ancien château de
Falkenstein, que se trouve le sanatorium de ce nom. Il esl
dirigé par le conseiller prive ]>' Dettweiler, aidé par les doc-
teurs Hess et Blumenfeld.
« Il est situé à 4°o mètres au-dessus du niveau de la mer,
bien abrité par les montagnes contre les vents du X.. de l'E.
cl de l'O. Il est largement ouvert au S.-E. On a de ce côté une.
vue ravissante sur la plaine du Mein, qui est parsemée de vil-
lages et de petites villes, et au fond de laquelle on aperçoit
les tours et les églises, ainsi que la monumentale gare de
la ville de Francfort. Le sanatorium esl construit au fond d'une
espèce de demi-cirque de montagnes boisées, dont le voisi-
nage contribue pour beaucoup à réaliser les bonnes conditions
hygiéniques de cette station.
« L'établissement se compose d'une maison principale, de
deux ailes latérales et de deux annexes, qui sont reliées au
corps du bâtiment par une galerie couverte. Derrière la
galerie E. se trouve une magnifique salle à manger, qui a
12 mètres de largeur sur 24 mètres de longueur et 10 mètres
de hauteur, et qui peut facilement recevoir 200 convives; elle
est chauffée par la vapeur à basse pression et sa ventilation est
organisée de telle sorte que l'air frais qui y entre esl chauffé
en traversant les murailles.
« Le rez-de-chaussée de la maison principale comprend des
salles communes, uwv salle de musique, un salon de lecture,
un jardin d'hiver, une salle de billard, une bibliothèque (plus
de 2000 ouvrages allemands, anglais et français), le cabinet du
directeur et le bureau de poste et de télégraphe. Les étages
renferment les chambres à coucher des pensionnaires. La ter-
rasse, qui se trouve entre la façade principale et les deux ailes,
a une situation très bien abritée. Devant chacune des ailes du
FALKEXSTE1X
.37
bâtiment règne une véranda couverte, munie d'installations
permettant de se mettre à l'abri des rayons solaires trop
intenses, de la pluie ou de la neige. En outre, dans le jardin,
se trouvent plusieurs pavillons isolés, dont quelques-uns peu-
vent être tournés de façon à les protéger contre l'action du
vent.
« Dans cette véranda et ces pavillons sont installées
i4o chaises longues, sur lesquelles les malades séjournent
pour y faire la cure d'air.
« L'annexe E., qui touche directementà la forêt, ne contient
Fiff. 7. — Véranda de Falkenstein.
que les chambres des malades. Elle est chauffée à l'eau ; les
corridors et les cages de l'escalier le sont par l'air. Chaque
chambre de malade a en outre un poêle avec ventilateur.
« L'annexe 0. renferme au rez-de-chaussée les services
hydrothérapiques : bains chauds, douches en pluie et en jets ;
l'eau vient d'une source qui jaillit dans la montagne de l'Altkônig
avec une différence de niveau de 80 mètres.
Tout l'établissement est éclairé à l'électricité, qui est pro-
duite sur le terrain même du sanatorium. Il y a en plus des
appareils ventilateurs électriques dans les salles à manger,
dans les jardins d'hiver, dans la cuisine, etc. C'est par l'élec-
i ;s
VISITES AUX SAXATORIA
tricité qu'est chauffé l'appareil destiné à désinfecter 1rs Four-
chettes, les cuillères, etc., après chaque repas. A côté de ces
installations balnéaires se trouve un salon d'attente, 1rs cabi-
ceïs de consultation munis de tous les appareils modernes,
Fig.
Pavillon tournait pour la cure d'air au Sanatorium de Fallcenstein .
électriques el autre-; pour le traitement des maladies de la
gorge, etc. Un laboratoire pour les travaux cliniques, histologi-
ques et bactériologiques est contigu à la salle de consultation.
Les deux étages supérieurs de cette annexe servent d'habi-
tations aux médecins. Tout le long de ce bâtiment on a cons-
truit une jolie serre, renfermant de belles plantes orientales.
Derrière ces constructions, destinées à la cure proprement
dite, se trouvent les dépendances qui sont consacrées aux ser-
vices de ménage, notamment la vacherie, l'écurie, les remises,
RUPI'ERTSIIAIS i3g
une petite usine à gaz, une installation de désinfection à la
vapeur surchauffée, enfin la buanderie et le séchoir.
Bien entendu les vaches sont, avant l'achat, et après, à des
intervalles de trois ou quatre mois, régulièrement examinées à
l'aide de la tuberculine pour s'assurer qu'elles sont toujours
en parfaite santé.
La désinfection des appartements se fait par la vapeur de
formaldéhyde.
En i883, l'établissement a été doté d'un système de drainage
fort complet, avec appareil de clarification chimique des eaux
ménagères. Ajoutons qu'une source très pure a été captée spé-
cialement pour le sanatorium. Un grand parc entoure toutes
les constructions ; on y a tracé, ainsi que dans les bois avoisi-
nants, de nombreux chemins d'accès très facile.
Le sanatorium de Falkenstein est actuellement dirigé par M. le
D' Karl Hess, avec M. le D1' Besold comme deuxième et M. le
D1' Pickert comme troisième médecin; M. le D1' Dettweiler,
conseiller privé, est, avons-nous dit, médecin consultant à
L'établissement.
Le sanatorium de Falkenstein appartient à une compagnie
d'actionnaires. Tout bénéfice au-dessus de 5 p. 100 est versé
dans le trésor pour les phtisiques pauvres.
Sanatorium de Ruppertshain. — Cet établissement, le
premier sanatorium pour phtisiques indigents, a eu des com-
mencements très durs. Mais, grâce à l'énergie du Dr Dettweiler
et de ses collaborateurs, grâce à la générosité de quelques
malades riches du sanatorium de Falkenstein et d'autres philan-
thropes se trouvant plus ou moins en relation avec l'institution
mère à Falkenstein, il y a à l'heure actuelle à Ruppertshain un
sanatorium o-randiose et florissant. Il est sous l'habile direc-
tion de mon ancien collègue M. le D1' Nahm, aidé par M. le
D1' Spiegel comme assistant, et par la sœur Gabrielle, dontj'ai
pu apprécier le dévouement à la cause des phtisiques malheu-
reux pendant le temps que j'ai remplacé le Dr Nahm, il y a trois
ans.
On compte déjà yo lits à Ruppertshain, et d'après une lettre
que M. le professeur Dettweiler a bien voulu m'écrire, il y a
quelques mois, un malade de Falkenstein a fait, en mourant,
I ,o
VISITKS AUX SA.\ATOItIA
un Legs de '.'.33ooo marks en faveur de l'établissement de Rup-
pertshain. Le résultat de ce legs généreux sera pour Rup-
pertshain un agrandissement et une installation de lumière
électrique.
Le Dr Nahm a décrit le sanatorium de Ruppertshain dans le
Zeitschrift fur Kvankenpflege, en février 1896, et mon excel-
lent confrère le D1' Beaulavon a traduit cette description dans
la Revue de la tuberculose, t. IV, n° 4- Cet établissement
peut servir comme type de sanatorium pour phtisiques indi-
gents, et je me fais \\n plaisir de reproduire ici cette intéres-
sante relation :
En mai 18945 o.h commençait les travaux du nouvel établis-
sement dans un terrain de G hectares situé près de Ruppertshain
et adossé à la route qui conduit de ce village à Kœnigstein ; la
plus proche station de chemin de fer est à une heure de là.
L'emplacement est protégé au nord et à l'ouest par des col-
lines boisées; il est en pente rapide, tourne vers le sud, sur le
versant méridional de la chaîne du Taunus et par conséquent
jouit de la protection générale garantie par ces hauteurs contre
les vents du nord.
L'ensemble des constructions a sa façade orientée vers le
sud-sud-ouest ; on lui a donné la forme d'un arc de cercle de
60 mètres de rayon ; le terrain ne permettait pas de construire
de grandes ailes formant avec. le bâtiment principal des angles
obtus et délimitant une terrasse garantie contre tout vent,
comme cela s'est fait à Hohenhonnef. Les constructions se
répartissent en un bâtiment principal, deux galeries de cure y
attenant et continuant la direction générale des bâtiments,
deux pavillons formant des ailes, une remise et une glacière.
Lé bâtiment principal se compose d'un sous-sol, d'un rez-
de-chaussée et de trois étages dont un de combles.
Le sous-sol, grâce à la déclivité du terrain, se trouve être
un rez-de-chaussée du côté de la façade ; il est de plain-pied à
ses extrémités avec les galeries de cure séparées ainsi l'une
de l'autre par toute la longueur du bâtiment. On accède à cha-
cune de ces galeries par une grande pièce servant de salle de
réunion, de musique ou de réception pour les malades. De ces
pièces on passe dans un couloir courant sur la façade nord
des bâtiments; sur la façade méridionale sont les douches, les
RLI'PERTSIIAI.X l/,3
caves, le poste de chauffage à la vapeur à Lasse pression, les
moteurs à air chaud qui refoulent dans les réservoirs situés
en haut du bâtiment l'eau nécessaire à rétablissement.
Au rez-de-chaussée se trouvent : au milieu, deux chambres
pour les sœurs avec à côté deux chambres pour la consultation,
puis à chaque extrémité un grand dortoir à 5 lits et sur le reste
de la façade des chambres à i, a et 3 lits. Sur la façade nord
se trouve le couloir donnant accès aux bains, lavabos et water-
closets.
Le premier et le deuxième étage sont semblables. Au milieu,
une grande pièce sert de réfectoire (premier étage, femmes;
deuxième étage, hommes), puis de chaque côté les chambres
de malades, toujours sur la façade méridionale, avec 5 lits,
3 lits et i lit. Au nord : le couloir, les bains, les water-closets.
Aux combles, un des pavillons d'aile sert au médecin-direc-
teur, l'autre au personnel.
A chaque extrémité est accolé un pavillon d'un étage ; à
l'ouest la cuisine, à l'est la buanderie avec les écuries, le
logement du cocher, une étuve à désinfection.
La remise, la glacière, une étable à porcs sont au nord du
bâtiment, et séparées de lui.
Les galeries de cure sont des hangars garantis en haut par
un toit et sur trois côtés par des murs; elles sont librement
ouvertes vers le sud. Leur sol est en ciment et elles contien-
nent les chaises longues sur lesquelles les malades passent la
plus grande partie de la journée. Le reste du temps est pris
par des promenades qui peuvent se faire et se graduer faci-
lement dans les collines boisées qui avoisinent l'établisse-
ment ; des travaux faciles occupent aussi le patient pendant la
ournée.
Les chambres de malades sont spacieuses, bien éclairées,
bien aérées. Les plafonds ont 3"',3o de hauteur, les murs
sont peints à l'huile jusqu'à i'u,6o. Au-dessus, ils sont blan-
chis à la chaux. Le plancher, en sapin, a reçu trois couches
d'huile bouillante dont la troisième est brun-rouee. Les fenè-
très sont munies à leur partie supérieure d'un châssis qui peut
s'ouvrir à volonté et permet aux malades de respirer toujours
l'air frais du dehors. Chacun d'eux dispose d'ailleurs dans ces
chambres de 4° mètres cubes d'air. Il n'existe aucun svstème
1 1 1
VISITES AUX S.iy.lTOIil.i
de ventilation; le renouvellement de l'air s'effectue par les
fenêtres ouvertes nuit et jour.
Le chauffage se fait à la vapeur d'eau à basse pression ; les
radiateurs, placés au-dessus ilu sol, pour qu'on puisse laver
sens eux, peuvent donner jusqu'à 38 et 4°" de chaleur, ce qui
est nécessaire pour maintenir dans les chambres une tempéra-
ture raisonnable pendant les froids de l'hiver.
L'eau provient de sources captées pour l'établissement. Les
water-closets aboutissent à des tinettes en fer garnies de
tourbe, enlevées tous les jouis et dont le contenu est mélangé
à de la terre et mis en cavalier. Les eaux vannes sont collec-
tées clans un réservoir, lilirées au sable, puis servent à irri-
guer les prairies. Cette dernière partie, concernant les égouts,
n'est donc pas absolument parfaite.
L'établissement peut recevoir j5 malades, 38 hommes el
'>- femmes. Le traitement qu'ils y suivent ne diffère point
essentiellement de celui qui a été institué pour les riches. Les
repas y sont aussi nombreux, presque aussi abondants; la
variété de nourriture seule est un peu moins grande .
Les repas sont établis de la façon suivante : le matin, à
7 heures et demie, café au lait avec pain et beurre, un verre de
lait ; à io heures, un verre de lait, pain et beurre ; a midi,
soupe, viande et légumes, demi-bouteille de bière ou un à
deux verres de vin ; à 4 heures, café, pain et beurre ; à
7 heures, soupe, viandes froides, salade ou fromage avec
beurre ou quelques autres mets analogues, demi-bouteille de
bière ou thé.
Bien entendu, à côté de ce régime existent des diètes spé-
ciales instituées par le médecin ; en outre, les malades qui ont
des sueurs nocturnes abondantes prennent, avant de se coucher,
un verre de lait avec quelques cuillerées a café de cognac
Les malades, pendant la journée, s'occupent à des travaux
de jardinage, confectionnent de petits objets de vannerie, font
de la sculpture sur bois. etc. Ils vaquent aussi, quand ils sont
assez, valides, a des soins de ménage, permettant ainsi de n'em-
ployer qu'un personnel très restreint.
Parmi les sanatoria d'Allemagne, ceux de Goerbersdof pré-
sentent un intérêt particulier. Ils comprennent le sanatorium
SANATORIUM DE BREUMER 14*
de Brehmer, le sanatorium de Rœmpler, le sanatorium de la
comtesse Pùckler et le sanatorium de Weicker.
Sanatorium de Brehmer. — Le premier sanatorium pour
phtisiques fut fondé par Brehmer en 1869, mais le gouver-
nement ne lui donna qu'avec peine la permission de le bâtir. Il
commença en petit, fit des agrandissements dès 1862, en même
temps qu'il prenait les dispositions nécessaires pour pouvoir
offrir aux malades un séjour d'hiver agréable.
Je vais donner la description du sanatorium tel que je l'ai
trouvé lors de ma visite, il y a quatre ans ; c'est celle qui a
déjà paru dans ma première édition et qui est empruntée à
Pouzet. J'y ajouterai quelques observations, et mentionnerai
aussi certains changements apportés ces dernières années à
l'établissement.
Au bout du village de Goerbersdorf, dans l'endroit le mieux
approprié, au milieu de grands arbres, se dresse, tout en bri-
ques rouges, avec des toits pointus ardoisés, le sanatorium
fondé il y a plus de trente ans par le Dr Brehmer. C'est un
véritable monument architectural, dans le style des vieux
bâtiments gothiques allemands.
Trois principaux corps de bâtiments construits à des épo-
ques différentes, mais sur le même alignement, se succèdent.
Ils sont réunis entre eux par des galeries et des terrasses
transformées en jardin d'hiver et en promenades couvertes.
A l'ouest s'élève le plus ancien de ces bâtiments, le vieux
Curhaus : c'est une grosse masse carrée flanquée d'une tour
également carrée surmontée de poivrières. A l'autre extrémité,
le nouveau Curhaus, avec deux grosses tours rondes à son
entrée, présente une façade décorée d'arcades ogivales soute-
nues par des colonnettes, formant une série de balcons en
retrait. Au centre, un donjon, une tour élancée indiquent
l'appartement occupé par le Dr Brehmer et habité aujourd'hui
par M. le professeur Robert, le directeur de l'établissement.
Devant la façade exposée au midi, une plate-forme appelée
Corso et un grand bassin alimenté par un énorme jet d'eau.
Plus loin, le parc se développe d'abord en pente douce, devient
plus escarpé, et finit dans une véritable forêt de sapins.
Au milieu des jardins, à proximité, se trouvent trois établis
Knopf. Sanatoria. 10
i i 6 1 ISITES A l A s. I .y. 1 l a m. l
sements annexes contenant une douzaine de chambres : la
.Maison Blanche, la Maison Neuve, la Villa lîosa.
Dans le pai'c, très bien dessiné, entretenu avec soin, coupé
dans tous les sens d'allées aux pentes les plus variées, sont
ménagés des bosquets, des salles d'ombrages, des berceaux
de verdure, des parties découvertes. A tous les pas, des bancs
rustiques, des chaises, des fauteuils de toutes formes, des
hamacs suspendus aux branches. Çà et là des abris, une
grotte, des guérites, des chalets suisses, norvégiens ; un
réservoir peuplé de poissons, un enclos dans lequel s'ébattent
des cerfs ; à tni-CÔte une large terrasse.
Si nous continuons l'ascension à travers bois, nous arrivons
par des sentiers pittoresques au sommet de la colline, a
i4o mètres au-dessus du Corso, et de là. abrité derrière les
vitraux d'un pavillon russe appelé Katharium, nous pouvons
reposer notre vue sur de larges espaces cultivés, fermés à
l'horizon par les montagnes de Bohème et de Silésie.
Ainsi, tout a été disposé et prévu pour que le malade puisse
se promener sans ennui, s'isoler s'il a l'humeur solitaire.
monter ou descendre, s'étendre ou s'asseoir suivant ses forces
et « la prescription du médecin ».
On entre dans le nouveau Gurhaus par un escalier monu-
mental, décoré de peintures archaïques; sur les murs sont
inscrits des aphorismes de circonstance: m Où h' malade se
trouve bien, qu'il y reste jusqu'à sa guérison. » « La meilleure
occupation pour un malade est de travailler a devenir bien
portant. » Sous le médaillon île Brehmer : « Seul sait guérir
les hommes le médecin qui a étudié la nature et habitué son
esprit aux éludes mathématiques. » — Brehmer avait été
mathématicien.
Le Curhaus comprend trois étages qui sont reliés par un
ascenseur. Les salles communes se trouvent, les unes dans ce
bâtiment, les autres dans les annexes; les pensionnaires pas-
sent de l'une à l'autre sans s'exposer à l'air. Deux grandes
salles à manger, des salons d'attente, des cabinets de lecture,
sont disposés de la façon la plus commode ; de là, on a accès
à une véranda qui est orientée vers le midi et aboutit à un
pavillon qui donne dans un jardin d'hiver, où se fout les pro-
menades lorsque le temps est trop mauvais pour permettre le
SANATORIUM DE BREIIMER i5i
séjour à l'air; enfin nous arrivons à la nouvelle pièce qui sert
de salle de lecture en hiver, de salle à manger en été.
Les chambres des malades, l'ameublement, les décorations,
sont de style gothique; les meubles, en bois,sontpeints à l'huile,
ornés de dessins et de crénelures. Les fenêtres des chambres
à coucher sont assez grandes. Pas de vasistas, pas d'impostes.
L'aération est pratiquée par une ouverture située en haut de
la pièce et communiquant avec une cheminée d'appel.
Le chauffage se fait au moyen d'un calorifère à air chaud.
La désinfection de tous les appartements s'exécute réguliè-
rement, selon la recommandation du professeur Robert, par les
vapeurs de formaldéhyde.
En dehors de cet établissement élégant pour les malades
riches, il y a depuis 1890 une annexe pour le traitement des
phtisiques ayant des moyens modérés. Les deux sanatoria sont
sous la direction du distingué professeur M. le Dr Rudolf
Robert, assisté de M. le D1' Johannes Tirmann et de trois
médecins adjoints.
Une grande ferme, située à peu de distance, est annexée au
sanatorium. On y compte cinquante belles vaches, bien en
point, et vingt chèvres blanches. De plus, un employé est
spécialement attaché à la fabrication du kéfir, consommé par
certains phtisiques.
J'ai donné, pour honorer la mémoire de Brehmer, cette lon-
gue description du premier sanatorium, mais j'avoue que, pour
moi, le sanatorium de Brehmer est loin d'être le sanatorium
idéal. On y a dépensé des millions, mais inutilement. Les masses
carrées, les tours surmontées de poivrières, les façades lourdes,
ressemblent à un ancien château, presque à une forteresse.
Mais c'est peut-être le seul reproche que l'on puisse faire à
ce grand phtisio-thérapeute. L'immense service qu'il a rendu à
l'humanité est reconnu par ses élèves, ses confrères et des
milliers de malades. Brehmer, qui mourut le 22 décembre 1889,
a eu la satisfaction de voir prospérer son établissement ; mais
il n'a pas vécu assez longtemps pour jouir du principal triomphe
de sa doctrine ; 'car précisément, au cours de ces dernières
années, ses contradicteurs se sont tus l'un après l'autre, et
des sanatoria ayant pour but de traiter la phtisie selon son
système, combiné avec celui de Dettweiler, son élève le plus
132 VISITES AUX SAXATORIA
distingué, sont présentemenl établis dans différentes parties
du inonde.
A la dernière séance de la Société des médecins balnéologues
allemands, qui eut lieu à Vienne le i5 mars iKi)N. l'érection
d'un monument en l'honneur du fondateur de la phtisio-thé-
rapie moderne a été décidée. Ce monument sera ultérieure-
ment remis au village de Goerbersdorf.
Sanatorium de Ftompler. — La vallée dans laquelle est
situé le village de Goerbersdorf a une altitude de 56i mètres.
Sur un des points les plus pittoresques s'élève le sanatorium
du D1' Rômpler. II est entouré de toutes parts d'un beau parc
et d'un jardin, qui touchent immédiatement à la forêt avoisi-
nante. De nombreux chemins bien entretenus, à pentes
douces et pourvus de lianes de repos ont été traces ; on y a
ménagé de magnifiques points de vue s'éteudaiil jusqu'au
centre des Monts-Géants.
Des pavillons sont disséminés dans le parc: un des buts de
promenade les plus fréquentés par les pensionnaires est le
petit chalet suisse, qui est chauffé en hiver: des colonnades
couvertes et un grand promenoir également couvert servent
d'abris en cas de mauvais temps et permettent d'étendre beau-
coup la durée du séjour à l'air.
Une galerie couverte, destinée a la cure d'air, a été bâtie en
1887 immédiatement le long de l'établissement ; elle est orientée
vers le S.-E. et protège les malades contre les vents froids.
On v a installé de nombreuses chaises longues.
Le Curhaus est bâti en style de chalet suisse: son altitude
est d'environ 55o mètres. Deux villas y sont annexées. Ces dif-
férentes constructions comprennent plus de 100 logements.
Tous les perfectionnements de confort et d'hygiène y ont été
réalisés. Un grand jardin d'hiver communique avec le Cur-
haus; il est chauffé et très bien ventilé, de sorte que les
pensionnaires peuvent v séjourner lorsque leur étal ou les
conditions météorologiques interdisent la cure à l'air libre.
Tout rétablissement est chauffé par un système à l'eau
chaude.
Le jardin d'hiver conduit à une vaste et élégante salle a
manger, qui peut recevoir 200 convives. A côté se trouvent un
SA.XATORICM DE ROMPLER
1 55
salon de lecture, une salle d'attente, ainsi que les cabinets de
consultation du médecin-directeur et de ses assistants. Au pre-
mier étage de ce bâtiment, il y a des salons de conversation,
de musique, de billard, qui donnent sur une terrasse, d'où
l'on jouit d'une vue admirable sur les montagnes environ-
nantes.
Des cabinets de bains ont été installés dans le Gurhaus et
dans une des villas; une salle bydrothérapique, permettant
Fi g. ij. — Galerie pour la cure à l'air libre du sanatorium du Dr Rompler.
l'application de douches variées, est également à la disposition
des pensionnaires. Une distribution d'eau a été organisée; la
source qui l'alimente jaillit directement de rochers situés à
70 mètres au-dessus du sanatorium; elle est en même temps
utilisée pour les bains, les douches; elle est assez abondante
pour servir à l'arrosage des pelouses, des chemins, et pour
former un très beau jet d'eau, devant la façade du Gurhaus.
Telle est la description de mon distingué confrère, M. le
D1' Moeller, qui a visité l'établissement du D' Rompler quelque
temps avant moi.
Je ne puis guère donner une meilleure idée de ce bel
établissement. Je veux seulement ajouter que le traitement
suivi dans le sanatorium dirigé par M. le D1' Rompler, est
i56 VISITES AUX SAyATOIUA
celui qu'ont inauguré Brehmer et Dettweiler. En dehors du
médecin-directeur il v a des médecins-assistants, et pour le
traitement des maladies de la gorge, un spécialiste est attaché
à l'institution. "SI""' Rompler esl la collaboratrice assidue et
dévouée de son mari. Le sanatorium Rompler existe depuis
i875.
Sanatorium de Pùckler et sanatorium de Weicker. —
Le sanatorium Pùckler pour les malades payants, el le sana-
torium Weicker pour les phtisiques pauvres, à Goerbersdorf,
sont tous les deux sous la direction tic mon ami le
Dr Weicker.
Le premier, fondé, il v a plusieurs années, grâce à la géné-
rosité de la comtesse Marie Piickler, se trouve à une petite
distance du village, un peu plus Las (pie les précédents, mais
encore à une altitude de 56o mètres. Cet établissement est le
plus petit des trois, mais, comme me le disait le Dr Weicker :
« II est petit, je veux qu'il reste petit. »
Il peut recevoir seulement une trentaine de malades. L'idée
du D1' Weicker est de rendre aux tuberculeux la vie de famille
qu'ils ont quittée. Dernièrement, on a ajouté, pour faciliter la
cure à l'air libre, une galerie où les malades restent de trois
à dix heures par jour.
Le deuxième sanatorium pour les phtisiques pauvres, le
« Krankenheim » pour les malades au premier degré de la
tuberculose pulmonaire, a été fondé le 22 juin 1889, en con-
séquence des lois sur l'assurance ouvrière obligatoire dans
l'empire allemand.
Nous parlerons plus loin, dans notre chapitre sur les sana-
toria pour les pauvres, de cette assurance obligatoire. Bor-
nons-nous simplement à constater que l'entreprise a réussi
d'une façon surprenante.
En 1894 12 malades ont séjourné 836 jours dans le sanatorium
189} 86 4.860
1896 256 — 17.134 —
1897 5i2 32.494 —
Il y a une division pour les femmes et une autre pour les
hommes; elles comprennent 160 lits qui sont répartis dans
I
BOUE.XIIOSyEF 1 6 1
plusieurs villas. Les médecins internes sont M. le Dr Knobloch
pour le département des hommes, et M. le Dr Schœn pour
celui des femmes.
Très intéressant est l'arrangement par lequel le D' Weicker
maintient la discipline dans les villas des tuberculeux pau-
vres. Chaque villa a le droit d'élire un membre comme « supé-
rieur », et celui-ci est responsable envers les médecins de l'or-
dre de la maison. 11 a en plus le devoir de prendre la
température de chaque malade deux fois par jour, et de veiller
à ce que les ordonnances des médecins soient suivies par tous
les malades.
Le village de Goerbersdorf (Silésie ï est à 6 kilomètres de
Friedland, station de la ligne de chemin de fer de Breslau-
Fribourg. Il est également à une petite distance de Detters-
baeh, station du chemin de fer des Monts-Géants [Riesen-
gebirge).
Le traitement diffère peu dans les trois sanatoria de
Goerbersdorf. Les médecins dirigeants actuels ont adopté
les modifications apportées par Dettweiler au traitement ins-
titué par Brehmer. Ils s'en écartent peut-être un peu, mais
les grands principes de la phtisio-thérapie restent les mêmes.
Tous les trois s'intéressent beaucoup à la tuberculose, envi-
sagée comme question sociale. J'ai visité Goerbersdorf au mois
d'août; j'ai pu apprécier la beauté naturelle du site et le climat
superbe qui firent choisir cet endroit par Brehmer comme
particulièrement favorable à son but.
Tous les sanatoria dont j'ai parlé sont très curieux à visi-
ter; j'y ai reçu de leurs directeurs un accueil on ne peut
plus cordial.
Sanatorium de Hohenhonnef. — Honnef est une petite
ville au bord du Rhin, protégée contre les vents froids du
nord et de l'est par les Sept-Montagnes. Au N.-E. de la ville
s'élève le sanatorium de Hohenhonnef. dans une belle posi-
tion, avec vue sur la vallée du Rhin.
L'établissement de Hohenhonnef, ouvert en octobre 1892, a
été visité avant moi par M. de Boischevalier, ingénieur des
Arts et Manufactures, qui en a fait un rapport détaillé clans
le Génie civil. Cet établissement est dirigé parle Dr Meissen,.
Knopf. Sanatoria. ii
162 VISITES AUX SANATORIA
ancien médecin-adjoint à Falkenstein, et un des élèves les
plus distingués de Dettweiler.
Le sanatorium est silué à a36 mètres au-dessus Au niveau
de la mer, et à 1 58 mètres au-dessus de Honnef-sur-le-Rhin.
L'établissement est au milieu du pare et de la forêl que
sillonnent des chemins dont les pentes, appropriées aux
besoins de la cure, aboutissent aux points de vue les plus
pittoresques et les plus variés.
La façade principale du sanatorium, exposée au S.-O., est
composée d'un bâtiment central et de deux ailes formant un
angle obtus avec la façade; il y a un sous-sol de plain-pied
avec le terrain, un rez-de-chaussée et trois étages.
Le bâtiment principal est disposé de telle sorte que toutes
les chambres sont sur le devant et donnent sur i\\\ corridor
longeant la façade de derrière; les ailes, au contraire, se com-
posent de deux séries de chambres, séparées par un corridor
central. L'orientation est telle (pie les rayons du soleil peu-
vent pénétrer, au moins pendant quelques heures, dans toutes
les chambres, le plus grand nombre de celles-ci étant exposées
au S.-O.
Les bâtiments des machines pour l'éclairage, le blanchis-
sage, la désinfection, l'alimentation en eau, sont situes dans la
vallée et reliés par un chemin de 1er funiculaire, de sorte que
le sanatorium est absolument à l'abri de la poussière, de la
fumée et du bruit.
Les chambres des malades sont spacieuses (les plus petites
ne cubent pas moins de 60 mètres), à portes et fenêtres dou-
bles; le plancher est doublé de voliges plâtrées et couvert de
linoléum. Chaque chambre a sa cheminée d'aérage spéciale et
un poêle tubulaire à circulation d'eau chaude réglable à vo-
lonté. Des vasistas mobiles facilitent l'afflux d'air extérieur.
Ces conditions sont d'une importance majeure. L'établissement
est éclairée la lumière électrique, et un ascenseur relie les
différents étages entre eux. On y trouve toute une série de
salons élégants.
Le long de la façade principale, et se prolongeant autour de
l'aile E, règne au niveau du rez-de-chaussée une véranda
destinée aux cures sur les chaises-longues. Cette véranda est
installée de façon à protéger les malades contre le soleil, la
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REIBOLDSGRUN 167
pluie et le vent. Le traitement repose sur les principes de
Brehmer-Dettweiler. L'air esl pur, doux et calme, sans pous-
sières, rafraîchi par le voisinage des bois ; le sol est sec,
poreux, absorbe l'humidité et permet l'écoulement des eaux.
Hohenhonnef, qui possède un bureau de poste et de télé-
graphe, a des communications faciles avec Cologne, Bonn,
Aix-la-Chapelle, Francfort-sur-le-Mein et Wiesbaden. La sta-
tion de Honnef (rive droite du Rhin) est desservie par deux
express.
Sanatorium de Heiboldsgrùn. — Reiboldsgrun est situé
dans la partie méridionale de la Saxe, sur les premières pentes
de 1-Erzgebirge. Le sanatorium esl construit dans un endroit
abrité, à l'est, au nord, et à l'ouest, par des montagnes et des
forêts de sapins. En i8j3, l'établissement de bains ferrugineux
connu sous le nom de Reiboldsgrun devint la propriété du
D' Driver, qui le convertit en un sanatorium uniquement des-
tiné au traitement des tuberculeux. Il est maintenant dirigé
par le D1' Wolff, qui m'a reçu avec beaucoup de bienveillance
lors de ma visite et qui m'a fourni des renseignements pré-
cieux. La caractéristique principale de cet établissement est
d'être éloigné de toute agglomération humaine. Reiboldsgrun
n'est pas un village : il faut aller à une heure et demie de là
pour trouver un centre d'habitations. C'est là une particularité
importante qui permet, outre l'avantage de la pureté absolue
de l'air, d'éviter toute imprudence de la part du malade et toute
influence étrangère fâcheuse.
Le sanatorium se compose de huit grandes villas destinées
aux pensionnaires, avec des bâtiments séparés pour les ser-
vices intérieurs.
Le Curhaus, bâti en 1889-90, renferme une salle à manger,
un salon, différentes pièces où les malades peuvent se dis-
traire par la lecture ou les jeux.
Devant le Curhaus est une terrasse orientée au midi pour
le repos sur les chaises longues.
Le Curhaus communique avec un autre bâtiment où sont
installés la direction, la poste, le service de l'hôtel. Dans les
deux étages se trouvent 12 chambres de malades.
La villa Winterheim (i885-86) communique avec le Curhaus.
168 VISITES AUX SANATOBIA
Le rez-de-chaussée contienl des appareils hydrothérapiques.
Aux étages sont les chambres des malades dont le sol est
recouverl de linoléum pour faciliter les nettoyages; le chauf-
fage se l'ait par la vapeur à basse pression; la ventilation est
parfaite.
A l'extrémité de celle villa se trouve mie véranda couverte,
servant de promenade, à laquelle sont annexées quatre galeries
avec chaises longues.
A coté se trouvent d'autres villas, construites sur le même
modèle : i° la « Hugo's Ruhe », 20 la « Villa Karlsruhe », 3" la
« Thurmhaiis ».
Comme Reiboldsgrùn est éloigné de toute agglomération,
un bâtiment spécial, la « Waldgut Zôbish », a été construit
pour recevoir les parents des malades et les anciens pension-
naires guéris, revenant visiter le sanatorium.
L'établissement possède une source d'eau potable 1res pure,
une installation pour la désinfection à la vapeur, un système
de chauffage permettant d'assurer dans les chambres une tem-
pérature liede constante.
Le climat de la région où est situé h' sanatorium est celui
de moyenne altitude; air pur, riche en ozone, privé de pous-
sières. Les vents sont faibles, de même que les variations de
température, grâce à l'entourage des forêts. Le sol poreux se
sèche rapidement après les pluies. Dans la forêt se trouvent
des sentiers en pente douce, pour les promenades des malades
qui peuvent se reposer sur des bancs ou dans des pavillons
exposés au soleil, avec chaises longues.
Le traitement est dirigé par le D' Wolff, secondé par deux
médecins adjoints , suivant les principes de Brehmer-Dett-
vveiler.
Le docteur garde les malades en observation pendant quinze
jours avant de les admettre définitivement; il prend la tempé-
rature de ses pensionnaires très fréquemment, et dès (pie la
température buccale dépasse .S;", 4 le sujet est considéré comme
fébricitant et astreint au repos. 11 emploie la méthode d'Oertel
pour renforcer le fonctionnement <h\ cœur. Le diagnostic et
le pronostic sont aidés par l'examen du sang et la numération
des globules. Le D' Wolll' se préoccupe beaucoup tic procurer
a ses malades des distractions calmes, telles que concerts,
bu
S
BAD-LAUBBACH 175
jeux de toutes sortes, réunions. Dès qu'un malade est fébri-
citant, il doit garder le repos absolu : même la lecture de
certains ouvrages lui est interdite. Dans la bibliothèque du
sanatorium, on voit des livres marqués d'un astérisque, que
les malades iebricitants ne peuvent pas lire.
L'établissement peut recevoir environ une centaine de
malades.
Sanatorium d'Albertsherg. — Non loin de Reiboldsgrùn,
à Albertsberg, s'élève le premier sanatorium pour les phtisi-
ques pauvres du royaume de Saxe.
C'est grâce aux efforts de Driver et Wolf-Immerman, ainsi
qu'à la générosité du roi de Saxe et de cpielques autres
philanthropes, que cet établissement, quoique inauguré seu-
lement au mois d'octobre 1897, est déjà florissant, et traite
actuellement 5o malades.
Cet établissement est sous la direction du Dv Gebser, ancien
assistant à Pœiboldse'rùn.
jo'
Sanatorium de Bad-Laubbach. — En octobre 1897 fut
ouvert par M. le D1' Wilh. Achtermann, ancien médecin-direc-
teur de l'établissement Brehmer de Goerbersdorf, un nouveau
sanatorium destiné au traitement de la phtisie pulmonaire.
Bad-Laubbach est situé près de Coblence, dans une vallée
du Rhin, entourée de montagnes boisées. A la beauté natu-
relle du site s'ajoute l'agrément d'une petite rivière descen-
dant d'une haute montagne appelée le Laubbaeh.
Le parc du sanatorium touche au magnifique parc de la ville
de Coblence, d'où l'on découvre des vues admirables. Une très
belle allée de châtaigniers conduit les visiteurs aux divers
bâtiments du sanatorium. Le bâtiment principal peut recevoir
environ oo malades, et quatre villas séparées contiennent cha-
cune une dizaine de chambres. Dans l'une de ces quatre habi-
tations, appelée le « Badehaus », se trouve aussi la salle de
consultation, le jardin d'hiver, et quelques salons pour les
pensionnaires. De nombreux pavillons et bancs, où les mala-
des peuvent se reposer, sont disséminés dans le parc. Il y a
en plus une galerie pour la cure à air libre.
Le climat de Laubbaeh est doux, modérément humide. La
'71'
1 757 TES . ! / '.V SA \A TORIA
température, dans la vallée, esl en moyenne de deux à trois
degrés moins chaude, et en hiver <1<' deux à trois degrés
moins froide que dans les environs.
Le traitement prescrit par le Dr Achtermann est celui qu'em-
ploient Imis les phtisio-thérapeutes modernes. .Notre confrère,
(|tii inaugurait en iSt)4 à Goerbersdorf une section pour le
traitement des phtisiques de la classe moyenne, a ajout»''
également à son nouveau sanatorium une annexe pour rece-
voir cette classe de pensionnaires. Le sanatorium de Bad-
Laubbacli est ouvert toute l'année.
-:#
msÊÊlÊÊÈm
Fie:. 21. — Sanatorium de Bad-Laubbach.
Sanatorium de Saint-Blasien. — Cet établissement, que
j'ai visité en juillet i »St)4 , est situé au pied i\n Feldberg
(Forêt-Noire), dans la vallée de l'Alb, à 773 mètres d'altitude,
au milieu de montagnes couvertes de forêt de pins ; il est
exposé au midi dans un site pittoresque, dominant la petite
ville de Saint-Blasien. La vallée de l'Alb est assez large pour
être follement ensoleillée ; elle est protégée des vents du
Knopf. Sanator
SAINT-BLASIEN 179
nord. Le climat est de moyenne altitude sans être froid,
tonique sans être excitant, convenant à des malades impres-
sionnables comme les phtisiques. Atmosphère pure, chargée
de principes résineux, riche en ozone, grâce au voisinage des
forêts; sol granitique; eaux vives. Les variations de tempé-
rature ne se font pas vivement sentir à Saint-Blasicn : en été,
la température ne dépasse pas i5°; l'hiver est doux, grâce à
l'exposition au midi.
Le sanatorium a été construit en 1881 ; il fut d'abord admi-
nistré par M. le Dr Hauffe ; l'établissement est à présent
sous l'habile direction de M. le Dr Sanders.
Il se compose de trois corps de bâtiments principaux reliés
par une véranda vitrée avec des chaises longues pour la cure
de repos. Les différents étages sont également précédés de
terrasses couvertes où les malades peuvent reposer sur les
chaises longues. Il peut recevoir 60 malades. Un vaste hall
sert de promenoir par les temps de pluie. Les malades sont
répartis dans les trois villas selon la gravité de leur état.
L'établissement est entouré de jardins, au milieu d'un parc, et
accède directement dans la forêt percée de beaux sentiers en
pente douce, avec des bancs de repos et des chaises longues.
L'installation intérieure est très confortable. Ventilation par-
faite; chauffage au bois ; désinfection soigneuse à la vapeur.
Il y a en plus de bonne eau, des salles de bains et de
douches, et toute la maison est éclairée à l'électricité.
Le traitement est celui de Brehmer-Dettweiller, sauf quel-
ques légères modifications. Sous la direction de M. le
D1' Hauffe, les malades même à un degré avancé y étaient reçus ;
mais la nouvelle direction les refuse. M. le Dr Sanders veut
que l'établissement soit un véritable « Heilanstalt » (maison
où l'on va pour être guéri), et il n'admet que les tuberculeux
au premier degré, ainsi que l'es prédisposés à la phtisie.
Le seul désavantage que le sanatorium de Saint-Blasien
me semble présenter, c'est qu'il est peut-être trop rapproché
du « Kursaal » de la station, établissement sans doute très
utile aux névropathes, mais ne convenant guère aux tubercu-
leux.
Néanmoins, les résultats obtenus dans le sanatorium de Saint-
Blasien semblent être aussi bons qu'ailleurs.
180 VISITES AUX SANATORIA
Sanatorium de Nordrach. — Le I)1 Walther, directeur de ce
sanatorium, l'appelle aussi ci la colonie de Nordrach ». L'éta-
blissemenl est situé dans la Forèt-Noire, à une altitude de
.j5<> mètres, dans une vallée ouverte au sud-ouest. Autour il
y a des montagnes boisées de pins. C'esl dans la plus belle
région de la Forêt-Noire que se trouvent les maisons appar-
tenant à celle colonie.
Les chambres sont meublées d'une façon très hygiénique ;
leur parquet est recouvert de linoléum. Le chauffage se l'ail
par la vapeur, cl toutes les pièces sont éclairées à la lumière
électrique. Chaque chambre a une installation séparée pour
les douches à l'eau froide <>u tempérée. Une vacherie attenant
au sanatorium fournil de bon lait.
Une institutrice est attachée à l'établissement pour instruire
les enfants venus avec leurs parents malades.
Le sanatorium esi silué dans un endroit 1res isolé et tran-
quille; il esi protégé contre les vents froids. Le traitement rsi
celui de Brehmer-Dettweiler. La station de chemin de fer la
plus rapprochée de la colonie es1 Gengenbach, sur la ligne de la
Forêt-Noire.
Sanatorium Lehrecke à Bad-Hehburg. — Cet établisse-
ment esl destiné au traitement des maladies île la arorffe el des
poumons. Rehburg esl situé dans la région montagneuse de
l'Allemagne appelée le Harz, a une altitude de i5o mètres.
Des montagnes couvertes de sapins l'abritent île tous les vents
froids.
Le climat de Rehburg a la réputation d être particulièrement
avantageux pour les malades venant en élé des stations hiver-
nales du Sud. ou en automne avant de partir pour les pays
chauds. Toutefois on l'ail aussi à Rehburg îles cures d'hiver,
el on obtient de bons résultats chez les phtisiques peu
avancés.
Le sanatorium Lehrecke, fondé en 188G par le D' Kaatzer,
se trouve depuis i8i)(> sous la direction du D' Lehrecke.
Il est installé selon les principes d hygiène moderne, avec
vérandas, galeries île repos, jardins, etc. L'établissement a en
plus un laboratoire bactériologique, des chambres noires, des
appareils de Rœntgen pour faire des études cliniques. 11 y a
SANATORIUM LEIIRECKE 1S1
aussi une installation d'hydrothérapie, particulièrement cons-
l'isr. 2). — Sanatorium de ftordrach.
rig. 2.1. — Vue générale du sanatorium Lehrccke à Bad-Rehburg.
truite pour les besoins des malades atteints de phtisie pulmo-
naire.
iSj visites aux sanatoriâ
Bad-Rehbure est une station du chemin de fer de la Lionne
Steinhuder-Meer, et se trouve à une distance de 5 kilomètres
de la ville de Rehburg.
Sanatorium Schomberg. — A Schômberg, dans la portion
wurtemberereoise de la Forêt-Noire, le Dr Baudach a fondé, il
y a sept ans, un sanatorium qui a été agrandi l'année der-
nière. Il esl dirige à présent par le ].)'' Koch.
Cet établissement, ouvert été connue hiver, a toutes ses
chambrés orientées au midi. Il possède des vérandas et des
galeries pour la cure d'air, qui y est appliquée avec le même
soin et d'après la même méthode que dans les grands établis-
sements fermés.
Une section est réservée aux phtisiques peu aisés. Moyen-
nant un prix de journée modique, ils y reçoivent tous les
soins que réclame leur état , et peuvent y suivre , dans
d'excellentes conditions, le traitement hygiénique de la tuber-
culose.
Schomberg est à 65o mètres d'altitude. Le pays, montagneux,
est entouré de toutes paris par de grandes forêts de pins et
de haute futaie. Le climat est celui de toute la Forêt-Noire (1).
A X GLETERHE
Il n'y a encore à l'heure actuelle en Angleterre que très peu
de sanatoriâ pour phtisiques dans le vrai sens du mot. Mais il
existe dans tout le Royaume-Uni, pour le traitement des tuber-
culeux indigents, quelques hôpitaux spéciaux d'une très grande
importance par les bons résultats qu'on y a obtenus.
Lors de ma visite en Angleterre j'ai vu plusieurs de ces ins-
titutions, et je vais décrire quelques-unes de celles qui m'ont
semblé les plus importantes.
Hôpital de Ventnor. — Cet établissement, que l'on désigne
sous le nom de The Royal National Hospital for Consumption,
(i) E.-P. Lêo.n Petit. Le phtisique et son traitement hygiénique.
J3
HOPITAL DE VEXTXOR 1 85
a été bâti petit à petit par la charité privée dans l'île de Wight.
Cette Madère de l'Angleterre jouit d'un climat agréable, grâce
à sa situation abritée contre les vents froids du nord, grâce au
Gulf-Stream, qui vient se briser perpendiculairement sur la
côte sud, se dirige ensuite vers Test et l'ouest, et entoure l'île
d'un courant d'eau tiède.
Le climat est si doux que les oliviers, les myrtes et les pal-
miers poussent en pleine terre. La température maxima de
l'année est de + a6°,5 et la température minima — 4*\6- L'at-
mosphère est plutôt sèche qu'humide, car la quantité d'eau
tombée n'est que de 28°,2.
C'est un poitrinaire, le D1' Hill-Hassal, qui en 1868 commença
modestement par élever à Ventnor un petit pavillon isolé ;
aujourd'hui, il y a 10 pavillons et l'hôpital peut recevoir
i3a malades. Entre chaque groupe de deux bâtiments se
trouve une cuisine. Chaque pavillon a sa chambre spéciale,
un salon par six malades ; c'est l'isolement par séquestration.
Un ventilateur à hélice, mû par la vapeur, fournit 4-ooo pieds
cubes d'air par heure ; cet air pur est pris au dehors, circule
dans des tubes qui entourent le poêle, et n'arrive dans les
chambres qu'à une température de -+- 160. L'air vicié s'échappe
par la partie élevée et est entraîné dans une cheminée d'appel,
qui le projette à plusieurs mètres au-dessus des habita-
tions.
Il n'y a pas de vérandas pour la cure de repos ; les prome-
nades sont graduées. Les repas sont pris en commun; une
grande salle sert de lieu de réunion, avec une bibliothèque,
des pianos, des billards. Dans le parc, des jeux de croquet, et
dans le bas, vers la mer, un jardin d'hiver.
L'hôpital ouvre ses portes à tous les nécessiteux, âgés de
plus de douze ans, atteints d'affections tuberculeuses.
On exige de chaque malade une petite pension, autant pour
ménager son amour-propre que pour parer à l'inconvénient
inhérent à la plupart des hôpitaux destinés à la classe indigente,
à l'exclusion de la classe moyenne. Le prix de cette pension
est fixé à 10 shillings par semaine, soit 1 fr. 80 par jour, tout
compris. Il ne représente pas la dépense totale du malade. La
différence est généralement acquittée par des associations de
bienfaisance ou des sociétés de secours mutuels. En outre,
l'ISlTES MX SAXATORIA
un certain nombre de pauvres sonl reçus gratuitement, le prix
de leur pension ('-tant prélevé sur un crédit spécial.
Cel hôpital, à la portée de toutes les bourses, esl ouvert
à tous les sujets britanniques. Depuis sa fondation, i2,5oo
malades y onl été traités, sans compter les externes.
Les médecins traitants pratiquent l'éclectisme en matière de
traitement. La principale médication est l'air si pur de la «nie.
et l'on emploie indifféremment les hypophosphites, les injec-
tions de créosote, <!'■ gaïaeol, les inhalations <le vapeur
chaude : on donne beaucoup d'huile de foie de morue.
Les règles de l'hygiène sont rigoureusement observées et
l'on esl toujours à le recherche du progrès. Les crachoirs,
les mouchoirs, les linges sonl désinfectés dans une buanderie
à vapeur spéciale.
Le rapport médical de 1890 constate les beaux résultats
obtenus.
J'ai visité l'hôpital de Ventnor dans ses diverses parties : les
chambres sont reliées par une porte qui facilite les communica-
tions entre malade-.
Lors de ma visite. M. le Dr Philip m'a reçu avec beaucoup
de bienveillance.
Hôpital Brompton. — J'ai visité il y a trois ans. à Londres,
celte grande institution dans laquelle Williams institua de si
bonnes règles d'hygiène qu'on n'a presque jamais observé de
s de contagion parmi ses infirmiers. Ce fait L'amenait à nier
la nature contagieuse de la maladie.
Voici la belle description de Brompton Hospital, que j'em-
prunte à l'excellent livre de M. le Dr Léon Petit :
Ce qui Frappe, dés l'abord, c'est le côté pittoresque, I 5-
pecl souriant de cet asile bâti au milieu d'un beau parc. Avec
sa façade crénelée, ses fenêtres à meneaux, se- campaniles, il
a tout l'air d'une riche maison de plaisance.
Il se compose de deux corps de bâtiment, séparés par la
rue Fulham road et réunis par un souterrain.
L'ancien hôpital, édifié en i84i. affecte la forme de la
lettre II dont chaque branche verticale mesure 190 pieds an-
glais environ 58 mètres . La branche transversale fait face à
la rue. sa façade est de 200 pieds < > 1 mètre-
UOPITAL BROMl'TOy 189
Celte construction est entourée de pelouses et de jardins
d'une superficie de 3 acres (i hectare 214).
Dès qu'on a franchi la grille, on se trouve en présence de
trois allées conduisant : l'une aux offices et aux communs, une
autre au parloir des visiteurs ; celle du milieu mène dans un
vaste hall qui sert d'entrée principale. Le sous-sol dessert, en
les réunissant, toutes les parties du bâtiment. Il renferme
les salles de bains, de bains de vapeur et d'hydrothérapie, les
appareils d'aérothérapie et les machines destinées à la venti-
lation et au chauffage.
Le rez-de-chaussée, surélevé, contient la salle des médecins,
les laboratoires, le musée analomique, les bureaux de la direc-
tion et les logements du personnel.
Un ascenseur et un monte-charges relient les deux galeries
réservées aux malades.
Le premier étage est affecté aux femmes. Sur toute la façade
règne un large promenoir, exposé au midi et sur lequel s'ou-
vrent les salles. Ces salles sont des chambres qui ne renfer-
ment jamais que 8 lits : quelques-unes n'en contiennent que 2.
La lumière et le soleil y pénètrent par de larges baies, dans
l'embrasure desquelles sont disposées les bouches de chaleur
et de ventilation. Ce premier étage peut recevoir io3 malades.
Le second étage présente exactement les mêmes disposi-
tions. Il est réservé aux hommes et contient 107 lils.
Le Nouvel Hôpital, situé sur le côté sud de Fulham roail. est
aménagé pour i3j malades. Il renferme, en outre, le service
de la consultation qui occupe tout le rez-de-chaussée.
Les trois étages consacrés aux malades sont entourés cha-
cun d'une large galerie intérieure, au centre de laquelle est
aménagé un véritable salon très spacieux, avec sa bibliothèque,
ses journaux, son piano et ses jeux. Les malades s y réunis-
sent dans la journée. Les chambres, au nombre de dix ^4"\20
de hauteur, renferment de 1 à 8 lits; elles s'ouvrent toutes sur
la galerie. Chaque service de 4° lits, soit 1 malade par
1 1 5 pieds superficiels, possède ses lavabos, ses salles de bains,
d'inhalation, de sudation et ses water-elosets.
Les cuisines sont placées dans les combles sur la façade
nord, dans une sorte d'annexé qui les sépare complètement
du corps de logis principal.
190 yiSITES AUX SANATORIA
Trois ascenseurs et îles monte-charges facilitent le service
des étages. Aux quatre angles existenl de larges escaliers à
la française, sans tapis.
A proximité de Brompton (Smith street) se trouve le Home,
fondé par des personnes bienfaisantes. 11 est destiné à abriter
les malades, en attendant leur tour d'admission et à offrir un
refuge temporaire aux convalescents après leur sortie. Ils y
reçoivent le logement, les soins et les médicaments, niais ils
ont à pourvoir a leur nourriture.
Une visite à Brompton laisse une impression toute diffé-
rente de celle que produit généralement un hôpital. D'abord,
aucune odeur, grâce a la perfection du système ventilateur,
même dans le hall des consultations, ou passent et séjournent
chaque jour plus de 3oo personnes. Ensuite, aucun de ces
détails attristants qui, d'ordinaire, assombrissent le séjour
dans une salle hospitalière. Aux lits, pas de numéro, pas de
ces pancartes ou sont étalées aux yeux de tous le nom et
l'histoire de la maladie ainsi que les conditions sociales île
l'hospitalisé; pas de ces affreuses capotes d'uniforme, mais des
robes de chambre et des peignoirs aux formes variées et aux
couleurs \ ives.
Des Heurs à profusion dans les salles et les galeries appor-
tent leur note gaie et consolante. Deux fois par semaine, elles
sont renouvelées par des dames réunies en association cha-
ritable, sous la gracieuse appellation de Mission aux fleurs
(Flowers Mission).
Pour les quatre repas quotidiens, les malades d'une même
galerie sont reunis autour d'une grande table, soigneusement
servie, parée de linge, d'argenterie et de fleurs, et rappelant
aux visiteurs tout le confort de la maison aisée.
Sanatorium de Craigleith. — A quelques lieues d'Edim-
bourg, sous le ciel changeant île l'Ecosse, s'élève, dans un
parc, l'ébauche d'un sanatorium pour la classe pauvre du pays.
Un philanthrope écossais a donne sa villa; le D' Philip, méde-
cin honoraire, consacre ses labeurs aux soins des indigents :
les dépenses sont couvertes par des contributions volontaires.
On ne peut soigner (pie i j malades, mais on apporte à leur
traitement la plus grande sollicitude, et les résultats obtenus
CR AIGLE ITI1
19'
jusqu'ici ont été la récompense de tous ces dévouements. Le
D1' Philip doit du reste une partie du succès de sa statistique
à la façon dont se fait le recrutement des malades.
On les choisit parmi les cas urgents : une laryngite néces-
sitant la trachéotomie, une pleurésie purulente obligeant à
pratiquer l'empvème, etc., sont autant d'indications à l'admis-
sion immédiate des malades.
Fis- 2:
Sanatorium de Craigleith (Ecosse)
Pour les tuberculeux, on les prend dans de telles condi-
tions qu'un bon régime, une hygiène sévère, amèneront cer-
tainement la guérison du mal. Le choix de ces derniers malades
est l'ail dans la ville d'Edimbourg, par l'intermédiaire de The
Victoria Dispensary for Consumplion and Diseuses oftlie Chest.
Cet établissement remplit le rôle des consultations externes
des hôpitaux de Paris, avec cette différence que ce dispensaire
est tout à fait indépendant.
Les personnes atteintes d'affections pulmonaires viennent y
prendre des consultations. Des aides-médecins attachés au dis-
pensaire vont visiter chez eux les malades qui ne peuvent sortir.
C'est dans ces conditions que sont choisis les tuberculeux
que l'on envoie à l'hôpital de Craigieith.
Kji VISITES AUX SANATORIA
Quoique le climat d'Ecosse soit loin d'être particulièrement
doux, les résultais obtenus par le traitement hygiéno-diété-
tique el consignés clans le dernier rapport du I)1 Philip sont
des plus encourageants, au point que notre confrère espère
voir l'établissement prendre bientôt de plus larges proportions.
The Victoria Dispensai')/ for Consumptionand Diseases ofthe
Chest est situé au centre d'Edimbourg, 26, Launston Place.
C'est, comme je le disais plus haut, l'établissement <>u se
l'ait le recrutement des malades pour le sanatorium de Craig-
leith.
Cette institution est intéressante, et mérite (pu- j'en donne
une description.
Le dispensaire est ouvert pour les consultations, les lundi,
mercredi, vendredi, à partir de trois heures, seulement pour
les maladies de l'appareil respiratoire; bien entendu, le plus
fort contingent est fourni par les phtisiques. Chaque malade
reçoit un bulletin, indiquant combien de fois il doit revenir
par semai ne ou par mois : à la deuxième visite, il doit apporter
un échantillon de son expectoration dans un flacon.
Si le malade est trouvé tuberculeux, il reçoit une feuille con-
tenant des instructions indiquant la façon dont il doit traiter
ses expectorations, soit avec de l'eau chaude ou de l'acide
phénique, pour empêcher la contagion. On lui recommande
de ne jamais cracher dans la rue, mais toujours dans son
crachoir de poche, de ne jamais se servir de son mouchoir
pour recevoir les expectorations, de ne jamais les avaler. On
lui conseille d'avoir des ustensiles de table ne servant qu'à
lui seul, de n'embrasser personne. La mère phtisique ne doit
pas nourrir son enfant. Le malade doit vivre à l'air pur, dor-
mir les fenêtres ouvertes, se distraire prudemment, suivre un
régime approprié, ne jamais prendre d'alcool sans ordonnance
du médecin.
A. L T BICHE- H 0 N G RI E
Sanatorium Alland. — En i883, M. le professeur von
Schrœtter eut, le premier, l'idée de fonder en Autriche un éta-
blissement à l'instar de celui que les Anglais avaient créé dans
l'île île Wight. Cet établissement devait avoir un double but;
Kxopf. Sanatoria.
ALLAND 195
d'une part, mettre un terme à l'encombrement des hôpitaux
par les tuberculeux; d'autre pari, fournir aux pauvres et aux
déshérités les moyens de vivre sous un climat salubre et de
jouir d'un ordinaire supérieur à celui cpii leur esl offert dans
les hôpitaux généraux.
En 1884, grâce à ses nombreuses démarches, M. von
Schrœtter réussit enfin à constituer un comité composé de
membres appartenant au Collège médical de Vienne, et chargé
de l'examen et de l'exécution de ce projet si cligne d'intérêt à
tous égards. Malheureusement, l'assemblée se borna à élaborer
des statuts; aucune mesure décisive ne fut adoptée.
En 1892, nouvel appel de M. von Schrœtter au Collège médi-
cal, dans le but d'arriver à une solution immédiate de cette
question. Cette fois, tout le monde en reconnut l'urgence. Dans
le courant de cette même année, M. von Schrœtter se décida
à solliciter la charité publique, et, grâce au concours pécu-
niaire d'un petit nombre de généreux donateurs, il parvint à
jeter les bases d'une « Société » ayant comme objet la création
et l'entretien d'un sanatorium pour les tuberculeux.
Cet appel à la charité publique ne fut pas fait en vain:
bientôt les dons affluèrent de toutes parts, de sorte que, dès
l'année 1894, on put songer à l'acquisition du terrain avec
l'intention de commencer les travaux de construction dès le
printemps suivant.
Le choix de l'emplacement fut des plus laborieux ; après bien
des recherches, la préférence fut accordée à un délicieux vallon,
situé à 16 kilomètres de la ville de Baden, près de Vienne, et
non loin de la petite localité d'Alland, dans le Wienerwald.
Cette charmante région est abritée du côté du nord, de l'est
et de l'ouest, par une chaîne de hautes montagnes; du côté
du sud, elle s'ouvre dans une plaine de i5o arpents environ.
Le point le plus bas de ce domaine se trouve à 4oo mètres,
le point le plus élevé à 680 mètres au-dessus du niveau de
la mer. L'établissement est actuellement capable de loger
108 pensionnaires. Les plans en ont été tracés par M. le profes-
seur L. Teyer (de Gratz j ; ils ont été conçus de telle sorte
que dortoirs, réfectoires, cuisines, salons, se trouvent com-
plètement isolés les uns des autres.
Le bâtiment principal se compose de trois étages. Le pre-
■ 96 VISITES AUX SANATORIA
mier comprend une pièce de 11 mètres de large, dont les
fenêtres s'ouvrent vers le sud: de chaque côté du salon se
trouvenl deux dortoirs destinés à loger chacun s malades, el
subdivisés en deux dortoirs secondaires, renfermant chacun
i liis.
A ces deux dortoirs s<>nl annexés, de chaque côté, des cham-
bres d'infirmiers, des salles de bains et un grand hall dans
lequel les malades peuvent se réunir en cas de mauvais leni|>s.
Il existe, en outre, à chaque étage, une salle d'inhalation
<>l une pièce pour l'hydrothérapie. Les appartements réservés
aux médecins, ainsi que les salles d'opération, etc., se trou-
vent au premier et au troisième étage.
Toutes ces pièces sonl chauffées au moyen d'un calorifère
ei éclairées à la lumière électrique.
Le réfectoire el les cuisines sonl contigus au bâtimenl
principal. Le premier se compose d'une vaste salle, haute de
plafond, dans laquelle plus de cent pensionnaires peuvent
aisément se réunir pour prendre leur repas. Ce réfectoire
communique avec le bâtiment principal par 1 intermédiaire
d'une galerie couverte.
Dans un pavillon isolé et éloigné du reste de l'établissement
ont été installés la chambre de repos, ainsi que la salle d'au-
topsie et les laboratoires.
Quant au médecin en chef, il est logé dans i[n<~ sorte de
villa «pii lui est exclusivement destinée et qui se trouve située
pies de l'entrée de la propriété.
Mais quel est le but poursuivi par les fondateurs? Quels
bienfaits peut-on espérer d'une institution de ce genre? Puis-
qu'il s'agit d'une maison de santé et nullement d'une retraite
pour les incurables, il est évident que seuls les malades sus-
ceptibles d'être améliorés doivent avoir le droit d'y être
admis. Ces malades seront désignés parmi ceux des hôpitaux
généraux qui paraîtront satisfaire aux conditions requises; les
sujets agréés devront ensuite être soumis à une sorte de stage
probatoire pendant trois semaines; en cas d'amélioration, leur
séjour sera prolongé île trois mois au maximum; dans le cas
contraire, ils devront être renvoyés dans les hôpitaux ordi-
naires et considérés désormais comme incurables.
Une ibis admis dans l'établissement, les pensionnaires sont
ALLAND 197
soumis à des règles thérapeutiques spéciales, n'ayant rien de
commun avec les traitements que Ton institue dans les hôpi-
taux généraux ; de plus, il est essentiel que chaque malade
suive docilement les prescriptions qui lui seront laites : la
rapidité de la guérison sera en raison directe de la bonne
volonté manifestée par le patient.
La vaste étendue de ce domains permettra aux pension-
naires de se livrer à une foule de petits travaux dont l'exé-
cution sera jugée compatible avec le séjour en plein air :
jardinage, défrichement du parc, etc.
Quant à la durée qu'il conviendra d'accorder à ces exer-
cices corporels et au séjour en plein air, c'est à l'expérience
de se prononcer; nous en dirons autant de la température, à
laquelle les malades devront s'habituer. D'ailleurs, il sera pro-
bablement nécessaire d'instituer un traitement spécial pour
chaque phase de la maladie ; c'est à ce prix qu'on aura des-
chances, sinon d'atteindre pleinement le but, au moins de s'en
rapprocher le plus possible.
L'étendue de la propriété est telle qu'il n'est guère facile,
pour le moment, de déterminer d'une façon précise le nombre
de pensionnaires qui peuvent être hospitalisés. Tout ce que
l'on peut dire, c'est que si les espérances des fondateurs
viennent à se réaliser, il serait aisé, vu l'immensité de ce
domaine, d'admettre cinq ou six fois plus de malades qu'il n'en
possède actuellement.
Telle est la description publiée dans la Presse Médicale du
7 mars 1896, par M. le D1' Ileller, assistant du professeur von
Schrœtter. J'ai reçu depuis quelques renseignements complé-
mentaires intéressants, grâce à l'obligeance de M. le profes-
seur von Schrœtter et de M. le directeur von Weissmeyer. J'ai
appris de ces messieurs cpi'il existe à présent dans leur éta-
blissement des facilités pour 3oo malades. Le bâtiment prin-
cipal seul peut admettre 100 pensionnaires. Les chambres-
sont de grandeur différente et contiennent de 2 à 8 lits
chacune.
M. le D1' von Weissmeyer, qui est médecin en chef, est aidé
par deux médecins internes. Il y a de plus une infirmière
supérieure et quatre infirmières assistantes.
Le sanatorium d'Alland, le premier de ce genre en Autriche,.
198 VISITES AUX SANATORIA
est destiné à servir comme institution mère et comme modèle
pour les sanàtoria à cirer à l'avenir dans l'empire.
On a établi depuis lors dans plusieurs grandes villes, (elles
que Baden, Briick, etc., des établissements similaires dirigés
par dés membres de l>< Association pour la création d'établis-
sements destinés au traitement climatérique des maladies de
poitrine » Verein zur Errichtung und Erhallung klimatischer
Heilstœtten filr Brustkranke .
Celle Société, fondée par M. le professeur von Schrœtter
il v a cinq ans. esi placée sous la protection de Sa Majesté
l'Empereur d'Autriche , et compte aujourd'hui près de
1000 membres. Beaucoup d'entre eux appartiennent a L'aris-
tocratie et à la noblesse de l'empire.
Sanatorium de Neu-Schmecks. — Le sanatorium de Neu-
Schmecks est situé dans Tune des parties les plus pittoresques
des Carpatlies, en Hongrie. Il se trouve à 1004 mètres d'alti-
tude, au milieu de forêts magnifiques qui s'étendent sur plu-
sieurs lieues de longueur. La localité est indemne de poussière
et de vent; l'air y est pur, riche en ozone et vivifié par les
émanations des nombreux conifères qui composent la plus
grande partie des bois environnants. Une montagne voisine,
de iiooo mètres de hauteur, abrite Neu-Schmecks contre les
vents du nord, tandis que l'horizon s'ouvre largement au midi,
de telle sorte que le soleil arrive librement jusqu'au sana-
torium.
Le climat est des plus favorables : température égale, jamais
très élevée. L'été est plutôt frais, l'atmosphère y est modéré-
ment humide; l'hiver esl liés sec et le froid rarement intense.
Les brouillards y sont peu abondants et se dissipent généra-
lement vite. Lu des grands avantages de Neu-Schmecks tient
à l'absence île tout glacier sur les montagnes environnantes,
de sorte qu'il ne s'y produit jamais de ces courants d'air froid
que donne le voisinage de grandes surfaces de glaces. On y a
donc tous les avantages du climat alpestre sans en avoir les
inconvénients.
Le sanatorium est très bien construit. Les chambres reçoi-
vent une lumière abondante; elles sont munies de doubles
fenêtres et meublées selon les règles de l'hygiène ; chacune
V
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VKJLEFJORDS 201
d'elles a son foyer de chaleur. Les corridors et la cage d'esca-
lier sont chauffés en hiver par un système à eau chaude. Un
appareil de ventilation très perfectionné assure le renouvel-
lement de l'air dans toutes les parties de l'établissement, ainsi
cpue dans chaque chambre à coucher. Une grande salle à man-
ger, une installation hydrothérapique et un jardin d'hiver sont
annexés au sanatorium. Les moyens thérapeutiques mis en
œuvre à Neu-Schmecks sont très nombreux : ce sont principa-
lement les influences climatériques, la gymnastique pulmo-
naire, les pratiques hydrothérapiques, le massage, les inhala-
tions médicamenteuses, la pneumothérapie, l'usage du lait,
du kéfir.
Le D1' Szontagh, médecin-directeur, a une grande confiance
dans l'hydrothérapie, notamment dans les enveloppements
froids, généraux ou partiels, les lotions froides, les frictions
sèches et humides, l'usage des compresses froides et de la
vessie de glace en cas de fièvre ; il emploie exceptionnelle-
ment les douches.
La cure d'air est instituée dans toute sa rigueur ; les malades
fébricitants doivent observer un repos complet, à l'air libre,
soit sur une terrasse, soit dans la chambre avec les fenêtres
ouvertes. L'alimentation est riche et abondante ; on administre
le plus de lait, de kéfir ou de koumys possible. Le vin et le
cognac ne sont donnés qu'à dose modérée, d'après les indica-
tions de chaque cas individuel.
Les malades ne se rendent guère que dans la saison d'été à
Neu-Schmecks. Le sanatorium est fermé pendant l'hiver.
Neu-Schmecks est à 9 kilomètres de la station de Poprad-
Felka, où l'on arrive en 9 heures de Budapest ou de A'ienne,
en 10 heures de Breslau (1).
DAKE M A R K
Vejlefjords sanatorium. — C'est le premier sanatorium
pour le traitement de la phtisie pulmonaire en Danemark. 11 faut
dire, toutefois, qu'un sanatorium maritime pour le traitement
(1) Description du Dr A. Moeller.
VISITES AUX SANATORIA
de la scrofulose el de la tuberculose locale des curants existe
déjà depuis plusieurs années à Refsnas, smis la direction du
|i' Schepelern.
Le sanatorium de Vejlefjords esl à l'heure actuelle encore
en construction; mais grâce à l'extrême obligeance de M. le
I.)1 Saugmann, je puis donner à mes lecteurs quelques détails
intéressants sur cet établissement.
Le sanatorium est bâti par une société d'actionnaires avec
une subvention de l'Etat s'élevant à i38.ooo francs. Les divi-
dendes ne doivent jamais dépasser 4 p- 100. Le surplus est
versé à un fonds qui a pour luit d'assurer à un certain nombre
de malades pauvres les avantages du traitement dans ce sana-
torium.
Le sanatorium est situé sur le enté nord de Vejlefjords, à
l'est du Jutland, protégé contre les vents froids par les mon-
tagnes boisées et découvert \ers le sud. Il est à une altitude
de '.") mètres; la distance du bord de la mer est d'environ
3oo mètres. Le bâtiment est construit selon les conceptions
modernes de l'hygiène <■! de la phtisio-thérapie. Toutes les
chambres exposées au midi sont habitées par les malades;
les employés seuls occupent les chambres du cuit'' nord. On
compte environ 70 chambres, dont 16 à deux lits. Il y a une
bonne ventilation, une installation pour la lumière électrique
et les appareils d'hydrothérapie; le chauffage se l'ail par
l'eau chaude, l 'ne partie de la maison est réservée aux phti-
siques avancés. Leurs chambres sont en communication
directe avec la véranda.
Le « Liegehalle », c'est-à-dire la galerie pour la cure à
l'air libre, a une largeur de 4 mètres et est ouverte vers le
sud et le sud-est. 11 v a de plus une galerie-promenade nu
les pensionnaires peuvent circuler quand le temps ne per-
met pas les exercices au dehors. Une grande salle a manger
et [\\u> salle de musique et de conversation se trouvent au pre-
mier étage. In ascenseur communique avec les autres étages.
Dans un bâtiment voisin se trouvent les appartements de
l'administration, les machines électriques et les appareils à
désinfection, une salle d'autopsie, etc.
La photographie ci-jointe de la façade principale donnera
une idée de ce beau sanatorium.
ADIROSBACK COTTAGE 2o5
E T A TS-INIS D A M E li I Q U E
Adirondack Cottage sanitarium. — L' « Àdirondack Cot-
tage Sanitarium » est situé sur la penle boisée d'une monta-
gne, près du village de Saranac Lake (Etat de New-York), à
une altitude de près de 53o mètres. Le site domine une des
vues les plus pittoresques et les plus étendues des « Adiron-
dack Mountains ». L'œil embrasse un espace illimité de mon-
tagnes couvertes de forèls de sapins.
Au pied de la montagne est la vallée de Saranac, au fond de
lacjuelle serpente, vers le nord, une petite rivière aperçue
dans le lointain comme un ruban argenté. En face s'élève, en
terrasses, la chaîne de montagnes, se terminant par le « White
Face » avec sa cime nue et rocheuse. Les reflets du soleil
couchant font de ces sommets des masses de couleurs variées
et, en hiver, les forêts sont d'une beauté merveilleuse.
Ce sanatorium fut commencé très modestement il y a qua-
torze ans, dans un élan de philanthropie, et tous les efforts
ont été laits pour obvier aux inconvénients de l'accumulation
si bien connus et si souvent observés dans les hôpitaux de
phtisiques. Dans ce but, le système des pavillons a été stric-
tement conservé, en dépit de la dépense plus grande qui en
résulte.
Formé d'abord d'un bâtiment principal et d'un pavillon,
où 6 malades pouvaient être. soignés, l'établissement agrandi
et peut contenir ioo malades : il forme ainsi un village en
miniature composé de 18 pavillons tous distants les uns des
autres d'une trentaine de mètres. Tout pavillon est construit
de façon à pouvoir donner une chambre particulière à chaque
malade, avec un cube d'air suffisant et une ventilation parfaite.
Les pavillons contiennent de cinq à dix chambres ; toutes
donnent sur un salon de réunion, chauffé par une cheminée.
Les portes des chambres ne touchent ni le parquet ni le pla-
fond, et ainsi le malade profile du cube d'air entier du pavillon,
tandis que, dans le salon, plusieurs vasistas ouvrant à l'air
extérieur procurent une ventilation amplement suffisante. De
larges vérandas sont annexées à tous les pavillons, et proté-
gées des vents à un bout seulement par un grand écran. Les
206 VISITES AUX SASATORIA
malades passent la plus grande partie du temps dehors, été
comme hiver.
Point de tapis ni de draperies, et tout peut rire nettoyé et
désinfecté aussi souvent <pfil est nécessaire.
Le bâtiment principal contient une grande salle à manger,
où les malades se réunissent à l'heure des repas, le seul
moment où ils soient tous ensemble. Ce bâtiment contient
aussi un salon, une bibliothèque, l'office el la cuisine. La nour-
riture est simple, mais lionne el abondante, le lait formant une
large part de l'alimentation.
Au dispensaire, le peu de médicaments nécessaires sont
vendus au prix coûtant.
Il y a un grand pavillon de récréation toujours ouvert des
deux cotes, où les malades peuvent se distraire par- des jeux
divers, billard, etc., quelque temps qu'il lasse et en toute
saison .
J'ai visité Saranac-Lake pendant l'hiver de 1896, qui lut un
des plus rigoureux. La veille de mon arrivée, le thermomètre
avait marqué 25° au-dessous de zéro. Le lendemain, la tem-
pérature montait jusqu'à *i 3°, et je visitais avec mon distin-
gué confrère, M. le D' Trudeau, les pavillons des malades.
Beaucoup étaient dehors, enveloppés dans leurs fourrures.
M. Trudeau m'assurait que ses phtisiques se trouvaient mieux
en hiver qu'en été. Ce qui me frappait particulièrement,
c'était une véritable gaieté parmi les malades.
La plupart des phtisiques ne sont pas assez souffrants
pour garder le lit ; dans le cas contraire, le malade est trans-
porté à l'infirmerie, où il reçoit les soins d'une infirmière
expérimentée, et tout ce qui lui est nécessaire. Ce système
assure au patient les meilleurs soins et évite les effets dépri-
mants ipie sa présence au pavillon pourrait produire sur ses
compagnons.
Un bienfaiteur a donné il y a quelques années une forte
somme pour l'érection d'un laboratoire. Je lai visité, et je
puis assurer que c'est un des meilleurs laboratoires bactério-
logiques que j'aie jamais vus. Le sanatorium est dirige par
M. le Dr Trudeau, aidé de M. le D' W--H. Jamieson, et de
M. le D1 E.-L. Baldwin.
L'admission à l'établissement est prononcée après examen
I
S
Knopf. Sanatbria.
ADlIiOSDACK COTTAGE
de MM. les Drs Edw.-J. Janeway, II. P. Loomis et W.-B. James
à New-York, ou du D1' Trudeau à Saranac-Lake.
Sont seuls admis les phtisiques du premier degré, ou bien
les malades cpii sont convalescents d'autres maladies pulmo-
naires, ou ceux qui, d'après l'opinion des médecins exami-
G- ROUND
Pi_a r-~j
3CALC: y& ItsICH = O M El F" O OT,
Fig. 33. — Plan d'un pavillon do l'Adirondack cottage sanitarium.
nants, susceptibles d'être beaucoup améliorés par le trai-
tement, ne peuvent payer plus que la modeste somme
demandée pour leur pension. Les soins du médecin sont
gratuits.
On évalue la dépense, pour chaque sujet, à 35 francs par
semaine, et les malades paient a5 francs seulement. Nous
avons donné des vues, prises en hiver et en été, de quelques-
VISITES AUX SJ.XATOMA
uns îles pavillons de ce village intéressant, et aussi le plan
d'un de ees pavillons.
Je joins ici quelques photographies avec un plan montrant
LOOMIS .SA.XATORIC.U
2l5
la situation des divers pavillons qui sont désignés d'après
le nom de leurs fondateurs. Au milieu se trouve le bâtiment
principal et le grand pavillon de récréation. Pour donner
une idée de la construction d'un de ces petits cottages, je
reproduis ici le plan de l'un d'eux. Le cottage appelé « Inflr-
mary » peut contenir une quinzaine de malades, et sert pour
recevoir les sujets qui ont besoin du repos au lit et de soins
particuliers.
Loomis sanatorium de Liberty. — Cet établissement fut
fondé par un grand philanthrope en mémoire du professeur
Fig. 36. — Un pavillon de Loomis sanatorium.
Albert L. Loomis, de l'Université de New-York. Il est situé
à 3 kilomètres et demi à l'ouest de la ville de Liberty (Etat
de New- York), à une altitude d'environ 700 mètres.
Il fut ouvert le icr juin 1896. Les divers bâtiments qui le
composent sont au nombre de n ; ils se trouvent sur la pente
sud d'une des grandes montagnes de cette région, qui est cou-
verte d'une épaisse forêt. L'ensemble est très pittoresque.
Toutes les maisons et pavillons sont chauffés par la vapeur
sous pression, et le tout est éclairé à l'électricité.
La série des bâtiments se compose d'un grand local pour
2 1 6 1 75/ II: s AUX SA .\. i IDIU A
l'administration, où se trouvent la salle à manger, les salles de
réception el de consultation, le laboratoire et le « solarium ».
l'n pavillon à deux étages, appelé « Casino », est consacré
aux amusements des pensionnaires. 11 y a là un piano, un
orgue, un billard et d'autres jeux. Dans un grand bâtiment à
trois étages se trouvent plusieurs chambres pour les tubercu-
leux alités, ainsi qu'une école spéciale pour les infirmières qui
désirent se perfectionner dans cette branche de leur profession.
Deux grands pavillons à t\ca\ étages et cinq pavillons à un
étage servent exclusivement au logemenl des malades. Il y a
de plus un « cottage » pour le médecin en chef. Le plus grand
pavillon contient 22 chambres, et le plus petit en a 4-
Une eau de bonne qualité est captée à joo mètres du sana-
torium. Le climat de la région où est situé le sanatorium est
réputé depuis de longues années comme un des mieux adaptés
au traitement de la phtisie pulmonaire. Quoiqu'il y ait fré-
quemment îles vents assez loris à Liberty, M. le D' Stubbert,
médecin-directeur, m'assurait que selon lui, les vents oui
plutôt une action favorable que défavorable sur les malades.
Cette opinion concorde avec les expériences de M. Dettweiler,
qui dit que l'air agité [bewegte Luft] est essentiel pour pratiquer
avec bénéfice l'aérothérapie des phtisiques. Le traitement à
Liberty est essentiellement liygiéno-diététique, mais dernière-
ment, .M. Stubbert a essayé le sérum de Sclrweinitz et autres
produits de culture. Les résultats définitifs n'ont pas encore
été publiés.
Les malades qui n'ont pas dépassé le premier degré y sont
seuls admis. Ils sont examinés à New-York par les docteurs
Loomis, Smith ou Quimby. Les dépenses à Liberty sont plus
élevées qu'au sanatorium d'Adirondack. La direction veut don-
ner à ses pensionnaires tout le luxe et le confort possibles. Il
y a néanmoins un fonds destiné à venir en aide aux malades
ne possédant que des moyens modiques.
Le sanatorium est sous la direction de M. le D' J. -Edward
Stubbert, assisté par M. le D' W.-M. Bryan comme interne.
Le même Conseil qui est a la tète de la Société du Loomis
sanatorium dirige un petit hôpital spécial à New- York,
23o W- 38th streel, pour les phtisiques pauvres plus avancés.
M. le D' Schultz est le médecin interne de cet hôpital.
SHARON SAS A TOHIVM
217
Sharon sanatorium. — Cet établissement, situé à quel-
ques kilomètres de Boston (État de Massachusetts) a pour le
corps médical américain un intérêt tout particulier. Fondé
en 1 89 1 , c'est le premier sanatorium établi près d'une grande
ville, et dans une région où l'on n'a pas la moindre préten-
tion de posséder un climat plus spécialement avantageux pour
le traitement de la phtisie pulmonaire. Néanmoins, ce « home
Fig. >;. — Sharon sanatorium, près de Boston.
Ireatment », ce traitement de la phtisie près de nous, suivant
l'expression du D1' Vincent Y. Bowditch, le médecin ingénieux
qui l'a inauguré en Amérique, a donné des résultats sur-
prenants.
Le sanatorium est situé près de la station de Sharon, dans
un endroit pittoresque, d'une altitude d'environ 120 mètres.
Quoiqu'il fût destiné au début à ne recevoir que des malades
au premier degré, on a commencé à y recevoir aussi des
tuberculeux plus avancés.
Les malades ne paient que cinq dollars par semaine. Les
citoyens de Boston contribuent au surplus des dépenses. Il n'y
VISITES AUX SAXATOBIA
a actuellement place que pour 10 lits. Mais le D'Bowdilch, qui
esl toujours à la t<Me de l'établissement, espère bien l'agran-
dir. M. Bowditeh suit religieusement la méthode de Dettweiler.
n
« The Home » de Denver. — Parmi les institutions
philanthropiques et semi-philanthropiques consacrées à la
cause de la phtisio-thérapie, il faut que je cite un établisse-
ment que j'ai visité, quoiqu'il ne puisse guère être classé
parmi les sanatoria selon les conceptions de la thérapeutique
moderne.
Le climat du Colorado jouit de la réputation justifiée d'être
un des plus favorables des Etats-Unis pour le traitement de
la phtisie pulmonaire.
D'après un tableau météorologique inséré dans les comptes
rendus de la Médical Society du Colorado, publiés de 1872
à 1877, voici quels sont les chiffres moyens pour la ville de
Denver :
Température moyenne t)0,^; dans les mois les plus froids,
décembre et janvier, le thermomètre descend au-dessous de o°;
dans le mois le plus chaud, juillet, il s'élève à 22°, 5 ; les varia-
tions diurnes moyennes sont de i5°, 5; le maximum de tempé-
rature atteint exceptionnellement 3o° . L'humidité relative
n'est guère que de 47i2; la quantité de pluie et de neige seu-
lement de 4°" centimètres; le nombre de jours de pluie est
de 68, parmi lesquels 4o avec de la neige. Beaux jours i4",
assez beaux 1 54, couverts 65. Le mouvement moyen du vent
pendant l'année est de 83 000 kilomètres.
Le D1' Weber(i), en parlant du climat du Colorado, dit très
justement qu'il s'agitici d'un climat modéré, avec de nombreux
changements de la température moyenne, très peu d'humidité,
beaucoup de beaux jours, et un vent assez violent.
Pour donner un asile aux tuberculeux de la classe moyenne
venant au Colorado, l'église protestante épiscopale a créé cet
établissement, où la pension n'est que de sept dollars par
semaine.
Le « Home » est situé à une petite distance de Denver (un
quart d'heure par chemin de fer électrique). C'est un très
(1) II. Weber. Climato thérapie. Paris, 1886.
-d
THE HOME DE DE M' EH 221
beau bâtiment dans le stylecolonial.il est construit sur un terrain
poreux avec exposition au sud, et une très belle vue sur les
montagnes rocheuses (Pikes Peak. Greys Peak et Longs Peak).
L'institution est composée de trois maisons distinctes: l'une
pour hommes, l'autre pour femmes et la troisième pour
familles. Il y a des galeries ouvertes et fermées, une salle de
musique, une salle de billard et autres jeux.
Chaque pensionnaire a sa chambre à lui, et les murs sont
assez épais pour que le bruit de la toux, provenant d'une cham-
bre voisine, ne puisse être entendu. Tous les autres arrange-
ments sont assez satisfaisants au point de vue sanitaire et on
pourrait s'imaginer à première vue que l'on se trouve dans un
véritable sanatorium.
Malheureusement il n'en est pas ainsi.
Lors de ma visite à cet établissement, j'ai pu apprécier plus
que jamais la valeur d'une surveillance médicale, et la différence
entre une institution où le phtisique peut faire comme bon lui
semble et un établissement fermé selon les idées de Brehmer,
Dettweiler et leurs élèves.
Dans le « Home » le malade, s'il ne croit pas avoir besoin
d'un médecin, ne suit aucun traitement; il se contente des
bénéfices que le climat peut lui procurer. Mais en me prome-
nant un peu partout dans cette vaste maison, j'ai pu observer
que relativement peu de sujets savaient profiter du bon air du
dehors. Chaque malade ayant le droit de choisir son médecin,
il n'y en a pas qui soit attaché à la maison.
A la tète du « Home » se trouve The Révérend Frederick
W. Oakes, un homme de tout cœur, mais étranger à la méde-
cine. Il est impossible de croire que dans un tel établissement,
où se trouve un si grand nombre de phtisiques, les règles
hygiéniques nécessaires puissent être rigoureusement exécu-
tées. Et de fait la thérapeutique, la stricte surveillance de la
part d'un médecin expérimenté, si nécessaires pour les tuber-
culeux à tous les degrés, manquent totalement dans cette ins-
titution.
Quand on fait un voyage d'études, il faut tout signaler, même
ce qui ne parait pas pariait, afin d'empêcher la répétition de
semblables erreurs. C'est pour cette raison que j'ai décrit le
« Home » de Denver.
222 VISITES AUX SAXATORIA
Winyah sanatorium d'Asheville. — Le Winyah sana-
torium est établi depuis plusieurs années ; fondé par le
D1' Gleitzmann, cet établissement lui le premier sanatorium
selon le principe de Brehmer-Dettweiler pour les malades
payants aux Etats-Unis. Il se trouve depuis la retraite du
D1' Gleitzmann sous l'habile direction du 1)'' Karl von Ruck.
un phtisio-thérapeute distingué des Etats-Unis.
Les résultats obtenus à Winyah sont aussi bons que ceux
des meilleurs sanatoria d'Europe. Lors de ma visite, M. le
D1' von Ruck m'a aussi montré son très intéressant laboratoire
où il fabrique divers produits, tels que la tuberculine, l'an ti-
phtisine, le tuberculinum purificatum, etc.
Asheville est situé dans la partie ouest de la Caroline du
Nord, à une altitude d'environ 800 mètres, dans une région
montagneuse. Le climat d'Asheville est doux. Pendant les
cinq dernières années on a noté une moyenne de a5 beaux
jours par mois. Il y a peu de brouillards, et les malades peuvent
rester dehors presque tout le temps.
Depuis ma visite au Winyah sanatorium, M. le D' von Ruck
m'a écrit qu'il est en possession de plans pour l'érection d'un
sanatorium plus grand, plus élégant et encore mieux situé
que le sanatorium actuel.
Asheville sanatorium. — Depuis le i01' mars 1898, MM. les
D" S. Westrav Battle et John-W. Ross ont établi à Asheville
un deuxième sanatorium pour le traitement des maladies
de la gorge et de la poitrine. Il est situé à environ 2 kilo-
mètres au sud d'Asheville, sur une élévation appelée « Oak-
land Heights », d'où l'on a une vue superbe sur les vallées,
les forêts et les montagnes lointaines.
Ce sanatorium, que nous reproduisons en photogravure,
possède toutes les installations nécessaires pour un établisse-
ment fermé, y compris le confort de toutes les constructions
américaines modernes : lumière électrique, ascenseurs, etc.,
et autour de la maison vérandas pour la cure d'air. Dans le
sous-sol se trouvent les appareils hydrothérapiques et un
bassin de natation. Le sanatorium est entouré d'un pare
de chênes el de sapins. Il peut recevoir environ 80 malades.
Contrairement à l'opinion de quelques phtisio-thérapeutes
SANATORIUM 11YGEIA
22.3
américains qui ne voient le salut que~dans~ le système des
petits pavillons [Cottage System), je suis heureux de cons-
tater que M. le D1' Batlle estime, comme nous, que, dans un
établissement recevant des tuberculeux à toutes les périodes,
la surveillance médicale se fait mieux si les malades sont pla-
cés ensemble dans un ou plusieurs grands bâtiments.
Fis
39-
Aslicvil'.e sanatorium.
Sanatorium Hygeia de Citronelle. — L'année dernière fut
fondé à Citronelle, dans l'État d'Alabama , un sanatorium
sous la direction de M. le D1' A.-C. Klebs, fils du célèbre
professeur Edwin Klebs. Cet établissement est composé d'une
série de pavillons situés près de la ville de Citronelle, à une
élévation d'à peu près 100 mètres. Citronelle est assez près du
Gulf Stream pour en ressentir l'influence. Le séjour en hiver
y est particulièrement agréable. Le sanatorium lui-même est
entouré d'une forêt de pins qui le protège contre les vents
froids. L'air de cette région est pur et sec.
M. le D' Klebs et son interne M. le DrJ.-J. Curry emploient
le traitement hygiéno-diététique, en vogue dans tous les bons
sanatoria d'Europe et des Etats-Unis.
L'IIygeia est composé d'une série de bâtiments. D'abord il y
a la maison principale, puis deux grands pavillons et cinq petits.
Le bâtiment principal contient les appartements de l'adminis-
tration, les salons, la bibliothèque et la salle à manger. Dans
l'annexe se trouvent la cuisine, l'installation pour l'hydrothé-
! i F/SITES AUX SA.YATORIA
rapie et le salon de coiffure, les vérandas pour la cure à
l'air libre. L'établissement possède une laiterie de premier
ordre.
Ci-joint se trouvent une photogravure <lu bâtiment principal
et une autre montrant quelques pavillons agréablement situés
au milieu des arbres de cette belle région forestière.
Les résultats obtenus pendanl la première année de l'exis-
tence île cet établissement semblent très satisl'aisants. Il est
fermé pendanl 1 été.
Citronelle est située a une vingtaine de kilomètres de Mobile,
dans l'Etat d'Alabama : elle est pourvue d'une station sur le
chemin de 1er de Mobile à I'( >hio.
Sanatorium Pasteur. — C'est le nom donné par M. le Dr Paul
Gibier, ancien interne des hôpitaux de Paris, actuellement
directeur de l'Institut Pasteur de New-York, a l'établissement
qu'il a fondé près de Suffern, petit village non loin de New-York
'une heure de chemin de 1er .
Ce sanatorium est bâti près du sommet <i une colline, sur
une propriété d'environ 100 hectares mise trouvent les labo-
ratoires de l'Institut et une ternie modèle. Le D1' Gibier a pensé
honorer la mémoire de sou illustre maître en attribuant le nom
de ci Pasteur » a l'établissement scientifique et médical qu'il a
fait construire il y a plusieurs années au pied des Ramapo
Mountains, dans le comte de Rochland, Etat' de New-York.
Le bâtiment principal du sanatorium est érigé sur un plateau
d'une altitude de îoo mètres environ. 11 est exposé au Sud et
au Sud-Ouest et entouré d'un bois de sapins, érables, chênes
et châtaigniers. La façade principale est libre, une baie dans
le bois laissant une belle vue sur la chaîne de montagnes des
lianiapos.
Le sanatorium est bâti selon la conception de la physio-
thérapie moderne. 11 est flanqué de larges vérandas et balcons
pour la cure d'air. La véranda principale se trouve a j mètres
au-dessus i\\i sol et peut être entièrement lermé.e par. îles fenê-
tres. Les laboratoires de bactériologie et de radiographie, les
appareils d'hydrothérapie se trouvent au rez-de-chaussée. L'é-
tage principal comprend lecabinetde consultation, les. salons,
salles de conférences, de lecture, de musique, de billard, de
Fig. 40. — Bâtiment principal de Hygcia, à Citronellj
Fïg. 41- — Pavillons dans la forêt, à Citronelle.
Knopf. Sanatoria.
SANATORIUM PASTEUR 227
jeux et la salle à manger. La cuisine, la blanchisserie et les
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locaux pour les serviteurs et les machines se trouvent dans
une annexe. Le chauffage se fait à l'eau chaude. Tout Téta-
2i8 VISITES AUX SANATORIA
blissement est éclairé à L'électricité. Une excellente Laiterie,
où les vailles sont régulièrement examinées par un vétéri-
naire, et les jardins potagers, four-
nissent Le sanatorium de bon lait,
de légumes frais et de tous les autres
produits de la ferme modèle.
Les liois qui entourent le sanato-
rium et le Spitzberg Mountain situé
a son côté, offrent des excursions
agréables en voiture ou à pied aux
pensionnaires de rétablissement. A
4oo mètres de distance du sanatorium
se trouve le cottage du médecin-
; directeur, qu'un téléphone relie au
; sanatorium. Il v a en plus un méde-
; cm interne résidant au sanatorium
• même.
Le climat de « Pasteur » est à peu
; près celui de New-York, niais l'at-
\ mosphère y est particulièrement
:_ pure. En été il y fait un peu moins
| chaud qu'à New-York.
Le traitement est celui de Breh-
mer-Dettweiler.
I Un caractère très louable <\u sa-
i natorium Pasteur est qu'il est destiné
par son fondateur à recevoir gra-
tuitement et discrètement des mé-
decins phtisiques pauvres, sans dis-
tinction de nationalité ni de reli-
g'ion... médicale ou autre. Les cham-
bres disponibles sont louées a des
malades payant de 12 à aj dollars
par semaine. Le sanatorium Pasteur,
tel qu'il existe aujourd'hui , peut
héberger environ 3o malades. L'érec-
tion d'un autre pavillon est à l'élude.
La planche ci-contre donne une idée générale de l'apparence
extérieure de cet établissement (fig. 43).
HOPITAL DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETTS
>.1Ç)
L'hôpital de l'État de Massachusetts pour malades phti-
siques et tuberculeux. — La construction de cet hôpital fut
autorisée par la législature de l'État de Massachusetts en 1895.
Il a été inauguré le icr octobre 1898.
■ io VISITES AUX SANATORIA
Cette institution est située à Rutland, dans le comté de
Worcester, Etat de Massachusetts, à une altitude de 4°o mètres.
Les constructions consistent en une série de pavillons à deux
étages disposés en un demi-cercle, au milieu duquel se trouve
le bâtiment de l'administration. Les pavillons sont de deux
genres : les uns ont sept petites chambres el une salle pour
22 malades, et les autres le même nombre de chambres el
une salle pour io malades seulement. A chaque pavillon est
rattaché un solarium fait entièrement de verre, et tous les
bâtiments sont encerclés par une large véranda. Les pavillons
d'un côté du bâtiment de l'administration sont destines à
recevoir les hommes, et ceux de l'autre côté les femmes.
11 y a place pour 200 malades. Le prix, uniforme, est iixé à
2 fr. 5o par jour, soins médicaux et médicaments compris.
Les pourboires aux infirmiers sont absolument interdits. C'est
donc un établissement vraiment philanthropique.
Mais il y a une condition d'admission particulière à cet éta-
blissement. Aucun malade n'est reçu s'il n'a — d'après l'avis
du médecin qui l'examine quand il se présente — des chances
raisonnables de guérison. De plus, si, après un certain temps
de séjour à l'hôpital, le sujet ne va pas mieux, il est prié de
chercher un climat plus favorable, et ses parents ou ses amis
reçoivent une notification à cet effet.
Les médecins visitants sont MM. les D" Vincent Y. Bo'sv-
ditch et Herbert-C. Clapp (de Boston). Le médecin-directeur
de l'hôpital est M. le Dr Walter-J. Marclay.
Je tiens à ajouter à la courte description de cette intéres-
sante institution que je regrette vivement de lui voir donner
le nom d1 hôpital pour phtisiques, car elle est dans le vrai sens
du mot un sanatorium pour tuberculeux. Je joins ici le plan
en élévation et en perspective qui donne une bonne idée de
l'étendite et de la distribution des pavillons sur le vaste
terrain occupé par l'hôpital de Rutland.
c a x a d v
Le Muskoka cottage sanatorium. — Ce sanatorium est
situé à Gravenluirst, dans la province d'Ontario, Canada.
.1/ VSKOKA COTTAGE
■233
C'est le premier sanatorium de ce genre fondé au Dominion,
et c'est aussi le premier établissement créé par The National
Sanatorium Association du Canada.
Cette association, composée d'un certain nombre de philan-
thropes, a été reconnue d'utilité publique [incorporaled) par un
vote du parlement du Dominion, et elle a pour but d'organiser
des établissements publics pour l'isolement, le traitement et
la cure des personnes atteintes de maladies pulmonaires [to
establish public institutions for the isolation, treatinent and
cure of persons affected with pulmonary diseases).
Fig. 4<j. — Un pavillon de lluskoka cotlage sanatorium.
Le gouvernement provincial d'Ontario accorde une sub-
vention de 2 dollars par semaine pour chaque malade. Le prix
par semaine n'est que de 6 dollars, tout compris : ce qui fait
de ce sanatorium un établissement surtout destiné aux per-
sonnes n'ayant que des moyens modérés.
Le sanatorium se compose.de plusieurs petits pavillons (de
4 à 6 personnes) et d'une maison principale assez large pour
admettre 20 malades. Là se trouvent également le bureau,
la salle de réception et de musique, la salle à manger, la
cuisine et trois solaria, l'un exposé à l'est, l'autre au sud-est,
et le troisième au sud-ouest. La maison principale ainsi que
les pavillons ont de larges vérandas qui peuvent être entou-
rées de vitres pendant l'hiver.
Le tout est situé sur le bord du lac Muskoka, à 220 kilomètres
a3i VISITES ATX SANATORIA
au nord de Toronto, à \u\c altitude de 32.5 mètres.- L'air y
est stimulant, sec et sans poussière. Tous les bâtiments sont
exposes au sud. Au nord et à l'ouest l'établissement est
protégé par des rochers, et dans le voisinage immédiat du
sanatorium se trouvent de nombreux arbres, des hêtres, des
érables et des pins. Du sud on a une très belle vue sur le lac.
Tous les bâtiments sont éclaires a L'électricité. La maison
principale est chauffée par la vapeur, les petits pavillons par
l'eau chaude. Chaque malade a sa chambre particulière. L'éta-
blissement peut recevoir 5o pensionnaires; on espère pou-
voir bientôt l'agrandir pour en loger au moins une centaine.
Autour du sanatorium se trouvent des promenades graduées.
Le traitement est celui de Brehmer-Dettweiler. Quoique dans
un climat froid, les malades peuvent faire des journées médi-
cales de 6 à 8 heures pendant tout l'hiver. Les résultats sont
aussi satisfaisants en hiver qu'en été. Le président de la Na-
tional Sanatorium Association est sir Donald Smith, K. CM. G.,
M. le Dr X.-A. Powell de Toronto est secrétaire, et M. le
I)r J.-II. Elliott est directeur de l'établissement, où sont seuls
reçus les malades atteints de tuberculose pulmonaire au pre-
mier degré.
Sanatorium des Laiwentides. — Cet établissement modeste.
qui ne peut héberger cpie aa malades, est situé dans un vallon
des montagnes portant le nom de « Laurentides », à une élé-
vation de près de aoo mètres. Il est exposé un peu au nord et
à l'est, mais suffisamment protégé. L'air sec de cette région
est particulièrement adapté à la cure en plein air, où, même
pendant les froids assez rigoureux de l'hiver canadien, les
malades ne souffrent pas plus du froid ou plutôt moins qu'à
Paris ou à Londres, en pareille saison. Le froid du Canada est
d'ailleurs reconnu connue un réel stimulant. Ce sanatorium
est à i kilomètre du village de Sainte-Agathe-des-Monts et à
égale distance de la gare du chemin de 1er.
Sainte-Agathe est éloigné de la ville de Montréal de îoo ki-
lomètres. Le Chemin de fer Pacifique Canadien construisit
cette voie ferrée il y a quelques années à travers des forêts,
et maintenant cette route est parsemée de hameaux et de
villages. A certains endroits du parcours on voit des sites riva-
SANATORIUM DES LAURENTIDES
lisant presque avec ceux des Alpes. Du sommet de la mon-
tagne protégeant le sanatorium au sud-ouest on peut compter
sept lacs, et dans cette chaîne de montagnes il en est encore
un grand nombre qui ne sont pas ou sont mal connus.
2 !6 VISITES AUX SANATORIA
Le sanatorium est sous la direction du ])'' A.-.I. Richer (de
Montréal). L'admission des malades esl faite sur la recomman-
dation du D1 11. -A. Lafleur, professeur agrégé de médecine à
l'Université Me Gill de Montréal, qui est le médecin consul-
tant de l'établissement. La surveillance thérapeutique est exer-
cée par le Dr R. Wilson, professeur de matière médicale et
thérapeutique à l'Université Bishop de Montréal.
Le sanatorium reçoit son approvisionnement d'eau d'une
source située à ioo mètres de là et pouvant fournir 200 litres
à la minute. L'éclairage à l'électricité est, pour un modeste
établissement, un luxe que ce sanatorium possède. Pendant
l'hiver une véranda vitrée, avec un grand foyer, ajoute au con-
fort des malades. Les promenades en voitures dans ces ré-
gions montagneuses sont très agréables. Les patients sont
surveillés par des infirmières, à l'exception de ceux dont la
température ne dépasse pas 370 C. Des kiosques pour le repos
des malades sont dispersés sur une grande étendue de terrain.
Comme ce sanatorium est de construction récente (1898 ,
la vie y est des plus simples, mais avec le temps des modifi-
cations au point de vue du luxe y seront apportées.
F R A M C E
Sanatorium du Canigou (Pyrénées-Orientales). — J'ai
visité le sanatorium du Canigou quand il était encore sous la
direction de M. le D1' Sabourin, ancien interne des hôpitaux de
Paris. Cet établissement est à présent dirigé par M. le D' Gi-
resse.
Bien que cet établissement, fondé en 1890, puisse être con-
sidéré comme le premier et le plus important de ce genre en
France, il me semble qu'il n'est pas suffisamment connu. Je
suis heureux d'en donner ici une description un peu détail-
lée. Elle a déjà été faite d'une façon assez précise dans
les livres de Moeller (i),de la Harpe (2), et dans le Traité de
(1) Moeller. Les Sanaloria pour le traitement de la Phtisie.
(2) De la Harpe. Les Stations d'hiver.
I
Knopf. Sanatoria.
ï6
SANATORIUM DU CAMGOU 243
Médecine (i). Qu'il me soit permis de revenir sur les points
les plus intéressants de ces ouvrages, en y ajoutant ce que
j'ai vu lors de ma visite, et aussi les quelques renseignements
que M. le D1' Giresse a bien voulu me faire parvenir depuis
qu'il a pris la direction de l'établissement.
Vernet-les-Bains, dans les Pyrénées-Orientales, est connu
depuis longtemps pour ses eaux sulfureuses. La plus ancienne
mention historique qu'on en trouve date de 1181.
La ville, située à l'intersection des vallées du Gadi et du
Tech, est exposée au sud. Elle est protégée des vents du
nord et de l'ouest par la montagne.
L'établissement comprend un hôtel à trois étages, ayant
soixante-dix chambres, grandes, bien aérées, ouvrant sur le
vaste parc de l'établissement ; attenant à cet hôtel, se trouve
une première galerie de cure ; puis, à quelques centaines de
mètres à peine sont déposées à flanc de montagne, et reliées
par une belle route, d'autres galeries de cure ; à la galerie
principale est annexée une salle à manger avec toutes ses dé-
pendances.
Le sanatorium est à 700 mètres d'altitude ; son exposition
principale est au sud-ouest ; il est un peu au-dessus du village
de Yernet, dont il est distant d'environ 800 à 1 000 mètres.
La pression barométrique moyenne est de 710 millimètres;
elle est pour ainsi dire constante, les oscillations un peu
intenses étant fort rares. L'air est très sec; mesuré à l'hveTO-
mètre à cheveu et au psychromètre, l'état hygrométrique est
de 5g en moyenne. L'atmosphère est calme. Le sol, très per-
méable, ne conserve jamais d'humidité.
Gomme température, les moyennes saisonnières sont de 6°
pour l'hiver, i4° pour le printemps, 190 l'été, 8° l'automne ;
l'écart moyen par 24 heures est -de io°, les températures ex-
trêmes — 6° en hiver -+- 290 en été.
La moyenne des jours de pluie est de 70 par an, qui donnent
600 millimètres de hauteur d'eau mesurée au pluviomètre ; il
y a environ 5 ou 6 jours de neige par an. L'ardeur des rayons
solaires est intense au Yernet, grâce à la pureté du ciel, à la
(1) Marfan. Art. « Phtisie pulmonaire », in Traité de Médecine de Charcot
et Debove.
î i ', VISITES AUX SANATORIA
limpidité île l'atmosphère. Environ iao jours par an le ciel est
sans nuages; pendant ioo autres jours le temps est couvert
ou pluvieux. Le reste de l'année le ciel a quelques nuages,
niais les journées sont néanmoins belles.
La méthode thérapeutique consiste dans le repos complet
pour les fébricitants, le repos coupé de quelques promenades
pour les sujets plus valides.
A l'inverse de ce qui se passe en Allemagne, où les repas
sont très multipliés, au Ganigou on ne fait que trois repas par
jour : un petit déjeuner du matin et deux grands repas de table
d'hôte. Mais les goûters sont très en vogue et souvent compo-
ses de viande crue, lait frais, etc.
La cure d'air a lieu de 9 heures du matin à 10 heures du soir;
la nuit les fenêtres sont entr 'ouvertes. La durée moyenne du
séjour des malades est de cinq mois. Quant aux résultats, ils
représentent environ 20 p. 100 de guérisons apparentes, ','>'> a
4o p. 100 d'améliorations, 10 p. 100 d'aggravations.
Une des particularités du traitement inauguré par M. Sabou-
rin, c'est les boules d'eau chaude que les malades ont aux
pieds pendant le repos sur les chaises longues, et le port de
chaussons fourrés, de galoches en bois, auxquels notre con-
frère attribue l'absence de rhumes et de refroidissements chez
ses malades, même pendant les grands froids de l'hiver. Le fait
que la terrasse pour la cure d'air est assez éloignée de l'hôtel
a moins d'inconvénients que l'on ne pourrait croire au pre-
mier abord. Il est rare que le sanatorium ait des malades ali-
tés ou trop faibles pour monter à la terrasse. Pendant mon sé-
jour à Vernet, un seul s'est fait ramener à l'hôtel par l'omnibus.
Il faut connaître l'état d'âme d'un tuberculeux qui fait sa
cure. Rien ne lui est plus agréable qu'une petite distraction.
que ces courtes promenades ayant un but. L'ascension lente le
matin — pour commencer son « jour médical » — cette des-
cente le soir après avoir accompli ses devoirs pour sa guérison,
donnent plutôt un charme à la vie, toujours assez monotone,
dans un sanatorium.
Sanatoi'ium du Château de Durtol (Puy-de-Dôme). — Le
sanatorium de Durtol pour le traitement des maladies de poi-
trine a été fondé récemment par notre distingué confrère et
SANATORIUM DU CHATEAU DE DURTOL 247
ami M. le D1' Ch. Sabourin, ancien médecin-directeur du sana-
torium du Canigou.
Durtol est un petit village de quelques centaines d'habitants
situé à trois kilomètres de Clermont-Ferrand, desservi par une
station du chemin de fer de Clermont à Limoges, dans la plus
verdoyante des petits vallées que dessinent les premiers con-
treforts de la chaîne des Dômes.
Situé à D20 mètres au-dessus du niveau de la mer, son éléva-
tion au-dessus de la vallée de Clermont est telle qu'on y a
une vue splendide sur la plaine.
Le sanatorium est établi dans le château de Durtol, au milieu
d'un parc de 5 hectares, orienté au midi et à l'est, et abrité au
nord-ouest par une vaste colline de grands bois très ombreux
faisant partie de la propriété. Au pied et à l'abri de cette colline,
partant du château, une vaste allée-promenade plantée de vieux
arbres forme une immense terrasse d'où l'on jtyait d'un pano-
rama admirable sur Clermont et ses environs jusqu'aux monta-
gnes du Forez.
Tout le fond de la vallée est limité par des collines couvertes
de pins et cette région est sillonnée de routes magnifiques qui
rendent faciles les promenades et les excursions aux environs.
Au château ont été annexées une laiterie, ainsi que des cons-
tructions diverses répondant au logement des malades, aux
installations de la cure d'air et de repos, aux distractions variées
et aux promenades. Une chapelle catholique fait partie de l'éta-
blissement.
La vallée de Durtol est réputée pour les qualités médicales
de son climat, et tous les étés, les médecins y envoient les
personnes affaiblies ou délicates de la poitrine pour respirer
son air pur et vivifiant. C'est que par suite de sa situation favo-
rable, cette vallée possède un climat essentiellement sédatif
par rapport à la rudesse générale du climat d'Auvergne.
C'est qu'aussi les brouillards de la plaine atteignent très rare-
ment Durtol, comme on peut le constater journellement de la
terrasse du parc.
Cette région d'Auvergne présente tous les avantages désira-
bles pour l'installation d'un sanatorium. Durtol est au centre
de la France, à 9 heures de Paris, au milieu de toutes les
grandes stations thermales d'Auvergne et tout particulière-
248 VISITES AUX SANATORIA
ment à dix inimités de chemin de fer de Royat, à proximité
d'une grande ville comme Clermont qui offre toutes les res-
sources désirables.
L'établissement est ouvert toute l'année. M. Sabourin in-
siste beaucoup sur la nécessité de la cure de repos, mais il
exige que cette cure se fasse à l'ombre.
Les malades, dans leurs galeries, passent la journée dans
une région ensoleillée, mais jamais ils ne sont exposés direc-
tement aux rayons du soleil, la profondeur des galeries et
l'installation des rideaux les mettant toujours à l'abri. Pour
M. Sabourin, c'est une des conditions essentielles de la cure :
il considère que l'exposition au soleil pour le patient au repos
est à elle seule capable d'entretenir la fièvre et même de la
provoquer chez ceux qui ne l'ont pas, sans compter les autres
accidents imputables aux rayons solaires et relevant d'un état
congestif général.
Même à la promenade, les malades se garantissent la tète et
les épaules avec une ombrelle.
Le sanatorium de Duiiol est \\w- maison essentiellement
médicale où toute direction appartient au médecin. Tout y est
installé et dirigé pour que la cure des maladies de poitrine s'y
lasse d'après les principes de l'hygiène rationnelle universel-
lement préconisée aujourd'hui pour ces sortes d'affections, et
pour que les malades soient soumis à une surveillance constante
de la part du médecin.
Sanatorium de Trespoye (Pau). — Ce sanatorium est
situé à environ trois kilomètres à l'est de la ville de Pau, près
du petit hameau de Trespoye. Il fut fondé par M. le D' (hou-
zet, en 1896, sur le conseil de quelques médecins de Paris.
Ne pouvant visiter ce sanatorium, je me suis adressé à
M. le D1 Crouzet pour avoir des renseignements. Voici la lettre
très intéressante que j'ai reçue en réponse à la mienne. Elle
me semble assez importante, surtout pour les médecins fran-
çais, pour que je la reproduise in e.rlcnso.
Le sanatorium de Pau se compose d'un corps de bâtiment
principal, d'une annexe et d'une cure d'air.
Le bâtiment principal comprend au rez-de-chaussée les piè-
ces communes aux malades, salle à manger, bibliothèque,
SANATORIUM DE TRESl'OYE
249
salons, etc. Au premier étage sont dix chambres à coucher
orientées au sud, et dont la plus petite mesure 70 mètres cubes.
L'annexe, située à environ 100 mètres du bâtiment prin-
cipal, comprend quatre chambres pour malades, orientées au
sud aussi.
Enfin la cure d'air se trouve immédiatement à côté du bâti-
ment principal.
Le parc qui entoure l'établissement a une contenance totale
de 5 hectares. Il présente une pente assez considérable. Des
chemins de pente diverse y ont été tracés afin de graduer les
Fîg. f>a. — Vue générale du Sanatorium de Trcspove (Pau).
promenades des malades. Enfin le parc est entouré de tous
côtés par des champs, prairies, etc.
Désinfection. — 1° Les crachats sont actuellement soumis à
l'ébullition, mais le sanatorium possédera l'an prochain l'ap-
pareil à désinfection de Thomas ;
20 Le service de désinfection est assuré par l'étuve muni-
cipale, qui vient chercher chaque semaine le linge des malades
pour le désinfecter;
3° La désinfection des chambres se fait par les pulvérisa-
tions de sublimé.
Conditions climatériques. — C'est le climat de Pau, sur
lequel on a beaucoup discuté, et qui en réalité est le suivant.
25o VISITES AUX SANÂTORIA
C'est avant tout un climat de plaisir qui, grâce à sa situation
dans l'extrême sud delà France, n'est jamais très froid pendant
l'hiver. Quelquefois le thermomètre descend la nuit à — 4" ou
— 5° C, mais cela est tout à fait exceptionnel et la température
de la journée n'est jamais froide.
Il y pleut assez souvent et le degré hygrométrique y est
assez, élevé, moins cependant qu'à Falkenstein. Grâce à cette
pluie et à l'absence de vent, il n'y a jamais de poussière.
La seule grande caractéristique du climat de Pau est la sui-
vante : en dehors des tempêtes et bourrasques qui peuvent
survenir trois ou quatre fois dans le courant de l'hiver, il n'y
a jamais de vent à Pau. Cela est très exact et une explication
météorologique sérieuse n'en a encore jamais été donnée.
C'est le grand avantage de Pau sur les autres villes du Midi.
Pau convient donc à tous les tuberculeux en général qui
veulent se soigner hygiéniquement, n'aimant ni le froid, ni le
vent, ni le trop grand soleil.
Les médecins de France envoient surtout à Pau les hémo-
ptysiques et les fébricitants, Je suis arrivé avec ces deux caté-
gories de malades à de très bons résultats. Mais, qu'est-ce
qui a le plus agi ? Le sanatorium ou le climat?
L'altitude du sanatorium est de ai5 mètres. Pression baro-
métrique moyenne, 74°-
Méthode thérapeutique employée. — C'est la méthode hygié-
nique diététique des auteurs allemands. La métbode que je
pratique est celle de Falkenstein.
La seule modification apportée est la suivante : je laisse les
malades marcher plus qu'on ne le fait à Falkenstein. Je ne
fais garder le repos absolu qu'en cas de fièvre.
Alimentation aussi riche (pie possilde : Repas à la française
(trois par jour). Viande crue à discrétion.
Deux règles seulement : Etre toujours dehors ; ne jamais
cracher à terre.
Nombre de lits : i4- Nombre de malades ayant séjourné : 18.
Ce petit nombre de malades ne me permet pas de faire une
statistique bien probante.
i° Un malade reste six mois — l'année dernière — tous-
sant peu en arrivant, mais avec bacilles dans les crachats. A
HOPITAL DE VILLIERS-SUR-MARNE
25l
la fin de l'hiver il ne tousse ni ne crache. A repris à la fin de
l'été son métier et continue à aller bien.
a0 Un malade porteur de lésions ramollies localisées aux
deux sommets ; pas de fièvre. Après un séjour de six mois a
quitté le sanatorium sans tousser ni cracher. Plus de craque-
ments ; respiration un peu rude dans les sommets. Pas de ba-
cilles depuis trois mois.
Voilà deux exemples de guérison apparente.
Je crois qu'il faut une moyenne de deux ou trois hivers
Fig". :>j. — Galerie pour cure d'air ù Trespoye.
pour avoir une guérison apparente, et un traitement d'épreuve
de un an pour être sur de la guérison réelle.
Parmi les autres malades que je suis actuellement, j'ai des
améliorations énormes ; guérisons apparentes qui ont besoin
de l'épreuve du temps.
Pour terminer, je suis le seul médecin — à la l'ois méde-
cin-directeur et propriétaire, — ■ ce qui me paraît être une con-
dition essentielle de réussite.
Hôpital de Villiers-sur-Marne. — Parmi les nombreux
hôpitaux pour les enfants tuberculeux de France, un de ceux
23-2 VISITES AUX SANATORIA
qui nous intéressent particulièrement est celui de Villiers-sur-
Marne, où l'on traite les enfants atteints de tuberculose pul-
monaire.
Cet hôpital appartient à la Société connue sous le nom de
VŒuvre des enfants tuberculeux. Voici la description cpi'en
donne M. le Dr E.-P. Léon-Petit, secrétaire général de ladite
Société :
« A l'extrémité du village de Villiers- sur -Marne, sur une
seide ligne, face au soleil, le nouvel hôpital, commencé en
1890, s'étale en plein midi au milieu d'un vaste terrain bordé
de larges avenues qui l'isolent de tout voisinage. Derrière, a
perte de vue, des champs de grande culture, et, à l'horizon,
les crêtes boisées dominant la vallée de la Marne.
Bonne altitude, orientation parfaite, air excellent, calme
absolu dans ce port où viennent se réfugier les petits naufragés
de la grande ville.
L'hôpital se compose de deux pavillons placés sur une
même ligne et reliés entre eux par un long portique à arcades
surmonté d'une galerie. La façade, d'une architecture agréable
relevée de couleurs gaies, s'étend en plein Midi sur une lon-
gueur de 200 mètres.
Le rez-de-chaussée du portique est occupé par le service
médical, le premier étage par une vaste galerie garnie de lits
d'un seid côté et d'où la vue découvre la pleine campagne. En
avant de ce bâtiment, sur toute la longueur, règne un large
balcon couvert pour la cure d'air au repos, sur lequel les
logements des malades s'ouvrent de plain-pied.
A droite de cette galerie se trouve un pavillon à deux
étages construit d'après les règles de l'hygiène hospitalière
la plus stricte. Chacun de ces étages, desservi par de larges
couloirs, est divisé en petites salles éclairées par de grandes
fenêtres aux vitres perforées. Le renouvellement incessant de
l'air et l'équilibre de la température y sont assurés d'une façon
parfaite.
La cuisine, les réfectoires, la bibliothèque, la salle des jeux,
la pharmacie et la chapelle occupent le rez-de-chaussée.
Le premier étage est réservé aux dortoirs, lavabos, salle
de bains et chambres d'isolement pour les malades dont l'état
réclame la solitude et le repos.
HOPITAL DE VILLIERS-SCR-MAR.XE
•i53
Ce pavillon est entièrement éclairé à la lumière électrique,
et alimenté en eau de source soigneusement filtrée et stéri-
lisée que des appareils élévateurs distribuent dans toutes les
pièces.
Il convient surtout aux petits phtisiques gravement atteints.
Leur dispersion dans les salles où les lits sont peu nombreux
permet de leur donner des soins plus intimes, avec tout le
confort de la famille, qui leur semble d'autant plus doux qu'ils
ne l'ont guère connu.
A gauche de la galerie centrale, parallèlement à ce pavillon,
■%yiï^iïii!MiïM$M-.
Fig. 54. — Hôpital de Villiers-sui'-Marne. Pavillon des Enfants de France.
(Vue intérieure prise de la galerie supérieure.)
et sur la même ligne de façade, à l'autre extrémité du jardin,
un pavillon d'aspect extérieur semblable lui fait pendant.
Ce pavillon est construit sur un vaste sous-sol où sont
installés les appareils de chauffage à vapeur à basse pression
et de ventilation.
L'intérieur ne comprend qu'une seule pièce, sorte de grand
hall sans cloison, dont le plafond en ogive s'élève à 12 mètres
au-dessus du sol. Dans toute la hauteur, de larges baies
vitrées y versent à profusion la lumière.
u*. i VISITES AUX SAXATOBIA
Deux galeries superposées, d'une largeur de 6 mètres,
bordées d'une balustrade, l'uni le tour de la pièce. Celle < I u
bas, élevée de quelques marches, s'ouvre sur les jardins ;
l'autre, placée au niveau du premier étage, donne sur la gale-
rie et sur le grand escalier intérieur qui relie les deux gale-
ries.
Quatre-vingts enfants peuvent coucher dans ce hall qui,
ne cubant pas moins de 10.000 mètres, donne à chacun d'eux
la moyenne imposante de 120 mètres cubes d'air. Deux sœurs,
une à chaque galerie, qui de leur place découvrent toute la
salle, suffisent à la surveillance.
Le vaste espace laissé libre au centre est occupé par une salle
de réunion.
Dans une construction en annexe sont installés le service
d'hydrothérapie froide et chaude et les appareils de balnéo-
thérapie.
Dans l'embrasure des fenêtres soûl disposées cote a côte
les bouches de chaleur et de ventilation, appelées à jouer un
rôle capital dans le traitement.
Par des conduits garnis d'une toile métallique et d'un bou-
chon poreux sur lequel il se filtre, l'air extérieur pénètre
dans la salle, soit directement à la température du dehors, soit
après avoir traversé les bouches du calorifère sur lesquelles
il s'échauffe. Un jeu de registres règle le débit de l'air chaud
et celui de l'air froid, et par conséquent la température du
pavillon.
L'air vicie est entraîné dans une tourelle placée sur le
toit et dans laquelle un jet de vapeur assure et active1 son
aspiration. Il s'échappe de la salle par les nombreuses bouches
pratiquées au sommet du plafond ogival ; il est immédiate-
ment remplacé par une quantité égale d'air pur, prise au dehors.
Ce double mouvement d'appel d'air pur et de rejet d'air
vicié oll're la plus grande analogie avec la respiration pulmo-
naire. Les poumons de l'hôpital fonctionnent avec une activité
telle que toutes les heures ils renouvellent complètement
l'atmosphère de la salle, dans laquelle ils ne déversent pas
moins de 200.000 mètres cubes d'air neuf par jour.
En outre, des fenêtres d'un modèle nouveau permettent
une large aération directe. »
SANATORIUM TONSAASEN 257
Hôpital Maritime de Berck-sur-Mer. — Une des insti-
tutions les plus importantes que j'aie visitées et étudiées en
France est l'Hôpital Maritime de Berck-sur-Mer. Cet établis-
sement dépend de l'Assistance publique de Paris. Il existe
depuis 1861. L'administration de l'Assistance publique inau-
gurait alors un petit hôpital de 100 lits, à côté duquel, huit
ans plus tard, elle construisit un grand établissement de
600 lits.
Deux maisons plus petites connues sous le nom de maisons
Cornu, l'une pour les tilles, l'autre pour les garçons, con-
tiennent ensemble 3oo places.
À l'Hôpital Maritime se trouve rattaché l'hôpital des Entants
Assistés. Tous les deux sont sous la direction de M. le D' V.
Ménard, chirurgien et médecin en chef. J'ai fait un séjour de
plusieurs semaines à Berck-sur-Mer, et j'ai visité presque
journellement l'Hôpital Maritime, d'une part pour assister aux
opérations intéressantes de M. le D1' Ménard, et d'autre part
pour suivre les changements dans l'état général des petits
pauvres, scrofuleux ou tuberculeux, venus de Paris.
Je n'hésite pas à déclarer que les observations que j'ai faites
à Berck-sur-Mer m'ont rendu enthousiaste du climat mari-
lime pour les enfants atteints de tuberculose locale osseuse
ou ganglionnaire (scrofuleux).
En dehors de ces institutions il existe encore, sur la plage
de Berck, l'hôpital Rothschild, qui peut recevoir 5o enfants-,
et un quatrième hôpital privé sous la direction de Sœurs de
charité. Ces dernières institutions ont pour chirurgien en
chef M. le D'' Calot.
NORVÈGE
Sanatorium Tonsaasen. — Le premier sanatorium établi
en Norvège pour le traitement de la phtisie pulmonaire est
celui de Tonsaasen. Quoique Tonsaasen fût déjà connu en 1882
en tant que station d'été, on y fit en 1880 le premier essai comme
séjour d'hiver. Aujourd'hui le sanatorium jouit dune juste
réputation comme sanatorium pour phtisiques ouvert toute
l'année, oit les résultats obtenus sont aussi bons que dans les
autres sanatoria d'Europe.
Kxopf. Sanatoria. i-
258 VISITES AUX SA.XATORIA
La première description de ce sanatorium appartient à
Moeller J'y ajouterai quelques nouveaux renseignements, et
noterai certains changements qui onl eu lieu depuis.
« Les superbes montagnes de la Norvège, qui sont couvertes
de ces magnifiques forêts dont l'Europe entière tire ses bois
de construction , doivent offrir des conditions on ne peut
plus favorables pour le traitement des tuberculeux par la cure
d'air. Il va quelques années on a fondé dans le district de
Valders, situé entre Christiania et Bergen, un établissement
hydrothérapique. Les conditions climatériques de la localité
sont, comme nous allons le dire, tellement particulières, que
l'on songea bientôt à en tirerparti pour le traitement 'des phti-
siques.
L'établissement se trouve à 600 mètres d'altitude. Il se
compose de six bâtiments séparés qui sont construits en bois,
dans le style simple el coquet du pays. Placé à mi-côte,
adossé à wnc épaisse et sombre forêt de sapins, il présente un
aspect 1res pittoresque. Sur la façade principale, ainsi que
sur les faces latérales des constructions, régnent des halls
ouverts, qui sont fermés à chaque coin par la saillie de la
chambre correspondante. Le bâtiment principal a un esca-
lier extérieur qui fait communiquer les vérandas des divers
étages.
Les salles communes (salles à manger, salons de musique,
de conversation, etc.) forment le rez-de-chaussée île la plus
grande des constructions; les chambres sont réparties entre
les quatre autres maisons, ce qui permet d'admettre quatre
tarifs selon la situation et la grandeur des pièces. Le mobi-
lier est confortable, mais extrêmement simple. Le sanatorium
possède 90 chambres. 11 y a en outre une installation hydro-
thérapique très complète, avec bains simples, froids el chauds,
bains ferrugineux, bains de vapeur, bains d'aiguilles de
pins. etc.
Tonsaasen jouit d'un climat extrêmement particulier et
intéressant. D'une façon générale celle localité rentre dans la
catégorie des climats alpestres d'altitude ; les hautes mon-
tagnes qui l'entourent, le voisinage des puissantes forêts pro-
duisent une uniformité thermométrique assez grande.
L'été n'y est pas trop chaud ; il arrive même quelquefois
SANATORIUM TONSAASEN 261
que le thermomètre descend au-dessous de o°. Il est caracté-
risé par ces belles nuits de Norvège, qui, grâce à leur brièveté
et à leur clarté, interrompent à peine la vie de la nature.
Pendant l'hiver, en raison du calme de l'atmosphère, le froid,
qui est cependant assez vif, y est très facilement supporté.
An printemps la fonte des neiges, en automne les premières
chutes de neige, sont assez désagréables.
Voici comment M. le D1' Andvord, le fondateur du sanatorium,
caractérise le climat de Tonsaasen. Dans son ensemble, il res-
semble à celui de Wildbad. Les mois d'avril, de mai et de juin
rappellent la saison d'hiver de Méran ; le reste de l'été, ainsi
que l'automne, se rapprochent de l'hiver de Pau; enfin l'hiver
ne s'écarte pas beaucoup de celui de Davos. La neige ne fond
pas du tout l'hiver; le vent se fait très peu sentir ; même pen-
dant les hivers les plus froids, la température descend rare-
ment au-dessous de 20° à 20° C.
La situation topographique du sanatorium est des plus
pittoresques. Du plateau où il a été construit, descendent des
versants assez escarpés qui aboutissent d'un côté à la vallée
de Bagna, de l'autre à la vallée d'Etna ; une belle route gravit
la montagne, en décrivant de nombreux lacets, et établit la
communication entre ces deux vallées. D'abondants ruisseaux,
parcourant de gracieuses sinuosités ou tombant brusquement
en cascades plus ou moins élevées, animent le paysage ; par-
ci par-là les cours d'eaux s'élargissent pour former de petits
lacs réfléchissant le bleu du ciel. Aux penchants des mon-
tagnes s'élèvent ces magnifiques pins et sapins qui forment
la caractéristique des paysages de la Norvège. On rencontre,
à différentes altitudes, de petits plateaux, couverts de verdure,
d'où l'on jouit de points de vue magnifiques.
Ici c'est la vue sur le val de Bagna, avec ses nombreux
lacs et son admirable fond de tableau, constitué par la majes-
tueuse montagne des Géants, dont les cimes sont couvertes
de neiges éternelles; ailleurs, c'est le petit village de Bagna,
avec la grandiose chute d'eau connue sous le nom de « Store-
brofos )> ; plus loin, c'est la charmante vallée d'Etna.
La méthode thérapeutique adoptée à Tonsaasen est celle de
Brehmer-Dettweiler avec quelques modifications. A signa-
ler ce fait que les malades peuvent faire la cure à l'air libre
WmWmr'mw
3
se
SA .V. I TORIL'.U II A LILA
iM
même par une température de — a5°; ils ont des « journées
médicales » de cinq, sept, et même neuf heures.
Depuis quelque temps le sanatorium de ïonsaasen est
dirigé par M. le D1' J. Somme. Tonsaasen est desservi par le
chemin de 1er de Christiana via le Randsljord, Spirillen ou
Mjosen, et par celui de Bergen via Leirdalsoren.
RUSSIE
Sanatorium Halila. — Le sanatorium Halila est situé sur
un plateau du haut pays de la Finlande. Il l'ait partie du gouver-
nement de Viborg et n'est séparé que par 18 kilomètres de la
station de chemin de fer de Nykyrka. Son élévation au-dessus
Fis. 5S.
Galerie pour eure au sanatorium de Halila.
de la mer est d'environ 200 mètres. La place occupée par
rétablissement est abritée par de magnifiques forêts.
Le sanatorium comprend deux étages, et à chaque étage
s'étendent de longs corridors sur lesquels s'ouvrent toutes
les chambres des malades. Dans ces corridors spacieux et
aérés règne, en hiver, la même température que dans les cham-
bres des malades.
i6 i YISITES AUX SAXATOItlA
Toutes ces pièces, de même grandeur, à plafond élevé,
sont très bien aérées. A chaque étage se trouvent des cham-
bres de bains parfaitement aménagées, de même qu'un appa-
reil à douches. Le sanatorium possède aussi des salmis de
conversation, de musique, de lecture, de billard, etc.
Partout éclairage électrique.
Dans le parc, les sentiers sont si liien entretenus en toute
saison, qu'à moins d'être positivement alités les malades
peuvent y séjourner et s'y promener à leur aise. Une très grande
véranda pour la cure d'air court le long' de la façade sud.
Les malades prennent tous leurs repas en commun. Il y en
a cinq par jour.
Il v a tout près de là un autre sanatorium pour a5 malades,
réservé aux sujets prédisposés ou suspects.
L'a dépense journalière d'un malade dans un bon sanatorium
pour les pauvres est, en Finlande, de 4 à 8 francs. La durée
moyenne du séjour est au moins de 200 jours médicaux.
Le sanatorium Halila a été fondé par feu Sa Majesté l'Em-
pereur Alexandre III pour les pauvres et pour ceux qui n'ont
pas assez de fortune pour aller se guérir à l'étranger.
Sl'ISSK
Sanatorium du D Turban, à Davos. — La vallée de Da-
vos, dans les Alpes Rhétiques, est orientée du nord-est au
Sud-Ouest, et protégée au Nord par les liantes montagnes du
Rhaeticon.
C'est en 1S62 (pie le D' Spengler, médecin de Davos, publia
les premières observations sur le climat du pays et montra
son efficacité dans le traitement de la phtisie.
Dès 1 863, le D1 Unger, phtisique lui-même, vint à Davos et
y recouvra la santé.
Depuis, les conditions climatériques ont été étudiées par
nombre de médecins et décrites d'une façon magistrale dans
les livres de Jaccoud 1 et de Weber (a).
(1) Jaccoud. Curabilité cl traitement de la Phtisie pulmonaire.
(•2) Weber. Climatothérapie. (Traduction française de Doyon cl Spilluiaun )
DA VOS 267
D'après Weber, les différences de température de l'été à
l'hiver sont considérables : elles oscillent entre un minimum
de — 20° et un maximum de + 240 ; elles sont très accusées si
l'on compare entre elles celles du jour et celles de la nuit et
même celles de plusieurs jours consécutifs. La température
moyenne des mois de novembre, décembre, janvier, février,
mars est prescpie toujours au-dessous de o°. Janvier est géné-
ralement le mois le plus froid avec environ — 6° à — y0; juillet
et août sont d'ordinaire les plus chauds, avec une température
moyenne de -+- i2°à + i3°.
Jaccoud a signalé la puissance de la radiation solaire comme
un des caractères les plus frappants de la climatologie de
Davos et a constaté, le 26 décembre 1880, le fait suivant.
A neuf heures du matin, à l'air libre, son thermomètre mar-
quait — 9" : aussitôt après il le fixait adossé à un mur pleine-
ment exposé au soleil, et au bout d'une demi-heure il était
monté à -f- i5°.
Voici, d'après la table de Steffen, la moyenne de la tempé-
rature maxima :
Oct.
Nov.
Dec.
Janv.
Fév.
Mars
A l'ombre .
15,78
2,37
3,89
2,2}
i,S
2,4*
Au soleil. .
56, 1 5
41,18
42,82
42,39
44.09
3o.ii
Il est facile de comprendre qu'avec une pareille température
le malade, même assez gravement atteint, puisse rester assis
en plein air.
La moyenne d'humidité relative de Davos, ramenée à 3~°,
aurait été en 1876 de 11,1 p. 100 d'après Stetfen.
Le sanatorium, sous la direction de M. le D1' Turban, secondé
par un médecin adjoint, a été construit dans les années 1887-
i S88 par l'architecte Erdmann Hartig de Brunswieki. Il est
situé dans la partie sud-ouest de Davos-Platz, sur la pente
de la montagne, à une altitude de i.dj3 mètres. Bien abrité,
à l'écart et bien au-dessus de la grande route, il est égale-
ment éloigné des grandes agglomérations de bâtiments. Du
côté sud l'établissement est limité par de vastes prairies et la
vue se trouve entièrement libre sur la vallée de Davos et sur
les hautes montagnes. Les constructions s'élèvent à la partie
inférieure d'un jardin ayant un hectare de superficie. Ce jar-
268 VISITES AUX SANATORIA
(lin. plante'1 d'arbres, est sillonné de sentiers en pente douce,
où sont installés des lianes cl deux grands pavillons. Le corps
du bâtiment principal, à quatre étages, est orienté en plein
midi. 11 communique avec deux villas, par des galeries fer-
mées. L'une de ces villas, située à la partie supérieure (côté
ouest', contient les appartements du médecin dirigeant et du
directeur administratif; dans l'autre, située à la partie infé-
rieure (côté est), sont réservés des appartements pour les
malades. Devant la façade orientée au midi sont des terrasses
couvertes sur une étendue de 80 mètres.
Au sous-sol du bâtiment principal se trouvent les cui-
sines et l'office ainsi que la buanderie, le séchoir et la
chambre à repasser ; le rez-de-chaussée comprend : une vaste
salle à manger très aérée de i5 mètres de long sur 10 mètres
de large et 5 mètres de haut, un salon de conversation, une
salle de lecture et un billard, la clinique et le laboratoire
bactériologique-chimique avec pharmacie, une salle pour la
gymnastique hygiénique et des cabines de bains (douches pou-
vant être tempérées à volonté et bains chauds dans des
baignoires émaillées). Les étages supérieurs du bâtiment
principal ne comprennent qu'une seule rangée de chambres à
coucher au midi) et un large corridor muni de fenêtres ainsi
que la vaste cage de l'escalier (au nord). Go chambres en tout,
y compris celles de la villa inférieure, sont destinées à rece-
voir 60 à 70 malades. Ces chambres sont pourvues de planchers
et de meubles permettant un lavage régulier; elles sont pres-
que toutes orientées au midi et munies de balcons et de ter-
rasses. Les corridors et une partie des chambres sont couverts
de linoléum. Dans les villas sont installés des poêles que
l'on chauffe au bois. Le chauffage du bâtiment principal est
obtenu par des appareils Bechem et Post (vapeur à basse
pression); les cylindres se trouvent dans une caisse, isolante
avec un tiroir mobile placé contre la paroi extérieure, lequel
amène l'air froid autour des cylindres où il est chauffé au fur
et â mesure. Dans la paroi opposée une conduite de venti-
lation avec soupape emmène l'air dans un espace ménagé sous
le toit et qui est fortement ventilé. Outre ces appareils instal-
lés séparément dans chaque chambre, des vasistas sont pra-
tiqués au-dessus des fenêtres et des portes de balcon, de
DA )VS 269
sorte qu'il existe une ventilation triple sans courants d'air.
Tous les locaux, y compris les chambres à coucher, sont
très commodément éclairés à la lumière électrique. Dans un
local spécial est installée une étuve de désinfection à vapeur
courante.
Une bibliothèque choisie, un grand nombre de journaux et
de revues illustrées et une variété de jeux sont à la disposition
des malades.
L'établissement a le premier pris pour tâche, dans le traite-
ment de la tuberculose, de combiner le séjour dans les hautes
montagnes avec les principes établis parBrehmer à Goerbers-
dorf et par Dettweiler à Falkenstein. Le malade peut jouir en
abondance du grand air par des promenades variées ; il en
profite également en s'installant sur les terrasses pour cure
d'air, abritées par de forts rideaux et des paravents et éclairées
au moyen de 24 lampes électriques à incandescence. Sur ces
terrasses se trouvent placées 60 chaises longues (modèle Fal-
kenstein) garnies de coussins en crin animal pouvant être
enlevés à volonté.
Lors de ma visite à Davos, j'ai été particulièrement et agréa-
blement surpris d'y voir un département spécial pour les gens
prédisposés à la phtisie [Prophylactiker).
Le directeur admet dans son sanatorium les parents des pen-
sionnaires qui sont soumis au traitement prophylactique,
c'est-à-dire à la gymnastique respiratoire avec ou sans l'appa-
reil de Gifford, et qui reçoivent l'instruction hygiénique que
leur cas comporte.
Depuis cinq ans, il n'admet plus de phtisiques à un degré
trop avancé.
L'indication spéciale (1) du traitement par le climat de
Davos semble être :
i° Période de début et également prédisposition ;
2" Période d'infiltration ou de ramollissement, mais à condi-
tion ,que la lésion ne soit pas trop étendue et que la marche de
la maladie ne soit pas aiguë ou rapide.
Davos-Platz est la gare-terminus du chemin de fer à voie
étroite Landquart-Davos.
(1) De la Harpe. Formulaire des Stations d'hiver et estivales.
2-0 VISITES AUX SÀNATORIA
Sanatorium d'Arosa. — Un peu au nord de Davos se trouve
une vallée qui commence à être for! en faveur comme séjourd'été
cl d'hiver : nous voulons parler de la vallée d'Arosa. La diffi-
culté des communications avail empêché jusqu'ici cette localité
de prendre toul son essor. Une belle route relie actuellement
Arosa à Goire ; il ne faut plus que cinq heures trois quarts de
voilure pour parcourir la distance qui sépare ces dmix localités.
La vallée d'Arosa est entourée de tous côtés d'une chaîne
continue de montagnes, dont les cimes atteignent de 2000
a '980 mètres de hauteur. Son altitude monte progressive-
ment de 1 7.J0 à 1 892 mètres. La régularité des parois de cette
vallée est interrompue du côté du nord par le Tschuggen,
montagne qui s'avance vers le sud en affectant la forme d'un
bastion demi-circulaire, de telle sorte que la contrée est divi-
sée en une partie supérieure et une partie inférieure. Une' petite
rivière, la Plessur, suit la direction S.-O. au N.-E.) de la
vallée, dont elle sort par une étroite fissure.
Les versants des montagnes sont couverts de magnifiques
forêts de conifères qui s'élèvent jusqu'à une altitude de 1 900
mètres ; deux beaux lacs, d'un bleu foncé, donnent à tout le
paysage un aspect vraiment enchanteur.
A 120 mètres au-dessus du lit de la Plessur, sur le versant
méridional du Tschuggen, a été bâti le nouveau sanatorium
(1 856 mètres; dont la construction ne date que de i88j-i888.
Touchant à la forêt du côté est, l'établissement est protégé au
nord par le Tschuggen, tandis qu'il a la vue absolument libre
au sud et à l'ouest, sur un panorama magnifique constitué
par des prairies et des bois, lesquels sont dominés par les
grandioses montagnes environnantes. Les ravons solaires v
arrivent donc largement; les vents sont, au contraire, arrêtés
dans leur cours, à part l'inévitable Foehn, auquel toutes les
localités des hautes altitudes sont fatalement exposées.
Les vastes forêts qui entourent Arosa exercent l'influence ré-
gulatrice et modératrice bien connue sur la température atmos-
phérique ; ajoutons à cela que la prédominance des conifères
dans la végétation de cette région est des plus précieuses au point
de vue de la tuberculose pulmonaire. La température moyenne
et mininia d'Arosa en hiver est de 2 degrés plus élevée que celle
île Davos, malgré une différence d'altitude de 3oo m.; l'été
I
SANA T0R1CM D'AROSA i-'i
est, par contre, un peu moins chaud. L'atmosphère y est générale-
ment sereine pendant les mois d'hiver ; les jours pluvieux sont
peu nombreux. L'élat hygrométrique absolu de l'air est peu
élevé. Le Dr Ewart, qui a beaucoup étudié les climats alpestres,
estime que celui d'Arosa est plus stimulant que celui de Davos.
La situation isolée des bâtiments empêche l'air d'être vicié
par la poussière ou les vapeurs ; les vents de la vallée ne peu-
vent y arriver grâce à la différence d'altitude et à la protection
des montagnes voisines.
La nouveau sanatorium contient 65 chambres, dont la plu-
part sont orientées au sud et au sud-ouest; quelques-unes
d'entre elles sont munies de balcons. Les chambres et les
corridors ont tous un plancher de bois recouvert de linoléum.
Chaque chambre a son foyer de chaleur, dont le fonctionne-
ment est parfait. L'escalier et les corridors sont chauffés à
l'eau chaude. Une salle à manger, suffisament vaste et élevée,
deux grandes salles de réunion, une salle de billard et une
large véranda couverte sont à la disposition des pensionnaires.
Enfin une terrasse couverte, orientée vers le sud et munie de
chaises longues, permet la cure d'air par tous les temps et en
toute saison. Un bâtiment spécial est affecté au service des
bains et des douches. L'établissement est doté d'une excel-
lente eau potable, d'une installation de désinfection à la vapeur
et d'une canalisation parfaitement aménagée.
Le sanatorium d'Arosa réunit donc, par son altitude, sa
situation topographique et son organisation, les meilleures
conditions possibles pour le traitement prophylactique et cura-
tif de la tuberculose pulmonaire. La méthode adoptée est celle
de la plupart des institutions similaires : ce sont les principes
de Brehmer, perfectionnés et élargis par Dettweiler, qui cons-
tituent la base de toute la thérapeutique. Le sanatorium est
dirigé par M. le D1' E. Jacobi.
Pour se rendre à Arosa, on va de Bâle à Goire ; là on
trouve une voiture postale et des voitures particulières qui
mènent le voyageur à Arosa en 5 heures par une route traver-
sant une suite de paysages grandioses et pittoresques (i).
(i) D'après la description de JVIoeller et des renseignements fournis par M. le
Dr Jacobi.
Knopf. Sanatoria. ■ 18
a74 VISITES AUX SANATORIA
Sanatorium de Leysin. — Le village de Leysin est situé
sur un plateau assez étendu, au pied îles Tours d'Ai, sur le
versant méridional des Alpes vaudoises ; il est réputé depuis
longtemps pour la pureté exceptionnelle de son air, et de nom-
breuses familles de la Suisse romande s'en disputent depuis
plusieurs années les quelques chalets assez vastes pour pou-
voir leur servir de villégiature pendant la belle saison.
Le sanatorium, commencé en 1891 et terminé en 1892, est à
iioo mètres au-dessus du village; il est bien ensoleillé, bien
abrité sur la pente de la montagne et sur la lisière des grandes
forêts de sapins séculaires. Le panorama dont on jouit de la
terrasse et des chambres de l'établissement est tout à fait mer-
veilleux. On a devant soi, sur un premier plan, les cultures du
village de Leysin, puis de vertes prairies dominées par une
série de mamelons couverts de sombres forêts; à droite une
grande étendue de la vallée du Rhône; plus loin, et bornant
l'horizon de tous côtés, de grands massifs de rochers, les uns
couronnés de neiges éternelles, les autres présentant des
formes pittoresques et majestueuses.
Le sanatorium de Leysin a été créé pour offrir dans un pays
tle langue française, aux personnes délicates de la poitrine,
des installations aussi confortables et aussi modernes que celles
qu'on va chercher au loin dans des contrées ditférentes de
langage et d'habitudes ; les montagnes de la Suisse romande se
prêtent admirablement à la cure des affections pulmonaires.
Toutes les régies de l'hygiène moderne ont été appliquées à
la construction et à l'aménagement du sanatorium de Leysin,
et cela en tirant parti des expériences faites dans les établisse-
ments analogues. Il a été édilié dans les pâturages, loin de loti le
industrie, de tout ce qui peut vicier l'atmosphère.
C'est un bâtiment de cinq étages, en pierre, dont la façade
principale est orientée au sud; 80 chambres sur 1 10 sont en
plein midi, les autres à l'est et à l'ouest. Les cuisines, les
escaliers, les offices, les logements des employés sont au nord.
La plupart des chambres ont des balcons assez larges pour
y placer les chaises longues des malades; aucune d'elles qui
n'ait au moins 3 mètres de hauteur et un cubage de plus de
70 mètres. On a choisi des meubles, des tentures et des tapis
pouvant être aisément désinfectés soit par des lavages, soit par
LErsiy 277
une étuve à désinfection (système Geneste et Herscher), ins-
tallée à une petite distance de la maison.
Toutes les fenêtres sont doubles et ont à leur partie supé-
rieure une imposte facile à ouvrir et à fermer au moyen d'une
tige de fer articulée; chaque chambre possède en outre une
cheminée d'aération à fort tirage, en sorte que le renouvel-
lement de l'air se fait jour. et nuit d'une façon insensible.
Le chauffage de toute la maison est obtenu par un calorifère
central du système Bechem et Post; tous les locaux publics
peuvent être chauffés à des degrés divers et chaque chambre
a son corps de chauffe spécial, de grandeur variable, suivant
la capacité de la pièce et se réglant à volonté. Beaucoup de
chambres sont munies en outre de cheminées indépendantes.
Lumière électrique partout.
La maison comprend encore une grande salle à manger, une
salle de restaurant, un grand salon, un salon de dames, des
salons privés, une vaste salle de billard, une salle de lecture,
une belle galerie couverte réservée aux appartements du rez-
de-chaussée, une autre galerie vitrée attenant aux salons et
l'aisant jardin d'hiver, des salles de bains et de douches et un
ascenseur hydraulique (système Edoux).
Une grande galerie à deux étages communique à l'Est avec
le rez-de-chaussée et avec le premier étage ; elle a une lon-
gueur de 3o mètres et contient soixante chaises longues pour
la cure d'air. D'autres galeries plus petites sont installées à
une faible distance et permettent de disposer d'une centaine
de places pour la cure. Un couloir chauffé conduit, par derrière
les galeries, à la maison du directeur.
Une vaste terrasse, de nombreux sentiers, les uns horizon-
taux, les autres en pente douce, tracés dans les pâturages et
dans les bois de sapins avoisinants, offrent aux malades des
promenades nombreuses, non fatigantes, graduées selon leurs
forces, et des points de vue variés. L'ne passerelle conduit
du second étage directement dans les bois de sapins. Des
kiosques (flg. 61) et abris (sun-boxes) ont été disposés de
distance en distance, afin de servir aux malades de reposoir.
Etang à patiner à proximité immédiate.
Une eau potable d'excellente qualité, abondante, a été cap-
tée au pied des Tours d'Ai et amenée au sanatorium par des
2?8
VISITES AU.X SAXATOMA
(uvaux métalliques. Sa pression claul considérable 1 25 mètres
elle peut desservir tous les étages. Le système des égouts et
des cabinets ne laisse rien à désirer.
Le climat de Levsiif est bien adapté au traitement des tuber-
culeux peu avancés : une altitude de 1 4''° mètres avec au-
tant de soleil que possible, aucune montagne n'en interceptant
les rayons ni à Test ni au sud : un air très calme à cause des
hauts sommets et des forêts qui mettenl Leysin à l'abri du
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Fig. 62.
Kiosque de repos, à Leysin.
vent; un sol excessivement sec formé par de l'humus et un
calcaire fendillé très poreux; l'hygrométricité spéciale à la
haute montagne; aucune possibilité de poussières dans l'air.
On peut dire que la caractéristique du climat de Leysin est
d'être un climat d'altitude à réactions aussi atténuées que pos-
sible.
J'ai visité le sanatorium de Leysin quand M . le D1' Lauth
était encore médecin de l'établissement. Son successeur a été
M. le l)1 Burnier et actuellement le sanatorium se trouve sous
l'habile direction de M. le D1 Exchaquel. défenseur convaincu
de la phtisio-lhérapie moderne dans les établissements fermés.
Depuis ma visite, le sanatorium s'est agrandi et peut recevoir
à présent 120 malades. M. le D1' Exchaquel m'écrivait cpie les
malades font des séjours prolongés, mais de durée très varia-
ble, en général six mois au minimum.
LEVSLY 27g
Il y a une chapelle catholique à proximité, et un service re-
ligieux pour le culte protestant a lieu tous les dimanches au
sanatorium.
La station de chemin de fer la plus rapprochée de Leysin est
Aigle, sur la ligne du Jura-Simplon.
CHAPITRE XII
Sanatoria actuellement en fonctionnement ou en projet
dans les divers pays du monde.
La lisle suivante comprend les sanatoria, hôpitaux spéciaux,
asiles, camps et colonies consacrés au traitemenl de la tuber-
culose. Je n'affirmerai pas que cette liste soit complète. D'abord
il n'est pas toujours facile d'avoir des renseignements exacts.
De plus, les sanatoria. surtout pour la classe pauvre — je suis
heureux de le constater — sont partout créés si rapidement
qu'il est difficile d'avoir une lisle parfaitement à jour.
J'ai obtenu une partie de mes informations, au point de vue
de ces établissements, par des visites personnelles laites à un
certain nombre de sanatoria en Europe el en Amérique. Pour
les renseignements plus récents en ce qui concerne les Elals-
l'nis, je tiens à remercier ici MM. les secrétaires des bureaux
de santé des divers Etals de l'Union. Quant à ce qui s'est
accompli de nouveau en faveur des sanatoria depuis ma visite
en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, en France, en
Italie, etc., je dois les plus vifs remerciments à M. le profes-
seur von Schrœtter (de Vienne), MM. les Drs F.-R. Walters (de
Londres, L.-II. Petit de Paris', Georg Liebe de Loslau,
Allemagne), Massalongo (de Vérone), Klaus Hansen (de Ber-
gen, Norvège . Chr. Saugman (de Horsens, Danemark), Sand-
ford Jackson (de Brisbane, Australie') et île Mmc Poolowskoja,
docteur en médecine à Saint-Pétersbourg.
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CHAPITRE XIII
Description d"un sanatorium idéal.
Nous avons décrit dans le chapitre précédent plusieurs des
sanatoria les plus importants et les plus intéressants. Dans les
pages qui vont suivre, nous nous efforcerons d'exposer, d'après
les connaissances modernes, le traitement hygiéno-diététique
de la tuberculose pulmonaire dans un sanatorium idéal. Cet
idéal n'est pas très difficile à réaliser, comme il résulte de
ce que nous avons vu et appris à cet égard pendant nos voyages
d'études en Europe et en Amérique.
Emplacement, climat et altitude. — Parlons d'abord de
l'emplacement d'un pareil sanatorium.
Nous avons écrit au chapitre de l'historique : « Fallope (i5a3-
i56a) reconnaît qu'il n'y a pas un même climat pour tous les
malades, que le choix d'un climat donné ne saurait con-
venir à tous les malades, mais qu'il doit être subordonné au
tempérament et à la constitution de ces derniers ».
l'n de nos phtisio-thérapeutes les plus distingués, reprenant
cette idée, a dit (i) : « Il n'existe pas de climats spécifiques ni
de climats curateurs de la phtisie pulmonaire ».
c C'est une erreur, a répondu Peler •> ,de chercher un air qui
guérisse les tubercules ou les tuberculeux, ou une température
qui ait ce pouvoir ».
Germain Sée qualifiait de « divisions byzantines » les nom-
breuses classifications de climats fondées sur leur influence :
(i) Daremberg. Traitement de la Phtisie pulmonaire.
(2) Peter. Traitement hygiénique de la Tuberculose. Bulletin de Thérapeu-
tique, 1. xcv.
■
Fig. (i'J. — Vue générale d'un sanatorium idéal pour le traitement de la phtisie p
Knopf. Sanatoria {p. 290-291).
naire. Système des établissements fermés, combiné avec celui des pavillons isolés.
SANATORIUM IDEAL 291
il espérait qu'elles cesseraient bientôt et que les voyages du
pùle à l'équateur seraient épargnés au phtisique.
Mais, s'il est vrai qu'il n'y a pas de climat spécifique ni de
climat curateur, il faut convenir avec Dettweiler que certains
climats permettent mieux que d'autres le traitement hygiéno-
diété tique.
L'idéal n'est-il pas d'obtenir les meilleurs résultats chez le
plus grand nombre de malades ?
Hiver sans rigueurs extrêmes, été sans fortes chaleurs, pluies
de fréquence modérée, telle est la zone tempérée où sera établi
le sanatorium.
On le bâtira de 3oo à 700 mètres au-dessus du niveau de la
mer, sur un sol incliné, dans un lieu sec que la nature aura
doté de pins et d'arbres résineux.
Est-il besoin de dire que l'air sera pur, que les influences
miasmatiques n'existeront pas, qu'une distance assez grande
le séparera des lieux habités ?
De hautes montagnes, assez éloignées pour ne pas arrêter
les rayons du soleil, s'opposeront à l'influence des vents trop
froids et trop forts, sans que l'action bienfaisante des brises
légères, qui purifient l'atmosphère, soit empêchée.
Une source voisine, habilement captée, donnera au sanato-
rium de l'eau abondante et pure.
Les pavillons seront-ils séparés comme aux Etats-Unis [Col-
lage System)'! N'y aura-t-il qu'un seul établissement, fondé
suivant les préceptes de Brehmer ou de Dettweiler?
Les premiers, construits dans les « Adirondacks », ont
donné entre les mains de M. le D1' Trudeau d'excellents résul-
tats, sans que les règles strictes des sanatoria d'Europe y
fussent appliquées. Il y avait de part et d'autre de tels avantages
qu'il nous a paru bon de combiner les deux systèmes.
Chacun des nombreux chalets isolés du genre américain
donne asile à cinq ou huit personnes, mais il est très difficile
au médecin d'y exercer la surveillance de chaque instant d'où
dépend tout le succès du traitement.
L'agglomération de soixante-dix à cent personnes dans un
seul bâtiment s éloigne davantage encore de la conception que
nous avons d'une demeure où le phtisique doit recouvrer la
santé.
*9a SANATORIUM IDÉAL
Système iu:s grands pavillons réunis par m:s galeries
vitrées. — .Nuire compatriote ei ami M. Van Pelt, élève de
l'école tirs Beaux-Arts, a bien voulu nous prêter son concours
ei prendre le soin de dresser d'après les idées de notre thèse
le plan d'un sanatorium.
La conception de ce1 établissement est celle que nous avons
eue nous-même : il s'est efforcé de mettre au service de l'archi-
tecture utile tout ce que pouvait avoir de ressources l'archi-
tecture agréable.
Notre gratitude la plus grande lui en demeure acquise.
11 nous suffira de suivre ce plan pour décrire ce sanatorium
idéal.
i° En avant, en façade, s'élèvent trois pavillons que séparent
des galeries vitrées de 36 mètres de longueur.
a0 Derrière le pavillon central sont disposés les bâtiments
des services communs salle à manger, cuisines, etc.. : le
jardin d'hiver leur est adjacent.
3° Là se trouvent encore les bureaux, les locaux de l'admi-
nistration, etc., etc.
Ces constructions sont isolées les unes des autres, mais
réunies par des galeries vitrées.
4° La demeure du médecin est à gauche du bâtiment de
l'administration.
5° A droite, symétriquement, se trouve une construction
semblable destinée aux visiteurs, aux parents des malades.
6" So mètres plus loin, vers la gauche, un pavillon d'iso-
lement est aménagé pour recevoir, le cas échéant, les malades
que leur état oblige à isoler, ou qui sont atteints de maladies
contagieuses parfois importées du dehors i .
j° Symétriquement, (daté à droite, est un pavillon de jeu
dont ileux côtés doivent être ouverts en même temps, les
Avux autres restant fermes pour briser le vent.
8° Lue vacherie, des ('curies, sont plus loin, à -o mètres
vers la droite; ia5 mètres les séparent ainsi des pavillons
des malades.
(i) ('.die construction nous a paru nécessaire, car nous connaissons un sana-
torium qu'une scarlatine, importée du dehors par un visiteur et contractée par
uu malade. I!l déserter pendant trois semaines, parce qu il n'y avait pas de
local d'isolement.
Fig. 64. — Plan d'un sanatorium idéal.
A. Pavillon pour les malades. — B. Galeries vitrées unissant les pavillons. — C. Salle à manger. —
D. Jardin d'hiver. — E. Cuisine. — F. Bâtiment de l'administration. — G. Habitation du médecin et
de son assistant. — H. Maison pour parents et amis des malades. — I, J. Concierge et jardinier. —
K. Local d'isolement. — L. Pavillon de récréation. — M. Bâtiment de désinfection. — N. Écuries,
P. Pavillons tournants.
SANATORIUM IDEAL 296
90 En un même lieu, mais à gauche, une construction de
même forme loge l'étuve, les appareils nécessaires à la des-
truction des crachats. Une salle dallée y est ménagée pour
recevoir le corps s'il se produit un décès.
io° Assez loin, à gauche et à droite, deux maisonnettes loge-
ront lune le concierge, l'autre le jardinier.
ii° Dans une vallée de iao à 200 mètres au-dessous du
sanatorium sont situés les machines à vapeur, les dynamos,
les accumulateurs, les pompes, la blanchisserie, etc., etc.,
pour que l'établissement soit exempt de toute poussière, fumée
et bruit. Un petit tramway funiculaire électrique relie le sana-
torium à ces dépendances.
£2° Au sud du pavillon central s'étend un jardin où seront
disposés des bancs, où l'on établira des kiosques tournants;
les allées en seront disposées pour soumettre les malades à
des promenades progressives.
Au fond du jardin, la promenade achevée, un chalet suisse
leur permettra le repos.
Chacun des trois grands pavillons a la disposition suivante :
Tout le rez-de-chaussée est occupé par de petits salons,
la bibliothèque , les installations pour l'hydrothérapie, les
bains, etc.; en outre, dans le pavillon central se trouvent un
cabinet de consultation et une chambre d'inhalations.
En plein midi, adjacente au rez-de-chaussée, est une grande
véranda de 45 mètres de longueur sur 6 mètres de largeur, où
sont placées des chaises longues pour la cure de repos à l'air libre.
Cette véranda est protégée par un toit en verre à châssis
mobiles.
Des rideaux sont disposés de façon à protéger le malade
contre le vent et le soleil. Un vitrage peut être adapté de façon
à fermer les vérandas entièrement pendant la nuit ou en temps
de pluie.
Au premier étage se trouvent quatorze chambres de malades
dont chacune a 65 mètres cubes de capacité. Toutes ouvrent
au sud, par une large porte-fenêtre, sur un balcon de 2 mètres
de largeur où l'on peut placer une chaise longue si le malade
est incapable de descendre.
A chaque pavillon sont annexées deux chambres pour les
infirmiers.
296 sanatorium IDEM.
Aménagement intérieur, ventilation, chauffage, éclai-
rage, etc. — Dans l'intérieur des pièces comme dans l'inté-
rieur de tous les bâtiments, les angles sont arrondis pour «pie
la poussière ne séjourne nulle pari; tout relief îles murs, des
plafonds, des portes, etc., est soigneusement évité. Il n'y a ni
placards, ni meubles superflus. Les rideaux de drap, les Lapis,
les meubles couverts de velours ou d'étoffes sont bannis. Les
bureaux cl les armoires ont une hauteur limitée et sont sur-
montés d'une pyramide ou d'un plan incliné pour que la pous-
sière ne puisse s'y accumuler. Le lil de fer à sommier d'acier,
à matelas modérément doux, est disposé pour éviter au malade
le courant d'air qui se fait de la porte à la fenêtre. Le par-
quet de huiles les chambres est recouvert de linoléum. Dans
les corridors, les salles d'hydrothérapie, dans les vvater-closets,
etc., etc., le linoléum est remplacé par un carrelage vitrifié.
Les murs sont peints à l'huile pour qu'ils puissent être lavés
avec des solutions antiseptiques.
Lorsque deux chambres communiquent, le passage de l'une à
l'autre se fait au besoin par une double porte tapissée et mobile.
La ventilation est assurée en partie par des fenêtres à va-
sistas, en partie par un appel d'air au plafond : l'atmosphère
est ainsi constamment renouvelée.
Le chauffage s'effectue par la vapeur sous pression moyenne.
C'esl le mode qui permet le mieux de réaliser et d'entretenir
une température de + i8° dans des constructions séparées. La
baisse de la température, atteignant rarement — i5", favorise
cette disposition dans les contrées tempérées.
Les tuyaux employés sont construits pour résister à des
pressions très supérieures à celle qui esl nécessaire. La sur-
lace chauffante sera rendue assez étendue par la longueur de
ces tuyaux. Le système à ailelles sera écarté parce qu'il esl
impossible à nettoyer; les tuyaux seront placés le long du mur,
du côté opposé au lit.
Le sanatorium, éloigné de tout réseau dégoûts municipaux,
aura sa canalisation particulière : un système diviseur fonc-
tionnera loin de toute habitation.
Tout rétablissement sera éclairé à l'électricité, et pendant la
saison chaude se trouveront distribués partout, dans la salle à
manger et dans la cuisine, dans la bibliothèque, dans les sa-
Wm
Cïj r'de^Ma
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L'ig. 65. — Coupe du premier éloge d'un des pavillons d'un sanatorium idéal.
Fig. 66. — Un coin de la véranda où se fait la cure d'air libre sur les chaises longues.
SANATORIUM IDÉAL 299
Ions, dans les galeries, clans les chambres de malades, etc.,
des éventails électriques. Pour les galeries où les malades font
leur cure de repos, de môme que pour les chambres, ces éven-
tails seront plus petits et mobiles de manière à pouvoir être
facilement déplacés et de façon à en obtenir le plus de confort
et le moins de gène possible. Des sonnettes électriques per-
mettront aux malades d'appeler de leur lit, des water-closets,
de la véranda ou des salles de bains sans avoir à se déranger.
Il faut, pour terminer le chapitre sur la construction et l'ad-
ministration d'un sanatorium idéal, que nous disions un mot
sur les précautions à prendre pour prévenir les accidents en
cas d'incendie.
Partout où se trouve un grand nombre d'invalides plus ou
moins faibles, les précautions devraient être doublées. Les
escaliers devraient être larges, construits de préférence en
pierre ou en fer, et on fera l'application d'asbestos comme
protection, partout où cela sera possible.
Dans les corridors oii les lampes à l'huile restent allumées
toute la nuit, des tuyaux et des seaux devraient toujours être
prêts en cas de besoin. L'administration devrait prendre les
précautions nécessaires pour qu'il n'y ait jamais manque d'eau.
Le beau sanatorium pour phtisiques de Liberty, dans les Etats-
Unis, fut récemment (octobre 1899) totalement détruit par
suite du manque d'eau dans les réservoirs.
.Mais un point important, selon moi, est la formation d'un
corps.de sapeurs-pompiers composé des infirmiers et autres
employés du sanatorium. J'ai assisté, pendant que je servais
comme aide-médecin à FalUenslein, à quelques exercices du
corps des sapeursqiompiers du sanatorium composé, ainsi que
je le dis plus haut, des employés de cet établissement. Une où
deux fois par mois on sonne l'alarme, ayant préalablement
prévenu les malades que les signaux sont seulement pour
pratiquer les manœuvres : bien entendu, le personnel n'est
pas averti. Ces manœuvres ne sont pas seulement un bon
exercice pour les infirmiers et une diversion pour eux et poul-
ies malades, mais elles donnent en même temps une preuve
de sécurité aux pensionnaires de l'établissement.
CHAPITRE XIV
L'hygiène spéciale dans un sanatorium ; des crachoirs,
des crachats, leur désinfection, etc.
l'n des points les plus importants pour le traitement de la
phtisie pulmonaire dans un établissement fermé, c'est «le pro-
téger le malade par une hygiène spéciale contre une infection
nouvelle, soit par ses propres crachais, soit par des crachais
d'autres tuberculeux, produits qui, desséchés et pulvérisés,
flottent en abondance dans l'atmosphère des chambres des
phtisiques libres.
Instructions aux malades. — Les crachats des tuberculeux
sollicitent toute l'attention dans les sanatoria bien dirigés. A
leur entrée, on explique aux phtisiques pourquoi ils doivent
toujours cracher, soit dans leur crachoir de poche, soit dans
un petit crachoir qui se trouve sur une table de nuit ou sur
une table sous la véranda, soit enfin dans les très nombreux
crachoirs places dans les corridors, dans les « halls », et on
leur explique de plus que tous les crachats doivent être re-
couverts immédiatement, à cause des mouches et autres
insectes qui peuvent emporter les bacilles et devenir une cause
d'infection nouvelle.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire prendre aucun
engagement au malade après une semblable explication. 11
sait que c'est autant dans son propre intérêt que dans l'intérêt
des autres qu'il ne doit jamais cracher à terre ni dans son
mouchoir.
La question des crachoirs est délicate et difficile à résoudre :
la vue de nombreux crachoirs sans couvercles et souvent clans
un état de propreté imparfaite n'est pas engageante pour les
malades.
CRAC/IO/BS DE POCHE
3oi
Il faut avant tout éviter de provoquer le dégoût des patients
par l'aspect de ces crachoirs disposés de tous côtés.
11 importe de ne pas éveiller les répugnances des amis qui
viennent accompagner les pensionnaires ou leur rendre visite.
En un mot, il faut avoir une grande propreté, une « religieuse
propreté », mais il faut qu'elle passe inaperçue comme les
moyens qui permettent de l'obtenir. Le crachoir ne doit être
vu qu'au moment de l'employer. La même règle s'applique aux
crachoirs de poche, aux petits crachoirs de « Kur », et aux
grands crachoirs fixes.
Fier. °7
Crachoir de Dettweiler.
Fig-. (58. — Crachoir de KnopC
Crachoirs de poche de Dettweiler, de Knopf, de Petit,
de Vaqlier et de Liebe. — J'ai déjà décrit à la page \\ (Pro-
phylaxie individuelle) le crachoir de poche de Dettweiler, en
verre, et le mien, en aluminium, J'ai énuméré aussi les quel-
ques désavantages que me semble présenter le crachoir de
Dettweiler, désavantages que j'ai essayé de supprimer au
moyen de quelques modifications.
Un autre crachoir en aluminium est celui de Yaquier. Dans
une étude critique relative aux crachoirs (i), M. le Dr Ghuquet
(1) A. Chuquet. Les Crachoirs ; étude critique. Communication au 4° Congrès
pour la Tuberculose.
l02
HYGIENE 1)1 SANATORIUM
s'exprime sur le crachoir de Vaquier de la façon suivante : « Il
est léger, élégant, mais il est petit, ne s'ouvre que difficilement
d'une main et je crains que l'ébullition n'altère rapidement le
caoutchouc de la fermeture. »
Dans La Tuberculose infantile, j'ai lu aussi une bonne
description du crachoir du IV L.-H. Petit. Celui-ci semble
avoir un certain avantage sur le mien, car il a le fond plus
large et la fermeture moins compliquée. M. Chuquet dit que
Crachoi
île V'i
— Crachoir île Petit.
ce crachoir n'est pas entièrement étanche, mais on pourrait
facilement remédiera celle imperfection.
Un cinquième crachoir portatif est celui de M. le l)1' Liebe (de
Loslau, Allemagne), qui semble avoir un avantage spécial:
c'est d'être excessivement lion marche il ne coûte que
o fr. y5). Ce détail est très important, surtout dans les sana-
toria pour les pauvres et dans les dispensaires, où les cra-
choirs sont délivrés gratuitement. Mais, malheureusement, ce
crachoir est en verre, et peut ainsi devenir une source de
danger pour le porteur, au cas où il lui arriverait de le casser
dans sa poche. L'accident pourrait alors être suivi d'une ino-
culation tuberculeuse locale.
Je reproduis ici ces cinq crachoirs de poche, en vogue dans
les sanatoria d'Europe et d'Amérique.
Chaque malade doit être pourvu d'au moins deux crachoirs
TASSE-CRÂ CHOIR UÏGIESIQUE
3o3
de poche, afin qu'il en ait toujours un pendant que l'autre est à
la désinfection.
Crachoir de cure. — Le crachoir de « Kur », à main, sou-
vent en porcelaine, ressemble à une tasse à bouillon. Il n'a
pas plus de 8 centimètres de hauteur sur 7 centimètres de
Fig. 71. — Crachoir de Liebe.
Fig. 72. — Crachoir de cure.
largeur et doit être muni d'un couvercle et d'une anse. Plus
volumineux, il est trop lourd pour les malades affaiblis.
Encore y aurait-il avantage, à mon avis, à remplacer ce cra-
choir de porcelaine par un crachoir d'aluminium avec un
couvercle et un entonnoir démontable. Je donne aussi un dessin
de ce vaisseau (fig. 67).
Tasse-crachoir hygiénique. — Aux Etats-Unis on se sert
encore comme crachoir de cure du « Seabury and Johnson
Spitting Cup » (tasse-crachoir hygiénique).
Dans un cadre d'aluminium avec couvercle on place un papier
imperméable, plié de façon qu'il remplisse le cadre. La figure
ci-après indique la manière de monter ce récipient. Quand
le crachoir est plein, on enlève la tasse et on la jette au feu.
Une troisième variété est celle des crachoirs fixes, qui se
trouvent le plus souvent placés à terre.
Pendant mon voyage d'études, j'ai vu une variété infinie de
ces crachoirs fixes. Les inconvénients des crachoirs placés à
terre sont connus : le malade ne crache pas toujours dedans,
3o i
Ul'GIENE ùl SAXATORll M
mais souvent à côté; en outre, ces crachoirs n'ont presque
jamais de couvercle.
Crachoir élevé de ECwopf. — On me pardonnera si. au lieu
de signaler tous 1rs inconvénients «les crachoirs jusqu'ici en
usage, je décris simplement le modèle de crachoir qui me
semble le meilleur, celui que je désirerais voir dans un sana-
torium nom ellement construit.
I.e long des murs, dans les corridors, dans les salons et
autres lieux de réunion en commun, tous les dix mètres
Fig. -S. — Tasse-crachoir hygiénique.
o. Cadre d'aluminium; b. Carton imperméable.
se trouve une niche située à environ i'",io au-dessus du
parquet.
Celte niche a une profondeur suffisante pour contenir un
crachoir de 20 centimètres de hauteur et de i(i centimètres
de diamètre. Elle ressemble à un tiroir, A l'intérieur de la
porte se trouve attaché un anneau de 1er coudé, pour recevoir
le crachoir en porcelaine ou en verre de couleur bleue. Le
crachoir a une ouverture en entonnoir beaucoup plus large que
celle (pie l'on voit ordinairement. Quand la porte est fermée,
grâce à un système automatique, le crachoir est parfaitement
obturé. Ce système consiste en un petit cadre libre, sur lequel
est tendue une feuille de linoléum placée sous le plafond,
dans un deuxième cadre fixé au mur. Le cadre de linoléum esl
soulevé par le crachoir rentrant, ne laissant aucun espace
entre celui-ci et le plafond. Dans les galeries de commun:-
NETTOYAGE ET DÉSINFECTION DES CRACHOIRS
3o5
cation, de petites boites ayant la forme de niches et montées
sur un pied en bois peuvent remplacer les niches des cor-
ridors. On peut faire de même pour les crachoirs disséminés
dans les jardins.
/? ' , , ^y.
Fiff.
Crachoir élevé do Knopf et sa niohe.
Le crachoir de Proedohl en métal émaillé, déjà décrit à la
page 45, peut aussi servir avantageusement dans ce but.
Nettoyage et désinfection des crachoirs. — Tous les cra-
choirs, sauf ceux de poche, doivent contenir une solution sa-
vonneuse qui atténue l'aspect désagréable produit par une cer-
taine quantité de crachats dans un liquide tel que l'eau pure.
La recommandation de quelques auteurs, d'avoir dans tous
Knopf. Sanatoria. 20
loi,
UYGIEXE Dl SA.\.II()IUC'M
les crachoirs une solution phéniquée, esl assez, lionne en prin-
cipe, niais pas toujours facile à suivre, surtoul en ce qui con-
cerne le crachoir de poche. L'odeur de l'acide phénique esl
fatigante pour heaucoup de personnes; d'autre pari les ma-
lades n'aiment pas a attirer l'attention sur eux, même si l'odeur
de l'acide phénique ne leur esl pas désagréable.
I ne solution de bichlorure de mercure additionnée d'un
peu d'acide citrique esl, selon moi, préférable pour empê-
cher li' crachat de se dessécher, si Ion ne veut pas se servir de
I eau ordinaire ou du vinaigre de bois.
Tous les crachoirs doivent être nettoyés deux ou trois l'ois
par jour; il y en aura toujours deux séries, pour que les ma-
lades n'en soient jamais dépourvus. Le domestique chargé de
recueillir et de détruire les crachais doit être muni pendant
ces opérations de forts gants de caoutchouc, pour se protéger
contre toute inoculation possible.
Chiffons mouillés et mouchoirs japonais. — Pour les ma-
lades alités et trop faibles pour faire usage d'un crachoir quel-
conque, on devrait placer prés du lit des chiffons mouillés ou
du papier japonais (mouchoirs japonais). Ces objets doivent
être enlevés plusieurs fois par joui1 et jetés au feu. Dans le
sanatorium du IV Trudeau, à Saranac Lake, on se sert aussi
de papiers japonais comme mouchoirs ordinaires, et on les
brûle après usage.
Dans mon chapitre sur la Prophylaxie individuelle p. 4*'1-
j'ai déjà énuméré les précautions (pie les malades sont obli-
gés de prendre dans l'emploi des mouchoirs pour éviter la
dissémination des bacilles, ou une réinfection (tuberculose
nasale, etc.) ; je ne reviendrai donc pas sur ce sujet.
Destruction des crachats. — Malgré les nombreux pro-
cédés dernièrement vantés pour la destruction des crachats,
je crois qu'aucun n'est plus simple ni plus efficace que
celui (pie recommande notre maître, M. le professeur (iran-
cher (i).
(i) Gka>'chek. Maladies de l'appareil respiratoire, 1890, \> jS;.
DÉSINFECTION DU SERVICE DE TABLE, DES LINGES, ETC. ioj
Voici ses recommandations textuelles : « Les crachats des
tuberculeux doivent être reçus dans un crachoir humide, et
celui-ci plongé avec son contenu dans l'eau bouillante. Cela
sullit. Si l'on ajoute à cette eau un peu de carbonate de soude,
la température de l'ébullition atteint ioa° à io3° centigrades et
c'est mieux, car le crachoir est ainsi lessivé, et la désinfection
encore plus certaine ».
Depuis quelques années, M. le directeur de l'Assistance
publique de Paris a déjà l'ait installer plusieurs services de dé-
sinfection des crachoirs dans différents hôpitaux, d'après les
indications de M. le professeur Grancher.
La désinfection par le sublimé seul, même en solution forte,
est peu efficace, car il coagule l'albumine contenue dans les
sécrétions, produisant ainsi une véritable coque protectrice
autour des bacilles, au lieu de les détruire. Pour empêcher
cette coagulation, il faut employer le sublimé en combinaison
avec l'acide tartrique ou l'acide citrique. Une solution d'acide
phénique à 5 p. ioo est assez forte pour détruire les bacilles
de Koch dans les expectorations et dans les autres sécrétions
et excrétions (selles, salive, etc.). Mais il faut signaler, comme
excellent agent de désinfection des crachats tuberculeux, le
vinaigre de bois, qui semble même supérieur à l'acide phé-
nique.
Les cas de tuberculose intestinale demandent une désinfec-
tion des selles sur place.
Dksiïsfectios du servick de table, des liîsges, etc. — Le
service de table doit être changé et passé à l'eau après chaque
repas. Des raisons d'ordre économique pourraient empêcher
de le faire dans un sanatorinm. 11 serait donc utile de rempla-
cer les serviettes en toile par le papier japonais, qui peut être
brûlé après usage. On éviterait ainsi l'accumulation des germes
infectieux que la salive bacillifère dépose sans cesse sur la ser-
viette. Les cuillères, fourchettes, verres, etc., doivent égale-
ment être passés à l'eau bouillante après chaque emploi ou
stérilisés dans un appareil spécial (vapeur d'eau, chaleur sèche
ou vapeurs de formahléhyde).
Les linges de lit et les linges de corps devraient être
recueillis soigneusement, sans être secoués, et placés immé-
3o8 HYGIENE Dr SANATORIVM
diatement dans une solution antiseptique ou dans un appareil
stérilisateur.
DÉSINFECTION DES CHAMBRES PARIA VAPEUR DE FORMALDEHYDE.
— Quoique les règles relatives à l'emploi des crachoirs poul-
ies pensionnaires soient très strictes, la désinfection des
chambres- à des intervalles réguliers et après décès n'en est
pas moins une mesure cpie toute administration doit considé-
rer comme un devoir absolu.
.Nous avons sans aucun doute dans la vapeur de formaldé-
hyde un des meilleurs agents pour cette désinfection. La Nor-
mandie médicale du i ."> janvier 1897 contient un rapport très
intéressant, lu par M. le Dr C. Nicolle à la Société normande
d'Hygiène pratique dans sa séance du 9 janvier iS..>j- et portant
pour titre : « Désinfection des locaux par les vapeurs d'aldé-
hyde formique procédé de M. Trillat ».
Le Dr Nicolle donne d'abord une liste des cultures patholo-
giques en expérience :
Staphylocoque blanc;
Bacterium coli ;
Bacille diphtérique ;
Bacille de Friedlânder :
Pus d'ostéomyélite à staphylocoques;
Crachats tuberculeux, etc.
L'expérience faite au laboratoire de bactériologie a porté
sur un local d'une contenance île 21S ni'. 76.
L'autoclave, qui est à garniture intérieure d'argent <■[ muni
d'un tube de dégagement très long, d'un diamètre de 1 milli-
mètre environ, avait été rempli aux doy[\ tiers de la solution
de formochlorol mélange d'aldéhyde formique du commerce
et de chlorure de calcium', les écrous bien visses, la lampe
à pétrole allumée. En une demi-heure, la pression intérieure
était de trois atmosphères et la mise en marche pouvait avoir
lieu.
Le résultat île cette expérience a été le suivant : aucun des
microbes soumis au contact des vapeurs de formaldéhyde n'a
résisté, quelle qu'ait été sa situation dans le local. La stérili-
sation s'est montrée complète dès la première prise, c'est-à-
NETTOYAGE SANS BALAIS NI PLUMEAUX
3og
dire vingt minutes après l'arrêt de l'autoclave, soit une heure
et demie après le début du fonctionnement de celui-ci. Ce
point est des plus intéressants, car il démontre la rapidité de
ce procédé de désinfection.
Glycoformal. — D'après les expé-
riences de Walther et Schloss-
mann (i), le « glycoformal » est un
mélange de 4° P- I0° de formaldé-
hyde et de 10 p. 100 de glycérine,
auquel on fait traverser un appareil
rempli de vapeur d'eau. Ce « glyco-
formal » aurait l'avantage, sur la
méthode de Trillat, d'empêcher la
polymérisation de la formaldéhyde.
Je n'ai pas encore pu me procurer
l'appareil de Walther-Schlossmann
pour répéter leurs expériences et
contrôler les résultats annoncés.
Nettoyage sans balais ni plu-
meaux. — Avant de terminer ce cha-
pitre sur l'hygiène spéciale du sana-
torium, il n'est peut-être pas inutile
d'insister encore sur quelques dé-
tails importants au point de vue du
nettoyage des chambres des phti-
siques. Enlever, dans un sanatorium,
et surtout dans la chambre du ma-
lade ou en présence du malade, la
poussière de façon qu'elle puisse se
répandre et être ainsi inhalée, de-
vrait être considéré comme un acte
criminel. Balais et plumeaux doivent être bannis d'un sana-
torium pour phtisiques. On enlève toutes les poussières avec
un linge humide. Ce genre de nettoyage est facile à réaliser
avec le parquet en bois nu ou recouvert de linoléum. Le
Fig. 73. — Autoclave pour géné-
rer la vapeur de formaldéhyde.
(i) Walther et Schlossm.vxx. Berliner Iclinische Wochen.sch.rift, 20 juin ij
3io HYGIÈNE DC SANATORIUM
nettoyage, L'arrangemeni de la chambre, l'aération du lit. ont
lieu autant que possible pendant l'absence du malade-. Si
celui-ci est alité, ce travail doit se faire avec ménagement tant
au point de vue du bruit que des secousses. Il est bon que
tout sujet alité ait deux lits, placés côte à côte, pour qu'il puisse
être facilement transporté de l'un dans l'autre. On peut ainsi
donner aux lits du malade une bonne aération; c'est un grand
avantage, et qui ajoute beaucoup au confort du patient.
CHAPITRE XV
L'aérothérapie dans le traitement de la phtisie pulmonaire.
Rejios prolongé sur la chaise longue.
Dans notre chapitre sur l'Historique de la question, nous
avons longuement parlé de la valeur que les anciens théra-
peutes attribuaient à l'air pur comme facteur curatif de la
phtisie, et tous les maîtres de notre temps sont d'accord sur
cette question.
Dodieau, sous l'inspiration de Peter, présentait, le 21 no-
vembre 1889, une thèse sur l'aération continue dans les hôpi-
taux et concluait son travail par cette phrase significative :
« Puisque, à Paris et dans un hôpital où l'on ne dispose
que de moyens restreints, nous avons eu des résultats satis-
faisants, à plus forte raison pourrait-on en obtenir dans des
établissements spéciaux. »
Il existe de nombreux ouvrages et communications recom-
mandant la cure à l'air libre pour les phtisiques. Voici ses
défenseurs les plus ardents en France : Bouchard, Debove,
Graneher, Dieulafoy, Letulle, Constantin (Paul), Daremberg,
Oulmont, etc.; en Allemagne, ce sont: von Leyden, Gerhardl,
Pentzohl ; en Russie : Unterberger, Pavlowskoja ; en Amé-
rique : Flint, Loomis, Jacobi, A.Smith, Janevvay, Osier, Davis.
De nombreuses autres sommités médicales de tous les pays
voient aujourd'hui dans l'aérothérapie un des plus puissants
moyens de traitement de la phtisie pulmonaire.
Hermann Weber (de Londres), phtisio-thérapeute des plus
autorisés, s'exprime de la façon suivante (1) :
(1) Hermann Weber. Climatothérapie. Traduit par Doyon et Spillmann,
86, p. 266.
lia TH. I ITEMENT PAR L A ÊRO TllliRA PIF.
Nous devons songer que nous avons affaire à des surfaces
irritées, ulcérées, en voie de suppuration, qui sont très sen-
sibles à la moindre impureté de l'air et qui guérissent plus
Facilement dans un air pur et aussi aseptique que possible.
L'air prit est contraire aux associations microbiennes. —
On s'explique la disparition de la lièvre des tuberculeux,
après un court séjour dans un sanatorium situe dans une
atmosphère pure, par l'absence presque totale de streptocoques
et de staphylocoques.
Ces microorganismes sont très abondants dans l'atmosphère
des chambres de nos malades libres ; ils se trouvent presque
toujours associés dans les poumons des phtisiques, et c'esl
cette association microbienne qui est la cause de ces fièvres
hectiques si fréquentes chez les tuberculeux.
Une des premières conditions de l'aérothérapie doit être la
réglementation de l'usage de l'air : il faut habituer graduelle-
ment le malade à l'influence excitante d'un séjour prolongé à
l'air et à la lumière, surtout si le sujet vient de quitter la
chambre, en ville. Le h jour médical » doit donc être réglé
par le médecin, avec la même prudence que s'il s'agissait d'un
médicament puissant, mais dangereux lorsqu'il est ordonné au
delà de la dose thérapeutique.
L'aérothérapie pour les malades fiévreux. — D'après la
grande expérience de Dettweiler, le meilleur moyen d'habi-
tuer le malade à l'air est de l'y exposer étant couché.
Les patients affaiblis restent étendus dans leur lit, qui est
placé sur le balcon communiquant avec les chambres, jusqu'à
ce qu'ils aient repris des forces et qu'ils puissent descendre.
Quelques médecins dirigeant des sanatoria obligent tous les
malades fébricitants à rester au lit ; d'autres leur permettent
«le faire la cure sur la chaise longue, mais avec défense abso-
lut.' de se lever. Je crois qu'en règle générale il n'y a aucun
inconvénient, mais qu'il est plutôt avantageux de laisser
un phtisique modérément l'ébricitaut étendu sur sa chaise
longue à l'air libre, pendant un temps limité. Pouvons-nous
permettre à nos malades de faire leur cure sur la chaise
longue, l'été et l'hiver, qu'il fasse beau ou mauvais temps.
JOCR MÉDICAL 3i3
qu'il neige ou qu'il pleuve, qu'il fasse du venl ou que l'air soit
calme ? D'une manière générale, nous répondons : « Oui, tous
les temps sont bons pour la cure à l'air libre sur la chaise
longue, et peut-être ne faut-il faire exception que pour les
vents trop forts ou trop froids. >>
Cette restriction faite, il n'y a guère de temps qui ne permette
à la majorité des malades de faire leur cure. C'est un des plus
grands mérites de Dettwciler, et de ses élèves Meissen et
Blumenfeld (i), d'avoir démontré que les conditions météo-
rologiques, avec leur diversité dans nos zones tempérées,
sont presque sans influence sur la marche de la phtisie pul-
monaire, et que la cure à l'air libre dans les établissements
fermés — ou ailleurs, si le malade peut être constamment sur-
veillé par le médecin — est possible pendant toute l'année.
« Jour médical » et accoutumance aux variations de la tem-
pérature. — Combien de temps faut-il laisser le malade à
l'air? Toujours, même la nuit.
Et son « jour médical », c'est-à-dire son séjour à l'air libre ?
Celui-ci est « dosé », comme nous le disions plus haut, par le
médecin. Mais l'accoutumance à laquelle on peut arriver par
un dosage judicieux est vraiment étonnante.
Voici l'expérience de Dettweiler :
« Malgré la pluie, les brouillards, les vents et la neige, mal-
gré un froid dépassant parfois — 120, très souvent sans soleil,
les malades ont des « jours médicaux » de 7 à 10 heures,
quelques-uns même de 1 1 heures. »
M. Andvord (de Tonsaasen, Norvège) nous écrit qu'il a pro-
longé le « jour médical » jusqu'à 5, 7 et même 9 heures, par
une température de a50 centigrades au-dessous de zéro.
C'est à cette cure permanente à l'air pur (Dauerluftkur) ,
que l'on doit attribuer les bonnes statistiques des sanatoria
qui ont adopté cette méthode.
Où doit se faire cette cure sur les chaises longues (Liege-
Jcur des Allemands)? Surtout sous la grande véranda exposée
(1) Blumenfeld. De linlluence des phénomènes météorologiques sur le cours
de la Phtisie pulmonaire bacillaire. Wurtzbourg, 1892. Traduit par Beaulavon
in Revue de la Tuberculose, déc. 1894.
il i TRAITEMENT PAR L'AEROTUERAPIE
au sud ou au sud-ouest, spécialement construite pour cela.
Chaque patient a sa chaise longue à lui, sa petite table, ou de
plus, comme au Canigou, son petit pupitre. Au mur sont accro-
chées des lampes pour que le malade puisse lire, s'il prolonge
la cure dans la soirée. Un infirmier veille constamment pour
pouvoir répondre aux sonnettes électriques qui se trouvent à
côté de chaque chaise longue.
Protection i>e la tète contre le soleil. — La petite véranda
communiquant avec les chambres à coucher, dont nous avons
déjà parlé dans la description de notre sanatorium idéal, peut
également servir pour placer les chaises longues en cas de
nécessité. De plus, les pavillons tournants peuvent être uti-
lisés pour la cure à l'air. .Mais, si les rayons i\u soleil tom-
bent directement sur les vérandas et que leur profondeur ne
sullise pas à garantir les malades, ceux-ci doivent se protéger
en laissant tomber les rideaux devant les galeries, ou en allant
se reposer dans les petits salons situes derrière ces galeries.
Ils peuvent encore se rendre dans le pavillon de récréation.
qui est construit de façon à abriter les malades contre le
vent ou contre le soleil, sans qu'ils perdent le bénéfice de
l'air libre.
Pour ci' qui est d'exposer aux rayons directs du soleil les
malades au repos, nous sommes absolument de l'avis de
M. Sabourin, qui voit là des conditions capables d'entretenir
la fièvre et même de la provoquer chez ceux qui ne Font pas,
sans compter les autres accidents imputables aux rayons
solaires.
DANGER DE LA POSITION DEMI-ASSISE TIK>1> PROLONGEE.
D'après les recommandations de Dettweiler, les malades res-
tent demi-assis avec les jambes allongées. Ici le célèbre pro-
moteur de cette excellente méthode me pardonnera si je me
permets d'avancer qu'il me semble utile de faire alterner de
temps en temps le repos soit avec un peu d'exercice simple
promenade, exercice respiratoire), soit avec le décubitus dor-
sal ou la position couchée sur l'un ou l'autre cote du corps.
Plusieurs raisons me font insister pour que la cure de repos.
c'est-à-dire la position demi-assise, le dos restant appuyé
contre le dossier à une inclinaison de 45 degrés, ne soit pas
LIT DE CAMP DU D' WEICKER 3i 5
trop prolongée. D'abord il y a danger évident d'une hypostase
des poumons, ce qui s'observe fréquemment dans les cas où les
malades font durer la cure de repos trop longtemps et sans
interruption. Ensuite le contact prolongé du dos avec le dossier
rembourré produit une température locale plus élevée, et une
tendance à s'enrhumer plus facilement. Les sujets qui suivaient
ce traitement me disaient souvent que, dès qu'ils quittaient
leur chaise lono-ue, ils avaient froid dans le dos. Je recommande
donc que la cure de repos soit interrompue toutes les demi-
heures, soit par une courte promenade, soit par des exercices
respiratoires sur lesquels j'insisterai plus loin, soit par le chan-
gement de position selon la condition et la force du malade.
Construction d'une chaise longue. — Comment doit être
construite une chaise longue, destinée à servir au repos pro-
longé ? Les matériaux importent peu ; Dettweiler recom-
mande la canne de bambou. La forme est la même dans pres-
que tous les sanatoria : dossier fixe à inclinaison de 4->° '• Ho-
henhonnef possède un modèle avec dossier dont on peut faire
varier l'inclinaison.
A mon avis, les chaises longues pour la véranda doivent
être construites de façon que le malade puisse lui-même, ou
avec l'aide d'un infirmier, passer de la position assise au décu-
bitus dorsal.
Le siège doit former une légère courbe afin que les jambes
reposent commodément et que le corps ne glisse pas. Deux
bras soutiennent les coudes du malade. J'ai dessiné dans le
coin de la véranda de mon sanatorium idéal une chaise-longue
avec un matelas qui doit toujours être placé sur le siège pour
que le malade puisse supporter plus facilement la cure de repos.
Nous venons de dire que cette cure d'air sur la chaise-
longue doit se faire surtout sous la grande véranda exposée au
Sud ou au Sud-Ouest; mais il n'y a aucun inconvénient (c'est
même un avantage s'ils ne sont pas trop faibles) à ce que les
malades effectuent en temps agréable leur cure de repos dans
le parc ou le bois voisin du sanatorium.
Lit de camp du Dr Weicker. — Pour cette cure de repos en-
tièrement à l'air, libre, le lit de camp imaginé par le D1 Weic-
ii6 TRAITEMENT l'Ail L'AÊROTUÉRAPIE
ker, peu coûteux et facile à transporter et à manipuler, est à
recommander. C'est un lit constitué par vin cadre en fer, pou-
vant se plier eu trois et supporté par quatre pieds. Sur ce
cadre est tendue une simple toile; si l'on veut transformer le
lit en chaise longue, il sut lit de relever plus ou moins une des
extrémités qui vient former dossier.
Les malades reposant sur les chaises ou sur les lits de camp
doivent être toujours confortablement enveloppés. C'est un
des devoirs les plus importants de l'infirmier de garde de veiller
à ce que le malades ne se découvrent pas pendant le sommeil.
Des boules d'eau chaude, placées aux pieds, peuvent être em-
ployées en hiver. Mais le nombre même des couvertures doit
être réglé, et les malades doivent être protégés autant contre
les causes qui les font transpirer ou les rendent susceptibles
aux changements de température, que contre les refroidisse-
ments brusques et les rhumes intercurrents.
Le malade doit être étendu sur une chaise longue dans une
position qui facilite une résolution musculaire aussi complète
cpie possible, de façon à épargner toute dépense de force. Ce
repos à l'air pur et frais peut être réglé par le médecin de
manière à constituer presque un repos absolu, et à devenir
ainsi l'adjuvant le plus précieux dans le traitement de la
fièvre.
Aération des chambres de malades.
Ventilation; aérothérapie pendant la nuit. — La cure d'air
du phtisique doit être continuée sans interruption jour et nuit.
Dans notre description du sanatorium idéal, nous avons parlé
de la bonne ventilation de tous les appartements où logent
les phtisiques ; il n'est donc guère nécessaire d'insister de
nouveau ici sur le fait que les fenêtres des chambres de tuber-
culeux doivent rester ouvertes ou entr'ouvertes toute la nuit
en n'importe quelle saison. S'il y avait trop d'air, il serait bon
d'entourer le lit d'un paravent.
Quand il fait froid, il est nécessaire de chauffer la chambre,
pour que la température ne descende jamais au-dessous de
-f- io° C. L'aération continue n'empêche nullement le chauffage
de la chambre.
EXERCICES RESPIRATOIRES 3i 7
Exercices respiratoii'es.
Quelques phtisio-thérapeutes n'attachent aucune importance
à cette partie du traitement, d'autres peu, et quelques-uns
beaucoup. Je me rallie volontairement à l'opinion des maîtres
et praticiens qui considèrent les exercices respiratoires comme
une chose particulièrement importante dans le traitement géné-
ral d'un phtisique. Ces exercices sont indiqués dans presque
tous les cas. Nombreuses sont les recommandations, les moyens
et les appareils pour apprendre à un tuberculeux à respirer, mais
tous ont le même but : i° augmenter le champ de l'hématose ;
20 développer les muscles respiratoires ; 3° dissoudre les
mucosités accumulées dans les voies respiratoires superficielles
et profondes ; 4° faciliter l'expectoration et diminuer ainsi les
sensations dvspnéiques.
J'ai essayé, sur quelques malades et sur moi-même, les
méthodes et les appareils habituellement employés, mais j'en
suis revenu à ce qui est le plus simple, c'est-à-dire à la sup-
pression de tout appareil.
Dans notre chapitre sur le « Traitement préventif de la phtisie
pulmonaire », nous avons décrit un exercice respiratoire que
je recommande aux prédisposés, aux anémiques, à tous les
enfants et adultes dont la respiration est défectueuse, et aussi
aux phtisiques ; mais, pour ces derniers, avec les gradations ou
les modifications que leur cas comporte et dont nous allons
parler à présent.
Exercice I (pour malades alités). — Tout d'abord, et surtout
si le malade n'a jamais fait d'exercices respiratoires, ou s'il
est alité, on procède de la façon suivante : l'infirmier place un
petit oreiller ou coussin sous le dos, de façon à réaliser la
« position de Sylvester » ; cette position est la même qui est
employée pour faciliter la respiration artilicielle chez les
asphyxiés et les noyés.
Le malade étant préalablement avisé qu'il doit toujours res-
pirer par le nez, prend une forte inspiration de bas en haut,
retient l'air pendant quelques instants, puis il fait une expira-
tion, suivie immédiatement d'un second effort expiratoire.
ii8
TRAITEMENT l'Ali L'AEROTHERAPIE
Ce deuxième effort expiratoire est eflicacemenl aidé par la
supination des bras en les pressant contre le thorax. Sur la
valeur de ce deuxième effort expiratoire, au moyen duquel
une plus grande quantité d'air de réserve se trouve expulsée,
laissant de la place pour la rentrée d'un volume plus grand d'air
Irais, nous nous sommes longuement expliqué plus haut; nous
cX*
Fig. jli. — Exercices respiratoires III et IV.
n'y insisterons donc pas ici. L'inspiration protonde de lias en
haut, recommandée aussi par M. Sabourin, a pour but d'am-
plifier d'abord les régions inférieure et moyenne de la poitrine
pour ne dilater et élever la partie supérieure qu'à la fin de
l'inspiration.
Exercice II. — Connue deuxième exercice, j'apprends à mes
malades à faire, dans la position assise ou debout, les mouve-
ments respiratoires que voici : pendant l'inspiration le malade
exécute une rotation de l'articulation scapulo-humérale en
arrière; il garde l'air pendant quelque temps dans cette position.
EXERCICES RESPIRA T01RES
jig
avant la poitrine bien projetée en avant, puis l'ait son expiration
pendant la rotation en avant, suivie également de l'expulsion
forcée. Cet exercice est le même que nous avons conseillé,
dans le traitement préventif, aux prédisposés qui veulent éviter
que les mouvements des bras n'attirent l'attention sur eux.
Exercice III. — Le troisième exercice est le suivant : debout,
la bouche restant fermée, on fait une inspiration lente, en
Fig. 77 et 78. — Exercices respiratoires A* et VI.
soulevant lentement les bras et les écartant jusqu'à l'horizon-
tale; on garde l'air pendant quelques instants; l'expiration se
fait un peu plus rapidement pendant l'abaissement des bras.
Exercice IV. — Le quatrième exercice diffère du précédent
seulement en ce qu'on élève les bras au-dessus de la tète
jusqu'à ce qu'ils se rencontrent ; l'expiration et l'abaissement
des bras se font de la même façon.
Exercice Y. — Le cinquième exercice est celui que j'ai déjà
3ao TRAITEMENT PAR L'AEROTUERAPIE
décrit (p. 120) dans le chapitre du « Traitement préventif ». 11
est à recommander aussi aux phtisiques en voie de guérison.
Exercice VI. — Pour l'explication du sixième exercice iles-
liné à corriger l'attitude courbée que l'on rencontre souvent
à un degré encore plus prononcé chez les tuberculeux que
chez les jeunes gens seulement prédisposés, nous renvoyons
aussi nos lecteurs à la description de cet exercice (voy. p. 121).
Règle générale. — Comme nous l'avons déjà écrit à propos
des << prédisposés », les exercices respiratoires devraient tou-
jours avoir lieu à l'air libre, ou au moins devant une fenêtre
ouverte ; mais pour un phtisique en traitement il y a une autre
r.ègle importante à suivre: ne jamais faire les exercices respi-
ratoires en état de fatigue, ni jamais jusqu'à ce que le sujet
soit fatigué. Le médecin doit prescrire les exercices respira-
toires et surveiller leurs effets comme il ordonne des médica-
ments et note leur action. La même surveillance médicale est
nécessaire pour les promenades. Les exercices respiratoires
se font, par exemple, au nombre de 6 à () tous les 200 pas. Sur
les chaises longues le malade peut exécuter le même nombre
d'exercices toutes les dix minutes (exercice II) et se lever toutes
les demi-heures pour en faire quelques-uns debout (exer-
cices III, IV ou V).
Exercices respiratoires dans la symphyse pleurale. —
Chez les tuberculeux ayant des adhérences pleurales, et sur-
tout quand la symphyse pleurale est étendue, ces exercices et
les ascensions graduées, prudemment dirigées et faites régu-
lièrement, ont une très grande valeur. Les adhérences se déta-
chent peu à peu, mais il est vrai que ce n'est pas sans douleur.
Le médecin ne négligera pas d'expliquer au malade d'où
lui viennent ces douleurs : c'est là le plus sur et le meilleur
calmant.
Peu à peu, l'habitude d'exécuter les exercices respiratoires
deviendra une nécessité pour beaucoup de malades, et les
efforts de toux disparaîtront.
Souvent on peut voir que les exercices respiratoires pro-
curent au malade non seulement un soulagement, mais un
véritable plaisir.
PROMENADES GRADUÉES 3?.I
Promenades graduées.
Les promenades graduées, l'exercice modéré se font toujours
à l'air libre, sauf par les temps qui ne le permettent pas sans
risque pour les malades. Ici encore je me permets de dire
que la combinaison des deux systèmes, européen et américain,
adoptée dans mon sanatorium idéal, offre le très grand avan-
tage suivant. Les longues galeries de 3o mètres, réunissant
les pavillons entre eux, sont un endroit très commode que l'on
peut chauffer, où les malades ont assez d'espace pour effectuer
leur cure lorsqu'il fait mauvais temps.
Les allées graduées, dans le jardin ou dans le parc, doivent
être tracées de façon à offrir une pente variant de i mètre
pour ioo mètres à i mètre pour 20 mètres. Autrefois, au
temps de Brehmer, on attachait beaucoup plus d'importance
aux exercices à l'air libre, surtout dans une atmosphère raré-
fiée qui, d'après lui, avait le pouvoir de renforcer « le petit
cœur » des phtisiques.
La cure par le repos (de Dettweiler) a été une heureuse mo-
dification de la thérapeutique; néanmoins aujourd'hui encore
ces promenades progressives sont un adjuvant précieux et
important dans le traitement de la phtisie.
Précautions a prendre. — Voici, à mon avis, les principes
qu'il convient d'appliquer dans le règlement des promenades :
D'une manière générale, ne jamais marcher jusqu'à la
fatigue; aller toujours à pas lents, avec des arrêts fréquents,
sans s'asseoir ; ne jamais marcher s'il y a de la fièvre.
Pendant la belle saison, les malades peuvent se reposer
sur les bancs placés dans les jardins ou dans le parc ; s'il fait
mauvais temps, surtout s'il fait humide, les promenades doivent
être abrégées, de façon que les malades puissent rentrer au
sanatorium sans être fatigués.
Quand le sujet est en état de faire une ascension d'une
plus longue durée, ou une véritable excursion, il est bon de
commencer en choisissant les chemins qui vont du sanatorium
vers les endroits d'une altitude plus élevée. Lorsqu'il se sent
fatigué il se repose un peu, et rentre au sanatorium en des-
Kxopf. Sanatoria. 21
îaa TRAITEMENT l'Ait VAEROTBERAPIE
cendant <'t sans fatigue. Ainsi on évite le surmenage du cœur
et ses conséquences fâcheuses.
« Pendant les promenades, les phtisiques ont soin de tou-
jours emporter, — et la recommandation est plus stricte en
été qu'en hiver, — un manteau de laine léger (macfarlane,
plaid, etc.), facile à porter sur le bras et à endosser (i). Le
malade devra s'en couvrir toutes les l'ois qu'il s'arrêtera sur
un banc pour se reposer ; il devra, au contraire, être assez
légèrement vêtu pendant la marche, pour éviter la sueur. »
(Beaulavon.)
De petits kiosques ou pavillons mobiles placés de distance
en distance sur le chemin à parcourir sont parfois très utiles,
en offrant en cas d'orage, ou si un temps d'arrêt devient néces-
saire, un abri où le malade peut se reposer.
Traitement dans le cas ou le malade revient en transpira-
tion. — 11 y a défense absolue île se reposer ou de s'asseoir
en chemin si le temps est humide ou froid.
Le malade doit toujours veiller sur lui-même pendant les
promenades; il doit apprendre a ne pas marcher jusqu'à la
fatigue, et la moindre sensation de dyspnée ou de palpitations
cardiaques doit lui enseigner où il devra s'arrêter la pro-
chaine fois. Ces ascensions réglées, ces promenades graduel-
lement prolongées servent autant au développement du tonus
cardiaque qu'elles sont bienfaisantes par leurs effets sur les
fonctions respiratoires. Si, malgré ces instructions précises, le
malade s'aperçoit qu'il transpire, il doit se hâter de rentrerai!
sanatorium, se mettre au lit, sonner l'infirmier, qui lui fera une
bonne friction à sec, autant que possible sans le découvrir; il
recevra une boisson chaude avec une quantité de cognac
déterminée et attendra l'arrivée du médecin.
Celui-ci ne lui laissera pas quitter le lit tant (pie tout danger
de refroidissement ne sera pas écarté ; car il ne faut pas ou-
blier que personne n'est plus exposé aux catarrhes naso-
pharyngiens ou laryngiens (pie les phtisiques, et, comme le
disait Detlweiler, « tous les catarrhes des voies respiratoires
(i) Je recommande une simple petite pèlerine-waterproof. Un tel vêtement
est à la lois léger et imperméable
C A BISET PNEUMATIQUE 3 2 3
supérieures ont chez les phtisiques une tendance toute par-
ticulière à s'enfoncer dans les voies profondes ».
Exercices pour les tuberculeux fiévreux. — La tempéra-
ture d'un phtisique est le guide du médecin pour ordonner la
distance et la durée des promenades. Dareinberg donne des
indications précises à ce sujet lorsqu'il dit : « Quand un tuber-
culeux n'a pas de fièvre, il peut fort bien marcher une heure
le matin et deux heures l'après-midi. Mais s'il a de la fièvre le
soir, il devra faire la cure d'air au repos, sur la chaise longue,
depuis le déjeuner jusqu'au coucher du soleil. Le matin il
pourra faire une promenade d'une demi-heure, selon l'état de
ses forces ; le phtisique doit toujours se reposer avant qu'il
sente la fatigue. Si après une promenade matinale il constate
que sa température a été plus forte dans l'après-midi, le
lendemain il fera la cure au repos pendant toute la jour-
née. Le phtisique ne doit jamais marcher pendant les deux
ou trois heures qui précèdent le moment de la fièvre vespé-
rale.
Les tuberculeux, même ceux qui ont les apparences de la
guérison, ne doivent pas se fatiguer. S'ils marchent quatre ou
cinq heures par jour, s'ils font de grandes excursions, ils
éprouvent des rechutes, des hémoptysies, des congestions
broncho-pulmonaires quelquefois mortelles (i) ».
Notre expérience relative aux tuberculeux fébricitants con-
corde avec celle de cet éminent phtisio-thérapeule. Il nous est
arrivé assez souvent de pouvoir combattre des élévations de
température considérables soit par le repos absolu, soit par
un meilleur ménagement des forces de nos malades.
Cabinet pneumatique.
Cet appareil, encore relativement peu connu et peu employé
en Europe, a trouvé en Amérique beaucoup de défenseurs,
et la littérature est assez vaste à ce sujet. Hougliton (2),
(1) Dark.miîekg, Loc. cit.
(■1) A. -F. Houghton. Journal ofthe American Med. Association, i885, 7 nov.
ta4 III Al TEME.X f l'A R L AÉHO TUERA PIE
Jensen (i), Williams {■>.), Bowditch (3), Fox (4), Platt (5), Ket-
chum (6), Westbrook (7), Hudson (8), Quimby (9), ont décrit
cet appareil, ses divers modes d'emploi et les effets qu'il pro-
duit.
Description du cabinet. — ■ Comme le montre la gravure
que je joins à ma description, le cabinet pneumatique ressem-
ble à un coffre-fort d'une hauteur de im,66, d'une largeur de
(S.") centimètres, d'une profondeur de ;."> centimètres et assez
spacieux pour qu'un homme puisse s'asseoir commodément à
l'intérieur. A la partie antérieure est enchâssé un grand car-
reau de verre par lequel l'opérateur peut surveiller le malade.
Au milieu de ce carreau se trouve une ouverture avec un robinet
par lequel l'entrée de l'air extérieur est réglée. La porte, gar-
nie de caoutchouc, ferme hermétiquement. Par un système de
levier, île soufflet et de soupape, on peut produire l'air com-
primé ou l'air raréfié. Le levier par lequel l'opérateur obtient
le degré de raréfaction ou de compression désiré, est placé
sur le coté droit du cabinet. Le malade, assis sur un petit
tabouret, respire à l'aide d'un tube en communication avec le
robinet du carreau. Le degré de raréfaction ou de compression
de l'air qui se trouve à l'intérieur du cabinet est indiqué par
un manomètre dont l'échelle se trouve prés du carreau. A
(1) Jensen. Journal of tke American Met! . Association, i8S">, 7 nov.
(a) H. -F. Williams. Anliseptic treatment of pulmonary diseases by means
of pneumatic difTerentiation. Med. Record, 1 885 , 17 janv. — Pneumatic
difTerentiation, New York Med. Journal, 188), 16 juillet.
(3)V.-Y. Bowditch. Boston Médical and Surgical Journal. i88~>. 16 juillet.
— Journal of tlie American Med. Association, 188Î. i'r août.
(4) A. Fox. A report ot 6y cases of lung disease treated with tlie pneu-
matic cabinet. New York Med. Journal, 1886. if> juin.
(5) I.-1I. Platt. On tlie pratical application ol the pneumatic cabinet, Ne»
York Med. Journal, 188G, 26 juin.
(6) J. Ketchum. The physics of pneumatic difTerentiation. New York Med
Record, 1886, 9 janv.
(7) B.-F. Westbrook. Pneumatic difTerentiation. New York Med. Journal,
1886, 26 janv.
(8) E.-D. Hudson. Présent status of tlie pneumatic treatment of respiratory
diseases. Med. Record, 1886, 9 janv.
(9) C.-E. Quimby. The pneumatic cabinet in tlie treatment ol pulmonary
Phtisis. Intern. Med. Magazine, 1895, janv.
CABINET PNEUMATIQUE
3*5
côté de ce dernier on voit un deuxième robinet qu'on ouvre
pour rendre la pression atmosphérique intérieure égale à la
pression atmosphérique extérieure, condition nécessaire pour
pouvoir ouvrir la porte.
Si Ton place un malade à l'intérieur et que l'on ferme la porto,
le malade respirant par le tube en communication avec l'air
Fig. 7<). — Cabinet pneumatique.
extérieur, on peut, par des mouvements du levier, raréfier
l'air dans le cabinet, de façon que le manomètre accuse une
différence de a centimètres et demi dans la colonne de mer-
cure, représentant ainsi une réduction de la pression atmos-
phérique d'environ 200 grammes par centimètre carré de la
surface du corps du malade.
ii& TRAITEMENT l'Ait L'ÂÊROTIIÉRÀPIE
RÉSULTATS lit TRAITEMENT. Quels résultats 1 1 btient-oll cil
soumettant un tuberculeux pulmonaire à des séances répétées
du cabinet pneumatique? Tous les médecins sont d'accord en
ce qui concerne lu facilitation de la respiration, l'augmentation
de l'hématose, le développement des muscles pectoraux, la
diminution de la tendance aux congestions par uni' action
analogue à celle des ventouses sèches. Mais il v a des effets
secondaires qui ont néanmoins uwi- importance assez grande
pour retenir l'attention, si l'on veut analyser les etï'ets de cette
méthode pneu niato-thérapi que.
Quimby i), qui est peut-être en Amérique le médecin ayant
la plus grande expérience de ce cabinet, nous a donné un
résumé intéressant sur les effets thérapeutiques de cet appa-
reil. Depuis, je l'ai employé moi-même, avec une modification
sur laquelle je reviendrai plus lard ; je ne peux (pic confir-
mer les conclusions de Quimby, et je me fais un plaisir de les
reproduire ici. Il a divisé les effets en destructifs et conslr actifs;
voici le tableau de ses observations, auxquelles nous conser-
vons autant que possible la forme qu'elles ont dans le texte
anglais :
EFFETS IM TRAITEMENT PAR LE CABINET PNEUMATIQUE
AU POINT DE VUE DES AGENTS DESTRUCTIFS
DANS LA PHTISIE PULMONAIRE
A. — Effets spécifiques,
i. N'a pas d'effets directs i. Sur le bacille de ta tuberculose.
■i . Élimine par absorption rapide. . 2. Les toxines produites.
1 B. — Effets locaux et mécaniques.
'■ 1 i. Diminue i . La compression vasculaire et des
tissus, venant des
i a. Par absorption des .... a. Exsudats inflammatoires;
/;. Par élimination des .... h. Produits nécrotiques.
| f 4. Détache et élimine \. Les obstructions alvéolaires et
tuberculeuses qui produisent:
n. I C ii rouvrant a. Les alvéoles atélectasiqucs ;
/■. En soulageant h Les irritations locales des
tissus:
(il C.-E. Quimby. Loc. cit.
CABINET PNEUMATIQUE 327
c. En rétablissant c. L'oxygénation défectueuse ;
d. En diminuant d. La décomposition septique,'
e. En prévenant e. L'infection du système ;
f. En réduisant au minimum . /'. La fièvre septique.
5. Distend et absorbe 5. Les tissus fibreux qui gênent :
» a. La respiration. ) ,
En rétablissant > /,. La circulation. ) 0x^natlon-
C. — Effets systématiques.
6. Diminue et retarde 6. La nutrition défectueuse du sys-
tème provenant de :
a. En éliminant (t. L'obstruction de la respira-
tion ;
/;. En accélérant //. La circulation affaiblie.
EFFETS DU TRAITEMENT PAR LE CABINET PNEUMATIQUE
AU POINT DE VUE DE LA FORCE COXSTRUCTIVE
DANS LA PHTISIE PULMONAIRE
A. — Effets spécifiques.
i. Augmente la nutrition de .... i . La granulation tuberculeuse.
■i. Rend dynamique i . La valeur potentielle de la
toxine (?).
B. — Effets locaux.
3. Favorise et modère 3. L inflammation productive dé-
pendant de :
a. En augmentant traumatique-
ment a. L irritation locale;
b. En éliminant l'obstruction à. h. La circulation libre ;
c. En augmentant c. La nutrition vasculaire :
d. En augmentant d. L'absorption lymphatique ;
4. Stimule 4- La vitalité du tissu local de :
a. En augmentant a. La circulation;
b. En rétablissant normale-
ment b. L'état anatomique.
C. — Effets systématiques.
5. Stimule 5. L'activité ganglionnaire générale
provenant de :
a. Eu améliorant ...... a. La circulation;
b. En doublant b. La capacité respiratoire.
Modification du traitement par l'auteur. — Il n'y a donc
pas le moindre doute que le cabinet pneumatique puisse rendre
de grands services dans le traitement de la tuberculose pul-
monaire. Quand j'ai commencé à employer le cabinet au service
extérieur (Dispensary Service) du New York Throat anclNose.
3i8 TRAITEMENT PAR V AÈR0TUÈRAP1E
Hospital (département pulmonaire), j'ai suivi l'exemple de mes
prédécesseurs dans ce service. Hommes et femmes étaient pla-
cés dans le cabinet entièrement vêtus, les femmes avec leur
corset serré et souvent leur jaquette par-dessus. On faisait
respirer au malade l'air extérieur, ou plutôt l'air de la salle
de consultation, par un tube, comme nous l'avons décrit plus
haut. Le sujet respirait l'air en mettant le tube en caoutchouc
dans sa bouche.
Tout en appréciant la valeur du cabinet, je ne tardai pas à
nie convaincre que les bons effets de cette pneumato-thérapie
pourraient être augmentés au moyen de quelques modifi-
cations.
J'insistai d'abord pour que le cabinet fût placé devant la
fenêtre, que j'ai l'habitude de faire ouvrir pendant la séance
afin que le malade puisse inspirer le meilleur air possible.
Ensuite je voulus que le malade, avant d'entrer dans le cabinet,
fût suffisamment déshabillé pour que l'air raréfié fût en con-
tact direct avec la surface cutanée du thorax, et pour qu'il n'y
eût pas la moindre gêne à la respiration profonde, par les
corsets, jupes ou pantalons serrés autour de l'abdomen.
De cette manière, le cabinet pneumatique produit le même
effet qu'une application de ventouses. En outre, il est bon
aussi pour la peau de pouvoir perspirer librement, et l'expo-
sition de la surlace cutanée du thorax à l'air rend l'appareil
respiratoire moins sensible au refroidissement. L'habitude de
faire respirer le malade par la bouche dans le cabinet, même
pour peu de temps (5 à 10 minutes), me semble mauvaise.
Quand il fait froid, le sujet respire par la bouche l'air d'une
salle surchauffée, ou si par hasard on ouvre la fenêtre, il
respire une grande quantité d'air glacé qui entre avec force
dans ses poumons, sans être préalablement chauffé en passant
par le nez. De plus, les individus atteints de tuberculose pul-
monaire respirent généralement assez mal sans qu'on leur
fournisse l'occasion de respirer entièrement par la bouche. On
doit toujours insister sur la respiration par le nez en traitant
ce genre de malades. Nous verrons plus loin quels bons effets
l'emploi du cabinet peut produire chez des personnes atteintes
de tuberculose laryngée, à condition que l'inspiration ait lieu
parle nez. Pour rendre cette méthode applicable, j'ai l'ait cons-
CABINET PNEUMATIQUE 3-io,
traire un masque pour le nez, dont je donne ci-joint une gra-
vure. Ce masque, qui est en caoutchouc, couvre entièrement
le nez, et à sa partie antérieure vient se terminer le tube com-
muniquant avec l'air extérieur. La partie postérieure est munie
d'un bord pouvant se plier de façon à s'adapter étroitement au
Fig. 80. — Masque pour le nez et tube du cabinet pneumatique.
pourtour du nez. Le masque est fixé par une bande élastique
autour de la tète, ou maintenu par les doigts du malade. Ainsi
la respiration par le nez se trouve assurée.
Depuis l'emploi du cabinet avec ces diverses modifications,
j'ai pu, dans un grand nombre de cas et pendant une durée
de plusieurs mois, me rendre compte que la valeur de ce mode
de pneumato-thérapie est véritablement augmentée.
A l'exception des tuberculeux très affaiblis ou très fébrici-
tants, le traitement par le cabinet pneumatique convient à
tous les poitrinaires . Les malades atteints d'hémoptysies
chroniques bénéficient particulièrement de celte pneumato-
thérapie. Il y a, néanmoins, quelques conditions à remplir
avant de soumettre un sujet au traitement du cabinet. Il faut
d'abord s'assurer que le malade peut respirer normalement
par le nez. Toutes les obstructions locales, déviations du septum
ou des cornets, polypes, etc., devraient être supprimées, et les
déterminations catarrhales, aiguës ou chroniques, promptement
traitées. Ensuite j'enseigne à mes malades les exercices respi-
ratoires déjà décrits ; et c'est seulement lorsqu'ils savent res-
pirer normalement par le nez que je commence les séances
dans le cabinet. Je ne fais pas faire dans cet appareil un deuxième
effort expiratoire, mais je dis à mes malades d'employer
autant de force que possible dans l'acte expiratoire. L'air
extérieur étant plus dense que celui qui entoure le patient,
cet exercice devient, pour ce dernier, une véritable gymnas-
tique pulmonaire.
; to TRAITEMENT l'Ait V AÈROTUÊRAPIE
Durée des séances. — La séance ne doit durer au commen-
cement que trois minutes au plus, et il ne faut pas la prolonger
au delà de dix minutes. Il est hou d'avoir un point d'appui où
les malades puissent reposer leurs coudes, surtout s'ils tien-
nent le masque avec la main. Quelquefois le sujet transpire
un peu dans le cabinet ; je fais toujours fermer la fenêtre,
surtout en temps froid, avant que le malade sorte de l'appareil.
II met aussi autour de sa poitrine nue un châle qu'il ôte dés
que la porte di\ cabinet est fermée, et avec lequel il se couvre
au moment de sortir.
Expérience personnelle pendant une séance dans le
cabinet. — Tous mes malades, à de rares exceptions prés,
aiment les séances dans le cabinet pneumatique. L'augmenta-
tion de la circulation et de l'oxygénation semble leur donner
une sensation de bien-être qui dure assez longtemps après la
séance pour qu'ils puissent suffisamment l'apprécier. Afin
d'étudier moi-même les sensations souvent si vivement décrites
par les malades, je me suis soumis à l'expérience d'une
séance. Je ne puis dire que la première sensation, en se trou-
vant enfermé dans un si petit espace avec seulement un tube
pour respirer, soit précisément agréable. Avec le commence-
ment de la raréfaction de l'air, on éprouve même une sensa-
tion pénible dans les oreilles, quoiqu'un mouvement de déglu-
tition procure un soulagement rapide en rétablissant l'équilibre
de la pression atmosphérique. Peu à peu on sent que la respi-
ration devient libre, plus profonde, la poitrine se dilate à un
degré inaccoutumé, et l'air Irais entre avec force dans le nez,
ou il s'échauffe suffisamment avant d'arriver dans les bronches.
L'air pur va dans des endroits où il paraissait n'avoir jamais
pendre ; il s'insinue dans des régions du poumon qui ne ser-
vent pas habituellement à la respiration. Le résultat de tout
cela est une sensation d'allégement et de bien-être, analogue
a celle qu'on ressent au sommet des montagnes.
Protection contre les microbes de l'atmosphère exté-
rieure. — Pendant que le malade inspire parle tube s'ouvrant
à l'extérieur, il est bon de placer un tampon de coton peu serré
à l'orifice du tube, afin de filtrer l'air et d'empêcher l'absorp-
PROTECTION CONTRE LES MICROBES DE L'ATMOSPHÈRE '33 1
tion de poussières et de germes qui pourraient pénétrer pro-
fondément dans l'arbre respiratoire. Si l'air était par trop sec,
on le ferait passer à travers un flacon laveur contenant de l'eau
pure ou chargée de substances médicamenteuses.
On peut encore imprégner le coton avec des produits volatils,
et le placer devant le robinet extérieur à l'aide d'un petit appa-
reil de toile métallique.
Je puis en toute assurance recommander le cabinet pneu-
matique avec les modifications que je viens de décrire comme
lin adjuvant précieux dans le traitement de la phtisie pulmo-
naire, et surtout là où l'altitude est peu considérable.
Quant à la valeur de cet appareil dans le traitement de là
phtisie laryngée et autres complications de la tuberculose pul-
monaire (emphysème, etc.), ainsi que pour le traitement des
tuberculeux ambulants, nous en parlerons dans des chapitres
spéciaux.
C H A P 1 T R E X V I
L'hydrothérapie dans le traitement de la phtisie pulmonaire.
Dans le chapitre relatif à la « Prophylaxie de la phtisie pul-
monaire », nous avons t'ait allusion à l'hydrothérapie comme
moyen d'endurcissement. L'eau froide était utilisée depuis
nombre d'années comme un moyen préventif contre toutes
sortes de maladies, surtout par la race anglo-saxonne ; mais
pour le traitement de la phtisie pulmonaire on a longtemps
considéré l'emploi de l'hydrothérapie comme une contre-indi-
cation. Yalleix traitait de « barbares » les médecins qui, à
l'exemple de Fleury, ne craignaient pas de soumettre leurs
malades aux pratiques hydriatiques froides (i).
Actuellement, au contraire, la phtisio-thérapie moderne
considère l'hydrothérapie comme un agent curatif et puissant
à presque tous les degrés de la phtisie pulmonaire. Voici la
belle description que nous donne Fleury (2) relativement à
Faction que les douches froides d'une durée de dix secondes
à une minute exercent sur les phtisiques :
« Action locale. — Elle prévient, ralentit ou interrompt le
travail de ramollissement des tubercules pulmonaires ; elle
diminue, ou tarit même complètement, la sécrétion des caver-
nes; elle diminue, par conséquent, la toux et l'expectoration,
ou les supprime même entièrement; elle rend les hémoptysies,
lorsqu'il en existe, moins fréquentes et moins abondantes, ou
les fait cesser complètement.
« Action générale. — Elle prévient, diminue ou supprime la
(1) Botteï. Hydrothérapie médicale.
(a) L. Fleury. De l'Hydrosudopathie. Archives générales de médecine. 1. XV
TEMPÉRATURE 333
diarrhée, la sueur, la fièvre symptomatique ou hectique ; elle
maintient, améliore ou rétablit l'exercice des fonctions de
digestion et d'assimilation. »
Peter (i) fut aussi un partisan convaincu de l'hydrothérapie
dans la tuberculose pulmonaire. Un admirable moyen hygié-
nique et thérapeutique à la fois, dit-il, c'est l'hydrothérapie ;
mais que de préjugés à vaincre, comme aussi que de précau-
tions à prendre ! Et ce grand phtisio-thérapeute a bien rai-
son de conseiller la prudence.
Comme nous avons dit à la page i23 en traitant de la
« Prophylaxie de la phtisie pulmonaire », il est nécessaire
de s'assurer d'une réaction complète, d'une éducation de la
peau et du système nerveux avant l'application de la douche.
La méthode de Peter (2) est adoptée aujourd'hui avec
quelques modifications par presque tous les phtisio-théra-
peutes modernes. Selon cet auteur, on pratiquera d'abord des
frictions sèches, matin et soir, sur tout le corps pendant
cinq minutes. Puis on arrivera facilement à la friction avec
un stimulant alcoolique ou une substance huileuse, ensuite à
la friction au linge mouillé d'eau froide au moyen duquel on
frotte rapidement la peau de tout le corps pendant une minute
environ, friction humide qui sera elle-même suivie d'une fric-
tion sèche d'une à cinq minutes de durée. On est ainsi con-
duit graduellement à la lotion froide qu'il faut faire à l'éponge
simplement imbibée, puis à l'éponge ruisselante qu'on ne
devra conseiller que plus tard et à bon escient.
Température. — La douche elle-même doit être employée
aussi avec toutes les précautions possibles. D'abord on com-
mence avec de l'eau ayant une température d'environ -f- 200,
et l'on descend graduellement sans jamais dépasser -f- 10"
<ui -j- 90. Il est indispensable que la durée soit courte, surtout
au début. Je commence en général par une douche d'à peu près
5 secondes en augmentant graduellement de 3 à 5 secondes
iliaque jour jusqu'à ce que j'arrive à 25 secondes environ.
(1) Peter. Leçons do clinique médicale, t. II.
(2) Petek. Loc. cit.
; ; | traitement par l'hydrotherapie
Gradation dans l'application de l'eau froide pour malades
A.L1TÉS. — Au début, l'ablution froide doit être faite pendant
que le malade est au lit. On se sert soit d'une éponge, soit d'une
compresse imbibée d'eau froide à la température prescrite,
préalablement exprimée. On l'ait l'ablution en exposant seule-
ment la partie du corps sur laquelle on opère, et on la recou-
vre aussitôt essuyée.
On procède dans l'ordre suivant : mains, avant-bras, figure,
cou, poitrine, nuque, creux axillaire, liras, puis le dos, le
ventre, les fesses, les cuisses, les jambes, les pieds. Ce mode
d'application, indiqué par Winternitz, a l'avantage de limiter
l'application à une partie du corps, surtout si le malade est
pusillanime.
Drap mouillé. — Plus tard, quand le sujet est un peu plus
habitué à l'eau froide, on peut employer les frictions avec le
drap mouille.
Voici comment elles se pratiquent :
On prend un drap de moyenne dimension que l'on trempe
dans l'eau froide, et l'on exprime tout le liquide qu'il a retenu,
jusqu'à ce qu'il reste seulement humide.
Le drap étant déployé, on le jette sur les épaules et le dos
du malade nu, en ramenant les extrémités en avant, pour le
recouvrir complètement.
Le patient ressent alors une sensation de froid très vif et
quelquefois très pénible, maison pratique immédiatement des
frictions méthodiques sur tout le corps. La réaction se produit
promptement ; dès qu'elle s'est effectuée, on enlève le drap,
on enveloppe le malade dans une couverture sèche, et on l'es-
suie en le frottant légèrement. Puis on lui l'ail faire un léger
exercice, et, s'il ne peut pas marcher, on le masse dans
son lit.
.Mais, ici encore, on doit aller progressivement si l'on craint
que le malade ne soit pas assez, vigoureux pour supporter
l'opération entière.
On peut commencer, par exemple, par le membre supérieur :
on trempe une serviette dans de l'eau à la température vou-
lue, on l'exprime, on enveloppe rapidement le membre mis
à nu, et on le frictionne méthodiquement jusqu'à ce que la
EXERCICE PEXDAXT LA DOt'CllE 335
réaction se produise. On enlève alors la serviette mouillée , on
essuie le membre dans toute son étendue, et on le recouvre.
J'ai essavé cette méthode à l'hôpital et dans ma clientèle
privée, et j'en ai obtenu des résultats très satisfaisants. Elle
est facile à enseigner et à pratiquer.
Quand le malade est assez fort pour qu'on puisse lui donner
la douche, je préfère l'appliquer d'abord en forme de pluie
sur tout le corps, et ensuite envoyer un jet direct avec un
peu plus de force sur les sommets des poumons. Ce jet direct
est un des meilleurs révulsifs légers et il ne présente aucun
danger.
J'ai déjà décrit, à la page ia3, comment on peut provisoi-
rement faire une salle de bains à l'aide d'un tub anglais,
d'une chaise en bois et de quelques cruches d'eau froide ou
tempérée, au cas où la. présence à la salle de douches olfre
des inconvénients.
Exercice pexdaxt la douche; réaction. — Mais dans les éta-
blissements spéciaux il y a cependant quelque chose sur quoi
j'insiste pour l'arrangement d'une salle de douches. On appren-
dra au malade à exercer autant de muscles que possible lors-
qu'il recevra l'eau froide en douche ou en jet. À cet effet, il
se tiendra à une barre placée en travers de la chambre à la
hauteur de ses épaules. Cela le préserve de glisser sur le par-
quel humide, pendant qu'il remue le thorax d'un côté et d'autre,
soulève les pieds alternativement, remue les bras et enfin agite
son corps en tous sens. Le choc produit par l'eau froide est
alors amoindri, et une réaction plus rapide est assurée.
La douche finie, le patient est enveloppé dans une grande
serviette-éponge, par-dessus laquelle l'infirmier fait des fric-
tions vigoureuses jusqu'à ce que le malade soit sec et bien
réchauffé.
Chez les tuberculeux aux degrés avancés comme chez les
prédisposés, le meilleur moment pour appliquer l'hydrothé-
rapie est le matin, environ une demi-heure après un léger
déjeuner. Tous les malades qui ne sont pas alités et qui sont
assez forts pour effectuer des promenades plus ou moins lon-
gues, devraient faire ces exercices pour assurer ce que les
hydrothérapeutes appellent la p réaction.
J36 TRAITEMENT PAR L'HYDROTHERAPIE
Préaction. — « Cette préaction, ou échauffement préalable
du corps par un exercice approprié, n'a pas seulement pour
objet de favoriser la réaction consécutive ; elle exerce aussi
une influence sur l'intensité de l'action thermogène et sur le
degré d'hypothermie provoquée par l'application froide, c'est-
à-dire sur l'action frigorigène (i). »
Ces exercices de marche seront appropriés à la vigueur des
malades et varieront suivant les cas. Les sujets alités ou fai-
bles et tous ceux qui s'échauffent difficilement devront rester
au lit, car la chaleur du lit est une bonne condition préparatoire
à l'application froide faite dans la chambre. Dans quelques cas
spéciaux, il peut être utile de remplacer la préaction par des
séances de massage.
La douche latérale, ou plutôt un jet latéral de force modé-
rée, dirigé vers la région oit siègent d'anciennes adhérences
pleurales, aide souvent d'une manière considérable la résorp-
tion des exsudats fibrineux et produit ainsi une expansion
plus libre du thorax.
Nous reviendrons sur l'emploi de l'eau froide ou glacée dans
les cas de douleurs thoraciques, de névralgie intercostale,
hémoptysie, fièvre, sueurs nocturnes, etc., en parlant du trai-
tement symptomatique.
Mon expérience personnelle m'a démontré que l'hydrothé-
rapie générale dans la phtisie fait le plus grand bien en
diminuant la tendance au refroidissement.
Les applications d'eau froide d'une courte durée, sur toute
l'étendue de la surface cutanée, produisent, par l'irritation
thermique et mécanique, l'accroissement du tonus cardiaque.
la dilatation du système capillaire de la peau avec augmentation
de son pouvoir contractile, et ainsi l'accélération de la circu-
lation générale. En somme, l'hydrothérapie dans la phtisie a
pour but important de régulariser les échanges nutritifs, de
favoriser l'hématose et de mettre l'économie en état de défense.
Surveillance médicale. — Dans les sanatoria, les hôpitaux
spéciaux, et même dans les clientèles privées, l'application des
(i) Bottey. Traité théorique el pratique d'Hydrothérapie médicale. Massou,
éditeur, Paris.
SURVEILLANCE MÉDICALE 337
diverses pratiques de l'hydrothérapie devrait toujours être
surveillée par le médecin ; car il ne faut pas oublier que,
quoique l'eau froide soit un remède puissant, il peut devenir
dangereux s'il est employé sans règle et sans jugement.
Les douches froides devraient être réservées pour les pré-
disposés et pour les tuberculeux en état de guérison appa-
rente.
Il faut se rappeler que la douche en pluie produit une action
générale de réfrigération saisissante. La douche en jet a une
action de percussion et de réfrigération.
A propos des résultats obtenus dans le traitement de la
tuberculose et de la phtisie à tous ses degrés par l'hydrothé-
rapie, jointe, bien entendu? au traitement hygiénique et diété-
tique, je ne puis mieux faire que de citer les statistiques de
Winternilz, présentées dernièrement au Congrès de Berlin (i).
Dans 80 p. 100 des cas de phtisie chronique il a obtenu,
soit une amélioration, soit un arrêt du processus ou la guéri-
son relative. Dans la phtisie floride il a vu survenir, au début
dans 27 p. 100 et plus tard dans 3a p. ioo des cas, l'arrêt plus
ou moins prolongé du processus et la guérison relative. Dans
les cas désespérés et considérés comme incurables, l'hydro-
thérapie a produit des améliorations subjectives permettant
de croire à la possibilité de la guérison.
Un des avantages de l'hydrothérapie consiste en ce fait
que, chez les malades qui ne veulent pas ou ne peuvent pas
quitter leurs occupations, ce puissant moyen thérapeutique
peut être mis en œuvre au domicile même du malade.
(i) R. Ro.ume. La Presse Médicale, 1899, 3i mai.
Knopf. Sanatoria.
CHAPITRE XVII
Hygiène du corps; vêtements, etc.
Bains hygiéniques. — Parmi les moyens que possède le tuber-
culeux d'éviter les maladies intercurrentes, il faut faire figu-
rer une bonne hygiène du corps; en dehors de l'hydrothérapie,
le malade iloil prendre régulièrement des bains hygiéniques.
Un bain à l'eau chaude par semaine, d'une durée d'environ
cinq à dix minutes, pendant lequel le sujet peu! se savonner
partout sans trop se fatiguer, suivi d'une douche rapide
d'eau froide, est suffisant.
Port de la barbe. — Aux hommes qui portent la barbe, il
esl bon de recommander de la faire tailler courte, surtoul les
moustaches. Celle précaution rend le nettoyage ou plutôt la
désinfection plus facile.
Désinfection m:s vÈTEMEMs. — Les vêlements d'un tuber-
culeux demandent une hygiène spéciale : à son arrivée au
sanatorium on prie le malade de permettre la désinfection à
l'étuve de tous ses vêtements et linges de corps ; de même,
tous les linges de lil salis par les malades doivent toujours
être passés à l'étuve. Le patient doit toujours porter une che-
mise et un caleçon de laine blanche à grosse trame, pour
que la peau subisse continuellement une légère friction : en
laine épaisse pendant l'hiver et plus légère pendant l'été.
En dehors de cela, il doit s'habiller avec îles vêtements
chauds sans être lourds en hiver, moins chauds en été,
mais toujours en laine. Les sujets qui ont une tendance à
transpirer beaucoup devraient changer de linge tous les jours,
au moins une fois.
TOILETTE NATURELLE POUR FEMMES
33g
Le confort dans l'habillement. — En règle générale, les vête-
ments doivent toujours être confectionnés de façon que toutes
les fonctions du corps, et surtout celle de la respiration, ne soient
nullement gênées. Les bretelles en particulier font souvent
souffrir les malades. Voici ce que je recommande :
On l'ait fabriquer, en étoffe légère, mais solide et élas-
tique, une sorte de court gilet, auquel
on adapte 10 à 12 attaches pour les
boutons du pantalon (fig. 81).
De cette manière, la pression qu'exer-
çaient les bretelles sur un espace
étroit et sur le sommet des poumons
est répartie siif une surface plus
grande , ce qui la rend beaucoup
moindre.
Dans un sanatorium, je recommande
aux hommes de porter, au lieu d'une
chemise de jour avec devant imper-
méable, dur, et avec faux-col incommode, des négligés en
laine ou en soie. Ces tissus rendent les exercices respira-
toires plus faciles.
Fig-. 81. — Gilet-bretelles pour
phtisiques.
Toilette naturelle pour femmes. — Pour les femmes, le
|)htisio-thérapeute a encore plus à faire en ce qui concerne les
vêtements. Là il faut compter avec la mode, les coutumes,
souvent avec la coquetterie. Et jamais la réforme des vêtements
de femmes n'a été plus indiquée que pour une phtisique.
Les premières idées sur ces réformes nécessaires me sont
venues il y a près de dix ans, et j'ai fait à ce sujet une commu-
nication à la Société médicale de Los Angeles (Californie) (1).
Voici en substance ce cpie je recommandais et ce que je recom-
mande aujourd'hui encore avec plus de conviction, s'il est
possible, surtout pour une femme phtisique, dans un sanato-
rium :
Au lieu de chemises ou tricots et de pantalons séparés, je
fais porter un « Union suit », c'est-à-dire un vêtement qui réu-
(1) K^opf. Dress Reforni and its Relation to Medicine. Southern California
Practitioner, 1889, août.
340 iiygiem: dc corps, vêtements, etc.
[lisse ces deux pièces en une seule, confectionnée en une
étoffe de laine pure collant bien au corps.
Par-dessus, on met une jupe faite à la façon des « pantalons
turcs ». (les deux vêtements sont en étoffe de laine plus ou
moins épaisse selon les saisons; ils protègent suffisamment le
corps d'une femme, sans qu'elle ait à s'attacher autour de la
taille une demi-douzaine «le jupons qui compriment les or-
ganes abdominaux et pelviens et qui empêchent toute respira-
tion abdominale; celle-ci, au contraire, n'est nullement gênée
par le pantalon turc et par quelques jupes qui s'attachent à
un tricot analogue au « gilet à bretelles » décrit pour les
hommes.
Respiration costo-supémeure. — Outre les congestions hé-
patiques et pelviennes qu'il produit, le corset trop serré em-
pêche la respiration de s'effectuer normalement. Car il ne faut
pas croire que la respiration costo-supérieure de la femme soit
normale en dehors île l'état de grossesse très avancée. J'ai
cité dans ma communication les expériences de Kellogg (i .
qui montrent bien que la respiration costo-supérieure est pro-
duite par le corset trop serré et parle poids des jupes. Voici
un résumé de ces expériences :
Il a comparé les tracés de la respiration abdominale d'une
chienne et d'un chien tic la même taille. Les tracés ont été les
mêmes pour les deux animaux ; il a répété ses expériences sur
un bœuf et une vache et a obtenu le même résultat. Enfin, il a
pris les tracés de la respiration de deux femmes enceintes pen-
dant toute la durée de la grossesse.
L'une a abandonné le corset et s'est habillée de façon que
la respiration abdominale ne lût nullement gênée.
L'autre n'a pas voulu entendre parler de k Dress relorni » et
a gardé son corset presque jusqu'à la tin de sa grossesse.
Voici les résultats :
Chez la première les tracés ont indiqué jusqu'à la semaine
qui a précédé l'accouchement la respiration abdominale.
Chez la deuxième on a constaté la respiration costale supé-
(i) Kellogc. Expérimental researches respecting the relation of dress lo pelvic
diseases ofwomeu. Transactions of the Michigan Med. Society, 1888.
COIFFURES 34i
rieure, avec absence presque totale de la respiration abdomi-
nale, restée la même avant ou après l'accouchement. Elle a
gardé sa respiration produite par la mode.
Sans condamner le corset, surtout chez les femmes dont les
seins sont très développés, je crois que les phtisio-thérapeutes
doivent insister pour que les femmes phtisiques se lacent très
modérément.
Robes traînantes. — Sans vouloir aborder le terrain défendu
de « la toilette extérieure » des dames, je suis décidé, si jamais
je suis appelé à diriger un sanatorium, à ne pas autoriser
mes malades à porter des « traînes », car il me semble trop
dangereux pour l'hygiène de permettre, même à une seule
pensionnaire, de soulever à chaque pas la poussière, pendant
les promenades, avec sa robe à traîne.
Chaussures. — Les chaussures des malades doivent tou-
jours être confectionnées de façon à ne pas gêner la circula-
tion, et à n'être ni trop chaudes ni trop froides. Bien qu'elles
soient d'un usage général, je considère les chaussures entiè-
rement en cuir ciré comme peu hygiéniques. A cause de leur
imperméabilité, les pieds n'ont presque pas de ventilation. Je
conseille donc de porter, quand le temps est au sec, des
chaussures dont la partie supérieure est en drap épais ou en
feutre. Ce genre de chaussure maintient les pieds chauds et
permet néanmoins une bonne ventilation.
Dans les sanatoria, les meilleurs souliers à employer pour
l'hiver sont les chaussons fourrés de Strasbourg, et les
galoches à semelles de bois, adoptées par M. le D1' Sabourin.
En temps de pluie et de neige un tuberculeux ne doit jamais
sortir sans souliers en caoutchouc, et jamais sans porter sa
petite pèlerine en « waterproof ».
Coiffures. — Je conseille aux hommes ayant une chevelure
fournie de ne mettre des chapeaux ou bonnets que lorsque les
convenances l'exigent, et de plus je recommande de ne jamais
porter de coiffures trop lourdes ; toutes doivent être munies
d'un ou plusieurs orifices pour la ventilation. La dernière
règle s'applique aussi à ceux qui sont chauves : rien n'expose
! i ! UYGIÈNE DC CORPS, VÉTEMEXTS, ETC.
si facilement au rhume que de découvrir une tète qui a porté
plus ou moins longtemps une coiffure chaude.
Tabac. — Au chapitre de 1 « Hygiène personnelle », il faut
ajouter comme règle générale la défense de fumer pour tout
individu atteint d'une affection pulmonaire ou laryngée.
CHAPITRE XVIII
Traitement diététique. De l'alimentation ; du lait ; de l'alcool.
Quelques conseils généraux.
. Alimentation.
Considérations générales. — Comment doit-on nourrir les
tuberculeux ? La réponse à cette question est complexe, étant
données les modifications déterminées dans l'organisme par
la fièvre et l'altération du sang, la diminution de toutes les
sécrétions, surtout de celle du suc gastrique, dans la phtisie
ordinaire.
Chez les fébricitaiits la tâche est particulièrement difficile ;
mais, môme pour eux, ou peut dire en règle générale : des
repas légers mais fréquents et réguliers, riches en graisses
et en hydrocarbones, des légumes, le tout très varié et bien
préparé. Pour quelques auteurs la nourriture végétale ne doit
être qu'un faible appoint dans l'alimentation du tuberculeux.
Je ne suis pas de cet avis : un régime largement partagé
entre les substances alimentaires animales et végétales me
semble le meilleur pour les phtisiques. Mais il convient
d'ajouter que tous les aliments doivent être préparés de
manière à en faciliter la digestion et l'assimilation.
Comme la cuisine devrait être, selon Dettweiler et ses élèves,
la pharmacie d'un phtisio-thérapeute moderne, il sera peut-
être utile de donner ici quelques indications générales à
suivre dans l'alimentation et dans la préparation de quelques
repas.
L'appétit d'un phtisique. — ■ D'abord il faut se rappeler que
l'appétit d'un phtisique ne donne guère d'indication pour ce
344 TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE
qu'il devrait manger, ni de la quantité d'aliments qu'il peut
digérer. En réalité, on peut dire que le pouvoir digestif d'un
phtisique esi beaucoup plus grand que son appétit ne le
ferait croire. Parmi les aliments à prescrire il faut toujours
donner la préférence à ceux qui se digèrent le plus aisé-
ment, c'est-à-dire qui séjournent le moins longtemps dans
l'estomac.
Dks viandes ,v recommander. — Toutes les viandes (gibier.
rôti, volaille, ris de veau, jambon, etc.), bien préparées, peu-
vent être données aux phtisiques qui n'ont pas de troubles
gastriques prononcés. La viande de bœuf crue sous forme de
pulpe de viande est particulièrement à conseiller. Voici le
procédé de préparation recommandé par M. le professeur
Grancher (i) :
i° Avec un couteau à lame mousse, on racle la surface de
la viande (rumsteak), en enlevant à mesure la trame fibreuse,
et on obtient ainsi de la raclure de viande à longs fila-
ments ;
2° On pile celle viande dans un mortier de pierre, de verre
ou de marbre ;
3" Puis on l'étalé sur un tamis à purée et on l'écrase douce-
ment sur le tamis avec une spatule ou une cuillère. Ce qui
passe dans le tamis est une pulpe de viande, sans filaments
et sans grumeaux, d'une digestibilité et d'une nulritivité par-
faites.
Dans la saison froide, on peut préparer le malin la provi-
sion du jour à la condition de la conserver dans un endroit
frais. Mieux vaut cependant, même en hiver, quand on le peut,
la préparer au moment même des repas, car elle s'altère faci-
lement. Celle préparation extemporanée est indispensable en
été.
Celle pulpe de viande est ensuite consommée par le malade
comme bon lui semble et nombreuses sont les manières
d'accommoder ou de dissimuler ce mets. On peut mêler la
pulpe à du lait, à du bouillon tiède, à des purées de légumes,
à des confitures. Ce dernier moyen sera particulièrement
(i) Gbaxchek. Maladies de l'appareil respiratoire. Paris, 1890.
CÉRÉALES 345
goûté des enfants. On pourra aussi la rouler en boulettes
faciles à avaler. Enfin on peut la manger en sandwichs.' La
viande crue est étalée sur une tranche de pain mollet abon-
damment beurrée. On sale et on poivre, puis on dispose sur
le tout des filets d'anchois, de harengs saurs ou autres mets
de haut goût, suivant les préférences du malade. Un jaune
d'œuf répandu par-dessus augmentera la qualité nutritive de
ce repas. Gomme on le voit, les moyens de faire absorber la
viande crue sont nombreux ; en mettant en œuvre son ingé-
niosité, il est bien rare que le médecin n'arrive pointa la faire
accepter des malades.
Les céréales, — Les céréales, (blé, riz, avoine, orge, maïs)
sont aussi à recommander, car ils contiennent de l'azote, des
graisses et des substances hydrocarbonées, si essentielles pour
l'alimentation.
Et comme M. Grancher dit très bien à propos de l'emploi
des céréales : « L'utilité des céréales, des légumes et des
pâtes dans l'alimentation ne dépend pas seulement de leur
pouvoir nutritif, de leur bonne digestibilité, et de leur action
régulatrice sur les garde-robes. Elle découle aussi de l'état
de repos relatif où leur abondant usage place les organes
annexes de la digestion, le foie notamment. En tant que filtre
alimentaire, celui-ci, que traversent les produits de la diges-
tion, doit protéger le sang contre les toxines venues de l'esto-
mac et de l'intestin. Or, ces toxines sont souvent le produit
des fermentations de la chair musculaire ou de ses ptomaïnes,
et rien n'est plus commun, quand on surveille de près ses
malades, de voir, surtout chez les tuberculeux, le foie devenir
volumineux, sensible, en même temps que la langue sale,
avec ou sans état diarrhéique. »
Le riz, préparé avec du lait ou du beurre, constituera tou-
jours un repas peu cher et très nutritif. Voici la recette don-
née par M. Grancher pour en obtenir le meilleur effet: « 11
faut, à une quantité de riz connue, ajouter une égale quantité
d'eau chaude et faire bouillir le tout vivement jusqu'à épuise-
ment de l'eau. Cela dure une demi-heure en moyenne. Puis,
on retire du feu le riz dont les grains ont grossi, mais sont
restés indépendants, et on assaisonne avec un peu de graisse
146 TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE
très chaude cl du sel. Ainsi préparé, le riz csl un aliment
exquis, dont on ne peut guère abuser, tant sa digestibilité csl
parfaite. »
Cacao. — « Un aliment important pour les malades atteints
de tuberculose chronique csl la décoction de farine de cacao ;
elle renferme tontes les substances nutritives, mais surtoul
une grande quantité de graisse. Elle se prend de préférence
le matin de lionne heure et l'après-midi, une pleine lasse
chaque fois. Le chocolat fort [Kraftchocolade) convient aussi
parfaitement, car il est complètement digéré. De même les
décoctions de malto-léguminose, de farine de légumineuses,
ainsi que de farine de Nestlé, peuvent être administrées :
toutefois, comme elles sont pauvres en graisse, elles sont
moins à recommander que la farine de cacao; elles méritent
la préférence lorsque la graisse n'est pas supportée par le
malade (i). »
Œufs. — Les œufs à la coque constituent un excellent plal
au déjeuner. Mais ils peuvent être pris, dans le cas où la
viande csl mal digérée, plus souvenl et sous les formes les
plus variées, même crus. C'est un aliment presque aussi pré-
cieux que la viande crue, parce que l'œuf contient beaucoup
d'azote et une graisse très divisée et très assimilable 2).
Préparation dus légumes. — Au lieu de cuire les légumes
à grande eau et de jeter celte eau contenant la plus grande
partie des substances nutritives extraites des légumes, ceux-ci
doivent être cuits à la vapeur ou dans une quantité d'eau
minime, sans ajouter beaucoup de sel, car les sels naturels
suffisent presque à donner aux légumes le goût désiré.
De bon beurre ou d'autres graisses animales ajoutés larga
maint apportent encore des hydrocarbones qui contribuent à
la préparation d'un aliment excellent pour les phtisiques. J'ai
expérimenté sur moi-même ces différents modes tic cuisine,
je les ai recommandés plusieurs fois, et je peux affirmer que
(1) Ml'.nk et Ewai.d. Traité de Diététique. Paris, 18(17.
(1) Grakcher. Loc. cit.
RATIOS MINIMUM POUR HOMME SAIN 347
les estomacs dyspeptiques, qu'il s'agisse de phtisiques ou non,
acceptent très volontiers un plat de légumes ainsi préparé, sans
en éprouver le moindre inconvénient. Les sels de potasse,
contenus en petite quantité dans les légumes, ne sont pas
nuisibles aux tuberculeux. Les légumes assaisonnés de cette
façon, mangés avec la viande en quantité ordinaire, n'encom-
brent ni l'estomac ni l'intestin des malades, et la cellulose non
digérée est essentielle pour que le processus d'alimentation
et d'assimilation se poursuive dans toutes ses phases de façon
physiologique.
De plus, les hydrates de carbone, tels que l'amidon et le
sucre, contenus dans les légumes, mélangés à la viande, au
beurre et à d'autres graisses animales, sont des adjuvants pré-
cieux pour la restauration des forces d'un phtisique. Les fruits
frais ou préparés de la même façon doivent également faire
partie de cette alimentation. Les salades fraîches seront
de préférence assaisonnées avec du jus de citron au lieu de
vinaigre.
Paix de seigle et paix complet. — Gomme pain on ne doit
pas se contenter de donner aux phtisiques le pain de blé ordi-
naire. J'ai mangé à Goerbersdorf un pain de seigle dont le son
est resté mélangé à la farine. Ce pain m'a paru doué de qualités
nutritives extraordinaires; il jouit encore de propriétés légè-
rement laxatives.
Le pain préparé avec la farine entière du blé (sans sépa-
ration du son) connu sous le nom de « pain complet » a des
propriétés analogues ; je le recommande toujours à mes
phtisiques, qui semblent le préférer au bout de peu de temps
à tout autre pain.
L'homme n'est pas Carnivore ni herbivore, mais omnivore ;
il est organisé pour se nourrir de l'animal comme du végétal.
Et cela s'applique surtout à nous, habitants des zones tempérées.
Piatiox minimum pour un homme saix. — Par une alimentation
variée on peut plus facilement arriver à suralimenter le malade
et introduire assez d'azote, de carbone et de sels (albumine,
ioo à i io- grammes; graisse, 5o à 60 grammes; hydrates de
carbone, 4oo à 5oo grammes ; chlorure de sodium, quantité
variable).
i/,8 TRAITEMENT DIETETIQUE
En dehors de cette discussion théorique, l'expérience de
presque Ions les phtisio-thérapeutes ;i démontré que le meilleur
régime pour les phtisiques est celui «j ni suit cette règle natu-
relle. Daremberg i) conseille à ses phtisiques doués d'un bon
appétit le type alimentaire suivant par jour : viande brute,
600 grammes; pain, 35o grammes; deux œufs; beurre ou
matières grasses analogues, 80 grammes ; pommes de terre,
100 grammes; riz, macaroni, maïs, pois, haricots, lentilles,
3oo grammes; bière, un litre; lait, un demi-litre; cognac,
■20 grammes ; el on peut ajouter à cette ration du fromage el
des fruits.
Combien de t'ois faut-il donner à manger à un tubercu-
leux ?
l'as moins de quatre fois, et de préférence six fois par jour.
Menu quotidien dans un sanatorium; — Dettweiler donne à
ses malades :
Le matin, entre 7 et S heures, de bon café, du thé ou du
cacao suivant l'indication ; on prend en même temps à discré-
tion des biscuits au beurre, des petits pains beurrés, unv
pâtisserie tendre et peu grasse; ensuite, un verre de lait par
petites gorgées.
A 10 heures, un ou dvux verres de lait bus par gorgées, ou
un petit flacon île kounivs avec pain beurré. En cas d'indica-
tions spéciales : bouillon avec œufs et pain beurré ou viande
froide avec pain beurré et un verre de vin. Si possible, de
l'une ou l'autre manière, encore un verre de lait.
Dîner à 1 heure. On prend de tous les plats, c'est-à-dire
rôti, légumes et dessert ; en outre, du vin coupe soil avec de
l'eau de Seltz ou avec de l'eau de Kronthaler.
L'après-midi, à 4 heures, un verre de lail fraîchement Irait
ou de koumys, ou un petit pain beurré et fourré qu'on prend
avec du vin ou du cognac.
Le soir, entre 7 h. et 7 h. 1/2, de la viande chaude avec pommes
de terre, ri/, nouilles, un plat de viande froide, du saucisson
tin, de la volaille avec salade et compote ; en plus, du vin.
1) Dakl.mukrg. Traitement de la Phtisie pulmonaire, t. II. Paris, i883.
RECETTES DIVERSES 349
Le soir, tard, un verre de lait avec deux ou trois bonnes
cuillerées à cale de cognac.
D'après Munie et Ewald, la ration de Dettweiler représente
plus de 3 ooo calories par jour. Lorsqu'elle est bien absorbée,
elle constitue une alimentation très abondante.
M. Sabourin, autrefois au Canigou, actuellement à Durtol,
nourrit ses malades à la mode française, comme nous l'avons
déjà dit, c'est-à-dire trois repas, plus l'après-midi un goûter
composé de viande crue et de lait.
Mais, en principe, MM. Dettweiler et Sabourin sont d'accord :
il faut autant que possible suralimenter les malades, en tenant
compte du genre de vie des deux pays (en Allemagne même,
un homme valide fait cinq repas par joui*) ; et je pense que tous
les phtisio-thérapeutes doivent faire varier leur traitement
diététique suivant les coutumes nationales.
Recettes diverses : gelée d'os de veau, gelée de lait et
houillox ex bouteille. — Avant de terminer ce qui a trait à
l'alimentation, je tiens à donner ici quelques recettes que j'ai
trouvées d'une utilité spéciale pendant et depuis mon séjour
comme médecin adjoint à Falkenstein.
i. Gelée d'os de veau. On prend deux kilos et demi d'os de
veau avec dix litres d'eau ou de bouillon très faible ; on met
sur le feu jusqu'à ébiùlition ; on écume, on ajoute un kilo
d'orge et un peu de sel, on fait cuire lentement pendant cinq
à six heures et ensuite on passe au tamis. On en donne une
tasse, liée avec un jaune d'œuf. Au cas où la gelée est trop
épaisse, on la délaye avec un peu de bouillon.
i. Gelée de lait (i). On fait bouillir deux litres de lait avec
25o grammes de sucre pendant cinq à dix minutes. Quand le
lait est refroidi on ajoute 3o grammes de gélatine dissoute
dans une tasse d'eau, le jus de trois ou quatre citrons, plus
trois verres de bon bordeaux.
3. Bouillon en bouteille (2). Relativement concentré et riche
en azote, il est très digestible et plus nutritif et plus stimulant
que le bouillon ordinaire. On le prépare avec du bœuf ou du
(1) ScHLiisi.xGER. Aerztliches Taschcnbuchleiu, p. 91.
(i) Uffelmann. Die Flaschenbouillon. Archiv fur Kinderheilkunde, 1.1,3.
55o
lit. UTEMENT DIETETIQUE
veau de la manière suivante : on découpe en petits carrés de
la viande fraîche et dépourvue de graisse ; sans y rien ajouter
on la met dans une bouteille à fermeture brevetée. On place
la bouteille dans un bassin d'eau tiède, on chauffe lentement
et on laisse bouillir pendant vingt minutes environ. La bou-
teille renferme alors un liquide brunâtre ou jaunâtre, suit
oo à ioo c. c. pour 3oo grammes de viande. C'est ce qui cons-
titue le bouillon en bouteille, qu'on décante simplement sans
même le passerai! tamis ; il aune très forte odeur de bouillon
et possède une réaction faiblement acide ; sa saveur est celle
d'un bouillon ordinaire très concentré.
Prépare avec du bœuf, il renferme environ -, 3 p. ioo de
substances lixes, dont 5,5 p. ioo de substances organiques et
1,7 p. ioo de sels. Les substances organiques se composent
de i,8 parties d'albumine, de peptone et de gélatine, et de
3,7 parties de substances extractives. Le bouillon ou le potage
pris régulièrement avant les principaux repas excite l'appétit
et aide la digestion par la stimulation qu'il exerce sur la
sécrétion gastrique.
Du lait.
Le lait, comme nous l'avons déjà dit plus haut, a été
employé depuis l'antiquité comme l'aliment principal des
phtisiques. Arétée (i) disait déjà en l'an ■<5o avant 1ère chré-
tienne, dans son ouvrage sur la « Cure de la phtisie », que le
lait est une excellente boisson pour les phtisiques. Un peu
plus loin il ajoute : « Celui qui boit beaucoup de lait peut se
passer d'autres aliments ; les peuples qui s'en nourrissent
n'ont pas besoin de blé. » El depuis le régime lacté a été
prescrit dans la phtisie pulmonaire par les médecins de tous
les temps.
Quantité kt qualité. — Dans quelques sanatoria pour phti-
siques le lait est pris en quantités considérables avec et en
(i) Arétée. De morborum diuturnorum el aculorum causis, signis cl cura-
Lionc, chap. m.
DU LAIT 35 1
dehors des repas réguliers. Mais je crois qu'il ne faut pas
donner le lait à trop haute dose quand le malade digère et
assimile les aliments solides d'une façon satisfaisante. Pris
aux trois repas principaux et au goûter (200 à a5o grammes
chaque fois), un litre par jour est alors suffisant. Dans le cas
où il y aurait lieu de prescrire le lait en quantité plus consi-
dérable, je préfère le donner dans les intervalles des repas.
Là où Ton n'aura pas la certitude que le lait provient de
vaches bien saines, on recommandera de le donner bouilli ou
stérilisé.
Koumys et képhir. — Au lieu de lait on peut prescrire aussi le
koumys (lait de jument ayant subi la fermentation alcoolique et
lactique), ou le kéfir (lait de vache préparé avec les grains de
kéfir ; composition et action analogues à celles du koumys).
Façon de boire le lait. — Comme rèsle e-énérale il faut
conseiller aux pblisiques de boire le lait à petites gorgées.
S'ils éprouvent de la répugnance, ils doivent remplacer le
lait par le koumys ou le kéfir, ou bien y ajouter un peu de
cognac, de café, d'eau de Vais, de Vichy, de l'eau de chaux (une
cuillerée à bouche par verre), ou un peu de bicarbonate de
soude (une pincée par verre). Ces alcalins ont pour but de
neutraliser l'acidité excessive des sécrétions gastriques. Le
lait est contre-indiqué en cas de constipation fréquente, et
aussi en cas de diarrhée aiguë et de nausées.
Petit-lait. — Quand les fonctions digestives sont en bon état,
le petit-lait peut aussi servir à l'alimentation des phtisiques.
A'ous trouvons à ce sujet dans l'excellente thèse de mon
ami le D1' Comte de Goyon (1) les renseignements suivants :
« Le petit-lait à des doses élevées est purgatif, à des
petites doses il est seulement laxatif ; c'est cette double
propriété que Ton recherche avec raison, afin de favoriser
les sécrétions intestinales et de combattre la pléthore abdo-
minale si fréquente au début de la phtisie. Son action sur la
muqueuse bronchique est identique à celle qu'il exerce sur les
(1) Comte de Goyon. Des indications thérapeutiques du régime lacté. Thèse
Paris, i8g5.
iSï TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE
muqueuses stomacale et intestinale, il rend donc l'expectora-
tion plus facile el la toux moins pénible. Il est de plus un
excellent diurétique. Son efficacité n<' saurait être contestée ;
les cas sont nombreux où, à la suite d'une cure de petit-lait, les
phtisies ont été améliorées ou même enrayées d'une façon du-
rable. Certains ailleurs ont paru considérer le petit-lait connue
étant seul utile dans la phtisie pulmonaire, alors que d'autres
préféraient l'usage du lait lui-même; la vérité est que les indi-
cations du petit-lait et celles du lait ne sont pas les mêmes. La
cure du petit-lait sera conseillée dans la forme active et lors-
que la tuberculose pulmonaire se présentera avec les carac-
tères hémoptoïques ; on ne la prescrira jamais dans les formes
passives. 11 est sage d'admettre l'opinion de Hérard et Gornil :
« Autant, disent-ils, la médication lactée, tempérante et anti-
phlogistique nous parait avantageuse dans les cas aigus ou
subaigus chez les individus nerveux, à libre irritable, hémop-
toïques, autant elle peut avoir d'inconvénients graves quand la
tuberculisation présente une forme apyrétique, cl qu'elle
s'observe chez des malades mous et lymphatiques, qui ont,
avant tout, besoin d'un régime substantiel et réparateur. Les
purgatiôns répétées que provoque souvent le petit-lait ne
peuvent avoir, en pareil cas, qu'un effet fâcheux. »
De l'alcool.
L'alcool est employé depuis longtemps en phtisio-thérapie
et il joue un rôle important pour le traitement dans les établis-
sements fermés. Les opinions sur la dose et surtout sur le
mode d'administration sont très variables. En le prescrivant il
faut se rappeler les effets qu'il produit sur l'organisme :
Effets physiologiques. — « i° 11 est brûlé directement et
donne lieu a une production de forces dont l'organisme tire
parti ; a" il ralentit, à doses modérées, le mouvement de désas-
similation, mais ce phénomène paraît être un signe de dépres-
sion nutritive ; 3° il excite le système nerveux et l'excitation
est suivie de dépression ; 4° il est diurétique (i). »
(i) Manquât. Traité de Thérapeutique. Paris, 189'!, p. 3îî.
DE L'ALCOOL 353
Mais, malgré ces données physiologiques générales, presque
chaque cas demande encore une indication spéciale. À quel-
ques phtisiques il est indispensable de donner l'alcool : il est
devenu pour eux un véritable aliment ou tout au moins il cons-
titue un adjuvant précieux dans l'alimentation ; chez d'autres,
il agit comme un simple stimulant cardiaque.
Alcool dilué. — Pour beaucoup il est bon de le prescrire
dilué, sous l'orme de vin ou de bière. Le vin blanc, peu alcoo-
lisé, est souvent à recommander comme boisson aux repas.
Le vin rouge semble donner trop tôt à l'estomac comme une
sensation de satiété, et le malade mange alors moins qu'il ne
devrait.
Enfin, l'administration continue de cognac peut devenir
dangereuse.
Avant de l'employer comme antipyrétique, on doit avoir
recours à l'eau froide, aux antifébriles, etc.
Surveillance nécessaire. — Ici, comme pour l'administration
d'autres médicaments, on trouve un grand avantage à avoir
son malade constamment sous les yeux.
Il ne peut pas nous dire, comme les malades libres, surtout
ceux qui ont une prédisposition à l'éthylisme : « Oui, je me
sens très bien quand je prends un peu d'alcool. » Dans un
établissement fermé, en effet, on peut plus facilement obser-
ver si ces périodes de bien-être sont physiologiques ou patho-
logiques (ivresse).
Boissons stimulantes. — Le cale et le thé peuvent être pres-
crits sans crainte aux phtisiques, car ces breuvages, pris en
quantité modérée, exercent une action bienfaisante sur le
cœur.
Conseils relatifs à l'alimentation des phtisiques.
Nous allons examiner sous le titre « Traitement symptoma-
tique » les diverses conditions qui produisent les anorexies
et autres troubles gastriques et intestinaux. Ici nous voulons
Knopf. Sanatoria. 23
35 i TRAITEMENT DIÉTÉTIQUE
seulement dire <|tie, d'une manière générale, les tubercu-
leux fébricitants doivent manger dans l'intervalle des accès,
ou tout au moins au moment où la lièvre est le moins
forte.
En dehors des sujets dont l'état réclame un régime spé-
cial, de très légers repas répétés, même toutes les heures, il
faut apprendre aux malades à manger à heures tixes : mieux vaut
perdre un repas que de devenir irrégulier. Une autre pres-
cription pour tous les malades est de manger lentement, de
bien mâcher tous les aliments, surtout le pain, qui ne doit pas
être trop frais mais toujours bien cuit; car, pour (pie l'ami-
don du pain puisse se transformer en dextrine, il faut qu'il
y ait abondance de ptyaline. Ici, j'insiste sur le fait qu'un
sanatorium bien dirigé doit être muni d'un fauteuil de den-
tiste et recevoir les visites régulières d'un spécialiste expé-
rimenté. Pour bien digérer, il faut avoir toutes les dents en
bon état, car, avec de mauvaises dents, on ne peut pas masli-
quer.
A son entrée dans un sanatorium, tout malade doit être
soumis à un examen minutieux non seulement des poumons,
du cœur, du larynx, du pharynx, de l'état général, mais aussi
de la bouche et des dents. L'antisepsie buccale sera régu-
lièrement pratiquée.
La préparation suivante, employée comme dentifrice et
pour se rincer la bouche après chaque repas, laisse une fraî-
cheur agréable et maintient les dents en bon étal :
Essence de wintergreen XV gouttes.
— de menthe XX »
Thymol ' gramme.
Acide benzoïque 10 grammes.
Alcoolalure d'eucalyptus 5o >■
Alcool 35o »
Une demi-cuillerée à calé dans un grand verre d'eau fraîche.
Enfin, tous les moyens possibles, tous les subterfuges sont per-
mis au médecin pour faire manger le malade, car le secret delà
guérison est de savoir combattre « la misère physiologique »(i),
(i) Grancher. Maladies de l'appareil respiratoire.
ALIMENTATION DES PHTISIQUES 355
et il ne faut jamais oublier les paroles classiques de
Dettweiler : « C'est la destinée particulière des phtisiques
de voir, pendant que les tissus disparaissent par le l'ait de la
dénutrition, pendant que ces tissus meurent de faim, la véri-
table faim diminuer de plus en plus. »
CHAPITRE XIX
Traitement symptomatique.
Nous allons maintenant passer en revue les symptômes mul-
tiples <|iii peuvent se présenter pendant la durée de la phtisie
pulmonaire.
Toux. — La toux sans cause, c'est-à-dire avant que le
crachai suit prêt à être expidsé, n'est pas permise dans les
sanatoria.
Voici la phrase, devenue classique, qu'adresse Dettweiler à
tous les malades tuberculeux (i) : « Quand vous axez une
démangeaison en public, vous ne vous grattez pas. Eh bien,
la toux sans crachais, c'est le grattage de la gorge qui démange;
ne vous grattez pas la gorge en public. »
Dans tous les sanatoria la même règle est appliquée, et l'on
est surpris de voir combien les malades toussenl peu en com-
paraison de ce qu'on entend dans les salles d'hôpital et aussi
dans la clientèle privée.
Mais, voici une expérience qui démontre bien qu'il faut une
détermination solidement arrêtée pour arriver à discipliner
ainsi la toux tic u>o malades et plus.
Lors de ma première visite à Falkenstein, pendant le < 1 î 1 1 <■ i-
oii l'on m'avait donné la place d'honneur, près du maître, était
assis non loin de nous un confrère phtisique. Il toussait,
toussait et continuait à tousser. M. Dettweiler me dit à voix
basse : « Vous voyez ce confrère qui tousse. Eh bien, je lui
dirai après dîner de ne plus tousser ou de prendre ses repas
chez lui. car il n'a pas besoin de tousser. »
Le soir même, pendant le souper, notre malheureux con-
frère était à sa place, mais il ne toussa pas une seule fois pen-
dant toute la durée du repas.
(î) Dettweiler, cité par Darembekg, m Traitement de la Phtisie pulmonaire.
TOUX 357
Contre l'irritation incessante une gorgée d'une boisson
fraîche est souvent suffisante. Dans quelques cas, on donne
une solution de codéine à 1/200 à prendre par demi-cuillerée
chaque fois que le malade sent qu'il va avoir une quinte de
toux. Il est facile de comprendre que, clans les établissements
fermés, où le traitement par le régime est la chose principale,
on évite autant que possible l'administration de médicaments,
car non seulement les médicaments, tels que la codéine et sur-
tout la morphine, ont sur l'estomac une influence fâcheuse,
mais ils ont presque tous l'inconvénient d'affaiblir le sujet.
On doit donc, quand on se trouve en présence d'une toux
quinteuse que la volonté du malade est impuissante à empê-
cher, recourir à l'injection sous-cutanée d'eau pure stérilisée
préconisée par M. le professeur Landouzy en 1880. Cette
méthode est recommandée par Hérard, Cornil et Hanot (r),
par Marfan (a) et d'antres encore comme inoffensive, rapide et
facile à employer.
On pratique l'injection dans la région sous-claviculaire ou
cervicale, et si le malade peut localiser le point où les picote-
ments qui précèdent la toux sont le plus intenses, on la fait
en cet endroit. On prépare une petite surface au lieu désigné,
avec les précautions antiseptiques, c'est-à-dire après avoir
pratiqué une friction vigoureuse avec un tampon d'ouate trempé
clans du sublimé à 1/1000 ou 1/2000 ou dans d'autres antisep-
tiques, pour éviter la formation de petits abcès, puis on
injecte une seringue de Pravaz pleine d'eau distillée.
Les malades qui ont besoin d'expectorer, mais dont les
crachats ne se détachent pas facilement, sont traités, comme
partout, par des expectorants, tels que les préparations de
terpine, de benzoïne, ou des inhalations d'eau chaude.
Un remède simple et efficace est la potion suivante :
Sirop de codéine 80 grammes.
— d'éther 20 »
Eau de tilleul 100 »
4 ou 5 cuillerées à soupe par jour.
(1) Hérard, Cornil et Hanot. La Phtisie pulmonaire, 1888.
(2) Marfan. Art. « Phtisie », in Traité de Médecine de Charcol et Bouchard.
358 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Vomissements. — Si la toux provoque des vomissements,
on emploie la codéine, qui, sans supprimer l'expectoration,
agit comme sédatif.
On tâche de combattre les vomissements qui ne dépendent
pas de la toux par des repas froids, petits mais assez fréquents
pour bien nourrir le malade, et toujours suivis d'un repos
absolu. Jaccoud a proposé les pulvérisations d'éther sur
la région épigastrique. De simples compresses d'eau froide
peuvent aussi faire du bien en pareil cas. Un autre moyen
qui m'a rendu des services, surtout quand le vomissement
se produit le matin, consiste à faire boire un verre d'eau
chaude au malade une demi-heure avant de se lever.
Les phtisiques très avancés ont souvent de la difficulté
à expulser leurs sécrétions bronchiques. Le procédé que
Reusner (de Saint-Pétersbourg) a imaginé dans les cas de
myélite avec paralysie des muscles thoraciques pour expul-
ser les sécrétions de la bronchite, peut être aussi employé
avec avantage chez les malades tuberculeux trop faibles
pour se débarrasser des exsudats gênant la respiration.
Voici ce procédé, qu'il est facile d'enseigner au gardien
du malade. Il a pour but de renforcer le diaphragme et
les muscles abdominaux dans l'effort destiné à expulser les
mucosités accumulées dans les bronches. Le malade se place
sur le dos, après avoir vidé sa vessie ; l'infirmier se met
du côté droit du lit, et avec la main droite appliquée sur
l'abdomen, il l'ait des mouvements progressifs dans la direc-
tion de la vessie. La main gauche est mise à plat sur la
région hypogastrique ; avec un peu de force on exerce une
pression assez profonde pour sentir la pulsation île l'aorte.
Le malade commence à tousser presque immédiatement, et
on maintient cette compression jusqu'à ce qu'il se sente
soulagé par l'expulsion des sécrétions.
Il y a aussi des cas où l'accès de toux produit des secousses
vraiment douloureuses ; pour les atténuer je conseille
d'entourer le thorax d'une large bande de flanelle bien
serrée.
De même, quand l'expectoration est très difficile et que la
rétention des crachats s'accompagne d'oppression, il est
indiqué de faire, selon l'expérience de notre très distingué
EMPHYSÈME 35g
confrère le Dr Darèmberg (i), des pulvérisations d'eau
chaude, des inhalations d'oxygène, et de temps en temps,
au moment des grands accès, des inhalations de pyridine,
d'iodure d'éthyle ou de nitrite d'amyle, ou encore de poudre
anti-asthmatique. Si l'on n'a pas d'inhalateur à vapeur sous la
main, une casserole placée au-dessus d'une lampe à alcool
peut servir.
Dyspnée. — Dans la majorité des cas de dyspnée aiguë,
quelle qu'en soit la cause, le meilleur moyen à employer me
semble être les inhalations d'oxygène, telles qu'on les pratique
journellement dans les hôpitaux de Paris, et j'estime qu'un
sanatorium doit toujours être muni d'appareils pour appliquer
ce traitement. Dans les divers services que j'ai eu l'honneur
de suivre à Paris, j'ai souvent vu des effets merveilleux pro-
duits par ce gaz.
Je sais bien que le remède le plus facile et le plus souvent
employé dans ces cas est une injection de morphine. Mais je
ne crois pas que cela soit sans danger, et l'on devrait tou-
jours essayer d'abord d'autres médicaments qui, contraire-
ment à la morphine, ne déprimeraient pas davantage un cœur
déjà fatigué.
Emphysème. — L'emphysème n'est pas rare chez les tuber-
culeux. Malheureusement, en dehors des palliatifs tels que
l'oxygène, le stramonium, etc., il y a peu de médicaments
qui soulagent réellement, et encore moins qui guérissent. Un
emphysémateux doit éviter le surmenage et toutes les causes
d'excitation. Les exercices respiratoires lui font du bien,
mais ceux que nous avons décrits plus haut (p. 3oo,-3 12) ne
lui conviennent pas. Pour eux et pour les asthmatiques, c'est
l'expiration qui doit être plus longue que l'inspiration ;
pendant le mouvement inspiratoire, ces malades devraient
mettre les deux mains à plat sur la poitrine. Le deuxième
effort expiratoire avec les bras en supination comprimant
avec force la cage thoracique est d'une haute importance
(j) Dare.mberg. Traitement de la Phtisie pulmonaire. Paris, 1893.
36o TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
pour les emphysémateux, car il aide à l'expulsion de l'air
accumulé dans les alvéoles.
La rétention de l'air après l'inspiration, qui est un avantage
pour un tuberculeux ordinaire, n'est pas à conseiller aux em-
physémateux. L'emploi du cabinet pneumatique, pour les
tonnes chroniques emphysémateuses et dyspnéiques , m'a
rendu de bons services. Je fais inspirer au malade l'air
extérieur et le fais expirer dans l'atmosphère raréfiée du
cabinet, c'est-à-dire qu'à l'aide du tube il inspire par le
nez l'air extérieur et fait, dans l'appareil, une expiration
un peu forcée par la bouche. Le masque nasal, relié au
tube venant de l'extérieur, ne couvre pas la bouche.
Un autre moyen physique pour soulager les sensations
dyspnéiques des emphysémateux et îles asthmatiques, et qui
aide aussi à l'expulsion des sécrétions bronchiques et pulmo-
naires, est le suivant. Ce procédé, recommandé par Gerhardt
(de Berlin) (i), a cet avantage qu'il n'exige aucun appareil et
que le malade peut l'appliquer lui-même. Le patient se met
sur le ventre et croise les bras derrière le dos. Les surfaces
plantaires des pieds s'appliquent contre le bout du lit, les
orteils s'enfonçant dans le matelas. Un petit oreiller est placé
sous la partie supérieure de la poitrine. Le front repose sur
un deuxième oreiller. Le malade fait des inspirations pro-
fondes, et, pendant chaque expiration, il accomplit un fort
mouvement d'extension des pieds qui a pour effet de projeter
la poitrine contre l'oreiller.
Afin d'éviter la gène produite sur la respiration par le
refoulement du diaphragme, l'emphysémateux doit éviter
toutes les substances alimentaires susceptibles de causer la
distension des intestins, telles (pie fèves, haricots, pommes
de terre, etc.
Bronchorrhée. — Quand on se trouve en présence d'une
toux compliquée de bronchorrhée persistante, les injections
intratrachéales, faites à l'aide d'un laryngoscope et d'une
seringue laryngienne (fig. 82) après cocaïnisalion préalable,
(1) Gerhardt. Befûrderung (1er Àusathruung. Zeitsckrift fur diàtetische iind
physikalische Thérapie, 1. I, p. 11.
DOULEURS THORACIQUES 36i
sont indiquées. Vingt gouttes du mélange ci-dessous, une ou
deux fois par jour, agissent bien comme sédatif et antisep-
tique local sur la muqueuse irritée :
Gaïacol \ . . YV
_ , . . aa XX gouttes.
Jisscncc de menllie
Huile d'olives 4 grammes.
Douleurs thoraciques. — Contre les douleurs de la
névralgie intercostale, ou cette vague sensation d'inquiétude
que le malade ressent dans la poitrine à la suite des accès
de toux douloureuse, surtout pendant la nuit, il n'y a rien
de mieux que d'entourer tout le thorax d'une compresse
froide telle que nous allons la décrire comme moyen
Fig. S2. — Seringue laryngienne pour les injections intratrachéales.
hydrothérapique contre les sueurs nocturnes rebelles. Pour
les douleurs thoraciques, comme pour l'hyperhidrose, cette
compresse à l'eau froide doit être appliquée surtout le soir
avant le coucher. Le malade reste ainsi enveloppé toute la
nuit.
Les révulsifs, dans le traitement de la phtisie en gé-
néral, mais surtout quand il y a des douleurs thoraci-
ques, des névralgies intercostales, etc., sont, selon moi,
d'une grande valeur, car il est démontré aujourd'hui que
par cette contre-irritation la fonction phagocytique est ren-
due plus active. J'ai déjà parlé dans mon chapitre sur
l'hydrothérapie de l'effet révulsif que l'on produit en diri-
geant un jet d'eau froide avec un peu de force sur le som-
met des épaules.
Les révulsifs proprement dits sont peu employés dans les
sanatoria ; mais, pour ma part, je m'en voudrais d'abandonner
Ï62 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
la vieille et excellente méthode des ventouses sèches dans
les cas de petites poussées bronchiques pleurales ou pulmo-
naires, si fréquentes dans la phtisie à évolution lente.
S'il est indiqué d'appliquer un vésicatoire, je préférerai
toujours quelques pointes de l'eu à l'aide du thermocautère, ou
encore mieux la réfrigération avec le chlorure de méthyle, pré-
conisée par Debove.
Fièvre chronique. — La lièvre est le symptôme le plus dif-
ficile à combattre dans la phtisie pulmonaire. On devrait
toujours essayer de traiter la lièvre ordinaire des phti-
siques par le repos à l'air pur et frais et par le régime.
La phénacétine (i5 à 4° centigrammes), l'antifébrine (10 à
25 centigrammes), l'antipyrine (25 centigrammes à i gramme)
sont des remèdes assez précieux en pareil cas. Mais je ne
crois pas qu'il soit bon de continuer le même médicament
trop longtemps. 11 vaut mieux recourir de temps en temps
aux lotions fraîches et autres moyens hydrothérapiques.
Les compresses froides appliquées alternativement sur les
diverses parties du corps, ou les épongements partiels, m'ont
souvent rendu de grands services dans la lièvre continue des
phtisiques.
Les boissons glacées et les potions alcooliques contribuent
à abaisser la température. Jaccoud donne la formule d'une
potion alcoolique très goûtée des malades :
Vin rouge ioo grammes.
Cognac io »
Sirop d'écorces d'oranges amères. . . 5o »
Teinture de cannelle 8 »
Extrait de quinquina 3 »
Je préfère prescrire celle potion entourée de glace, et au
lieu de 4° grammes de cognac, j'en mets seulement la moitié
ou même pas du tout. Une vessie de glace peu lourde peut
être appliquée sur la région précordiale quand la lièvre
atteint un certain degré d'intensité. Si, malgré tous ces
moyens, la lièvre ne tombe pas, Deltweiler recommande
les inhalations antiseptiques (créosote, acide phénique,
etc., etc.).
La quinine semble être peu utile comme antipyrétique
FIÈVRE SEPTIQUE 363
dans la fièvre chronique des phtisiques. Les médicaments
que nous venons de citer paraissent agir plus avantageu-
sement. A petites doses, la quinine est indiquée plutôt
comme tonique.
Fièvre septique et sérum de Marmorek. — Quand la fièvre
.est due aux associations microbiennes, c'est-à-dire lorsque
différents microbes, en particulier les streptocoques, se sont
associés aux bacilles de la tuberculose et que les moyens
ordinaires sont restés sans résultat, on est en droit de
recourir à la sérothérapie. J'ai essayé moi-même depuis près
de deux ans déjà cette méthode thérapeutique chez les
tuberculeux avec fièvre, lorsque l'examen bactériologique
démontrait la présence de streptococques. Quoique nous ne
possédions vraisemblablement pas encore un sérum strep-
tococcique d'une intensité fixe, le sérum de Marmorek n'en
est pas moins doué de propriétés antipyrétiques incontes-
tables dans la fièvre mixte de la tuberculose.
Voici le résumé de mon expérience personnelle en ce qui
touche cet agent précieux, dont l'avenir me semble certain :
Quand la température avait dépassé pendant plusieurs
jours 3o,°5, je n'obtenais aucun résultat. Au-dessous de ce
degré, une première injection abaissait la température d'un
degré environ. Une seconde injection de 10 centimètres
cubes ramenait la température presque à la normale. Une
troisième, quatrième, cinquième et sixième injections, de
5 centimètres cubes chacune, pratiquées toutes les vingt-
quatre heures d'abord, puis à intervalles plus éloignés,
maintenaient la température au voisinage de la normale, en
même temps que le malade éprouvait un soulagement
marqué.
Ce qui est essentiel dans l'emploi de ce séruum, c'est de
s'assurer toujours qu'il est en bon état, que les injections
sont faites suivant les règles de l'asepsie et dans des endroits
où l'on est sur de rencontrer des tissus musculaires profonds,
chose qui n'est pas toujours facile avec les tuberculeux amai-
gris. Je trouve que les flancs ou la partie antéro-interne de la
cuisse sont les parties qui se prêtent le mieux aux injections.
Pour éviter toute possibilité d'une infection post-opératoire,
36-1 TRAITEMENT SrMPTQMATIQUE
j'ai l'habitude de fermer la piqûre produite par l'aiguille avec
du collodion iodoformé.
Eu dehors des médicaments antiseptiques, le régime et la
manière de vivre d'un phtisique fiévreux ont une importance
capitale.
D'abord il est bien entendu que dès que la température
vespérale d'un malade s'élève au-dessus de 3o.°5, le repos au
lit dans une chambre aérée est de rigueur. Quand la lièvre
commence à s'abaisser on peut permettre au malade de l'aire
sa cure d'air sur la véranda tète et corps à l'ombre), mais sans
autoriser les promenades. S'il y a fièvre continue les exercices
sont absolument défendus jusqu'à ce que la température soit
devenue et demeure à peu près normale pendant plusieurs jours.
Les fiévreux doivent prendre leur repas autant que possible
avant les accès fébriles. Dans certains sanatoria on donne
quelques verres (i ou 2' de vin de Hongrie, une heure avant
l'élévation habituelle de la température : c'est une pratique à
recommander. En tous cas il faut nourrir les phtisiques
fiévreux. Des mets froids, des boissons glacées (café, thé,
limonade) et l'habitude tic prendre les repas autant que possible
à l'air libre, sont des moyens précieux pour faire manger un
tuberculeux fébricitant.
Je ne suis pas d'avis de laisser le malade prendre sa tempé-
rature lui-même, et je ne crois pas non plus qu'il soit néces-
saire de la relever trop souvent. Certains phtisio-thérapeutes
recommandent à leurs malades de prendre eux-mêmes leur
température toutes les deux heures (1). C'est une pratique
dangereuse pour l'esprit du patient, surtout s'il est de tem-
pérament nerveux et pusillanime. Pour se rendre compte du
degré thermique du malade, le médecin ou l'infirmier doit
prendre la température le matin à 9 heures, l'après-midi à
S heures, et enfin le soir à 9 heures. Le traitement moral et
suggestif est d'une haute importance chez les phtisiques
fiévreux. Le malade n'a pas besoin de connaître exactement sa
température ; il faut lui suggérer la patience et lui donner
l'espoir que la fièvre va baisser.
(11 V. Jakuntowskï. Die gesehlosseneu Heilanstalten fur Lungenkranke
Berlin, 1896.
SUEURS NOCTURNES 365
Sueurs nocturnes. — Les sueurs nocturnes sont en relation
avec la fièvre, et on devrait autant que possible régler ainsi
qu'il suit l'administration des antipyrétiques. Pour obtenir de
ces derniers l'effet maximum, il conviendrait de les admi-
nistrer avant que la fièvre soit déjà en activité. Néanmoins,
il y a souvent occasion d'employer des moyens antisudori-
fiques. On fait des frictions générales à sec ou bien avec de
l'eau vinaigrée ou alcoolisée. Une friction pratiquée soir et
matin avec de l'alcool pur semble agir particulièrement bien
contre les sueurs excessives.
On donne en outre au malade, avant de se coucher, un
verre de lait avec 10 à i5 grammes de cognac. Un phtisique ne
doit jamais aller se coucher le soir avec la moindre sensation
de faim ; il serait même bon qu'il eût un petit goûter près
de son lit, pour le prendre au cas où il se réveillerait en état
de faiblesse.
Comme médicament antisudorifique, on utilise de préférence
le sulfate d'atropine à la dose d'un demi-milligramme prise à
l'heure du coucher, ou l'agaricine à la dose d'un centigramme.
Dans le service de notre vénéré maître, M. le professeur
Potain, nous avons vu employer avec succès, contre les sueurs
nocturnes, le phosphate de chaux tribasique, à la dose de
4 à 5 grammes.
Quand tous ces moyens échouent, je recommande un procédé
qui m'a souvent réussi contre les sueurs nocturnes rebelles.
On prend une compresse de toile ou de coton à grosse
trame que l'on plie en 3 ou 4 épaisseurs, assez longue pour
envelopper comme un châle le [borax et les épaules, et on
l'imbibe d'eau à la température de i2-i5°; on l'applique rapi-
dement sur le malade en ayant soin que les sommets des pou-
mons soient bien couverts, et on met par-dessus unu com-
presse de flanelle pliée en plusieurs doubles et un peu plus
large que la compresse de toile.
Mieux encore, au lieu d'un châle on prend trois com-
presses, dont une grande, et deux petites d'environ 12 ou
i5 centimètres de largeur, c'est-à-dire assez larges pour
couvrir toute la lono-ueur de la clavicule et assez lonoues
o o
pour qu'elles s'étendent du mamelon en avant jusqu'à l'angle
inférieur de l'omoplate en arrière. Ces deux compresses
366 TRAITEMENT SI MPTOMATIQUE
étant mises en place sur les épaules, on enveloppe le thorax
avec la troisième. Les deux petites compresses sont ainsi
maintenues en plaee. Pour recouvrir la toile humide on coupe
la flanelle également en trois morceaux et on l'arrange de la
même façon cpie la toile. Ce procédé est moins gênant poul-
ie malade que le châle.
On laisse le patient au repos dans cette compresse durant
toute la nuit. Le plus souvent, il s'endort et reste ainsi
enveloppe sans éprouver le moindre inconvénient de la
chaleur entretenue par la compresse. Le matin, on enlève la
compresse et on lui l'ait une friction sèche.
Cette méthode arrête presque toujours les sueurs nocturnes,
lait disparaître les douleurs thoraciques et même souvent les sen-
sations dyspnéiques. Cette compresse se distingue de la com-
presse échauffante de Priessnitz, adoptée en Allemagne et en
Russie, par l'absence de taffetas gommé ou de toile cirée ; elle
peut être supportée beaucoup plus longtemps que cette der-
nière.
En dehors du traitement symptomatique de l'hyperhidrose,
il nous faut aussi parler du traitement prophylactique que nous
avons préconisé il y a quelques années, et en laveur duquel
nous pouvons peut-être aujourd'hui plaider avec plus d'expé-
rience et d'autorité. Il n'y a pas le moindre doute en notre
esprit que les sueurs nocturnes, chez les phtisiques, ne soient
dans une grande mesure le résultat d'une accumulation de
toxines bactériennes. L'hyperhidrose n'est rien autre chose
qu'un effort de la nature cherchant à se débarrasser des toxines.
Le bain de vapeur est un adjuvant qui facilite l'élimination en
réduisant sa durée en même temps qu'il diminue aussi les
chances de refroidissement. Ainsi, en présence d'un tubercu-
leux ayant des sueurs nocturnes, si l'état général n'est pas trop
faible, nous prescrivons un bain de vapeur de courte durée.
Si, à la suite de ce premier bain, le malade ne se sent pas trop
affaibli et si les sueurs nocturnes sont devenues moins intenses,
nous répétons les bains tous les deux ou trois jours. Bien
entendu, après le bain le malade est frictionné avec une ser-
viette-éponge trempée dans l'eau froide et mis au lit pendant
une ou deux heures; mais le meilleur moment pour appliquer
ce traitement est le soir avant le coucher. Il y a avantage à
BAI.\S DE VAPEUR
367
posséder un appareil portatif, de façon à pouvoir administrer le
bain dans la chambre même du malade. La durée des bains ne
devrait jamais excéder une vingtaine de minutes et être réglée
par l'état du malade après le premier bain. Pour augmenter l'ac-
Fig. 8!i et 8-J. — Appareil portatif pour bains de vapeur.
tion sudorifique des bains de vapeur, il est bon de les faire
précéder d'un pédiluve chaud, afin d'éviter des maux de tète.
Une trop grande faiblesse est une contre-indication à l'emploi
du bain. Il y a actuellement dans le commerce des appareils
très commodes pour appliquer ce traitement. La figure ci-
dessus montre un de ces appareils. S'il était impossible de se
les procurer, il faudrait se contenter d'un bain ordinaire bien
chaud.
368 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Frissons. — Les frissons chez les tuberculeux s'observent
le plus souvent le matin entre 8 et 10 heures. On enseigne au
malade à rester au lil jusqu'à ce que le frisson ait disparu.
Dettweiler conseille de prévenir l'accès en donnant au malade,
une heure au moins axant l'apparition du frisson, des boissons
chaudes alcoolisées, des limonades ou du lait chaud, puis on
le fait envelopper rapidement dans la couverture. Le frisson
se trouve ainsi enrayé. Quand le temps est beau, on peut
permettre au malade de s'exposer au soleil, la tète à l'ombre.
Anorexie. — L'anorexie constitue, chez le phtisique, le symp-
tôme le plus alarmant. Du moment où le tuberculeux cesse de
manger, il est condamné. Heureusement les phtisio-thérapeutes
modernes se sont occupés de celte question importante, et
savoir l'aire manger un tuberculeux est devenu tout un art.
Nous avons déjà parlé, dans le chapitre relatif à l'alimenta-
tion, des conditions générales (hygiène de la bouche, nécessité
de bien mâcher les aliments, régularité des repas, etc.) essen-
tielles pour une bonne digestion. Ici nous allons passer seu-
lement en revue les causes diverses de l'anorexie, et par
conséquent de la nutrition défectueuse chez les tuberculeux.
Dyspepsie nerveuse. — Il y a d'abord la dyspepsie nerveuse,
que l'on peut dénommer aussi psychique, ou dyspepsie sans
cause apparente. Le traitement principal dans ce cas est le
traitement moral. La persuasion, la suggestion, l'autorité du
médecin peuventfaire beaucoup. Il faut convaincre ces malades
(pie leur capacité digestive est de beaucoup supérieure à ce
que leur appétit semble indiquer. Pour quelques-uns d'entre
eux, chez lesquels l'élément hystérie est difficile à exclure, je
trouve a propos de les effrayer en leur disant : « Si vous ne
mangez pas, vous ne pouvez pas guérir ! »
Mais il est rare qu'en variant fréquemment les petits repas,
pris autant que possible en plein air, et qu'en y apportant
beaucoup de patience, le médecin n'arrive pas à un résultat
satisfaisant. Si les mets chauds ne conviennent pas aux
malades, on peut leur permettre de ne prendre que des plats
froids jusqu'à ce qu'ils réclament d'eux-mêmes des plats chauds.
Chez ces dyspeptiques on augmente les doses de lait à
IirPERClILORIIÏDRIE 36c,
mesure qu'ils perdent l'appétit pour les autres aliments. Si le
lait n'est plus supporté, on commence à mêler à ce dernier de
l'eau de chaux, du café, du thé, du cognac, ou l'on fait alterner
le lait de vache avec celui d'ânesse ou de chèvre, avec le
képhir ou le koumys. Sauf dans les cas très avancés, il est
rare qu'on ne puisse, par ces moyens prudents, habituer un
estomac à tolérer ultérieurement les aliments ordinaires. La
viande crue est ici un puissant auxiliaire.
Les amers, la noix vomique, sont quelquefois des adjuvants
précieux pour combattre une anorexie sans cause appréciable,
et la formule donnée dans le Traité de médecine me semble
excellente :
Teinture de quinquina. ... \
— de Colombo àà 5 grammes.
\
— de gentiane
de noix vomique ... 3 —
A prendre : X à XV gouttes avant chacun des deux principaux repas.
Hyperchlorhydrie. — D'après les recherches d'Immermann
(de Bâle), la véritable hyperchlorhydrie est rare chez les phti-
siques ; c'est, semble-t-il, plutôt l'hyperchlorhydrie neurasthé-
nique d'Hayem qui, si elle ne cède pas par le régime et le
séjour prolongé à L'air, est aussi difficile à combattre dans les
sanatoria qu'ailleurs.
M. Daremberg, avec sa grande expérience de la phtisio-thé-
rapie, recommande dans ces cas la formule suivante :
Salicylate de bismuth o,6o gramme.
Bicarbonate de soude 0,73 »
SaloI ou benzonaphtol o,35 »
Pour un cachet. — A prendre : un cachet semblable avant chacun des trois repas.
Sans déprécier la valeur du gavage avec la sonde, tel qu'il
a été institué par M. le professeur Debove dans les hôpitaux
de Paris pour quelques cas particuliers, je crois cependant
que ce procédé est rarement nécessaire pour les malades
d'un sanatorium. Dans aucun des établissements de ce genre
([lie j'ai visités à cet effet je n'ai vu emploA'er cette méthode
de suralimentation forcée ; mais il peut arriver qu'on soit
obligé d'y avoir recours, et un sanatorium doit toujours être
muni de sondes œsophagiennes.
Ksopf. Sanatoria. 24
3;o TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Pour L'alimentation artificielle, M. le professeur Debove (i)
se serl surtoul de la poudre de viande Voici La prépara-
tion : on prend de la viande de bœuf aussi bien dégraissée
que possible et séparée des tendons ; on la passe dans un
hachoir et on en forme une pâte grossière, qui est ensuite
«'■talée sur des plaques, pins desséchée à l'étuve à une tem-
pérature de ç)<>". Lorsque la viande est devenue dure par des-
siccation, on la broie au pilon, puis on la crible sur un lin
tamis de soie. La poudre ainsi obtenue est impalpable ; «die
se conserve indéfiniment, à condition d'être soigneusement
préservée de l'humidité. Elle représente quatre fois son poids
de viande fraîche.
D'autres poudres alimentaires impalpables, telles que la
poudre de lentilles, sont préparées par le même procédé.
La poudre de viande de Debove et les peptones solides
présentées aux malades, une fois masquées par tics prépara-
tions culinaires qui les l'ont appétissantes, peuvent rendre de
grands services.
J'ai souvent réussi à nourrir des malades qui ne voulaient
rien manger en leur prescrivant ce qu'on appelle en Amérique
un « egg-nog ». On le prépare ainsi : on ajoute aux 2 3 d'un
verre de lait 1 à a cuillerées à café de bon cognac, puis un
œuf cru, le blanc et le jaune, et 1 à 2 cuillerées de sucre en
poudre.
Contre cette anorexie que j'appelle anorexie sans cause
apparente, il y a un moyen hydrothérapique a appliquer, qui
«•si vraiment précieux. On l'appelle le « Winternitz », ^\\\ nom
de son distingué innovateur M. le professeur Winternitz (de
Vienne). Voici le procédé, tel qu'il est décrit dans le livre de
Bottey (2), et que nous nous taisons un plaisir de reproduire
ici :
« Cette méthode, dans laquelle sont combinés le froid et le
chaud, consiste à envelopper le haut du corps et les parties
supérieures des cuisses avec un drap trempé dans de 1 eau
froide (8° à 18° C.) et bien exprimé ; ensuite, avant d'envelopper
(1) Deuove. Recherches sur l'alimentation artificielle. Paris, 1882.
(a) Bottey. Traité théorique et pratique d Hydrothérapie médicale. Paris. i8y5.
CRYMOTHÉRAPIE 3"i
le malade clans un drap sec, on applique à la région gastrique
un treillis rond composé d'un tube en caoutchouc, dans lequel
circule de l'eau chaude à 4o° C. Après quelques minutes, la
sensation de froid commence à disparaître et est remplacée
par un sentiment de chaleur agréable. »
L'opération ne doit pas durer plus d'une vingtaine de
minutes, mais on peut la répéter deux et même trois l'ois par
jour selon les indications. Souvent les malades qui ne peuvent
rien manger, ceux qui souffrent de vomissements et de gas-
tralgie, peuvent prendre et retenir sans douleur un demi-litre
de soupe à la crème d'avoine, à laquelle ou peut ajouter une
préparation de peptone ou un jaune d'oeuf.
D'après Schutze (i), l'administration des médicaments, mal
supportée autrement, est également facilitée en les donnant
pendant que le malade est soumis à l'application du « Win-
ternitz ».
Le dernier moyen physique ajouté à la phtisio-thérapie
moderne pour augmenter l'appétit du phtisique, aider la nutri-
tion et le stimulus, est la cnjnwthérapie. Ce nouveau mode
de traitement des tuberculeux, inventé par notre cher et dis-
tingué maître M. Letulle et par M. Ribard, a l'ait l'objet d'une
communication à la Société médicale des hôpitaux dans sa
séance du 18 mars 1898, et aussi le sujet d'une conférence
devant les membres du IV Congrès de la Tuberculose le
aj juillet, à l'hôpital Boucicaut.
N'ayant pas encore d'expérience personnelle sur ce nou-
veau procédé, je donne le résumé de la conférence faite par
M. Ribard (2) :
« Chaz les tuberculeux, dit M. Ribard, l'alimentation est
très difficile. Or, l'alimentation des tuberculeux constitue
précisément, avec l'air et le repos, le principal élément de leur
guérison. L'alimentation est difficile chez ces malades pour plu-
sieurs raisons : les uns sont atteints de dyspepsie organique,
les autres toussent et rejettent leurs aliments en toussant.
Nous avons donc fixé nos recherches sur ce point particulier,
et nous avons été amenés à expérimenter l'action des tempé-
(1) Schuetze. Die Hydrothérapie der Lungenschwin Isuchl. Halle,
(2) La Presse Médicale, 1898, 3o juillet.
Ï7- TRAITEMENT SVMPTOMATIQUE
ratures très liasses sur l'appareil digestif tics tuberculeux.
.Xmis avons appelé celle médication crymothérapie, du grec
xpujjtôc, grand froid.
« Tout le monde sait que l'on mange beaucoup plus pendant
l'hiver que l'été, que les habitants des |>ays froids consom-
ment beaucoup plus de nourriture que eviw des contrées
chaudes du globe.
« J'ai donc été amené à essayer de la réfrigération pour
relever la puissance d'alimentation chez les malades. J'ai pense
qu'il v avait là une idée rationnelle dont on pouvait tirer parti.
Je suis arrivé à celle conviction qu'un froid local est 1res
efficace pour exciter l'appétit des malades.
« Mais au lieu d'appliquer les températures extrêmement
basses, de -- ioo° à — 110", qu'emploie M. Pictet, j'ai trouvé
qu'une température de — 8o° était suffisante pour obtenir le
résultat que je cherchais. J'ai donc recherché, en consé-
quence, quel élait le mélange réfrigérant le plus commode à
employer, et je nie suis arrêté à la neige carbonique, dont la
température est de — 8o°, ainsi (pie vous pouvez vous eu assu-
rer au moyen de ce thermomètre à toluène.
« Voici quelle est la manière île procéder pour appliquer ce
mode de traitement :
« Je remplis un sac de toile grossière avec :>. kilogrammes
île << neige carbonique ", et, afin de protéger la peau contre
l'action directe d'un froid trop intense, j'enveloppe ce sac d'une
couche assez épaisse de ouale. L'atténuation de l'action réfri-
gérante, dans ces conditions, est telle que la peau de la région
sur laquelle est appliqué l'appareil conserve une température
de + f>".
« Le sac est appliqué sur les régions hépatique et épigas-
trique. Je laisse le sac en place pendant une durée de trente
minutes environ. Cette application est faite deux l'ois par
jour, le malin avant le déjeuner, et, le soir, avant le dîner. La
neige carbonique s'évapore assez lentement pour permettre,
avec ■>. kilogrammes, de faire les deux applications h' même
jour.
« Le seul inconvénient de ce réfrigérant est son prix élevé
et l'irrégularité île son débit. Le sac de neige carbonique
coule 4 francs.
DYSPEPSIE ALCOOLIQUE 3-3
« Au bout de trois à cinq jours de ce traitement, les malades
ressentent de l'appétit : ils ont faim, mangent, ont une sensa-
tion de bien-être et renaissent à l'espérance.
» Maintenant, quelle est l'explication physiologique des
effets de ce traitement ?
« J'ai essayé d'en donner une, autant que peut le permettre
l'état peu avancé de la science sur ce point. Voici les considé-
rations auxquelles je me suis livré.
« Etant donné un corps qui possède une température infé-
rieure à — 6o°, il est impossible de trouver un corps isolant
(ouate, linge, liège, plume, peau) capable de le protéger
contre les radiations calorifiques environnantes. On ne peut
obtenir ce résultat qu'au moyen d'une bouteille à double paroi,
telle que celle employée par M. d'Arsonval pour conserver
l'oxygène liquide ou solide.
« Or, pour le corps humain que se passe-t-il ? Ses diffé-
rentes parties sont inégalement traversées par les radiations
calorifiques. Je crois, pour ma part, que le foie, l'estomac et
les reins se refroidissent plus que les autres parties. Pour
lutter contre le refroidissement, l'organisme est obligé de réa-
gir très violemment, et son moyen de défense — le meilleur et
le seul — c'est la faim, c'est l'alimentation , qui va fournir à la
machine le combustible nécessaire à l'entretien de la chaleur.
« De même que nos yeux ne sont pas capables de percevoir
les radiations infra-rouges ou ultra-violettes, de même que
les sons ne sont perceptibles qu'à partir d'un certain nombre
de vibrations, de même notre peau n'est sensible que jusqu'à
un certain degré de température. En général, on peut pro-
téger la peau jusqu'à — 55°. Mais au delà, aucun corps ne peut
la protéger. Notre système nerveux organique réagit incons-
ciemment. C'est pour cela que les malades ne ressentent rien,
n'éprouvent aucune douleur, et que, cependant, les 80 degrés
de froid passent à travers leur corps.
« Je donne cette explication sous toutes réserves ».
Dyspepsie alcoolique. — Chez quelques phtisiques avec
tendance à l'éthylisme , la suppression de toutes boissons
alcooliques et leur remplacement par l'eau pure est souvent
suffisante pour faire disparaître les phénomènes dyspeptiques.
3;4 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Quelquefois on est obligé de recourir à l'analyse du contenu
stomacal pour trouver la cause des troubles digestifs. Des
lavages de l'estomac peuvenl aussi devenir nécessaires.
Hypochlorhydbie. L'hypochlorhydrie, si bien étudiée
par M. le professeur Hayem sous le nom d'hypopepsie et
d'apepsie, joue un grand rôle dans la phtisio-thérapie. D'après
Hayem, elle est mieux combattue par l'usage du képhir, lail
fermenté acide, ou par l'acide chlorhydrique médicinal en
solution. Ce dernier médicament m'a rendu des services chez
les phtisiques souffrant d'hypochlorhydrie. Bien entendu,
il ne faut pas continuel' cette médication acide trop .long-
temps, mais recourir aussitôt que possible aux moyens diété-
tiques afin de corriger ce défaut d'une sécrétion qui est
essentielle pour une digestion et une assimilation satisfai-
santes.
Enfin le médecin, le vrai phtisio-thérapeute moderne, doil
étudier le pouvoir digestif de chacun de ses malades et les
causes des troubles gastro-intestinaux, comme nos grands
cliniciens ont l'habitude d'étudier les bruits du cœur, normaux
et anormaux. Le phtisio-thérapeute doit surveiller l'effet d'un
repas ou d'un médicament chez un phtisique difficile à nourrir,
comme le cardiologue étudie l'effet de la digitale ou de tout
autre remède cardiaque sur un cœur malade.
Dettweiler, en un article remarquable publié dans un ouvrage
récent intitulé : La Thérapie de ht Nutrition et rédigé par
von Leyden (i , dit ceci : ci II n'y a pas de lois, il n'y a pas un
schéma auquel on puisse s'attacher. On suit la théorie jusqu'à
ce qu'elle nous donne un bon résultat. On cherche, on l'ait des
essais, on tâche de satisfaire les côtés faibles et les caprices
de l'estomac et de l'intestin. Etudier ces caprices et ces fai-
blesses et trouver pour eux un remède, l'ait du médecin un
artiste culinaire ».
Dilatation stomacale. — Les cas de dilatation stomacale,
assez fréquents chez les phtisiques, sont facilement traites
in Non Leyden. Handbuch «1er Ernhârungslherapie . T. II. chap. vi.
Leipzig, 1898.
CONSTIPATION 375
dans un sanatorium par le régime sec, conseillé par M. le
professeur Bouchard.
Là où il y a des flatulences, la magnésie calcinée, le charbon
lavé, la craie lavée, administrés avant les repas, donnent de bons
résultats. Le massage abdominal est aussi indiqué dans ces cas.
Constipation. — Tous les phtisiques doivent surveiller les
fonctions de leur intestin. Peter a dit: « L'homme qui ne
va pas bien tous les jours à la garde-robe est un homme
malade » ; et pour l'homme phtisique cette maxime est encore
plus vraie. Sans parler de la perte de l'appétit ni des sensa-
tions de plénitude si pénible qui résultent de ce dérangement,
il existe, de ce fait, d'autres dangers pour les tuberculeux. Les
trop grands efforts pendant la défécation peuvent être la cause
d'hémoptysies plus ou moins graves. A la moindre menace de
constipation le malade doit se présenter à son médecin.
Les moyens employés pour combattre la constipation des
phtisiques sont presque les mêmes dans tous les sanatoria :
lavements, huile de ricin, eau de Vichy et de Carlsbad, etc.
Mais, s'il y a tendance à la chronicité, on ajoute au régime
ordinaire du malade des pruneaux ou autres fruits. On essaie
aussi de plus les laxatifs légers et on les varie de temps en
temps, pour ne pas affaiblir leur effet.
Depuis l'introduction de la cascara sagrada, « écorce
sacrée », dans la Pharmacopée américaine, il y a une dizaine
d'années, j'ai étudié sur place, en Californie, où pousse abon-
damment le Pihamnus Purshiana, les effets de ce précieux mé-
dicament.
Pour moi, c'est un des moyens les plus efficaces de combattre
la constipation chronique ; je l'ai très souvent employé pour
les tuberculeux de la Californie du Sud.
La meilleure préparation est l'extrait fluide ; on ne doit
jamais en donner plus de 4 à 5 grammes (une cuillerée à café)
à la fois. Une seule dose, prise le soir avant de se coucher, est
généralement suffisante pour produire une évacuation natu-
relle, abondante et sans douleur, et pour laisser les fonctions
intestinales en bon état pendant un certain temps. Ce médica-
ment semble agir comme cholagogue et stimulant des sécré-
tions intestinales.
f
3;6 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Si l'on est obligé d'en renouveler l'usage ou de le conti-
nuer pendant un certain temps, on doit diminuer graduel-
lement la dose et alterner la cascara avec un purgatif salin, le
matin avant de se lever.
Des préparations laxatives diverses obtenues du tamarin
(Tamarinus indica) se montrent également agréables et com-
modes chez les phtisiques.
Comme moyen non médicamenteux dans la constipation
chronique, le massage abdominal, soigneusement appliqué,
fait toujours du bien. Souvent de simples frictions à l'alcool
suivant la direction du gros intestin, en commençant par le
côlon ascendant, pendant des séances de cinq à dix minutes
laites journellement durant une ou deux semaines, suffisent
pour guérir cet état maladif qui semble dû à une paralysie par-
tielle du gros intestin.
Pour une constipation plus ou moins opiniâtre, et surtout si
le malade n'est pas trop faible, j'aime à prescrire 0,60 centi-
grammes de calomel avec (i grammes de lactose en 9 paquets.
Je fais prendre au malade un de ces paquets toutes les
heures, jusqu'à ce qu'il ait eu une ou deux bonnes évacua-
tions. Il cesse abus le calomel et le lendemain à jeun ingère
une dose de sel d'Epsom ou de Seillitz. Je ne suis pus en
faveur des lavements trop souvent répétés, car ils oui une
tendance fâcheuse à diminuer le pouvoir contractile du gros
intestin.
Il reste encore une complication intestinale à combattre, la
diarrhée.
Diarrhée.. — Il est difficile de dire dès l'abord si elle est due
à une colonisation tuberculeuse, ou si elle a sa cause dans un
écart de régime alimentaire. L'examen bactériologique lui-même
n est pas décisif, car le malade peut avoir avalé ses crachats.
Le meilleur moyen est peut-être d'essayer d'abord de net-
loyer le canal digestif par une dose d'huile de ricin, puis
d'instituer un régime antidiarrhéique ; si cela ne réussit pas.
on peut être à peu près certain que l'on a affaire à yinr tuber-
culose intestinale.
On supprime d'abord le vin blanc, le lait, les fruits et l'huile
de foie de morue, si le malade en prend.
DIARRHÉE 377
Voici le menu de Reiboldsgrim pour les phtisiques ayant la
diarrhée :
Boire le moins possihle, et faire usage d'eau de riz.
a) ier déjeuner : Cacao, café ou thé peu sucré avec petits
pains ou biscuits.
2e déjeuner : Vins de Bordeaux contenant de l'arrow-root
(Maranta arundinacea L.) en dissolution, des œufs à la coque
ou des œufs crus, du pain.
b) Dîner : Potage mucilagineux, veau, poulet, purée de
pommes, riz.
c Repas à 4 heures, comme le icr déjeuner.
d Souper comme le dîner.
Pour les diarrhées qui persistent malgré ce régime sévère,
combiné avec le repos absolu au lit, on a le droit d'essaver
tout : opium, sous-nitrate de bismuth, nitrate d'argent, tanin,
benzonaphtol, acide lactique, acide gallique, talc à haute dose
préconisé par Debove, lavements de vin, lavements créo-
sotes.
Les bons résultats obtenus à l'aide de médicaments dans
la tuberculose intestinale sont malheureusement très rares.
La présence de sang, même en petite quantité, dans les selles.
est, au point de vue pronostic, toujours un élément des plus
sérieux.
J'ai assez souvent donné dans ces cas du vin rouge chaud
additionné de cannelle. Cette potion, prise une, deux ou
même trois fois par jour, parait produire d'excellents effets
dans la diarrhée persistante. Voici comment on doit préparer
cette potion : on prend uo grammes de bon vin rouge, on
ajoute une cuillerée à dessert (10 grammes) de cannelle en
poudre, on met le tout sur le feu jusqu'à ce que le vin com-
mence à bouillir ; on ajoute alors environ une cuillerée à
dessert de sucre en poudre, on mélange le tout en le versant
dans une grande tasse. Le malade le boit aussi chaud que
possible, en une seule fois.
Plicque ( 1) recommande, dans un article récent à propos de la
(1) A.-F. Plicque. La diarrhée chez les tuberculeux et sou traitement- La
Presse médicale, 7 octobre 1899.
3 7 8 TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
diarrhée chez les phtisiques, dans la diarrhée liée à l'entérite
tuberculeuse la préparation suivante :
Acétate de plomb cristallisé 0,20 centigrammes.
Extrait <l opium o, jo gramme.
Extrait de ralanhia 1 gramme.
Diviser en ao pilules; une à trois par jour.
Hémoptysie aiguë. — II n'est pas toujours facile déjuger
au premier abord, quand on est appelé auprès d'un malade
ayant une hémorrhagie pulmonaire considérable, si l'on se
trouve en présence d'un processus congestif ou ulcératif. El je
crois (pie peu importe, après tout, le traitement immédiat étant
le même : repos absolu dans la position demi-assise, glace sur
les sommets, boissons glacées par très petites gorgées à la
t'ois, ergot ou ergotine, opium ou ses dérivés (une ou deux
injections d'un centigramme de chlorhydrate de morphine),
tels sont les meilleurs moyens pour combattre une hémor-
rhagie pulmonaire aiguë.
Pour diminuer la pression artérielle, on peut se servir aussi
avec avantage du sulfate d'atropine en injections hypodermi-
ques, à la dose de 1 à 2 milligrammes, ou si on veut le combi-
ner avec le chlorhydrate de morphine, on peut se- contenter
d'en injecter 1 milligramme pour obtenir l'effet désiré. Voici
la formule la plus commode pour injections hypodermiques :
Sulfate d'atropine 1 centigramme.
Chlorhydrate de morphine ... 10 centigrammes.
Eau de laurier-cerise 20 grammes.
(1 centimètre cube contient un demi-milligramme de sulfate
d'atropine et 5 milligrammes de sel de morphine) : on injecte
un à deux centimètres cubes.
Si l'on ne peut passe procurer de glace, on la remplacera à
la rigueur par un procédé hydrothérapique indiqué, je crois,
pour la première fois par Winternitz. On prend un morceau
de toile à grosse trame, on le trempe dans de l'eau aussi
froide qu'on peut se la procurer, on l'exprime bien et on le
plie en forme de triangle, on l'applique exactement sur la
poitrine, de façon que le sommet du triangle recouvre le creux
de l'estomac el que sa base touche le cou. On ne met rien sur
TRAITEMENT PSYCHIQUE 3;9
la compresse de toile, et aussitôt qu'elle devient chaude on la
change. On peut faire cette opération sans déranger le malade.
L'application de la glace, de même que l'eau froide, est sur-
tout indiquée dans la tuberculose au début, alors que les vais-
seaux sont encore bien contractiles.
Pour les cas plus graves, la ligature des membres, déjà
recommandée par Galien, est beaucoup en vogue dans quel-
ques sanatoria allemands. On se sert dans ce but d'instruments
spéciaux [AssaUinische Schnallen), mais il faut dire que de
simples bandes de flanelle, de grands mouchoirs de soie, etc.,
peuvent les remplacer. On applique les ligatures sur les bras,
sur les cuisses, et aussi près que possible du thorax. On relâche
les bandes toutes les demi-heures ou même plus tôt s'il y a une
compression douloureuse des nerfs ou danger d'anémie céré-
brale.
Collapsus. — La méthode de Kemp applicable aux états de
collapsus post-opératoire (injection rectale d'eau salée chaude)
est également indiquée après les hémoptysies graves. On peut
préparer rapidement une solution saline analogue au sérum
artificiel, en faisant bouillir un litre d'eau dans laquelle on met
une cuillerée à café de sel ordinaire. On peut injecter celte
eau dans le rectum à une température de 38 à 4§° C, à l'aide
d'une canule à double courant. La chaleur ainsi transmise au
corps et l'absorption de la solution saline par le rectum
agissent rapidement en relevant les forces du malade affaibli
et refroidi par une perte de sang plus ou moins considé-
rable. Les boules d'eau chaude placées aux pieds du patient
aideront aussi à le réchauffer.
Avant de préparer la solution saline et les boules d'eau
chaude, il est toujours bon et plus sûr de faire au malade en
danger de collapsus une injection hypodermique d'éther ou de
caféine.
Traitement psychique. — Le traitement psychique est sou-
vent aussi important que le traitement médicamenteux. On
s'efforce de persuader le malade de la bénignité relative des
hémorrhagies, surtout de celles du début (hémoptysies initiales).
On lui recommande d'éviter de tousser atin d'arrêter l'hé-
38o TRAITEMENT SVMPTOMATiqtE
morrhagie. La suffocation ou la pneumonie peuvenl être la
conséquence de la rétention du sang dans les bronches.
On Lui conseille de ne |>as s'effrayer en cas de répétition de
l'hémoptysie et d'éviter toute agitation, soit physique, soit mo-
rale.
W'old (i) a l'habitude d'avertir les sujets pusillanimes qui
n'ont jamais craché de sang, que cela peut arriver et qu'ils
doivent considérer cel événemenl comme une phase d'évolu-
tion de la maladie n'entravant pas matériellement les chances
de guérison.
Je crois que l'exemple de Wolff mérite d'être imité lors-
qu'on se trouve en présence de personnes impressionnables.
Dans la chambre du malade, on insiste également sur l'ob-
servation du silence. Le patient ne doit avoir aucune occasion
de parler, ni même de remuer les bras. Personne, en dehors
du médecin et de la garde-malade, ne doit rester dans la
chambre.
Hémoptysie chronique. — Quand l'hémorrhagie a perdu son
caractère aigu, on prescrit des aliments froids semi-liquides et
des limonades glacées. On conseille des repas fréquents et
légers pour attirer le sang vers les organes digestifs. Il est
prudent de continuer ce régime antihémorrhagique pendant
plusieurs jours.
Je dois parler enfin de la valeur de la respiration profonde,
tranquille et sans mouvements des bras. Je recommande à mes
malades, quand l'hémorrhagie aiguë a cessé, de l'aire toutes
les dix minutes pendant 3o à 60 secondes deux ou trois inspi-
rations profondes suivies d'une expiration tranquille.
Souvent les expectorations sanguines s'arrêtent et le malade
se sent moralement et physiquement mieux. Certains. phtisio-
thérapeutes recommandent le repos absolu durant plusieurs
jours après la cessation de l'hémorrhagie. Je trouve celle pra-
tique dangereuse à cause de la possibilité d'une congestion
hypostatique. En effet je crois qu'il vaut mieux permettre au
malade de quitter le lit au bout de quelques jours, et de faire
U) Wolff. Die moderne Behandlung der Lungenschwindsucht.
FAIBLESSE GENERALE ALARMANTE 38i
de courtes promenades à pas lents sous la véranda. Quant aux
sujets chez lescjuels le crachement de sang est un accident chro-
nique, il va sans dire qu'on ne les garde pas à la chambre. Pour
eux l' aérothérapie est le remède antihémorrhagique par excel-
lence. Les exercices respiratoires surtout ont ici une valeur
exceptionnelle. En pareil cas on peut être certain d'avoir à faire
à un état congeslif. Ce fut le grand et regretté clinicien Traube
qui, le premier, prescrivit les exercices respiratoires profonds
pour ce genre de malades.
Le traitement dans le cabinet pneumatique leur convient
également. J'ai obtenu d'excellents résultats par ce dernier
moyen chez plusieurs de mes phtisiques ambulants atteints
d'hémoptysies persistantes.
Les hémopi-iiliques. — Parfois on observe des hémorrhagies
dont la fréquence et l'abondance paraissent n'avoir aucun rap-
port avec les lésions sans importance révélées par l'examen
physique le plus minutieux. Il semble alors évident qu'on ait
à faire à un hémophilique ; c'est toujours un état très grave
chez un phtisique. Je me suis trouvé deux fois en présence de
cas pareils. Après avoir essayé les astringents les plus variés,
je me décidai à soumettre le malade au traitement ioduré, et
malgré l'absence de tout antécédent spécifique, les hémorrha-
gies devinrent moins abondantes et moins fréquentes. Je don-
nais l'iodure de potassium en solution saturée, commençant
par 3 gouttes dans un verre de lait, et augmentant graduelle-
ment la dose jusqu'à i5 gouttes trois fois par jour (environ
3 grammes dans les 24 heures).
Faiblesse générale alarmante. — Si la faiblesse générale
s'accentue d'une façon alarmante, il faut prescrire le repos
absolu au lit dans une chambre bien aérée, des repas très
légers mais très fréquents et composés de substances facile-
ment digestibles et assimilables (lait, viande crue, etc.). En-
suite on a recours au massage, d'abord discrètement, puis on
augmente progressivement la longueur des séances.
J'ai appliqué moi-même, étant jeune étudiant, sur le conseil
de mes maîtres, en Amérique, le massage d'après le système
de Metzger (d'Amsterdam); j'ai été souvent étonné des résultats
S8i TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
qu'on peut obtenir par cette méthode chez des tuberculeux en
étal d'hyposystolie.
En combinant le massage avec la suralimentation, <>n suit
presque la méthode de mon illustre compatriote Weir Mit-
chell (<le Philadelphie , inventée par lui pour le traitement de
l'hystérie.
delà va nous servir de transition pour parler des phéno-
mènes nerveux chez les tuberculeux. Nous avons dit plus haut
comment nous devrions traiter l'anorexie d'origine nerveuse.
Pour un tuberculeux hystérique, neurasthénique ou mélanco-
lique, le sanatorium semble être le seul endroit où l'on puisse
espérer une guérison. Pour ces trois manifestations nerveuses
le traitement de Weir Mitchell, combiné avec l'aéro et l'hydro-
thérapie, est le seul remède applicable.
Insomnie. — L'insomnie de cause nerveuse est rare chez
les tuberculeux qui sont soumis à l'aérothérapie toute la
journée, (l'est plutôt la toux qui empêche alors le sommeil.
La potion suivante m'a rendu dans ce cas les plus grands
services :
Sirop de codéine 3o grammes.
Eau de laurier-cerise i5 »
Eau de (leurs d'oranger . . . . )
Sirop de loin S
a.i 23
Lorsqu'on se trouve en présence d'une insomnie d'origine
nerveuse, une ablution d'eau froide ou tiède sur toul le corps,
laite comme nous l'avons indiqué dans le chapitre sur l'hydro-
thérapie (p. j.'5.<), sans que le malade quitte le lit. trouve son
application ; l'enveloppement du thorax et des sommets dans
une compresse mouillée et exprimée, recouverte de deux ou
trois tours de bande de flanelle, est également un bon moyen
sédatif.
Souvent le changement de position rend le sommeil plus
facile. Le patient doit autant que possible s'habituer à dormir
sur le cote droit. Si le changement de position provoque la
toux et (pie le malade sente (pie l'expectoration le soulagera,
il vaut mieux qu'il reste dans cette altitude jusqu'à ce (pie la
toux et l'expectoration aient cessé ; il n'en dormira (pie mieux.
INSOMNIE 38'i
On ne doit employer le sulfonal que si tous les autres moyens
échouent.
Les autres causes qui peuvent priver le malade de sommeil
sont le plus souvent une température élevée ou des sueurs
nocturnes excessives. Nous avons déjà décrit la manière de
combattre ces symptômes.
CHAPITRE XX
Des maladies intercurrentes et des complications.
Protéger les tuberculeux contre les maladies intercurrentes
est l'un des principaux devoirs du phtisio-thérapeute moderne;
c'est surtout dans les établissements fermés qu'on cherche
à prévenir ces affections secondaires. Mais malgré toutes les
précautions, la bronchite, le pneumothorax, la pneumonie, etc.,
peuvent survenir.
Coryza et broxchites. — Les bronchites, par suite des
refroidissements locaux, débutent souvent par un coryza
suivi de laryngo-trachéite avec enrouement ou extinction de
voix complète. Les bronchites chez les tuberculeux ont une
tendance à la chronicité, et il faut savoir agir promptement et
judicieusement . Le phtisique sérieusement enrhumé doit
garder le lit. On lui applique des ventouses sèches sur la
poitrine et dans le dos; on lui fait prendre des limonades
chaudes, du sulfate de quinine (o,5o centigrammes une ou
deux fois . L'application de compresses échauffantes est indi-
quée dans ces bronchites aiguës. On les prépare de la même
façon que la compresse froide, décrite plus haut, mais on
place un morceau de taffetas gommé entre la toile et la flanelle.
11 faut particulièrement prendre soin île frictionner le thorax
à l'alcool ou à l'eau fraîche après l'enlèvement de la compresse
jusqu'à ce que la peau devienne sèche.
Pour le coryza, l'application locale de cocaïne i gramme
de chlorhydrate de cocaïne dans -aj grammes d'eau distillée)
avec un pinceau procure souvent du soulagement. Un peut se
SPLÉNOPNEUMONIE 385
servir aussi, après que la période aiguë est passée, de la poudre
suivante que l'on fait priser :
Sous-nïlrato de bismuth . . \ ... 5 mes.
Poudre de laïc )
Lactosc j ââ 40 centigrammes.
Camphre )
Les aspirations de vapeur d'iode et d'ammoniaque ou de
menthol l'ont aussi du bien.
La bronchopneumonie est une complication sérieuse contre
laquelle le repos au lit est de rigueur. On applique des révul-
sifs, et on donne des expectorants tels que le kermès, l'acétate
d'ammoniaque, etc.
Contre les quintes de toux et la douleur on fera usage de la
potion ci-dessous, qu'on fera prendre par cuillerées à soupe
toutes les trois heures.
Eau dé fleurs d'oranger. ... 100 grammes.
Sirop de chloral !.. n
<-.. , , . ! aa Jo »
sirop de morphine J
Eau de laurier-cerise 10 »
Coxgestioxs pulmox.ures. — Les congestions pulmonaires
des tuberculeux, qui surviennent parfois sous l'influence d'un
simple refroidissement, d'une baisse barométrique brusque,
du surmenage ou d'un écart de régime, seront traitées par
des révulsifs. Des ventouses sèches, des sinapismes et l'admi-
nistration d'un cathartique salin pour produire une dériva-
tion sur l'intestin, suffisent en général à produire du sou-
lagement. Dans les cas plus sérieux l'ipéca à dose vomitive,
indiqué par Trousseau, Barth, etc., sera prescrit avantageuse-
ment. Comme régime dans les cas de pneumonie, je suis
presque invariablement le conseil de mon maître, M. le pro-
fesseur Janeway, qui recommande depuis des années le régime
lacté dans la pneumonie. Il va sans dire qu'en cas de dyspnée
il faut recourir aux inhalations d'oxygène.
Spléxopxeumoxie. — « La congestion pulmonaire peut être
suivie d'exsudation séreuse dans la trame du poumon, d'un
véritable œdème subinflammatoire auquel Grancher, qui l'a
observé avec soin, a donné le nom de splénopneiimonie tuber-
Kxopf. Sanatoiia. 23
(86 DES MALADIES INTERCURRENTES
culeuse ; cette complication se traduil par des signes très
analogues à veux d'un épanchement pleural : matité à la per-
cussion, abolition des vibrations thoraciques, souille lubaire
doux et voilé, égophonie ; la toux est sèche, la dyspnée en
rapport avec l'étendue de la splénisation. Ces symptômes per-
sistent pendant plusieurs semaines, puis la résolution se t'ait
peu à peu.
« Les ventouses sèches et scarifiées au début, plus tard les
vésicatoires, l'ergot de seigle à l'intérieur, sont les seuls
moyens thérapeutiques à employer (i) ».
Mais comme nous l'avons déjà dit au chapitre « Traitement
pédagogique », la cure principale en ce qui concerne les
rhumes et leurs conséquences (bronchite, congestion pulmo-
naire, etc. chez les phtisiques, c'est la prophylaxie, qui consiste
à préserver les malades contre le surmenage. In tuberculeux
surmené s'enrhume dix fois plus facilement qu'un tuberculeux
prudent.
Pleurésies. — Les pleurésies sérofibrineuses primitives,
qui sont dans l'immense majorité des cas la première mani-
festation de la tuberculose, devraient être traitées, aussitôt
que la phase aiguë est passée, par la méthode hygiéno-diété-
tique, et il serait nécessaire que le malade restât sous l'obser-
vation du médecin pendant plusieurs mois.
L'état aigu ne peut être traité que symptomatiquement.
La thoracentèse devient plus souvent nécessaire dans les
pleurésies primitives que dans les pleurésies secondaires. Au
point de vue île l'indication ou de l'utilité de la thoracentèse,
je ne puis cpie conseiller de suivre le précepte de M. le pro-
fesseur Dieulafoy, que j'ai eu l'honneur d'entendre souvent
dire ceci : « La thoracentèse, méthodiquement pratiquée, ne
détermine jamais ni accident, ni incident fâcheux ; tandis que
la thoracentèse, imprudemment rejetée ou imprudemment
différée, expose à la mort subite tout malade atteint d'un grand
épanchement. »
La pleurésie tuberculeuse secondaire, quoiqu'elle puisse
revêtir toutes les formes, est généralement sèche ou légère-
li) H. Bartii. Thérapeutique île la Tuberculose. Paris, i8y6.
PYOPSEUMOTUORAX 38?
ment exsudative. Quand un tuberculeux présente les symp-
tômes d'une pleurésie aiguë on le met au lit, on applique clés
ventouses sèches ou même scarifiées, on calme la douleur
par les opiacés, l'antipyrine, etc. Les diurétiques, les sudori-
fiques et les purgatifs peuvent être aussi indiqués. En ce qui
concerne la thoracentèse dans le cas d'une pleurésie secondaire
chez un tuberculeux, je me range à la conclusion à laquelle
arrivait mon ami M. le Dr Alexandre Iv. Smolianoff, dans son
excellente thèse (i) : « Le terrain nettement tuberculeux, les
lésions avancées, surtout du poumon sous-jacent à l'épan-
chement, doivent être pris en considération quand on décide
la thoracentèse, car la phtisie aiguë pourrait en être la consé-
quence ».
Pneumothorax et hydropxeumothorax. — Le pneumothorax
des tuberculeux est souvent le résultat d'un effort physique
exagéré, d'un violent accès de toux, etc., mais il peut aussi
survenir sans cause apparente par suite de l'ulcération lente et
de la perforation d'un lobule pulmonaire superficiel. Le repos
au lit, une injection de morphine, un régime liquide stimulant,
sont fortement indiqués. Von Leyden (de Berlin) recommande
dans ces cas le gavage. On applique localement l'eau froide
ou la glace.
L hvdropneumothorax est traité de préférence par le repos
et non par la thoracentèse, car l'évolution de la tuberculose
peut être enrayée par suite de la compression du poumon.
Notre vénéré maître, M. le professeur Potain, a obtenu des
résultats surprenants à la suite d'injections pleurales d'air
stérilisé.
Pyopxeoiothorax. — Si le liquide qui se trouve en même
temps que l'air dans la cavité de la plèvre est purulent, l'em-
pyènie est le seul moyen qui puisse donner l'espoir d'une
guérison, quoique M. Dieulafoy ait traité avec succès un cas
de pyopneumothorax par des ponctions multiples suivies
d'injections intrapleurales d'une solution de sublimé (2).
(1) A. I. S.moliaxoff. Nature et traitement des Pleurésies sérolibrineuses pri-
mitives. Thèse. Paris, 1898.
(2) Cherriek. Revue de médecine, 1892. 10 Février.
388 DES MALADIES INTERCURRENTES
Gangrène pulmonaire. — On voit aussi survenir à titre de
complication au cours de la tuberculose pulmonaire avancée
la gangrène pulmonaire. Le terrain pour l'invasion des
microorganismes de la putréfaction est alors préparé par la
présence des cavernes.
L'antisepsie doit être la base du traitement. Le malade sera
placé dans une grande chambre (s'il est dans un sanatorium,
il occupera le pavillon d'isolement). Pour réaliser l'antisepsie
pulmonaire on pourra recourir à l'une des potions suivantes :
i. Alcoolature d'eucalyptus 2 grammes.
Julcp diacodc 120 »
V. S. A. — A prendre par cuillerées à soupe dans les vingt-quatre heures.
2. Liqueur de Labarraque 4 grammes.
Hyposulfile de sourie 3 »
Julep gommeux 120 »
F. S A. — A prendre par cuillerées à soupe dans les vingt-quatre heures.
Les inhalations antiseptiques sont aussi très utiles :
Acide phéniquc 5o grammes.
Eau g5o »
Mettre dans un flacon et taire respirer tes vapeurs.
Trousseau préconisait l'essence de térébenthine. On verse
quelques cuillerées à café d'essence dans de l'eau chaude et
on fait inhaler.
Comme antiseptique interne, Jaccoud recommande l'acide
salieylique à la dose de 5o centigrammes par jour.
On emploiera larga manu les toniques sous toutes les
formes.
La digitale et la caféine sont les meilleurs médicaments à
prescrire en cas de collapsus imminent.
S'il y a des foyers multiples, le traitement médical est seul
possible. Mais si la gangrène est bien limitée et que la médi-
cation interne ne produise pas d'effets rapides, il faut faire la
pneumotomie, c'est-à-dire ouvrir largement le foyer pulmo-
naire en traversant la paroi thoraciquc et le drainer. Quelques
chirurgiens ont même pratiqué la résection d'une partie du
poumon.
Obésité. — De temps en temps on rencontre un phtisique
GOUTTE 38g
gras, obèse ; chez lui l'augmentation de poids n'est pas un
symptôme favorable. Il souffre davantage de dyspnée, il s'en-
rhume facilement, ' et le cœur surtout fonctionne mal; les
syncopes sont à craindre ainsi que les pneumonies aiguës et
autres complications résultant d'une circulation imparfaite.
Chez ces malades on ne doit pas essayer de combattre l'obésité
par un régime sévère, tel qu'il est indiqué par Harvey,
Srhweninger, Ebstein et d'autres auteurs allemands; mais il
faut que la perte de poids soit plutôt produite par des exercices
de marche, des exercices respiratoires, etc. Je suis à ce point
de vue absolument de l'avis de mon ancien collègue M. le
Dr Blumenfeld (de Falkenstein) (i), quand il dit qu'un tuber-
culeux obèse ne doit pas perdre plus d'un kilo par mois. On
peut supprimer dans une certaine mesure les pommes de
terre, le pain, le beurre et le sucre. Souvent on est obligé de
supprimer entièrement le lait. La bière et les extraits de malt
sont absolument défendus. Comme boisson, le vin blanc lar-
gement dilué avec de l'eau de Vichy est à recommander.
Diabète. — Chez un phtisique glycosurique on doit, selon
von Noorden, insister avec plus de force que jamais sur le
traitement antidiabétique. De grandes quantités de substances
grasses devraient constituer les aliments principaux d'un
pareil malade. Von Noorden recommande surtout l'alcool en
abondance. Pour ma part, je trouve que l'alcool à très haute
dose n'est pas toujours bien supporté par ces malades. Le
plus que j'aie pu faire prendre est une demi-bouteille de vin
blanc à chaque repas à des sujets qui n'étaient pas des
éthyliques.
Il faut éviter les sinapismes et les pointes de feu chez les
phtisiques diabétiques.
Pour ce genre de malades un climat doux est toujours à
rechercher.
Goutte. — Au phtisique goutteux on doit défendre tous les
alcools sous n'importe quelle forme, et aussi les viandes
(i) Blumenfeld. Speciellc Diillelik und Hygiène des Lungen-und Kehlkopf-
schwindsiichtigen. Berlin, 1897.
390 DES MALADIES INTERCURRENTES
noires ; en même temps on insistera sur les exercices, soit
actifs, soit passifs [massage .
Néphrites chroniques. — Quand une néphrite chronique
s'associe à La tuberculose, il faut autant que possible mettre le
patient au régime lacté et observer toutes les autres règles
d'hygiène indiquées en cas de maladie de Bright.
Pityriasis. — Quoiqu'on ne puisse guère de notre temps
considérer le pityriasis versicolor (1) comme symptomatique
de la phtisie, j'ai trouvé assez souvent des éruptions pityria-
siques chez les phtisiques pour qu'il me soit permis de dire
dans ce traite quelle est la méthode thérapeutique qui m'a
le mieux réussi. Je lave le soir toutes les parties affectées
avec «Ile savon noir ou vert, puis j'applique unecouche d'ichtyol,
je couvre le tout avec un morceau de toile ou une pièce de
taffetas gommé. Le matin je nettoie la peau avec une solution
de sublimé à 1 p. dooo. M. le docteur Gaucher, dans ses
intéressantes leçons sur les maladies de la peau 2 . recom-
mande pour les cas tenaces la lotion suivante :
Acide salicylique 1 gramme.
Alcool 10 grammes.
Eau 90 »
Mais ce qui est surtout important, c'est de faire bouillir et
désinfecter les chemises de nuit et les flanelles du malade pour
éviter une réinfection.
Tuberculose miliaire. — Contre la tuberculose miliaire nous
ne pouvons qu'instituer un traitement symptomatique. Le seul
remède qui me semble donner quelques résultats dans celle
maladie désolante, c'est le tanin a haute dose. Voici une façon
agréable de l'administrer:
Tanin | à 6 grammes.
Sirop d'écorce d'oranges amères. 5o »
Eau distillée i5o »
V . S. A. — A prendre clans les 2.J heures, par cuillerées à soupe d'heure en
heure.
in Les squames renferment un parasite appelé! le microsporon fin-fur.
(a) Gvucher. Leçons sur les maladies de la peau. Paris, i8çp.
TUBERCULOSES LOCALES 3<)I
Tuberculoses locales. — Les manifestations locales de la
tuberculose, telles que le lupus, les ostéites et la tuberculose
des articulations, peuvent compliquer la tuberculose pulmo-
naire, mais le traitement de ces affections relève des derma-
tologistes et des chirurgiens, car elles n'appartiennent pas au
domaine de la phtisio-thérapie proprement dite.
CHAPITRE XXI
La tuberculose laryngée.
La thérapeutique de la tuberculose laryngée se divise en
traitement prophylactique, traitement hygiénique, traitement
symptomatique, traitement local el traitement chirurgical.
Prophylaxie. — La prophylaxie de la tuberculose laryngée
primitive est celle de la tuberculose pulmonaire telle que nous
l'avons déjà décrite dans les chapitres précédents.
La prophylaxie de la tuberculose laryngée secondaire est le
traitement hygiéno-diététique de la tuberculose pulmonaire.
Nous avons parlé plus haut de la plupart des précautions
que le tuberculeux pulmonaire doit prendre contre l'infection
des voies supérieures; nous voulons seulement répéter ici que
l'emploi du mouchoir avant servi à nettoyer la bouche après
l'expectoration est souvent la cause dune infection secondaire.
Nous croyons qu'il est important d'insister encore une fois sur
la nécessité de traiter soigneusement et promptement toutes
les rhinites ou trachéo-laryngiles au début, si l'on veut éviter
la chronicité et l'invasion probable des organes malades par
la tuberculose.
Hygiène. — L'hygiène des tuberculeux du larynx consiste
surtout dans le silence. Parler aussi peu que possible et fuir
les endroits oit il y a des poussières ou des vapeurs irritantes,
respirer toujours par le nez en tenant la bouche bien fermée,
surtout en temps de grand froid, de brouillard ou de vent
fort. Nous répétons que pour les tuberculeux du larynx un
climat doux et suffisamment humide est à rechercher.
Protéger le cou de façon à y avoir modérément chaud est
essentiel, niais il faut surveiller le malade pour que le cache-nez.
TOUX ET DYSPHAGIE 3$i
ou le mouchoir de soie ne se trouve pas trop serré (i). La sur-
veillance médicale d'un tuberculeux du larynx est d'une haute
importance. Le malade doit être averti que parler même à voix
basse empêche la guérison, car les cordes vocales sont peut-
être plus tendues par le chuchotement forcé que par la parole
ordinaire. Il y a des malades qui répondent au moindre cha-
touillement de la gorge par une véritable explosion de toux (2).
L'éducation peut faire beaucoup de bien dans ces cas.
AÉROTHÉRAPIE ET CABINET PNEUMATIQUE DANS LA TUBERCULOSE
laryngée. — Il va sans dire que l'aérothérapie est aussi im-
portante pour les tuberculeux laryngés que pour les tubercu-
leux pulmonaires. Les exercices respiratoires doivent être
réglés d'après la force du malade. La modification que j'ai ap-
portée au cabinet pneumatique (respiration par le nez à l'aide
du masque) et que j'ai décrite plus haut, permet aussi aux
tuberculeux laryngés de profiter des avantages de ce traite-
ment. J'ai observé un certain nombre de résultats heureux
chez quelques sujets atteints de tuberculose laryngée ; il
semble que l'air Irais rentrant avec un peu de force dans le
larynx, après s'être tempéré au contact des muqueuses du
nasopharynx, agisse d'une façon bienfaisante sur les granula-
tions et les ulcérations du larynx. De plus, grâce à l'oxygéna-
tion supplémentaire résultant de ces exercices, l'état général
du malade s'améliore.
Toux et dysphagie. — Souvent la cause de la toux réside
dans un catarrhe sec des muqueuses nasopharyngiennes, et
le traitement ordinaire de cette affection soulage le patient.
Le régime des tuberculeux laryngés demande une attention
particulière. Comme chez les tuberculeux pulmonaires, une
bonne alimentation, ou, mieux, la suralimentation, sont indis-
pensables. Mais la dysphagie rend la tâche du médecin parti-
culièrement difficile. Il faut produire une anesthésie locale du
larynx pour combattre les douleurs pendant la déglutition
(1) M. Schmidt. Die Kraukheiten der oberen Luftwege. Berlin, 1894.
(2) Besold. Ueber die Miterkrankung des Kelilkopfes bei Lungenluberkulose.
Mûnchener med. Wochenschrift. n° 26, 1898.
lui LA TUBERCULOSE LARYNGÉE
Dans les formes légères, les pastilles d'Avellis, dont chacune
contient 2 milligrammes de cocaïne el 20 centigrammes d'an-
tipyrine, agissenl assez bien <'l le malade peut placer lui-même
ces pastilles une avant chacun (les principaux repas sur la hase
de la langue (1).
La solution suivante, portée avec un pinceau sur la paroi
postérieure du pharynx, l'épiglotte, etc., facilite aussi la dé-
glutition en cas de dysphagie tuberculeuse (y.) :
Antipyrine 2 grammes,
Chlorhydrate de cocaïne i gramme.
Eau distillée 10 grammes.
Dans ces derniers temps, on a employé avec avantage un
nous eau remède appelé 1' << orthoforme ». D'après Goldscheider,
l'effet en est plus sue quand on l'applique sous forme de
poudre 3 .
Alimentation. — Pour faciliter la déglutition en cas d'ul-
et rations profondes et douloureuses, on peut recourir à la
méthode de Wolfenden \. Le malade se penche en travers
i\i> lit, de façon que la tète et les bras pendent librement
au dehors, et que les extrémités inférieures soient plus élevées
que l'autre partie du corps. 11 y a îles sujets qui trouvent
qu'ils déglutissent plus facilement en se reposant sur les ge-
noux et les coudes, el d'autres qui ont moins de dysphagie
quand ils prennent leurs aliments étant couchés sur l'abdomen.
Les aliments des tuberculeux laryngés ne devraient être ni
trop chauds, ni trop froids, ni trop assaisonnés; les acides
(vinaigre, moutarde, etc.) sont à éviter; les boissons peuvenl
être prises froides, surtout si le malade en éprouve ensuite
du soulagement. Tous les aliments devraient être de consis-
tance liquide ou semi-liquide ; les substances solides provo-
(i) Bllmenfeld. Specielle Diâtetili und Hygiène des Lungen- und Kehlkopf-
schwindsùchtigen. Berlin. 1897.
(2) \\ KouLEwsKi. Die Behandlung des Schluckwehs.
(3) Goldscheider. Ueber das Verhalten des Orlhoforms im Organismus.
Berliner klin. Wochenschrift, 1898, i5 Août.
(-i) Wolfenden. A simple method of procuring déglutition, where such is
impeded bj reason of extensive ulcération ofthe epiglottis. The Lancet, 1887,
1 Juillet.
TRAITEMENT CHIRURGICAL 3yo
quent des douleurs, non seulement en avalant, mais encore
par suite de la longue mastication qu'elles nécessitent. Le lait et
les œul's crus formeront toujours la base de l'alimentation dans
la phtisie du larynx. On peut donner aussi des omelettes, du
ris de veau, des purées diverses, bouillies dans du lait ou du
bouillon, etc. En fait d'alcool, on ne doit jamais prescrire
que du vin largement dilué avec de l'eau pure. L'« egg-nogg »,
dont nous avons déjà parlé, est un adjuvant précieux pour
l'alimentation des tuberculeux du larynx. Le gavage même
peut devenir nécessaire.
Contre les douleurs laryngiennes, les cravates de glace ou
des compresses froides autour du cou rendent des services,
surtout pendant la nuit. Les pulvérisations d'une solution très
faible de chlorure de sodium sont également bienfaisantes, car
elles facilitent les expectorations tenaces.
Traitement local par l'acide lactique. — Comme traitement
de la tuberculose laryngée, l'acide lactique en application locale
semble avoir donné d'excellents résultats. On fait d'abord l'anes-
thésie locale par la cocaïne, puis on applique l'acide laclique
en solution de 5 à j5 p. ioo sur la surface ulcérée. Quelques
auteurs conseillent l'injection sous-muqueuse.
Traitement chirurgical. — Il y a des cas où l'intervention
chirurgicale, c'est-à-dire l'ablation des produits tuberculeux
gênant la respiration et la déglutition, devient absolument
nécessaire. La gravité de cette intervention dépend du volume
de la masse à enlever et de sa situation. Un véritable grattage
peut devenir nécessaire. Pour ce grattage ou curettage, on se
sert soit de la curette de Krause, soit de remporte-pièce de
Gougenheim ou de la curette double rotatoire.
Quoique chaque cas doive être étudié soigneusement avant
de se décider à tenter une opération de ce genre, il me semble
utile de reproduire ici les indications et contre-indications du
curettage telles que mon ami le Dr Gleitsmann les a présentées
au dernier Congrès international, à Moscou (i) :
(i) J.-W. Gleitsmann. Report of the progress made in the treatment of
laryngeal Tuberculosis since the last International Congress. Xew York Mel.
Record, 1897, 4 Dec
396 LA TUBERCULOSE LARYNGÉE
Indications. 1. Dans le cas où il s'agit dune affection pri-
maire sans complications pulmonaires ;
2. Au cas où les ulcérations et infiltrations sont limitées au
larynx ;
3. Lorsqu'il y a des infiltrations denses et dures de la région
arvténoïdienne postérieure, des bandes ventriculaires et de
l'épiglotte ;
4- Quand l'affection pulmonaire n'est encore qu'au premier
degré et apyrétique ;
5. Enfin dans les cas de phtisie avancée, compliquée par une
dysphagie extrême résultant de l'infiltration des aryténoïdes.
Contre -indications . 1. Phtisie pulmonaire avancée avec
symptômes d'hecticité ;
a. Tuberculose disséminée du larynx ;
3. Infiltrations étendues produisant la sténose grave, cas où
la possibilité de la trachéotomie ou de la laryngotomie doivent
être envisagées.
D'après Gleitsmann, le curettage est contre-indiqué si le
malade est méfiant et pusillanime.
Revillet a rapporté, dans la Revue de la Tuberculose
d'avril 1897, un cas de tuberculose laryngée aiguë traitée par
les rayons de Rœntgen. Il croit avoir observé une action
sédative sur le système nerveux, et il attribue cette action
sédative à la diminution, puis à la disparition de la dysphagie,
alors que l'examen laryngoscopique ne montrait que peu
d'atténuation dans les lésions du larynx.
De tout ce qui vient d'être dit sur la nécessité d'examiner
souvent le larynx, soit pour le traitement chirurgical, soit
pour l'application d'un anesthésique destiné à faciliter la
déglutition, il résulte que pour un malade atteint de phtisie
laryngée, le sanatorium est le seul endroit où il puisse espérer
guérir.
CHAPITRE XXII
Traitement moral et pédagogique.
On ne peut nier que le traitement moral et pédagogique tel
qu'on le fait suivre clans un sanatorium ne produise le plus
grand bien. Nous allons donc décrire dans ce chapitre ce que
doit être, selon notre conception, ce traitement, que nous
conseillons de prescrire même en dehors du sanatorium, dans
les cas où le placement du malade dans un établissement
fermé n'est pas possible.
Occupations du malade. — L'occupation principale du malade
sera toujours de se guérir. Tout son temps doit être employé
de manière à atteindre ce but. Rendre le moins pénible qu'il
se pourra cette tâche, qui demande de la part du sujet beau-
coup d'abnégation, de patience et de soumission, tel est le
devoir du médecin, de ses aides et de toutes les personnes qui
entourent un phtisique.
Le phtisio-thérapeute moderne doit savoir occuper le malade
toute la journée avec son traitement.
A telle heure, repas ; à telle autre, cure d'air sur la chaise
longue ; à telle autre, promenades, hydrothérapie, exercices
respiratoires, etc., etc. Et de son côté, le malade doit être
persuadé de l'importance de ces occupations et convaincu qu'il
n'a pas le temps de faire autre chose que sa cure.
La vie clans un sanatorium doit être agréable, pour faire
moins regretter la vie de famille que le malade vient de quitter;
celui-ci sera entouré de la sollicitude du médecin et de tout
le personnel; on lui procurera des divertissements tranquilles.
Beaucoup de tact, beaucoup d'amour de l'art médical et de
l'humanité, sont nécessaires pour vivre avec les tuberculeux.
Il y a des phtisiques doux, résignés ; mais beaucoup sont
3y8 TRAlTEMETiT MORAL ET PÉDAGOGIQUE
irritables. Le médecin, les infirmiers, etc., doivenl sentir la
grandeur de leur mission et ne pas oublier que leurs pension-
naires soiil des malades et qu'ils sont sujets à des névroses
particulières. On doit permettre aux phtisiques les lectures
tranquilles, les jeux non excitants, même la musique.
Rôle du médecin. — De temps en temps on doit organiser
de petites réunions, se rappeler le jour de fête des malades,
leur l'aire à l'occasion de Noël ou du jour de l'an de petites
surprises agréables. Tout cela contribue à leur rendre moins
dure l'absence de la Camille ; ils ne se sentent pas étrangers
parmi des étrangers.
Enfin le traitement hygiéno-diététique dans les établisse-
ments Termes a pour dernier objet de faire connaître au patient
la vraie nature de son affection, de lui montrer combien il
dépend de lui-même de ne pas l'aggraver et de guérir, et,
quoique malade, combien il peut l'aire par ses propres efforts
pour supprimer cette terrible maladie parmi les nations
civilisées.
Ici commence le traitement moral et pédagogique, rôle
important du médecin qui devient à la fois conseiller médical,
instructeur, tuteur, confesseur et ami intime ilu malade. S'il
ne connaît pas l'état psychique de ses pensionnaires aussi
bien que leur état physique, le médecin d'un sanatorium ne
peut pas avoir grand succès.
A son entrée au sanatorium, le médecin s'entretient longue-
ment avec le nouvel arrivé. Il recueille les commémoratifs et
étudie en même temps l'état moral du sujet, puis il procède
à l'examen physique. Et après cela, doit-il dire au malade la
vérité ? Oui, assez souvent, mais avec ménagement : aux phti-
siques très avancés il faut dire que leur vie peut être pro-
longée et qu'il dépend beaucoup d'eux d'y arriver.
Pronostic. — Vis-à-vis de malades avant une apparence
de guérison presque certaine, il faut encore se garder de faire
un pronostic trop positif. On peut se tromper sur les signes
physiques, et l'absence ou le peu d'abondance des bacilles est
encore plus souvent une cause d'erreur.
Quand on pratique le premier examen bactériologique, il
PRONOSTIC 399
faut toujours se rappeler « que les bacilles peuvent faire mo-
mentanément défaut dans l'expectoration, dans la phtisie
confirmée, quand le foyer ramolli cesse pendant un certain
temps de se déverser clans les bronches » (1). De même la
présence inattendue d'un très grand nombre de bacilles, due
à une « débâcle » d'un petit foyer riche en microbes, n'indique
pas que le cas est plus grave que l'examen physique ne le
révèle. Il faut donc faire clés examens bactériologiques répé-
tés. En présence d'un tuberculeux nouvellement arrivé, je ne.
connais pas de meilleurs conseils à suivre que ceux de
M. le professeur Grancher : « Les signes précoces de la
tuberculose pulmonaire commune (altération de la respira-
tion, particulièrement de l'inspiration) précèdent quelquefois
la toux et l'expectoration, la submatité, la bronchophonie, etc.,
pendant un long espace de temps. Ces signes appartiennent à
la période de germination de la tuberculose pulmonaire (ce
que Bayle appelait la phtisie actuelle).
« La présence bien constatée des bacilles tuberculeux dans
les crachats est un signe certain de tuberculose, mais ce n'est
pas un signe précoce. Le plus souvent, les signes physiques
et rationnels sont antérieurs à l'apparition des bacilles clans les
crachats, et le médecin ne doit pas attendre la présence des
bacilles pour instituer un diagnostic et une thérapeutique.
« Si le diagnostic par les signes physiques et rationnels
offre des incertitudes et des écueils, la recherche du bacille
n'est pas exempte de causes d'erreurs, qui sont inhérentes à la
méthode, aux réactifs, aux observateurs (2) ».
Le pesage du malade l'ait partie de ces examens. Tous les
malades sont pesés à des intervalles réguliers, et on en tient
compte clans l'évolution de la maladie soit vers la guérison,
soit vers la mort. Et pour revenir au pronostic: il faut toujours
considérer l'état social du malade, sa profession, son tempé-
rament, son caractère, « car l'homme meurt souvent cle son ca-
ractère. » Voici la devise du professeur Grancher : « Le pro-
nostic cle la phtisie pulmonaire commune dépend en effet du
malade autant et plus que de la maladie. »
(1) Straus. La tuberculose cl son bacille, p. 68:2.
(■1) Grancher. Maladi.es de l'appareil respiratoire, pp. 187-188.
joo TRAITEMENT MORAL ET PEDAGOGIQUE
Quand on est assez heureux pour avoir répondu à la satis-
faction du malade sur la question du pronostic, on est presque
invariablement interpellé par lui de la manière suivante :
« Docteur, combien de temps nie faut-il pour guérir ? »
Nous savons tous combien il esl difficile de répondre à cette
question avec certitude, même dans des cas qui présentent
toutes chances de guérison. Je réponds toujours avec fran-
chise, en disant au patient : « Monsieur, je ne peux pas vous
le dire, car cela dépend autant de vous que de moi ».
Des malades ont été guéris, ou du moins suffisamment amé-
liores pour rentrer chez eux et reprendre leurs occupations
en menant une vie prudente, après un séjour de 4 à 6 mois
dans un établissement fermé. Chez d'autres la guérison ne
s'est effectuée qu'après un et même deux ans de séjour dans
le sanatorium. Il n'y a pas deux tuberculeux, même à égalité
de lésions, qui réagissent de la même façon au traitement. Il
va sans dire que les cas où le pronostic est peu favorable
doivent rester indéfiniment soumis à la surveillance d'un
médecin.
Discipline. Les malades de nationalités diverses dans un
sanatorium. - - Toutes les personnes qui ont ouï parler d'un
sanatorium pour tuberculeux ont souvent entendu le mot « disci-
pline » ; ce mot, qui effraie souvent les phtisiques en dehors
d'un sanatorium, pourrait être facilement remplacé par un
terme plus agréable, car il faut savoir que toute l'histoire de
celte discipline peut tenir dans les deux phrases suivantes :
La volonté arrêtée, de lapait du malade, de suivre les con-
seils du médecin, et, de la part du médecin, une indulgence
extrême pour tout ce qu'il peut permettre à ses malades,
une fermeté inébranlable pour interdire tout ce qui leur est
préjudiciable.
On a dit que les Français, les Américains, et surtout les
Anglais ne se soumettent pas facilement à la vie régulière et
surveillée des sanatoria. Cela esl inexact. L'expérience du
moins m'a démontré qu'avec du tact on peut arriver à faire
comprendre à un Fiançais, un Américain ou un Anglais que
se soumettre au règlement strict de l'établissement dans
lequel il est venu pour se guérir, ne lui enlève aucun de ses
ixsriiL'CrroNs pour éviter les rhumes 401
privilèges d'homme libre, de républicain, ou de sujet libre de
S. M. la Reine Victoria.
Pendant que j'étais médecin adjoint à Falkenstein, j'ai été en
contact avec des malades de diverses nationalités. J'ai trouvé
(pie les Français, les Anglais, et mes compatriotes les Améri-
cains, se pliaient d'aussi bonne grâce aux règles de l'établis-
sement que les Allemands mêmes. Que la nostalgie s'empare
d'un Français dans un sanatorium allemand, qu'un Américain
ou un Anglais préférât être plus près de son « home », cela
est bien naturel. C'est pour cette raison que je souhaite de
tout mon cœur voir bientôt construire dans tous les pays un
nombre suffisant de sanatoria pour que la nostalgie ne figure
plus comme un l'acteur désavantageux dans le traitement des
phtisiques, qui sont actuellement obligés d'aller chercher ces
établissements loin de leur foyer et parfois à l'étranger.
Un des premiers conseils à donner au malade est de ne pas
venir au sanatorium sans être certain qu'il y a de la place, et
sans être muni d'une lettre de son médecin ordinaire.
Tous les autres points (expectoration, toux, promenades,
etc., etc.) qu'on a aussi classés dans le chapitre discipline
sont traités sous leurs titres respectifs, et nous n'y revien-
drons pas.
Instructions pour éviter les rhumes, etc. — Pour éviter
les maladies intercurrentes, les rhumes, les refroidissements,
il faut, en dehors de l'endurcissement, de l'hygiène de la peau
et des vêtements, etc., faire aux malades quelques recom-
mandations :
Respirer toujours par le nez, fermer la bouche, et éviter de
parler pendant les promenades ascendantes; surtout ne pas
ouvrir la bouche trop fréquemment quand il fait très froid oii
quand les vents sont très forts. Pour conjurer les effets sou-
vent fâcheux d'un exercice exagéré, le malade doit se rappeler,
en faisant ses promenades, qu'il n'est jamais nécessaire d'ar-
river à tel ou tel point qui lui est désigné ou qu'il se désigne
lui-même.
Les tours de force sont absolument nuisibles à tous les
phtisiques, qu'ils soient en voie de guérison ou même guéris.
Trop de travail intellectuel est également dangereux et doit
Knopf. Sanatoria. 26
io-2 TRA1TEMEST MORAL ET PÉDAGOGIQUE
être évité. Ainsi les tuberculeux peuvent s'épargner les fièvres
du surmenage <|iii non seulemenl retardent la guérison, niais
sont encore assez souvent la cause de nouvelles poussées
aiguës. Il faut toujours se rappeler que la plupart des rhumes,
même des rhumes simples, sont plutôt le résultai d'un sur-
menage rendant une infection plus facile que la conséquence
de toute autre cause.
Pendant qu'ils font leur cure de repos, les malades peuvent
lire, écrire, et les daines peuvent même faire un peu de travail
à l'aiguille à condition de ne pas se pencher trop sur leur
ouvrage. On facilite la position pour écrire ou faire la lecture
en plaçant devant le malade un petit pupitre. Pour les sujets
fiévreux, la lecture ne doit pas être d'un genre excitant.
M. Wolff (de Reiboldsgrùn) a marqué d'une étoile tous les
livres de la bibliothèque qui ne sont pas permis aux fébri-
citanls.
A propos des livres et d'une bibliothèque, je tiens à rappeler
ici une petite communication que j'ai publiée récemment dans
la Presse médicale sur l'infection des livres par les bacilles
de la tuberculose et leur désinfection (i).
Il faut conseiller aux malades de ne pas dormir trop long-
temps après le repas sur leurs chaises longues. Dans un sana-
torium il est bon de dire aux pensionnaires de veiller alternati-
vement les uns sur les autres, et de ne pas se permettre
mutuellement un sommeil de plus de 10 à i5 minutes après le
dîner et le déjeuner. Un sommeil plus prolongé tend à mettre
le sujet, entièrement habillé, trop facilement en état de
transpiration.
Pendant son séjour au sanatorium, le malade doit apprendre
à s'habiller rapidement le matin; les daines surtout resteront
à leur toilette aussi peu de temps que possible, pour ne pas
s'exposer à s'enrhumer pendant qu'elles sont peu couvertes.
Dans les endroits où la température change brusquement, le
malade ne sortira ni avant le lever ni après le coucher du soleil.
Si pendant la nuit le patient a besoin de se lever, il ne doit
jamais quitter le lit sans se couvrir de son « saut tic lit » (2).
(1) La Presse Médicale, 1900.
(i) Espèce de manteau de laine, fort ample, qui couvre tout le corps
CONFERENCES ET CAUSERIES 4o3
J'ai vu des malades s'enrhumer presque toutes les nuits sans
cause apparente, jusqu'à ce que j'eusse découvert qu'ils se
levaient en pleine transpiration une ou deux fois par nuit pour
uriner; ou bien encore ils se penchaient plusieurs fois hors
de leur lit pour cracher dans un vase posé à terre. La recom-
mandation de se servir d'un urinai, et de cracher aussi pendant
la nuit dans le crachoir de poche, placé avant de se coucher
sous l'oreiller, a pour effet d'éviter les refroidissements.
Il faut étudier, chez chaque malade, ces mêmes détails qui,
bien que futiles en apparence, peuvent néanmoins entraîner
de graves conséquences.
Les devoirs du malade envers le médecin. — Pour obtenir
un réel bénéfice des soins qui lui sont donnés dans le sana-
torium, le malade doit sentir que lui aussi a des devoirs envers
le médecin qui le traite, le personnel qui le sert et envers
les autres pensionnaires. Nous avons déjà parlé de l'obéissance,
de l'abnégation et de la patience, mais le tuberculeux doit
faire davantage. Il doit avoir une confiance absolue dans son
médecin, et l'aider tant qu'il le peut. Ce devrait être un point
d'honneur pour chaque malade, non seulement de suivre toutes
les règles de l'établissement, mais aussi de ne jamais permettre
qu'un autre pensionnaire commette des imprudences ou une
infraction aux règles d'hygiène ou de discipline du sanatorium.
Dans un sanatorium on trouve des malades appartenant à
différentes classes de la société. Les médecins reoarderont
ceux qui sont doués d'une éducation et d'une nature supé-
rieures comme des auxiliaires précieux pour faire, autant
que possible, de la société du sanatorium une société de bon
ton. Ceux qui sont d'une nature enjouée aideront à la gué-
rison des mélancoliques. Le médecin d'un sanatorium doit
présider aux repas, pris dans la salle à manger. Pendant
l'après-midi, de i à 4 heures, tous les malades non alités
doivent rester sur des chaises longues. Chacun est alors visité
par le médecin. Les patients alités sont visités deux fois par
jour. Tous les pensionnaires du sanatorium sont soumis une
fois par mois à un examen minutieux dans le cabinet du mé-
decin dirigeant.
Conférences et causeries. — Les petites conférences ou
4oî TRAITEMENT MORAL ET PEDAGOGIQVE
causeries faites aux malades par le médecin sur les causes de
la phtisie, la prédisposition, l'hygiène générale el l'hygiène
spéciale qu'exige la tuberculose, la curabilité de celle maladie
que le public croit à lort incurable, toul cela l'ait partie du trai-
tement pédagogique et moral d'un pensionnaire de sanato-
rium.
Le malade ne doit pas seulement être guéri, mais il doit
l'ester guéri, et les instructions qu'il reçoit à sou départ du
sanatorium oui pour but de lui enseigner tout ce qui contribue
à maintenir sa guérison : résidence, profession, mariage,
progéniture.
Mais c'est surtout dans les conversations intimes avec le
malade que le médecin doit établir le traitement psychique,
par îles encouragements, des consolations, en citant des
exemples de guérison, etc., etc.
Là aussi, h1 médecin donne des avis que l'intimité seule
permet : il explique les lois de l'hérédité et les causes qui
ag-oravcnt souvent la maladie.
Les mots classiques de Peter : « fille pas de mariage, femme
pas d'enfants, mère pas d'allaitement », ne peuvent pas être
acceptés comme règle absolue aujourd'hui.
Mariage et grossesse. — Un tuberculeux guéri depuis deux
ans, c'est-à-dire qui n'a pas eu d'accidents depuis deux ans,
peut se marier, à condition qu'il se ménage et mène une vie
calme. Cette règle est applicable aux hommes aussi bien qu'aux
femmes. Une jeune tille guérie de la tuberculose peut se marier
et avoir des enfants, mais l'allaitement doit être considéré
comme une cause d'affaiblissement et il vaut mieux que la
mère conserve toutes ses forces. Mais il y a des cas où un
tuberculeux, et le plus souvent une tuberculeuse, dont le mal
évolue lentement, se trouve dans un étal d'âme où l'inter-
diction du mariage est purement et simplement une condam-
nation à une mort prématurée.
Dans ce cas, je crois que nous sommes autorisés à permettre
le mariage à la femme en lui fournissant les indications pour
ne pas devenir enceinte, en instituant le traitement hygiéno-
diététique et en donnant au mari les conseils (pie la situation
comporte.
MARIAGE ET GROSSESSE 4o5
J'estime qu'une femme dans ces conditions, placée, après le
mariage, dans un sanatorium pas trop éloigné de son mari et
de sa 'famille, a plus de chances de guérison comme femme
mariée quelle n'en aurait eu si on l'eût laissée dans la situa-
tion d'une fiancée sans espoir de se marier jamais.
Les avis sur la marche de la grossesse chez les femmes
tuberculeuses sont partagés : les uns soutiennent qu'elle active
l'évolution de la phtisie, les autres qu'elle la ralentit et que la
maladie ne reprend sa marche qu'après l'accouchement.
M. le professeur Tarnier, dans le service duquel j'ai eu
l'honneur de faire mon stage obstétrical, nous a enseigné que
la phtisie marche plus vite pendant le cours de la grossesse,
et cela, qu'elle ait débuté pendant ou avant cette grossesse.
Dans le Journal des sages-femmes du icr octobre 1894 est
relaté un cas qui semble de nouveau confirmer cette con-
clusion du maître : « Une femme enceinte du service de
clinique de M. Tarnier se portait bien il y a un an; pendant les
cinq derniers mois elle était arrivée au troisième degré de la
phtisie. » Pour M. Tarnier, il faut éviter la grossesse chez une
phtisique, et empêcher aussi qu'une phtisique n'allaite.
M. Pinard se range à l'opinion dflérard et Gornil. « Dans la
majorité des cas, dit-il, la grossesse, loin d'enrayer la phtisie
pulmonaire, en accélère au contraire la marche. Mais il faut
reconnaître aussi que quelquefois la maladie n'est influencée
ni en bien ni en mal, et que même, dans un petit nombre de
cas, les symptômes paraissent manifestement arrêtés. »
Cet avis est également partagé par Ribemont-Dessaignes et
Lepage dans leur Précis d'obstétrique (1).
En résumé, on peut dire avec Herrgott fils : « La plupart des
auteurs considèrent la grossesse comme un puissant agent
accélérateur de la marche de la tuberculose. »
Notre maître, M. le professeur Lusk (de New-York), se
range à cet avis.
Quelle conduite suivre, si, malgré les avis du médecin, une
femme tuberculeuse devient enceinte ? Discuter cette question
dépasse le but de notre travail. Elle est traitée dans tous les
livres classiques d!accouchement, et, il y a quelque temps, M. le
(1) Pubemont-Dessaignes et Lepage. Précis d'Obstétrique, p. 646.
io6 TRAITEMENT MORAL ET PEDAGOGIQUE
professeur Gaillard (de Lille) (1) a publié des notions précises
sur ce problème difficile et encore loin d'être résolu.
La diversité extrême cpii règne en matière d'avor'tement
provoqué chez une femme phtisique, m'a amené à faire une
enquête au sujet des femmes enceintes en traitement dans
les sanatoria.
J'ai adressé à plusieurs directeurs de ces établissements la
question suivante :
« Avez-vous eu l'occasion d'observer le résultat du traite-
ment hygiéno-diététique appliqué aux femmes tuberculeuses
en état de grossesse ? »
RÉSULTATS OBTENUS PAU LE TRAITEMENT HYGIENO-DIETETIQUE
chez les femmes EXCEiNTEs. — Yoici les résultais : trois méde-
cins dirigeants ont observé que les femmes tuberculeuses
enceintes se trouvent remarquablement bien pendant leur
séjour au sanatorium ; mais les améliorations apparentes
cessent après l'accouchement et dans la majorité des cas la
terminaison est fatale.
Néanmoins, Dellweiler a été surpris de voir plusieurs cas
soumis à la « Kur » pendant un temps prolongé suivre la voie
de la guérison après l'accouchement.
Meissen (de Hohenhonnef) a observé les mêmes faits.
YY'ollf a été exceptionnellement heureux à ce sujet. 11 a eu
au cours des trois dernières années cinq femmes enceintes
tuberculeuses dans son sanatorium.
Toutes ont l'ait une cure exemplaire pendant la durée de la
grossesse et ont accouché normalement; quatre nul repris
rapidement leurs forces après l'accouchement, la cinquième
est morte peu de temps après.
Rompler a cité quelques cas où il a pu suivre la mère pen-
dant plusieurs années; elle a continué à demeurer valide sans
que les lésions pulmonaires se soient renouvelées.
Turban a enregistré des résultats excellents chez plusieurs
femmes dont l'état s'est amélioré tout en accouchant de beaux
et vigoureux enfants, mais il ajoute que ses malades n'étaient
que légèrement atteintes par la tuberculose.
(i) Galxakd. La Presse médicale, i8y.j, S déc.
LE DÉCALOGUE DES PHTISIQUES 407
Trudeau (de Saranac Lake, New- York) a obtenu également
des résultats très satisfaisants du traitement hygiéno-dié-
tétique chez les femmes tuberculeuses enceintes. Mais il
insiste surtout pour que ce traitement soit continué ; immé-
diatement après l'accouchement, on donne une nourrice à
l'enfant.
Moi-même je soigne depuis deux ans deux femmes tuber-
culeuses, qui sont accouchées, Tune il y a un an, l'autre dix-
huit mois. Les deux femmes se trouvent aujourd'hui dans un
état très satisfaisant, mais l'enfant de l'une est mort. Il est vrai
que chez toutes deux la tuberculose était au début, mais je
suis néanmoins convaincu que sans le traitement hygiéno-dié-
tétique, commencé plusieurs mois avant l'accouchement et
continué jusqu'au jour même, les résultats auraient été bien
moins satisfaisants.
Sabourin, Achtermann et Weicker ont eu l'occasion de
constater, chez les femmes enceintes de leur sanatoria, un
arrêt presque complet de tout processus tuberculeux pendant
toute la durée de la grossesse, suivi d'une déchéance rapide
après l'accouchement.
Admettant avec conviction la parole de notre très regretté
maître M. le professeur Tarnier : « Il faut éviter la grossesse
chez une femme phtisique », il me semble préférable, quand
la grossesse est survenue, d'essayer le traitemement hygiéno-
diététique chez les femmes tuberculeuses plutôt que de tenter
les incertitudes d'un avortement provoqué. Les quelques sta-
tistiques recueillies plaident certainement en faveur du traite-
ment hygiéno-diététique et non de l'intervention obstétricale.
Le décalogle des phtisiques. — Quand le malade quitte le
sanatorium, guéri ou suffisamment amélioré pour reprendre
la vie ordinaire, le déealogue qui a paru le 18 avril 1898 dans
le Lyon médical peut lui servir de ligne de conduite pour
l'avenir.
Je me suis permis de changer une seule phrase de ce déea-
logue intéressant. L'auteur dit comme troisième commande-
ment : « Qu'uniforme soit le climat, Est précepte très impor-
tant. » C'est vraiment impossible de demander à des milliers
de tuberculeux de ne demeurer que dans des climats uniformes.
io8 TRAITEMENT MOU. IL ET PÉDAGOGIQUE
Il me semble que tout ce (|iii est nécessaire <•! tout ce que l'on
peut espérer de voir se réaliser, c'est que ces malades cher-
chent à habiter des climats où les températures extrêmes ne
soienl pas trop prononcées. J'ai (loue remplacé le premier vers
par les iimls suivants : « sans extrêmes soit le rliinat ».
DÉCALOGUE :
Toujours air pur respireras
Des le début du traitement.
A l'air libre t'exerceras
Pour le guérir rapidement.
Sans extrêmes suit le climat
Est précepte ires important.
Par le temps Irais tu porteras
Des habits chauds suffisamment
Avec Phébus te lèveras,
Te coucheras pareillement.
Travail quelconque ne feras
Qu en dehors de l'appartement.
Jamais départ tu ne prendras
Qu aux jeux le thorax dilatant.
1 ) être propre il t'importera
En toute chose absolument.
Des précautions tu prendras
Contre le refroidissement.
Vénus tu ne fréquenteras,
Mais mangeras abondamment.
Écoles spéciales pour les infirmiers. — La profession d'in-
firmier ou infirmière dans un sanatorium on hôpital pour
L'IIYPURGIE 409
phtisiques, demande du dévouement et une éducation particu-
lière (1).
Aux Etats-Unis nous avons attaché au sanatorium de Liberty
une école pour infirmières, où les jeunes dames qui se sont
consacrées à la profession de garde-malade reçoivent une
instruction spéciale pour soigner les tuberculeux.
Choix des gardes-malades. — Les conditions principales
pour toute personne qui désire se spécialiser dans les soins à
donner aux phtisiques sont : d'abord une santé parfaite, un
dévouement sincère, une vie sobre, la recherche de l'air frais
et pur, une aversion naturelle contre les poussières et les mau-
vaises odeurs. Des notions exactes sur la prophylaxie de la
tuberculose, sur l'application des moyens hydrolhérapiques
et sur les premiers" soins à donner en cas d'hémorragie et
autres accidents, lui seront enseignés par les médecins de
l'établissement.
Les gens nerveux font de mauvais gardes-malades pour
phtisiques.
Pour que l'infirmier dans un sanatorium ou hôpital spécial
fasse bien son service, pour qu'il n'ait jamais la tentation de
donner à un malade des soins particuliers en vue d'une rétri-
bution (pourboire), enfin pour qu'il n'y ail rien qui puisse
excuser une négligence envers un autre malade, l'infirmier
doit recevoir une juste rémunération de ses peines.
Il ne faut pas que les gardes-malades soient surmenés par
le travail. Comme les pensionnaires du sanatorium, les infir-
miers ont aussi besoin de respirer et de s'exercer de temps
en temps à l'air libre. Le service de l'infirmier doit être réglé
de façon que la durée de travail constant auprès des malades
ne dépasse jamais plus de huit heures par jour.
Entre les médecins, l'administration et les infirmiers d'un
sanatorium pour tuberculeux il doit toujours exister une bonne
entente, nécessaire dans l'intérêt du malade et pour l'honneur
de la noble mission à laquelle tous se sont consacrés, c'est-à-
dire soulager la souffrance de leurs semblables.
(1) G. Liebe. Die Aufgabe des Pilegcpersonals in der modernen Volks-
heilstalle fur Lungenkranke. Deutsclie Krankenpflege Zeïtung, 189S, 5 avril.
4io TRAITEMENT MORAL ET PEDAGOGIQUE
On peut me faire le reproche d'avoir été trop minutieux
dans ma description de tout ce qui touche à l'hygiène, au
régime, au traitement moral, etc. Je puis dire pour ma défense
qu'avant beaucoup vécu avec les phtisiques, j'ai appris que le
traitement de la phtisie exige que rien ne soit négligé. L'en-
semble des soins, grands et petits, donnés aux tuberculeux,
constitue le vrai traitement.
L' « hypurgie ». — C'est à V hypurgie (i), autrement dit à
l'art de soigner le malade scientifiquement, de savoir lui pro-
curer le confort, l'hygiène, le régime et le soutien moral,
qu'est dû en majeure partie le succès de la phtisio-thérapie
moderne.
Je ne prétends nullement qu'il soit impossible d'instituer
dans la clientèle privée un traitement hygiéno-diététique satis-
faisant et suffisant.
('.nies, il y a des malades favorisés par la fortune qui peu-
vent s'entourer de tous les soins nécessaires, et il s'en trouve
parmi eux dont la patience saura admettre et supporter, sans
qu'une surveillance constante soit indispensable, la vie sobre
et prudente qui leur convient. 11 en est qui se soumettront
strictement à tous les ordres du médecin ; mais combien ceux-
là soûl rares parmi les riches! (l'est pourquoi je ne me lasse
pas de répéter que, pour la majorité des phtisiques, quelle que
snil leur situation de fortune, mais surtout pour ceux qui sont
atteints d'une tuberculose pulmonaire en voie d'évolution, le
traitement dans les établissements fermés est celui qui donne
le plus de garantie de succès.
(il Ou peut trouver déjà dans les Œuvres d Hippocrale le mot hypurgie (de
ûitoupYSÏv, faire emploi des adjuvants). Littré le traduisait par cette belle
phrase : « la bonne volonté pour ce qui est à faire ». Mendelsohn (Die Kran-
kenpflege, Vienne cl Leipzig) se sert de ce mot pour marquer la différence entre
les services rendus au malade par l'infirmier [Krankenwartungi service auprès
du malade) et le service rendu par le médecin, non par l'administration des
médicaments, mais par 1 emploi scientifique des nombreux autres agents théra-
peutiques (hygiène, régime, confort, exercice, etc.) qui peuvent aider au réta-
blissement d un malade.
CHAPITRE XXIII
Climat, altitude et médicaments spéciaux.
Considérant le traitement hygiénique et diététique comme le
meilleur qui existe jusqu'à ce jour, nous débarrassant des an-
ciennes idées sur Faction spécifique de certains climats, sur la
vertu spéciale de quelques médicaments, nous pouvons, avec
plus de clarté et de -sûreté, faire usage de tous les adjuvants
qui nous sont offerts, soit par un climat ou une altitude déter-
minée, soit par les substances médicamenteuses ou tous autres
moyens.
Considérations générales sur la phtisic-climato-thérapie.
— Si l'on veut savoir quel est le meilleur climat, il faut
d'abord envisager le degré de la maladie. En ce qui concerne
les malades trop avancés pour qu'une guérison soit à espérer,
le climat le plus favorable et le meilleur est celui qu'ils habi-
tent.
Pour les malades anémiés, avec tendance extrême au catarrhe
laryngé ou bronchique, un climat doux, tel que celui du littoral
méditerranéen, est indiqué.
Les hautes altitudes : Davos, Arosa, Leysin, etc., ne convien-
nent qu'aux tuberculeux peu avancés.
Mais il faut dire qu'aucune forme de phtisie n'est immuable.
Une phtisie à forme torpide peut évoluer vers la forme éré-
thique et vice-versa. Sur une tuberculose pulmonaire en voie de
guérison une tuberculose laryngée peut se greffer, ou, réci-
proquement, la tuberculose du larynx peut descendre dans les
organes respiratoires profonds.
Le meilleur climat pour un tuberculeux est celui qui lui
permet de séjourner le plus longtemps à l'air libre, pendant le
plus grand nombre de journées et avec le moins de danger.
4ii CLIMAT. ALTITUDE ET MEDICAMENTS SPECIAUX
En général, on peut dire qu'un changement de climal ou
d'altitude fait souvent du bien à tous les tuberculeux peu
avancés. Quelques phtisiques sont améliorés par l'air de la
mer, surtout s'ils peuvenl vivre sur des côtes ensoleillées,
jouissant d'une température modérément douce avec de rares
brouillards et peu do pluie, l'u voyage sur mer peut même être
avantageux pour un tuberculeux qui n'est que peu sujet au
mal de nier. Des voyages sur terre trop fréquents font au
contraire du mal aux tuberculeux à n'importe quel degré.
Pour choisir entre un climat froid et un climal chaud, je
crois que la meilleure chose à l'aire est de demander au
malade s'il se sent mieux l'hiver que l'été. S'il souffre moins
pendant l'été, envoyez-le aux pays chauds. Si au contraire, il se
trouve mieux en hiver, conseillez-lui les pays froids. En dehors
de cela, il y a autant d'idiosyncrasies pour les climats et les
altitudes que pour les médicaments. .Mais, ainsi que nous le
disons dans un autre chapitre de ce travail, il faut encore
prendre en considération les conditions sociales : une règle
générale pour un tuberculeux guérissable, obligé après sa
guérison de travailler pour gagner sa vie, est de choisie le
climat le plus semblable à celui ou il scia contraint de vivre
après sa guérison.
« Home climates. » — A ce propos il y a un l'ail qui, à mon
avis, n'a pas encore été mis suffisamment en évidence, et sur
lequel on ne saurait trop insister si l'on envisage la tuberculose
connue un problème social, .le répète que j'ai souvent observé
(pie les guérisons obtenues dans les climats habituels home
climate), c'est-à-dire les climats ordinairement considérés
comme peu favorables à la guérison de la phtisie, ont été
d'une durée plus longue que les guérisons obtenues dans des
climats plus doux et ayant la réputation d'être plus ou moins
« spécifiques » dans le traitement de la tuberculose pulmo-
naire.
.Nous ne pouvons pas nous étendre plus longuement sur la
climato-thérapie sans dépasser le but de notre travail. D'excel-
lents ouvrages ont été publiés à ce sujet par Jaccoud (i),
(i) S. Jaccoud. Curabilitè cl traitement de la Phtisie pulmonaire. Paris.
III ILE DE FOIE DE MORVE î «3
Weber (i), Solly (a), de la Harpe (3) et d'autres auteurs. Nous
dirons seulement que les bons effets produits sur un phti-
sique par un climat et une altitude qui lui conviennent par-
ticulièrement, seraient décuplés s'il se trouvait dans un
sanatorium placé en cet endroit.
Je vais encore plus loin, et si l'on me donne le choix d'en-
voyer un phtisique ayant quelque chance de guérison en un
climat et à une altitude où il n'existe pas de sanatorium et
où il sera libre d'agir à sa guise, ou bien de l'envoyer dans un
établissement fermé où toutes les conditions climatériques et
d'altitude sont d'ordinaire celles de nos plaines, je l'enverrai
dans ce dernier endroit, étant convaincu qu'il a plus de
chances de guérison dans un climat relativement défavorable
avec le régime, l'hygiène et la surveillance permanente du
médecin, que dans un climat idéal sans les avantages qu'offre
un sanatorium.
Médicaments SPÉCIAUX. — L'adjuvant le plus précieux, après
le climat et l'altitude, est la médication.
Je n'ai pas l'intention de passer en revue dans ce chapitre
tous les médicaments qui sont employés aujourd'hui en
phlisio-thérapie. Je veux parler seulement de quelques modi-
ficateurs de la nutrition, de quelques remèdes réputés bacilli-
cides, enfin dire quelques mots sur la sérothérapie anti-
tuberculeuse et les essais de vaccination par des produits
bactériens de la tuberculose, et donner les raisons pourquoi
je préfère le traitement hygiéno-diététique au traitement
réputé spécifique à l'aide des antitoxines ou des toxines.
Huile de foie de morue. — L'huile de foie ce morue est
et sera toujours un médicament précieux pour modifier la nu-
trition.
Employée chez les phtisiques pour la première fois par
(i) H. Weber. Clhnatothérapie. Paris, 1 8S6.
(2) S.-E. Solly. Médical Climatology. Philadelphie, 1897.
(3) De la Harpe. Formulaire des stations d'hiver et des stations d'été.
Paris, 1895.
il i CLIMAT, ALTITUDE ET MEDICAMENTS SPECIAUX
Pereeval (1790), elle est ordonnée aujourd'hui aux malades
atteints de tuberculose, quelle que soit sa localisation, dans
Ions les pays. D'après les belles recherches de M. Gautier, les
huiles fauves et blondes sont les plus nutritives et sont préfé-
rables aux lniiles blanches et noires. Pour que l'huile de l'oie
de morue produise des effets notables, nous pensons avec
MM. Grancher, Jaccoud et Daremberg que la dose niiniina doit
être de 4 cuillerées à soupe par jour, et on doit s'efforcer
d'arriver graduellement à 10 et 12. Mais il faut compter avec la
fonction stomacale : il y a des phtisiques qui ne peuvent
prendre que des quantités minimes de ce médicament, sur-
tout au début, et il faut augmenter graduellement même pour
arriver à la dose de 5o grammes par jour.
Connue M. Créquy (1), je pense que l'administration de
l'huile de l'oie de morue (ou de tous autres médicaments) par
cuillerées est infidèle et qu'il vaut beaucoup mieux se servir de
flacons gradués portant des divisions mathématiques. Si
l'huile de foie de morue est mal tolérée, on la remplace par la
glycérine.
Pour rendre l'huile de foie de morue moins désagréable à
prendre, on peut l'aromatiser, à l'exemple de Duquesnel (2), en
ajoutant j5 gouttes d'essence d'eucalyptus par litre d'huile de
foie de morue jaune.
Gomme succédané de l'huile de foie de morue, je tiens en-
core à citer la solution chlorodn'omo-iodurée de mon vénéré
maître le professeur Potain (de Paris) :
Chlorure de sodium 10 grammes.
Bromure de sodium 5 —
Iodure de sodium i gr. 5o
Eau distillée ioo grammes.
A prendre : une cuillerée à ea lé le malin dans une tasse de lait.
« Tropon. o — Récemment, en Allemagne, on a fait de nom-
breux essais avec une préparation albumincuse, appelée
« tropon », qui a été recommandée pour la première fois par
(i) Créquy. Société de Thérapeutique, i8g5, 28 février.
(2) Duquesnel. Gazelle hebdomadaire de inéd . et de cliir., 189S. 1 .} juillet.
SOMATOSE 4l5
Finkler (i) (de Bonn) comme un adjuvant précieux dans le
traitement de la phtisie. C'est une poudre fine, sans goût et sans
odeur, d'une couleur brun jaunâtre, insoluble dans l'eau.
D'après Finkler, elle ne contiendrait pas moins de 94 p. 100
d'albumine et serait très facilement assimilable. On donne le
« tropon » mélangé avec du lait, du cacao ou de la soupe,
3o grammes environ par demi-litre de lait et ao grammes par
demi-litre de bouillon. Mais il est nécessaire, à cause de son
insolubilité, de le mettre dans le liquide bouillant d'abord en
petite quantité, puis on ajoute le reste peu à peu. Pris en solu
tion, il semble que le « tropon » laisse tout de même assez
souvent un goût désagréable dans la bouche du malade. Plaut (2)
recommande alors de remplacer le « tropon » par 1' « eucasine »,
la « nulrose » ou le « sanatogène » (3).
Somatose. — Sur la valeur alimentaire de la somatose, un
remède bien indiqué clans la tuberculose, la Presse médicale
du a4 septembre 1898 publiait la note suivante :
D'après Hildebrandt, qui en a fait une étude très conscien-
cieuse, la somatose constitue un des meilleurs agents théra-
peutiques et alimentaires dont nous puissions disposer pour
lutter contre la déchéance organique qui se manifeste au cours
de certains états pathologiques, et notamment, pour combattre
l'anorexie et les troubles dyspeptiques des individus trop
profondément anémiés par un processus morbide antérieur.
Au dire des auteurs qui l'ont expérimentée, la somatose
devrait ses propriétés reconstituantes à sa riche teneur en
principes albuminoïdes facilement assimilables ; en effet, si
l'on consulte les données fournies par les expériences et par
les observations cliniques, on voit que cette préparation pos-
sède une valeur alimentaire quatre fois supérieure à celle de
la bonne viande de boucherie : c'est, du moins, ce qui res-
sort des faits rapportés par Hildebrandt, Drews, Adrian, etc.
Un autre hygiéniste fort distingué, M. Maassen (de Vienne),
(1) Finkler. Berliner klin. Wochenschrift, 1898, nos 3o, 3i, 32, 33.
(2) Plaxjt. Zeiisclirift /'. diàtetische itnd physikalischc Thérapie. Leipzig,
1898, n° 9.
(3) Treltel et Vis. Mùnchener med. Wochenschrift, 189S, n° 9.
416 CLIMAT, ALTITUDE ET MÉDICAMENTS SPÉCIAUX
s'est, de son côté, livré à des recherches en vue d'établir si la
somatose exerce aussi une influence sur le chiffre «les héma-
ties et sur le taux <le l'hémoglobine <\\\ sang; pour donner à
ses expériences toute la rigueur scientifique désirable, il s'esl
servi de l'hématimètre de Zeiss-Thoma, el de Phémoglobini-
inètre de Gowers. Dans tous les cas par lui observés,' sauf un,
l'auteur affirme avoir relevé un accroissement net <lu nombre
des globules rouges, el une augmentation des plus manifestes
<lu [aux de l'hémoglobine; de plus, fait importanl à retenir el
sur lequel M. Maassen insisie beaucoup, les modifications
survenues sous l'influence de celle médication auraient été
appréciables dès le premier jour du traitement.
Quoi qu'il en soil de toutes ces assertions, deux points
essentiels sur lesquels toiil le monde est d'accord, c'est :
i" que l'ingestion de la somatose n'inspire aucune répugnance
aux malades: 20 que la somatose est non seulement bien tolé-
rée par le tube digestif, mais qu'elle offre encore l'avantage
de réveiller l'appétit languissant de ces sortes de malades.
M. .Maassen recommande de prescrire la somatose à la dose
de i cuillerées à cale par jour; dans la grande majorité des
cas, il n'y a aucune utilité à modifier le régime alimentaire
habituel des malades.
Les phosphates, les préparations martiales, la stuyciinixe.
- En dehors de l'huile de foie de morue et de la ylvcérine,
j'ai vu employer dans les sanatoria, comme médicaments ayant
pour but de transformer l'organisme :
i" L'arsenic sous des formes variées ;
a" La strychnine (noix vomique) ;
3° Les préparations ferrugineuses ;
4 Les phosphates et les hypophosphites ;
À" Les iodures, les chlorures de sodium, etc., etc.'
Maragliano a eu l'idée de réunir presque tous ces médica-
ments en une seule formule (pie voici :
Phosphate de calcium .../..
f , aa 2d centigrammes.
Menthol )
Bicarbonate de soude ... 20
Poudre de noix vomique . . / . .
a a ■> —
Lactatc de fer ^
Tour un paquet. — A prendre : î paquets par jour pendant lo repus.
CRÉOSOTAL 4i7
Mais on voit que les substances employées comme modifi-
catrices de l'état général dans les sanatoria sont les mêmes
que celles dont on se sert depuis des années dans les hôpi-
taux et dans la clientèle en général.
&
Créosote. — Comme remède réputé bacillicicle, la créosote
occupe la première place. On ne peut nier que ce médicament
judicieusement administré ne fasse du bien dans bon nombre
de cas. Il agit comme altérant ou peut-être comme stimulant.
La meilleure méthode pour donner la créosote consiste, selon
moi, à commencer par des doses minimes de 2 ou 3 gouttes dans
un verre de lait trois l'ois par jour, et à ne jamais dépasser
45 à 60 gouttes par jour. Dès que l'administration de la
créosote détermine des troubles digestifs on ne doit plus
l'administrer par la voie buccale.
D'après Tapret, "cité par Daremberg, les pulvérisations de
créosote calmeraient la toux et arrêteraient l'amaigrissement.
Voici la solution à répandre pendant plusieurs heures dans
la chambre à l'aide d'un pulvérisateur à vapeur :
Créosote 10 grammes.
Alcool 200 —
Glycérine 20
Eau 770 —
Créosotal. — Le créosotal est peut-être de toutes les pré-
parations créosotées la mieux supportée par l'estomac. Il est
recommandé par von Leyden (de Berlin), Janeway de (New-
York), et au dernier Congrès de la Tuberculose M. le Dr Sicard
de Plauzoles (de Paris) faisait une communication sur les
« avantages de l'emploi du créosotal dans le traitement de la
tuberculose pulmonaire ».
Le créosotal renferme 90 p. 100 de son poids de créosote
pure. Voici ce que dit M. Sicard au point de vue de l'adminis-
tration du créosotal :
« Le créosotal peut être pris pur, par cuillerées à café ou
en capsules, émulsionné dans du lait avec un jaune d'œuf,
associé à l'huile de foie de morue, etc..
« La dose quotidienne pour les adultes varie de 4 à
6 grammes en plusieurs fois. Il faut débuter par de petites
doses, o gr. 5o à 1 gramme par jour, augmentées progressive-
Knopf. Sanatoria. 27
iiS CLIMAT, ALTITUDE ET MÉDICAMENTS SPÉCIAUX
nu 'ii l . |>uis diminuées au besoin. On détermine ainsi, pour
chaque malade, la dose à laquelle le médicament produit ses
plus heureux effets.
« Chez les malades atteints de troubles digestifs, on donne
d'abord le créosotal par gouttes, V à X par jour.
« Chez les enfants, on l'emploie aux doses suivantes:
« Au-dessous de trois ans. o gr. loào gr. 5o par jour;
De trois à cinq ans, ogr. 5o à i gramme par jour;
De cinq à dix ans, o gr. 5o à ■> et 4 grammes par jour. »
Gaïacol. — L'élément principal de la créosote est le gaïacol.
Il a les mêmes propriétés que la créosote, sur laquelle il a
l'avantage d'avoir une composition fixe. Labadie-Lagrave^
Fraentzel, Bourget <•! Pignol ont propose'', non sans succès,
de le substituera la créosote dans le traitement de la phtisie
pulmonaire. Mais c'est surtout à mon ami le D1 Artault de
Vevey (i) que L'on doit des expériences cliniques el de labo-
ratoire très intéressantes sur les injections huileuses de
gaïacol dans la phtisie. Voici les conclusions auxquelles
M. Artault est arrivé relativement aux effets thérapeutiques du
gaïacol :
« Le gaïacol, par son action tonique et stimulante de la
nutrition, devient un adjuvant utile du traitemenl diététique
et hygiénique de la tuberculose, a la condition d être injeeti
a assez, hautes doses, au moins o,5o centigrammes a i gramme,
avec 5 à io centimètres cubes d'huile au moins. »
Dans les tuberculoses à forme rapide on peut se servir
aussi du e-aïacol en badigeonnasses selon la formule suivante:
ol
Gaïacol pur synthétique i gramme.
Huile d'olive i
A appliquer t. -us Les trois jours.
IoDOFORMK. — Les pilules d'iodoforme sont encore prescrites
par quelques thérapeutes; mais a cause des troubles gastriques
tpie l'administration de ce médicament produit, j'en ai aban-
donne l'emploi depuis plusieurs années.
Chlorure de sodium. — Il est reconnu que l'inhalation d'une
(il S. Artaclt de Vevey. Tuberculose et injections huileuses. Paris, 1897.
CHLORURE DE SODIUM /,ig
solution fortement saline augmente les sécrétions clés bron-
ches et facilite l'expectoration.
Drozda (i) (de Vienne) pensait que le chlorure de sodium
ingéré en grande quantité avec les aliments doit aussi agir
d'une façon bienfaisante sur l'état général du malade. Il cons-
tatait que les ganglions engorgés du cou et des creux axillaires
devenaient plus petits et finalement normaux par suite dune
administration abondante de sel ordinaire. J'ai fait des essais
avec le chlorure de sodium sur plusieurs de mes malades, et j'ai
pu observer que chez eux aussi la toux devenait moins pénible
et l'expectoration beaucoup plus facile, pendant que l'état géné-
ral s'améliorait.
Je ne crois pas que Ton puisse dire que le chlorure de
sodium possède la moindre action antibacillaire, mais les bons
résultats qu'il produit trouvent plutôt leur explication dans ce
l'ait que le sel augmente la liquéfaction du tissu pulmonaire
dégénéré, et qu'il devient ainsi un adjuvant précieux pour l'éli-
mination des subtances toxiques.
Essence de menthe. — Comme médicament volatil l'essence
de menthe semble avoir une action particulièrement bienfai-
sante, surtout quand on la respire au moyen du cabinet pneu-
matique.
(i) J.-Y. Dkozda. Grundzûge einer rationellen Phtisiotherapie. Vienne,
CHAPITRE XXIV
Du sérum antituberculeux, de la tuberculine,
de Tantiphtisine, etc.
Parler de la sérothérapie appliquée à la tuberculose en détail
ri passer en revue tous les essais laits dans cette direction
sciait dépasser le but de notre travail. Les conclusions géné-
rales auxquelles M. le professeur Landouzy est arrivé dans
son rapport au dernier Congrès sur l'emploi des sérumset des
toxines pour le traitement de la tuberculose exposent nette-
ment l'état actuel des choses.
« La sérothérapie appliquée a la tuberculose, cl i t cet auteur, ne
nous a pas donné encore des résultats suffisamment appréciables,
assez, constants, assez complets et s'appliquant assez a la géné-
ralité des affections tuberculeuses, pour que nous nous croyions
en pleine puissance d'un traitement vraiment spécifique, iinimi-
nisateur et curateur 1 ».
Et que dire des essais multiples avec la tuberculine ancienne,
la tuberculocidine, l'antiphtisine de Klebs, le tuberculinum
purificatum de von Ruck et la tuberculine purifiée de W'hilman,
['oxytuberculine de Hirschfelder , et le dernier produit de
Koch : la tuberculine lî '.'
Je ne veux pas parler ici du mérite de ces préparations ;
mais je désire signaler en toute franchise ce que l'expérience
de ces produits nous a enseigné. Chaque lois qu'un de ces nou-
veaux remèdes nous arrive, les conditions de son emploi sont
spécifiées de la façon suivante : « N'est pas à employer dans
les cas trop avancés. » — « N'est pas à employer dans les in-
fections mixtes. » — « N'est pas à employer seul, mais en
(i) Landouzy. La Presse médicale, 1898, n° 63, p. 55.
SÉRUM ANTITUBERCULEUX, TIRERCUL1XE 421
le combinant avec une bonne hygiène et une bonne ali-
mentation ». — « Ne pas négliger le traitement symptoma-
tique ».
Les résultats publiés par les premiers expérimentateurs se
traduisent à peu près de la façon suivante : « Parmi les malades
soumis au traitement, un assez grand nombre de tuberculeux
au premier degré de la maladie a été guéri. Un petit nombre
dans des états avancés en a bénéficié. Un plus petit nombre
est resté indifférent au traitement, et quelques-uns sont morts. »
Puis viennent des observations et des rapports d'autres
expérimentateurs qui arrivent à des conclusions contraires
avec le même remède. Les uns le déclarent peu curatif, mais
tout à fait inoffensif. Un autre le considère comme dangereux
dans quelques cas, admissible pour d'autres. Un troisième
s'inscrit contre son emploi et donne des statistiques absolu-
ment décourageantes. Au bout de quelques mois on a oublié le
« spécifique » jusqu'au jour où un autre se montre à l'horizon.
Depuis les effets désastreux produits par la première tuber-
cidine de Koch clans le traitement de la phtisie pulmonaire, je
me suis contenté de suivre les essais et expériences d'autres
phtisio-thérapeutes plus courageux. Il n'y a, selon moi, aucun
produit bactérien qui ait jusqu'aujourd'hui mérité le nom de
spécifique. Il n'y en a aucun qui puisse remplacer le traite-
ment hygiéno-diététique. Il n'est même pas un produit déri-
vant du bacille de la tuberculose que je voudrais considérer
ou employer comme un adjuvant dans le traitement de la tuber-
culose pulmonaire.
J'ai trouvé que le traitement hygiéno-diététique, sous l'étroite
surveillance d'un médecin compétent ou dans un établissement
fermé, constitue la meilleure thérapeutique pour toutes les
formes de phtisie pulmonaire, ainsi que le démontrent les
statistiques ; mais il convient surtout d'ajouter que les guéri-
sons obtenues par la cure simple hygiéno-diététique sont d'une
durée plus longue et plus certaine que toutes les guérisons
consécutives à l'emploi de la tuberculine ou de ses dérivés.
Dans notre chapitre « Preuves cliniques de la curabilité de
la tuberculose », nous avons déjà donné une statistique com-
plète en ce qui touche les résultats obtenus dans les divers
sanatoria par le traitement hygiéno-diététique, et nous ren-
422 SERUM ANTITUBERCULEUX, TUBERCULINE
voyons nus lecteurs à la table |». Si jointe à ce chapitre.
Je ue crois même pas que nous ayons le droil d'employer la
tuberculine comme moyen diagnostique. Quand on a été
témoin d'une tuberculose se niellant à évoluer d'une manière
rapide à la suite d'une injection de tuberculine faite dans le
luit tle vérifier un diagnostic incertain, on v regarde à deux
t'ois avant de recommander un tel procédé.
Les moyens d'investigation physiques que nous possédons
pour établir un diagnostic précis dans un cas douteux de tuber-
culose pulmonaire sont suffisants, et la découverte de Rôntgen
nous est un auxiliaire précieux à ce point de vue.
Pour les détails de l'application des ravons Rôntgen au dia-
gnostic de la tuberculose pulmonaire, on se reportera aux
communications de Bouchard, Claude et liée 1ère, au IVe < longrès
pour l'étude de la tuberculose ( i ) et à l'ouvrage de Hé-
bert (2).
L'emploi des rayons X dans un but curatif, disons-le en pas-
sant, n'a ilonné jusqu'à ce jour aucun résultat satisfaisant. Des
expériences faites à la fin de l'année 1897 dans le laboratoire
de M. le profeseur Potain, par M. Pierre Teissier, ont démon-
tré que l'action des rayons X sur la tuberculose expérimentale
est absolument nulle (3).
Donc, si nous nous résumons, nous pouvons dire que malgré
les recherches brillantes de nos bactério-thérapeutes, le trai-
tement hygiénique et diététique est après tout celui qui nous
a donné jusqu'ici les meilleurs résultats, tant au point de vue
de la prophylaxie que de la curabilité.
On trouvera peut-être un jour un sérum, une antitoxine
pour toutes les manifestations aiguës de la pathologie humaine
Et même dans les cas où nous avons à traiter, au cours de la
phtisie chronique, une poussée aiguë due à une association
nouvelle du microorganisme, nous avons le droit d'espérer
quelque chose de la sérothérapie. Mais pour guérir une
lésion tuberculeuse, pour produire des tissus neufs, pour
que la phagocytose s'exerce dans de bonnes conditions, la
(1) La Presse médicale, 1898, 10 août.
(2) A. Hébekt. La tec/mif/iie des Rayons X.GeorgcsCarrê clC. Naud, Paris, 1897.
(3) La Presse médicale, 1898, 10 août.
SÉRUM ANTITUBERCULEUX, TUBERCULINE 4^3
suralimentation et une hygiène supérieure, une surabondance
de bon air pur sont absolument indispensables.
En admettant que l'avenir nous donne le remède véritable-
ment spécifique, le traitement hygiénique et diététique restera
toujours la condition sine qua non, le fonds de réserve sans
lequel on ne saurait combattre la misère physiologique des
phtisiques.
CHAPITRE XXV
Traitement de la phtisie pulmonaire dans les stations libres
et dans les colonies. Divertissements et sports divers.
Los Angeles, dans la Californie du Sud, et ses environs.
sont, en Amérique, le lieu de prédilection pour le traitement
climatérique de la tuberculose pulmonaire. Des milliers de
tuberculeux viennent tous les hivers passer quelques mois
sous ce climat doux et agréable, où les malades peuvent rester
dehors jour et nuit pendant 325 jours de l'année. La facilité
avec laquelle on se déplace et on change de résidence aux
Etats-Unis, fait que beaucoup de malades y restent et s'y ins-
tallent d'une façon permanente pour échapper aux rigueurs de
l'hiver de V « Est ».
Quelle est la mortalité dans ce paradis des phtisiques ?
D'après un ouvrage publié aux Etats-Unis sur la distri-
bution géographique des maladies, la mortalité parphtisie est:
Pour i ooo habitants à Los Angeles 3,i8
Et pour i ooo habitants aux Etats-Unis, en général . •->."> i seulement.
M. le Dr Bullard, clans une communication faite à la Société
médicale de la Californie du Sud, a expliqué que cette mor-
talité élevée était presque exclusivement due à l'immigration
des tuberculeux (i).
D'après les relevés dans les hôpitaux et dans les bureaux
de la municipalité, à Los Angeles :
60 p. 100 des dérès par phtisie concernent des malades
avant vécu à Los Angeles, moins Je 4 ans.
18 p. ioo des décès par phtisie concernent «tes malades
ayant vécu à Lus Angeles, moins de 6 ans.
(i) Bullard. Apparent and Aclual Mortality. Southern California Praeti-
tioner, i8g3, juin.
DANGER DE LA PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE 423
19,8 p. 100 des décès par phtisie concernent des malades
ayant vécu à Los Angeles, plus de 6 ans.
2,2 p. 100 seulement des décès par phtisie concernent des
malades nés à Los Angeles.
On ne peut donc pas accuser le climat du pays de cette
effrayante mortalité, et s'il est permis de parler d'immunité,
on peut dire qu'en dehors de la phtisie importée, la Californie
du Sud est aussi préservée qu'on peut l'imaginer.
Il faut donc chercher dans ce pays, qui devrait être privilégié,
la vraie cause de cette mortalité élevée par tuberculose.
On la trouve :
i° Dans le fait que les malades sont le plus souvent envoyés
à une période trop avancée pour que la guérison puisse
s'effectuer ;
a0 Dans le fait que les malades ayant toutes chances de gué-
rison, se sentant mieux, grâce au séjour prolongé à l'air libre,
oublient bientôt leur maladie, entreprennent des affaires, font
des spéculations de toutes sortes pour s'enrichir le plus vite
possible, travaillent sans cesse, se trouvent souvent dans une
agitation permanente, commettent toutes les imprudences et
meurent enfin au bout de quelques années ; les statistiques
sont ainsi chargées ;
3° Les malades, inconscients de ce qu'ils font, ne prennent
même pas conseil d'un médecin. Trop fréquemment, mal ins-
truits par celui qu'ils ont consulté, ils crachent partout à terre ;
les expectorations sèchent rapidement et les bacilles flottent
dans l'air par milliards, pour être inspirés de nouveau par les
mêmes malades ou par d'autres.
DAXGER DE LA PROPAGATION DE LA TUBERCULOSE. J'ai décrit
cette station hivernale comme type, car je la connais non par
une courte visite, mais par un séjour de plusieurs années.
Les stations méditerranéennes n'en diffèrent guère , sauf
peut-être qu'ici les malades convalescents s'occupent moins
d'affaires et un peu plus de plaisirs. J'ai visité Nice, Cannes,
Monte-Carlo, etc., etc. ; j'ai vu les tuberculeux, à tous les degrés
de la maladie, se promener partout, cracher à terre, se mêler à
la foule dans les casinos, où la poussière est incessamment
soulevée.
TRAITEMENT DANS LES STATIONS LIBRES II LES COLONIES
Beaucoup s'asseyent à la table de jeu, restenl là jusqu'à
minuit el plus, fumant des cigarettes et respirant dans la |ilus
malsaine des atmosphères.
Souvent ils changenl leur station pour une autre, car ils ne se
trouvent pas mieux et ils accusent le médecin de les avoir
envoyés dans un cl i mal qui ne leur apporte aucun soulagement.
A chaque nouvelle station les mêmes errements recom-
mencent, jusqu'à l'heure où le phtisique s'arrête pour mourir.
A table, le malade mange peu, «m se nourrit de mets donl il
devrait s'abstenir ; il prend un médecin de la station donl il ne
suit guère les avis ; il trouve d'autres fois ses conseils clans la
liasse d'ordonnances qu'il a apportées avec lui; bien mieux,
il ne l'ait rien, mettant toute sa foi dans le climat.
Il y a même des stations hivernales <>ii les malades peu gra-
vemenl atteints en apparence se croient autorisés a aller au
haï. ou au moins à prendre pari aux petites réunions de danse.
arrangées plusieurs fois par semaine au casino ou ailleurs. El
dans le lourliillon du plaisir le candidat à la phtisie oublie
qu'il se trouve dans l'atmosphère la plus malsaine, surchauffée
et pleine de poussière, el qu'il se livre a un exercice absolument
dangereux pour sa santé.
Telle est la vie du tuberculeux dans les stations hivernales:
il vil a sa guise et selon ses fantaisies. S'ils ne commel pas
d'imprudences en cherchant le plaisir, il en commet souvent
par les tours de force qu'il l'ait pour guérir. Il gravit des mon-
tagnes, court les chemins; s'il vil dans une station alpine o il
fait la lugue <> (traîneau de montagne et patin, etc., etc.).
Canotage, golf et croquet. — Tous les sports, même ceux
à l'air libre, qui exigent qu'on se courbe beaucoup, sont
nuisibles aux tuberculeux. Ramer esl absolument dangereux.
Le golf aussi demande trop de surmenage, et on doit le défendre
à ces malades. Le croquel est à la ligueur autorisé, surtout si
on peut s'y livrer sur le terrain (\\\ sanatorium, où on peut sur-
veiller le joueur imprudent. Pour éviter que le malade ne se
baisse trop, je conseille d'avoir des maillets plus longs que
d'ordinaire.
Bicyclette. — La bicyclette, souvent recommandée pour
les tuberculeux au début de la maladie, me semble peu suscep-
BICYCLETTE 4^7
tible d'enrayer la tuberculose pulmonaire. Ce sport a certaine-
ment une grande valeur thérapeutique dans beaucoup d'autres
maladies, mais pour un tuberculeux, ou pour un individu en
train de le devenir, trop de dangers résultent de son emploi.
D'abord le surmenage : le bieyeliste dépense en général beau-
coup plus d'énergie musculaire, suivie de perte de tissu, qu'un
individu qui s'exerce normalement, et le tuberculeux a plus de
difficulté pour remplacer cette perte de tissu. D'un autre côté,
M. le professeur Bouchard a démontré que la perte considé-
rable de tissu par suite d'exercices exagérés, associée à la
production de toxines, rend un individu plus susceptible de
contracter les maladies infectieuses, et surtout la tuberculose
pulmonaire.
Les tuberculeux, de même que les sujets tuberculisables,
ont généralement le cœur plus ou moins faible. Toutes les
personnes qui pratiquent la bicyclette savent combien il est
facile d'en faire trop, et d'exiger ainsi de la part du cœur un
travail extraordinaire. Les cas de mort subite par suite de
l'exercice de la bicyclette sont déjà nombreux dans la littéra-
ture médicale. Mendelsohn en rapporte plusieurs dans ses
communications des 3o avril et 1 8 juin 1896(1). L'attitude penchée
acquise par un grand nombre de bicyclistes est certainement
peu avantageuse aux invalides pulmonaires. Les muscles tho-
raciques et respiratoires entrent peu en jeu pendant qu'on est
assis sur la bicyclette, et je n'ai jamais vu de coureurs profes-
sionnels qui eussent ces groupes de muscles bien développés.
Un autre danger pour le bieyeliste tuberculeux réside dans
la facilité avec laquelle il prend des rhumes graves, et cela
d'une manière tout à fait inconsciente. Rapidement et joyeu-
sement on « couvre » de longues distances, et c'est seulement
au moment où l'on s'arrête, soit pour se reposer, soit pour
arranger sa machine, qu'on se sent en pleine transpiration,
transpiration qui, en temps froid, est bientôt suivie d'un fris-
son plus ou moins intense.
Même dès le commencement, le sjiort de la bicyclette
n'est pas sans danger pour un tuberculeux, car en l'apprenant
tout son être se trouve dans une tension nerveuse, difficile à
(1) Mendelsohn. Deutsche med. JVochenschrift, 1896, 3o avril et 18 juin.
4*8 TRAITEMENT dans les stations libres et les colonies
décrire, mais que la majorité des bicyclistes ont éprouvée. Pour
toutes ces raisons, je suis d'avis, eu règle générale, <le ne pas
permettre à un tuberculeux ou à individu prédisposé à la
tuberculose l'emploi de la bicyclette. Une tricyclelte ou tout
autre véhicule dans le genre automobile est certainement
préférable pour les invalides pulmonaires.
Y a-t-il dans les stations hivernales un danger de contagion
pour les personnes indigènes bien portantes?
Bennet (i) a déjà noté une augmentation du chiffre des
phtisiques parmi les indigènes à Menton, niais il explique
cet accroissement, non par la contagion (qu'il n'admet que
dans des conditions tout à l'ail spéciales), mais par l'abandon
du travail dans les champs. Je crois qu'ici le célèbre phtisio-
thérapeute s'est trompé, car nous verrons plus lard que,
dans les trois grands établissements fermés de Goerbers-
dorf (2) et dans d'autres encore, les infirmiers, presque exclu-
sivement recrutés parmi la population indigène, donnent,
malgré le travail très dur accompli souvent jour et nuit, une
mortalité extrêmement faible.
J'ai toujours pensé qu'on doit chercher la cause de la mor-
talité croissante par phtisie chez les indigènes des stations
hivernales dans des fautes d'hygiène, qui en grande partie
peuvent être évitées par des lois sanitaires et avec le concours
des médecins de ces stations.
Y a-l-il véritablement lieu de s'alarmer ?
On trouve encore des médecins qui ne le croient pas; quel-
ques-uns disent même « de se taire sur le danger de la conta-
gion ». Je nie rattache volontiers à l'opinion de ceux qui
craignent, et je sais que je partage ainsi l'avis de lajdupart de
mes maîtres et de mes confrères.
Il n'est pas toujours facile d'obtenir des renseignements
sur les conditions hygiéniques dans les stations libres. Sou-
vent les autorités hésitent à les fournir pour des raisons
diverses.
Mais j'ai été exceptionnellement heureux dans celle partie
de mon empiète. J'ai reçu des réponses nettes et décisives.
(1) Bennet .On the contagion of Phtisis pulmonalis.
(2) Rômpler. Beitràge zur Lehre der chronischen Lungenschwinctsucht.
PROPAGATIOy PAR CO.\TAGION 4*9
des municipalités qui placent l'intérêt général plus haut que
celui de quelques riches commerçants ou hôteliers, lesquels
craignent de voir leur fortune atteinte si la vérité connue
écarte quelques riches visiteurs.
Voici un exemple :
C'est l'extrait d'une lettre que j'ai déjà publiée dans mon
chapitre «Lois sanitaires », émanant de la mairie de Nice, ser-
vice d'hygiène et de salubrité, signée du très distingué D1' Ba-
lestre. chef de ce service.
« Il est de notoriété publique que Nice et surtout Menton
ont vu augmenter dans une proportion énorme le nombre de
leurs tuberculeux depuis que les phtisiques ont fréquenté
cette station. »
Pour revenir encore une fois aux Etats-Unis, je parlerai
d'une section de ce vaste pays qui est devenue moitié colonie
et moitié station hivernale pour phtisiques. Il s'agit du
Nouveau-Mexique. Voici la lettre que j'ai reçue l'année der-
nière de M. le Dr F. -II. Atkins, secrétaire général du New
Mexico Board of Health, East Las Vegas, New-Mexico :
« Comme les autres communautés qui sont beaucoup fré-
quentées par les phtisiques, nous aussi, nous observons chaque
année des cas de phtisie pulmonaire au Nouveau-Mexique
parmi les gens nés ici ou qui sont arrivés récemment en pleine
santé et pour lesquels on peut remonter à un contact indubi-
table avec des phtisiques visiteurs ou colonistes, et reconnaître
la possibilité de l'infection par le bacille de la tuberculose. »
Il y a peu de temps que j'ai visité de nouveau notre célèbre
région « les Adirondacks », montagnes couvertes par les vastes
forêts naturelles de l'Etat de New- York. Le sanatorium, dirigé
par mon ami le Dr Trudeau, a attiré dans le voisinage un grand
nombre de tuberculeux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas
se soumettre aux règles strictes de nos établissements fermés,
mais qui préfèrent rester dans les pensions de familles board-
ing houses). Dans ma courte visite, j'ai pu noter trois cas d'in-
fection dans trois familles différentes qui dirigent ces pensions
de famille.
Ce n'est pas l'air que les phtisiques aspirent qui est conta-
gieux, ni l'encombrement, ni le contact des indigènes avec les
phtisiques, mais nous répétons que les crachats seuls, dessé-
, io TRAITEMENT DANS LES STATIONS LIBRES ET LES COLONIES
chés et pulvérisés, flottant dans l'air, sont dans ces stations la
cause principale de la propagation de la tuberculose pulmo-
naire.
Brehmer a cru dans l'immunité de Goerbersdorf.
Acceptons pour le moment la théorie de l'immunité, et nous
avons le droit de dire que la Californie du Sud, le Nouveau-
Mexique et les stations méditerranéennes ont été à une époque
donnée aussi indemnes que Goerbersdorf. C'est la propreté
régnant dans cette dernière localité, visitée depuis quarante ans
par 25.ooo phtisiques, qui a fait que pendant ces longues années
la mortalité de ses habitants par phtisie pulmonaire n'a jamais
dépassé la moyenne ordinaire.
Au contraire, elle a diminué dans le village de Goerbersdorf,
proportionnellement beaucoup plus qu'ailleurs. Cette diminu-
tion est sans doute due à l'exemple donné par les pensionnaires
des sanatoria de Goerbersdorf. Nous pouvons en dire autan I
de Falkenstein. Nous avons déjà donné en détail les stastis-
tiques officielles de la mortalité par tuberculose de ces deux
villages de Goerbersdorf, pendant une période de cent ans. et
de Falkenstein, durant une période de quarante ans) dans notre
chapitre des sanatoria en général p. i3i). Nous dirons seule-
ment ici (pie dans ces deux villages, où sont situés cinq grands
sanatoria, la mortalité par tuberculose parmi les habitants est
actuellement d'un tiers moins élevée qu'avant l'établissement
de ces institutions.
Les municipalités d'un grandnombre de stations hivernales,
surtout celles de la Méditerranée française, l'ont depuis quelque
temps des efforts héroïques afin île supprimer autant que pos-
sible la propagation de la tuberculose.
Toutes attendent avec impatience que la loi vienne à leur
aide pour qu'elles puissent, sous son égide, exécuter leurs
règlements sanitaires.
Après les faits que je viens de citer, il est difficile de
nier qu'il y ait une corrélation entre la diminution de la
mortalité et les mesures prophylactiques prises à l'égard des
crachats.
El il faut espérer que la loi sur la propagation par contagion,
attendue par de nombreux médecins, verra bientôt la lumière.
Mais quand le grand jour sera venu où l'hygiène régnera
PROPAGATIOX PAR COXTAGWX 43 i
dans nos stations hivernales, pourrons-nous envoyer sans
crainte nos tuberculeux clans les stations libres ?
Oui, une certaine .classe d'entre eux ; et je suis parfaitement
d'accord avec M. le D' Frémy quand il dit : « Qu'on réserve
les endroits de cure ouverts aux héréditaires, aux prédispo-
sés, aux suspects, aux scrofuleux, à certains bronchitiques, etc.,
c'est-à-dire à ceux qui n'ont pas besoin d'une surveillance
rigoureuse, d'un traitement méthodique.
« Qu'on les réserve encore pour les convalescents de phtisie
qui ne présentent plus de bacilles dans l'expectoration, qui
n'ont plus à l'auscultation que les résidus inévitables de grands
désordres ; ceux-là, pendant longtemps encore, auront besoin
de ménagements, mais non pas de traitement méthodique,
puisqu'ils ne sont plus malades.
« Ainsi on fera de la thérapeutique préservatrice et conser-
vatrice, et les climats reprendront toute la valeur de leurs
divisions (i) ».
Mais, pour un sujet tuberculeux cpii peut aggraver son état
par la moindre imprudence ou faute d'hygiène, pour un homme
dont la surveillance continue, l'éducation physique et morale,
constituent le traitement principal, l'établissement fermé est le
seul endroit où il puisse espérer la guérison ; et je déclare
en toute conviction que pour un phtisique en voie cV évolution,
le traitement dans les stations libres est illusoire (2).
(1) Communication faite au Congrès de la tuberculose de 1888.
(2) Comme nous l'avons déjà dit à propos du traitement moral et pédago-
gique, il y a néanmoins de rares exceptions : ce sont des cas de malades
favorisés par la fortune, qui peuvent s'entourer de tous les soins néces-
saires, et il s'en trouve parmi eux dont la patience saura admettre et sup-
porter, sans qu'une surveillance constante soit indispensable, la vie sobre et
prudente qui leur convient. Il eu est qui se soumettront strictement à tous les
ordres du médecin; mais combien ceux-là sont rares parmi les tuberculeux,
surtout au commencement de l'évolution de leur maladie ?
CHAPITRE XXVI
Traitement des tuberculeux non ambulants chez eux
(Sanatorium à domicile).
Le traitement hygiéno-diététique des tuberculeux en dehors
d'un établissement peut être institué avec succès partout où l'air
est pur et où la situation sociale du malade est telle qu'il
puisse s'entourer de tous les soins hygiéniques et diététiques
nécessaires pour la cure, et recevoir les visites fréquentes d'un
médecin expérimenté en phtisio-thérapie.
Pour ces malades favorises par la fortune et décides à se
soumettre strictement à tous le> ordres du médecin, ce traite-
ment n'est pas seulement possible, mais presque facile. Par
contre, il est un assez grand nombre île tuberculeux arrivés à
divers degrés de la maladie et dont les moyens sont modères.
qui ne peuvent aller ni dans un sanatorium, ni dans un hôpital
spécial, ni dans une station hivernale. Ils ne peuvent même
pas suivre le traitement ambulatoire, et sont obligés de rester
chez eux. Ce qu'il y a île mieux à faire avec ces malades est
de leur faire suivie simplement à domicile le traitement tel que
nous l'avons décrit pour les établissements fermés.
Pour faciliter cette tache, souvent très ardue dans les cir-
constances cpie nous venons d'indiquer (i), je me permets de
donner quelques indications pour l'arrangement d'une sorte
de petit sanatorium à domicile.
("est l'expérience acquise ces dernières années vis-à-vis de
ce genre de malades qui m'a renseigné à ce point de vue. On
choisira pour la demeure du patient la chambre la |>ln s vaste,
la plus agréable, la mieux ensoleillée; on ôtera tous les tapis
(i) Dans une famille pauvre, il est impossihle d'appliquer le traitement qui
convient à un tuberculeux, et le sanatorium public est le seul endroit où ton
puisse espérer lui faire du bien.
LA CURE D'AIR AU REPOS CHEZ SOI
433
cloués, rideaux et meubles non nécessaires, sans pour cela
rendre l'aspect de la chambre triste ; au contraire, on doit
faire tout pour que l'on n'y voie cpie des choses agréables.
Quelques petits tapis mobiles et des rideaux en dentelles
peuvent être permis. Mais toutes les règles de la prophylaxie
et de l'hygiène exposées dans les pages précédentes devien-
Fig. 85. — Installation pour cure d'air chez soi.
dront des lois dans les maisons privées : pas de poussière et
toujours de l'air frais.
La cure d'air au repos chez soi. — La cure d'air au repos
se fait sur une chaise longue devant la fenêtre ouverte, sous la
véranda ou dans le jardin. Au jardin on peut, à l'aide d'un
toit-abri placé contre le mur de la maison, s'arranger une
petite « Liegehalle » où, si le temps le permet, le malade
prendra ses repas. Lne simple « steamer-chair » sur laquelle
Kxopf. SanatoHa. 28
434 SANATORIUM .1 DOMICILE
on pose un matelas peut remplacer la chaise longue, qui n'esl
pas à la portée de toutes les bourses.
Tue installation simple etéconomique est celle qu'a signalée
Daremberg. « Elle est composée d'une vaste guérite de bains
de mer capitonnée et dépourvue de siège. Celle guérite mobile
est assez large pour que la chaise longue s'y introduise. Le
phtisique ainsi étendu est protégé contre le vent et le soleil.
Si le vent tourne, on déplace la guérite et la chaise longue.
Le malade peut avoir à côté de lui une table sur laquelle il
installe son lait, des livres; il peut aussi fixera sa chaise longue
une planchette, pour lire, écrire ou dessiner (fig. 85 ». Le
médecin surveillera ces installations et prescrira l'exercice
respiratoire, repos, promenades, etc.
.Nous avons indiqué dans notre chapitre « Traitement pré-
ventif» comment on peut improviser une salle de bains à peu
île frais, à l'aide d'un « lui) » anglais, que nous conseillons
comme équipement du sanatorium à domicile (p. 124). Autant
que possible, un ami ou un parent dévoué devrait coucher dans
une chambre voisine de celle du malade. Si une garde-malade
devient nécessaire, elle seule doit régler les soins à donner
au patient pendant l'absence du médecin. Les visites des amis
intimes sont permises, mais il doit être entendu que les con-
seils de ces derniers, tant au point de vue de la nourriture
que à\i traitement, seront reçus avec reconnaissance et mis de
côté avec empressement. Trop de visites, trop de conversa-
tions, surtout au sujet de la maladie, doivent être évitées.
Si le malade est alité, on peut installer près de lui un ou
deux petits arbres de la famille des conifères, et produire
l'atmosphère d'une forêt de pins dans sa chambre (p. 460 .
Le traitement d'un phtisique dans sa famille est le trai-
tement prophylactique dans le sens le plus strict du mot.
Même si le médecin traitant n'a pas le bonheur de sauver
son malade, en surveillant les autres membres de la famille,
en leur conseillant de bonne heure un traitement préventif, en
les protégeant en un mot contre une infection possible venant
du phtisique, il fait de la vraie phtisiothérapie moderne.
CHAPITRE XXVII
Le traitement du tuberculeux ambulant dans les dispensaires
et dans la clientèle privée.
Le dernier chapitre de ce livre sera une étude consacrée
aux sauatoria destinés au traitement des pauvres, et nous
espérons ne pas plaider en vain la cause de la création mul-
tiple de ces établissements.
Bien qu'il soit démontré que le meilleur traitement pour un
phtisique est celui qu'il reçoit dans un établissement fermé, il
y a pour le moment encore trop de tuberculeux et trop peu
d'établissements de ce genre pour que tous ces malades puis-
sent bénéficier du traitement dans un sanatorium. Il y a en
outre un certain nombre de malades qui, pour diverses rai-
sons, ne peuvent être traités que d'une façon ambulatoire, c'est-
à-dire les malades non alités, visitant régulièrement leur
médecin ou les dispensaires pour recevoir traitement et
conseil.
Ainsi que je le dis dans la préface de cet ouvrage, je me suis
particulièrement attaché à étudier dans mon service de con-
sultation la méthode la meilleure et la plus pratique d'appliquer
le traitement hygiénique et diététique aux malades ambu-
lants.
Un grand nombre de tuberculeux de la classe pauvre ne
peuvent pas venir journellement aux dispensaires, car ils sont
souvent obligés de continuer à travailler. Pour qu'ils com-
prennent bien leur devoir, voici la feuille d'instruction que
j'ai rédigée pour eux.
436 TRAITEMENT DANS LES DISPENSAIRES
ENVELOPPE
Hôpital de ... .
N°
Service de
Consultation.
N'1
Service du
D'
rue
i. Lisez celt
■i. Gardez-la
3. Apportez-
Instructions
b feuille d'instruction
propre et replacez-la
la toujours quand vo
avoir
lue.
avec soin.
dans l'enveloppe après
us venez pour consulter.
FEUILLE I) INSTRUCTIONS
N" du malade
Date Instructions pour M.
Conseils généraux.
Tâchez de vous distraire. Ayez bon espoir, car votre maladie est gué-
rissable.
Evitez autant que possible les soucis.
La meilleure occupation pour un tuberculeux, c'est de faire tout pour
se guérir.
Ayez au moins neuf heures de sommeil par jour.
Séjournez autant que possible à l'air libre ; ne craignez pas le temps
froid, seulement ne sortez pas pendant les vents forts ni à la pluie.
Vous pouvez vous exposer au soleil, à condition que vous vous proté-
giez la tête. Le meilleur endroit pour faire la cure d'air est devant la
fenêtre, s il n'y a pas de jardin ni de véranda.
Faites la cure d'air au repos en vous étendant sur un sofa ou une
chaise longue, la tête à l'ombre.
Evitez les courants d'air, les endroits humides et tous ceux où il y a de
la poussière. Evitez aussi les locaux où l'air est contaminé (théâtres,
salles de concerts, etc.).
Dormez toujours avec les fenêtres ouvertes ou entr'ouvertes. L'air de
la nuit est aussi bon que l'air du jour, et même, dans les grandes villes,
plus pur.
ET LA CLIENTELE PRIVÉE 437
Ne couchez ni ne séjournez jamais dans une chambre surchauffée et ne
dormez avec une autre personne ni dans le même lit, ni dans la même
chambre.
En règle générale, ne sortez pas avant le lever du soleil ni après son
coucher.
Vous pouvez sortir après la pluie, ou quand il neige, si vous vous
habillez chaudement et portez des caoutchoucs.
Habillez-vous confortablement, ni trop chaudement, ni trop légère-
ment, pour que vous ne transpiriez pas trop facilement ; portez des fla-
nelles variant d'épaisseur selon les saisons.
Crachez toujours dans un vaisseau rempli en partie avec une solution
d'acide phénique (1 partie d'acide pour 20 parties d'eau). S'il n'y a pas de
crachoirs lîxes, servez-vous de votre crachoir de poche. Vous ne devez
jamais sortir sans le crachoir de poche. Nettoyez ce dernier en jetant
contenant et contenu dans l'eau bouillante, à laquelle vous ajouterez un
peu de carbonate de soude. Après quelques minutes, tous les germes
contenus dans les expectorations seront tués. Si la désinfection par l'eau
bouillante n'est pas possible, videz votre crachoir dans les latrines.
N'avalez jamais vos crachats ; n'emploj'ez jamais pour votre nez le
même mouchoir que vous aurez employé pour votre bouche ou votre
moustache, après une expectoration. Couvrez-vous la bouche pendant une
quinte de toux ; couvrez vous aussi la bouche et le nez pendant l'éternue-
ment.
Un malade qui crache, en suivant ces avis avec exactitude, se protégera
lui-même contre une nouvelle infection, c'est-à-dire que les germes
détruits ne peuvent plus lui faire de mal, et il protège ses semblables
contre la possibilité d 'acquérir la tuberculose.
Faites vos exercices respiratoires toujours à l'air libre, ou au moins
devant une fenêtre ouverte; jamais dans les lieux où l'air est malsain et
où il y a de la poussière.
Direction spéciale pour l'aêrothérapic :
Reposez sur la chaise longue : le matin entre heures et heures;
l'après-midi entre heures et heures; le soir entre heures et
heures. Faites une promenade, le matin, d'une durée de heures
minutes ; l'après-midi, d'une durée de heures minutes. Exé-
cutez votre exercice respiratoire n° ; répétez fois toutes heures.
Lavez-vous la poitrine tous les matins à l'eau froide et frictionnez-la
ensuite avec une serviette-éponge. Une fois ou deux par semaine, prenez un
bain chaud, d'une durée de 5 à 10 minutes environ, suivi d'un épongeaient
rapide à l'eau froide et de frictions vigoureuses avec une serviette-éponge.
;38
TRAITEMENT DANS LES DISPENSA1RI S
Direction spéciale pour l hydrothérapie
Direction pour l'alimentation :
A L 1 M E N T S i
DÉFENDUS
AUTORISÉS
RECOMMANDÉS
Gibier.
Croissants, petits pains
Fromages (Gruyère, Ca-
Homards, langoustes.
Chocolat
membert . Roquefort ,
EcreVisses.
Ci Mililures.
etc.)
Vin.
Sucre.
( .renie fraîche.
Alcool.
Châtaignes cuite-.
Beurre frais ou saléi .
Liqueurs quelconques.
Marrons cuits.
Rillettes.
Bonbons, sucre d'orge.
Bière.
1 oie gras.
Biscuits.
Café.
Saucisson.
Prunes.
Thé.
Graisse ti oie.
Groseilles.
Cerises.
Jambon.
Noix.
Fraises.
Poulet rôti.
Noisettes.
Abricots.
Rosbif froid ou chaud.
Aman (les.
Poires.
< ligot froid ou chaud.
< iâteaux.
Œufs frais.
Pommes.
Sardines, thon, maque-
Figues.
reaux à 1 huile.
Dattes.
Huîtres.
Pâtisseries.
Oranges.
Pain d'épice.
Raisin.
Pêches.
Miel.
( liteaux secs
Viande de bœuf crue _■ .
(i) J'ai emprunté cette liste au rapport lu au Congrès par M. Letulle sur ['Hos-
pitalisation des indigents tuberculeux de Paris (27 juillel 1898). J'ai ajouté à cette
liste la viande de bœuf crue, le gigot el le rosbif chauds, car je ne vois aucune
raison pour défendre ces mets.
(2) La viande de bœuf crue doit subir trois manipulations successives ' le raclage.
le pilon, 1»' tamisage.
Mangez lentement; mâchez bien; buvez surtout du lait ( litres par
jour), mais prenez-le par petites gorgées. Brossez-vous bien les dents après
chaque repas.
ET LA CLIE.\TÉLE PRIVÉE 43g
Direction spéciale pour l'alimentation :
Direction médicale :
Tous les symptômes intercurrents ou nouveaux, tels que : indigestion,
diarrhée, constipation, augmentation de la toux et de l'expectoration,
douleur, crachement de sang ou hémorragie, devraient être rapportés au
médecin.
Xe soyez pas alarmé par la vue du sang craché, car ces hémorragies
ne sont que des symptômes ordinaires de la tuberculose et n'amoin-
drissent pas les chances de guérison.
Un tuberculeux prudent et qui suit religieusement les conseils de son
médecin a vingt fois plus de chances de guérir que celui qui est impru-
dent et désobéissant.
Dr , médecin en chef.
Le traitement par le cabinet pneumatique p. a38^ des tuber-
culeux ambulants a une valeur tout à fait exceptionnelle, mais
surtout pour le malade du dispensaire. Chez lui, en dehors des
bons effets sur l'oxygénation, la diminution des crachats, etc.,
l'action psychique de ce traitement compte pour beaucoup. Il
voit qu'on s'intéresse à son cas. et il en résulte qu'il a une
confiance absolue dans son médecin, ce qui rend le traitement
hygiéno diététique plus réalisable chez ce genre de malades.
CHAPITRE XXVIII
Le traitement de la tuberculose pulmonaire en ville, dans les
établissements pour réception et isolement
(Hôpitaux spéciaux).
Le but de ces établissements. — Selon notre conception
de la meilleure méthode à suivre pour combattre la tubercu-
lose pulmonaire, l'établissement destiné aux tuberculeux, situé
dans l'intérieur ou tout près d'une ville, doit servir à un double
but. En premier lieu, ce sera comme un sanatorium de récep-
tion pour tous les genres de tuberculose à n'importe quel degré.
En deuxième lieu, on y isolera les malades trop avances pour
qu'on puisse espérer leur guérison. On gardera en observation
pendant quelques jours tous les sujets tuberculeux peu atteints
dans ce sanatorium de réception, et on commencera en même
temps le traitement moral et pédagogique comme stage prépa-
ratoire pour leur entrée avi sanatorium éloigné de la ville, et de
préférence clans les régions montagneuses.
Le fait même que tous les tuberculeux, à n'importe quel
degré, y sont reçus, dissuadera le public de cette idée que
l'institution de la ville ne sert qu'aux malades sans espoir de
guérison.
Dire à un phtisique qu'on le dirigera, non sur un hospice, ni
même sur un hôpital spécial, mais qu'il sera traité dans un
sanatorium, influera très heureusement sur son état moral et
ajoutera ainsi aux chances de guérison.
L'espoir de guérir est déjà la moitié de la guérison.
OÙ FAUT-IL CONSTRUIRE LE SANATORIUM URBAIN ? A quel
endroit doit-on bâtir cet établissement pour tuberculeux ? Dans
l'intérieur ou près d'une ville, sur un terrain aussi sain que
SANATORIUM URBAIN 44 1
possible, dans un quartier tranquille, de préférence un peu
élevé, et là où le trafic est aussi peu étendu et l'air aussi pur
qu'on peut l'espérer clans de telles conditions.
Quel genre de bâtiment doit-on choisir ? La Ville de Paris a
été dotée dernièrement, grâce à la munificence d'une dame
philanthrope, M"ie Boucicaut, d'un hôpital construit en vue
d'assurer un service modèle pour les tuberculeux indigents.
Je me fais un devoir de parler de cet établissement d'une
manière détaillée.
Voici l'extrait de l'intéressante description de Y Hôpital Bou-
cicaut, faite dans la Presse médicale du i" décembre 1897
par M. le Dr F. Jayle, et que M. le Dr Pierrhugu.es a reproduite
dans son excellente thèse (1).
Le 1e1' décembre 1897, le Président de la République inau-
gurait à Paris l'hôpital Boucicaut, dû au legs généreux de
Mmo veuve Boucicaut, propriétaire des magasins du Bon-Marché.
Le nouvel hôpital est situé au n° 6a de la rue de la Conven-
tion, clans le quartier de Javel. Il se trouve complètement isolé,
par les rues qui l'entourent sur ses quatre côtés, des maisons
ou usines du voisinage, dans un quartier encore peu peuplé,
non loin des fortifications, ce qui le place clans d'excellentes
conditions hygiéniques.
Il occupe un terrain d'une superficie de 3o 000 mètres carrés,
dont les bâtiments ne couvrent que 7 5oo mètres carrés. Le
reste est formé de cours et jardins assurant une large part à la
lumière et à l'air.
Les matériaux employés pour la construction sont : la
pierre, la brique et le fer. Le bâtiment d'entrée, qui forme
façade et où se trouvent les locaux réservés à l'administration
et au service de consultation, est en pierre. Les pavillons pour
les malades ainsi que les services généraux sont en brique et
fer, sur soubassement en meulière. La couverture est en tuile
rouge à emboîtement. Le tout est d'un aspect coquet et
agréable.
Nous prenons le malade dès son arrivée à l'hôpital : il
passe par le service de la consultation. Là, une fois admis, il
(1) Piekkbugues. Le phtisique parisien à l'hôpital. Thèse. Paris,
442 TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE EN VII. I.i:
est aussitôt dirigé sur la salle de bains, oii, suivant les instruc-
tions du médecin, il lui esl donné soil un bain complet, soit
u ne simple douche.
Tous ses effets d'habillement lui sont retirés, réunis en un
paquet; ils sont dirigés par les sous-sols à la salle réservée à
la désinfection où fonctionnent les étuves ilu système Geneste
et Herscher.
Au sortir du bain, il revêt des vêtements appartenant à l'hô-
pital, qu'il conservera pendant son séjour : ces vêtements ont
été préalablement passés à l'étuve. Cet habillement comprend
pour les hommes comme pour les femmes une longue veste,
sorte île robe de chambre ; pour les uns un pantalon, pour les
autres un jupon, des pantoufles et des bas.
Alors le malade esl dirigé sur le service où il sera traité,
et où, par suite des dispositions prises, il ne pénétrera que
dans un état de propreté' 1res satisfaisant.
Les services hospitaliers sont au nombre de trois : un ser-
vice de médecine, un service de chirurgie et un service d'ac-
couchement complètement isolé des deux autres services; ils
forment un ensemble de 160 lits. Le service de la Maternité
esl situé au fond de l'hôpital.
De chaque côté de l'allée centrale, sont places les deux
autres services : à gauche le service de chirurgie et à droite
le service de médecine, comprenant chacun quatre pavillons
disposés en deux rangées. Il faut y ajouter deux petit pavillons
d'isolement situés de chaque côté du pavillon d'entrée. En
chirurgie, les suppurants et les non suppurants sont séparés.
Dans le service de médecine, il est réservé deux pavillons
aux phtisiques : l'un, de ai lits, pour les hommes, l'autre,
de i4, pour les femmes. Il est à remarquer qu'à Boucicaut le
nombre de lits pour hommes remporte d'un tiers sur ceux
réservés aux femmes, car d'après la statistique hospitalière,
il esl démontré que les demandes d'admission à l'hôpital
sont beaucoup plus élevées de la part des hommes que de
celle des femmes.
On a donc ainsi exaucé les vumx de la Commission de 1896,.
réclamant l'isolement des tuberculeux.
A part les deux pavillons d'isolement, destinés aux douteux
et aux contagieux non transportables, qui contiennent chacun
HOPITAL DOVCICALT 445
quatre lits, les autres pavillons sont établis d'après un plan à
peu près identique.
Ils comprennent extérieurement deux parties, la première
plus étendue, n'ayant qu'un rez-de-chaussée, la seconde
surmontée d'un premier étage avec deux fenêtres de façade
(fig. 86).
Le rez-de-chaussée est composé de deux parties : la première
précède la salle, elle présente en son milieu un corridor; à
droite et à gauche de celui-ci se trouvent l'office, la lingerie,
les water-closets avec bidet, le réfectoire. Celui-ci, heureuse
innovation, permettra au malade de manger de meilleur appétit
et évitera la souillure de son linge de lit. Le repas se prend
dans une salle bien éclairée, sur une table de marbre. En face
du réfectoire se trouve une salle d'isolement à deux lits. Chez
les femmes il existe une deuxième salle avec une table à spé-
culum. Une troisième salle d'isolement pour un lit se trouve
encore chez les hommes. Avant de pénétrer dans la salle on
aperçoit le cabinet de la sœur surveillante, qui de sa place peut
voir sans se déranger tous les malades, grâce à une large baie
vitrée située devant son bureau.
Au-dessus de cette première partie se trouve un premier
étage contenant deux chambres à un lit, réservées aux employés
du Bon-Marché, suivant les dispositions testamentaires de
Mmc Boucicaut. Chaque chambre possède une large fenêtre.
En plus, il y a un lavabo et un water-eloset. Le service du
premier étage est assuré, dans chaque pavillon, par un ascen-
seur.
La salle pour les malades est d'allure ogivale ; elle a l'aspect
d'une coque de vaisseau renversée. La hauteur maxima est de
6 mètres, la largeur de 9 mètres. Chaque lit a ainsi un cube
d'air considérable (80 à 90 mètres cubes), tandis que dans les
hôpitaux actuels, le cubage d'un lit est seulement de 45 à
5o mètres cubes d'air.
Les fenêtres s'ouvrent à trois hauteurs et suivant des modes
différents. Elles sont séparées par un trumeau devant lequel
se trouve un lit. Il n'existe pas d'angles droits dans la salle,
tous sont arrondis. Les parois des murs sont enduites de
ripolin, qui a l'avantage de pouvoir se laver facilement; cette
peinture vernie rappelle le poli de la porcelaine. Le ton est
mi'i TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE EN VU. LE
d'un vert tendre cl 1 1 meilleur effet à l'oeil. Le sol est garni de
carreaux blancs jaune clair lig. 87).
L'éclairage est électrique. Ce moyen est parfait, car il
évite toute viciation île L'air par les produits de la combustion
comme cela a lieu ilaus l'éclairage au gaz ou au pétrole. Les
lampes a incandescence sont placées a environ mi-hauteur
du trumeau. Elles nous paraissent insuffisantes pour l'éclairage
de la salle. Pour la nuit, une lampe avec une ampoule en verre
bleu foncé sert de veilleuse.
Le chauffage est à liasse pression. La vapeur d'eau au-des-
sous de t'u'wx atmosphères arrive dans les tubes disposes en
batteries, (les tubes sous ailettes sont ouverts à leur extré-
mité ; ils sont placés dans l'embrasure des fenêtres. I 11 robinet
commande l'arrivée de la vapeur et permet de régler facile-
ment la température de la salle. Ce système est préférable à
tout autre, même aux systèmes a eau chaude qui sont insuffi-
sants pendant les grands froids et de plus peu maniables, les
tuyaux à eau chaude niellant un certain temps à se refroidir,
même quand on a fermé les robinets.
L'aération est parfaite, mais insuffisante pour faire la cure
d'air. Le soubassement des fenêtres est perforé, en arrière
des liatleries de chauffe; ainsi se trouve établie la prise d'air.
<>l air se trouve chauffé dès son entrée dans la salle et il est
repris au sommet de la voûte par des soupiraux qui corres-
pondent à des lanterneaux situés au-dessus du toit. L'ouver-
ture ou la fermeture des prises d'air permet de régler l'aéra-
tion.
Le malade éprouve un bien-être, dans une atmosphère
pareille, qu'il ne ressent nulle part, pas même dans les hôpi-
taux étrangers. On croirait, en passant d'Andral à Boucicaut,
vivre à une autre époque.
Enfin la véranda peut compléter cette salle où Ton respire
librement. Elle est située à son extrémité ; elle en occupe
toute la largeur et n'en est séparée que par un vitrage. Son peu
de profondeur est son inconvénient; elle égayé la salle des
malades et on sait que l'effet moral chez le phtisique est un
grand point. Elle communique avec la salle par deux portes ;
une fenêtre de chaque côté en permet l'aération. Des plantes
vertes ornent cette sorte de serre; les carreaux dépolis, de
HOPITAL BOVCICAVT 449
différentes nuances, atténuent les rayons du soleil, donnant au
visiteur qui pénètre dans la salle l'illusion d'un beau coucher
de soleil sous un ciel toujours pur (flg. 88 et 89).
Telle est la disposition intérieure des pavillons ; la note qui
domine dans la construction est le souci de l'hygiène et de
l'élégance. Nous allons voir que l'aménagement de ces salles
a été également fait avec un arrand soin et conformément aux
mesures que l'on réclamait depuis longtemps déjà.
Les lits sont tous du système Herbet. En arrière du
dossier de la tète du lit se trouve une tringle de fer dissi-
mulée par le traversin et l'oreiller ; elle sert à supporter
les vêtements du malade. Au-dessous, une tablette en fer
doit recevoir les bas et les chaussures. Le malade trouve ainsi
à placer ses vêtements et n'est plus obligé, comme autrefois,
de les glisser sous son traversin ou de les entasser dans sa
table de nuit.
Les tables de nuit sont constituées par quatre piliers en métal
peint, réunis à deux hauteurs différentes par des tringles
également métalliques sur lesquelles reposent deux plateaux
en porcelaine. Le plateau supérieur est entouré sur trois de
ses côtés par une galerie ; le plateau inférieur se trouve à
mi-hauteur de ce meuble. Ces tables ont l'avantage d'être
d'un nettoyage des plus faciles, à l'aide de linges imbibés
d'une solution antiseptique. Elles ont encore celui d'em-
pêcher les malades d'y cacher, comme dans les tables de
bois, des quantités d'objets d'une propreté douteuse.
Des chaises et des fauteuils en fer, à siège formé de lames
de bois, qui ne sont autres que des meubles de jardin, rem-
placent les anciennes chaises de paille et sont d'un nettoyage
commode. Mais nous aurions préféré cependant la chaise
totalement en fer, comme on en trouve dans les jardins publics
de Paris.
A ces anciens meubles encombrants, en bois recouvert d'une
épaisse plaque de marbre, connus sous le nom d'appareils
de salle, qu'on trouve dans les autres hôpitaux et qui devien-
nent le meuble de débarras de la salle, c'est-à-dire le réservoir
aux fouillis, on a substitué de grandes tables en fer et lave
émaillée.
Les pieds de tous les meubles étaient garnis, au début, de
Kxopf. Sanatoria. 29
45o TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE ES VILLE
petits manchons en bois, destines à empêcher la détérioration
du carrelage. On n'a pu les conserver, un grand nombre
s'étant brisés, el le personnel ne prenant ni le temps ni la
patience de les replacer après le nettoyage.
Pour compléter ce mobilier on a mis des lavabos roulants
avec brosses et cure-ongles ; des chariots roulants à linge
propre et à linge sale ; des chariots à distribution : tous sont
en fer et à roues caoutchoutées. Pour recevoir les pansements
sales, il existe des bacs émaillés ; les pansements sont ensuite
transportés au four à incinération et détruits.
Au début, Ions les récipients, verres, brocs, pots, etc.,
étaient munis d'un couvercle métallique et pouvant facilement
se stériliser, ils axaient pour but d'éviter cpie la poussière
ne tombât dedans ; mais malheureusement déjà la plupart en
sont privés.
Il existe encore une balance pour prendre le poids des
malades. Deux baignoires sont affectées à chaque salle.
Les crachoirs ont été l'objet d'un soin tout particulier. 11
en existe deux modèles : l'un, le crachoir individuel; l'autre, le
grand crachoir (.'01111111111.
Les crachoirs individuels (fig. 90) sont en verre bleu ou
blanc; ils ont une contenance de trois quarts de litre envi-
ron. C'est le modèle de Duguet, un peu plus petit cependant.
L'expérience a démontré (pie les crachoirs en verre bleu
étaient plus cassants après leur passage à létuve que ceux
en verre blanc ; leur seul avantage est d'atténuer la vue peu
agréable des crachats purulents des phtisiques.
Les grands crachoirs (fig. 91) sont montés sur un pied très
lourd afin d'assurer leur assise ; d'autres sont fixes aux murs
des salles, tles couloirs, des corridors, des escaliers à l'aide
d'un cercle de fer sur lequel ils reposent. Ce modèle a été
établi par le D' Thoinot et M. Nielly, chef de division à l'Assis-
tance publique. Ces crachoirs sont distants du sol de 85 centi-
mètres. Ils se composent d'un récipient de forme légèrement
conique, à fond concave, ayant 25 centimètres de diamètre.
A leur partie supérieure, ils sont munis d'un couvercle en
forme d'entonnoir, pourvu d'un large orifice. Les crachats ne
peuvent adhérer contre les parois, vu l'inclinaison de ce
couvercle. Ces crachoirs collectifs sont en tôle émaillée. Ils
HOPITAL HOl'CICAVT
453
ont été distribués à profusion clans tout l'hôpital, et au-des-
sus de chacun d'eux est affiché sur le mur l'avis suivant :
CRACHOIR
Par mesure d'hygiène , il est expressément
recommandé de se servir du crachoir. Aucun
crachat ne doit tomber sur le sol.
Tous les crachoirs individuels ou collectifs contiennent de
l'eau phéniquée. Chaque jour les infirmiers sanitaires sont
chargés d'enlever à heure déterminée les crachoirs et de les
échanger contre d'autres propres. Les crachoirs en verre sont
recueillis dans des paniers métalliques entrant directement à
l'autoclave. Cet autoclave existe dans chaque pavillon ; le mo-
dèle en a été dressé par MM. Thoinot et Legueu. Les crachoirs
collectifs sont reçus dans un chariot muni de deux casiers
mobiles. Crachoirs et casiers sont introduits dans un appareil
à désinfection ; en vingt minutes on élève la température à
1 15° ; les vingt minutes suivantes, pendant lesquelles on laisse
encore les crachoirs avec leur contenu, suffisent à assurer la
stérilisation des crachats.
La plus grande partie du service du pavillon se fait par le
sous- sol. Ces sous-sols sont une véritable merveille. L'éclai-
rage y est largement suffisant; des rails placés au milieu per-
mettent de pousser les wagonnets. Les tuyaux de chauffage,
d'éclairage, d'eau sont fixés contre les parois.
Des trémies, faisant communiquer les salles avec le sous-sol,
servent à y déverser le linge sale. Des monte-charges per-
mettent de monter les aliments. Mais il eût été désirable que
le service se fit totalement par les sous-sols. On aurait pu faire
descendre jusqu'à eux les ascenseurs destinés à desservir le
premier étage et qui s'arrêtent au rez-de-chaussée ; ils eussent
permis ainsi, par exemple, de faire passer par les souterrains
les civières servant à transporter les cadavres à l'amphithéâtre,
454 TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE IHI.MOy.iim-: EN VILLE
comme cela a lieu à l'hôpital Urbain de Berlin, et l'on eût
évité le spectacle peu attrayant de les promener à travers les
cours et les jardins.
Nous ajouterons que le balayage à sec est proscrit. Le net-
toyage devrait se faire à grande eau, avec îles solutions anti-
septiques : cependant on se contente le plus souvent de passeï
un linge humide sur le sol. L'époussetage est également
interdit; il devrait être remplacé par l'essuyage à la serviette
humide, mais malheureusement la théorie n'est pas appliquée
avec toute la rigueur qu'elle exige et qui serait cependant si
nécessaire.
Tel est l'aménagement des salles à l'hôpital Boucicaut. On
voit que les règles d'hygiène destinées à éviter la contagion
de la tuberculose ont été scrupuleusement observées. L'Assis-
tance publique a sagement suivi les conseils qui lui axaient
été fournis par la Commission de 1896.
Mais ce n'était pas tout ; il fallait encore faire comprendre
aux intéressés, c'est-à-dire aux malades, l'utilité de ces
réformes et les inviter a se soumettre aux dispositions néces-
saires pour obtenir de bons résultats. C'est dans ce but qu'à
Boucicaut les prescriptions suivantes, édictées par M. le
D' Letulle, ont été affichées partout :
1" Tout malade admis dans nos salles doit entrer propre dans un lit
propre :
2" Il reçoit en lion éliil 1rs vêtements qui conviennent à son sexe ei en
demeure responsable jusqu'à sa sortie de l'hôpital;
!" A moins de contre-ordre du médecin traitant, tout malade hospita-
lisé doit prendre un bain par semaine;
'1" 11 est de même obligé de prendre un ou deux bains de pied par
semaine;
V Tout malade valide doit faire sa toilette chaque matin dans le lavabo
annexé à le salle. Alité, il doit chaque matin être débarbouillé, et ses
mains doivent être lavées par les soins de l'infirmière de service;
G" A son entrée, chaque malade reçoit une brosse a dents (qui devient
sa propriété) et une serviette :
70 11 trouve au lavabo le savon, ainsi que les brosses et limes a ongles
communes à tout le service;
■S" Il est absolument défendu de fumer, de chiquer ou priser dans les
salles de malade- :
HOPITAL BOVCICAVT 45"
9° Il est de même expressément interdit de jouer de l'argent ;
io° Tout malade convalescent, qui désire se promener dans la partie du
jardin qui lui est réservée, ne doit sortir du pavillon que revêtu des
effets qui lui ont été délivrés (capote, pantalon ou jupon, bonnet, etc.) ;
ii° Il est défendu aux malades de déposer leurs vêtements sur leur
lit ; ils doivent les accrocher à la barre horizontale placée à la tête du lit ;
12° Aucun malade ne peut conserver sur lui, dans son lit, d'autre vête-
ment que chemise, camisole, bonnet ;
i3° La table de nuit doit être constamment propre; elle sera, en parti-
culier, nettoyée après chaque repas.
Le personnel hospitalier a été également l'objet d'instruc-
tions spéciales. A son entrée, tout infirmier ou infirmière subit
un examen médical rigoureux ; tous ceux
atteints d'une affection organique quelconque
sont refusés. Une fois admis, chacun reçoit un
carnet individuel où sont mentionnées des
notions d'hygiène hospitalière, surtout les
moyens de prophylaxie en ce qui concerne la
tuberculose. Ce personnel doit être revêtu
d'une blouse dans les salles de malades ; il
doit se laver les mains avant d'entrer dans les Fis- 9°- — Crachoir
.. ,, .... . individuel, modèle
salles et avant d en sortir. Il doit prendre au de Du°-uet.
moins un bain par semaine.
Le personnel médical lui-même n'échappe pas aux obliga-
tions hygiéniques. Voici le tableau qui les prescrit et qui est
encore dû à AI. Letulle :
i° Le personnel médical doit donner au personnel hospitalier l'exemple
de l'observation rigoureuse des règlements ;
2° Tout médecin, étudiant ou docteur qui entre dans les pavillons doit
se revêtir de la blouse hygiénique. Si ses fonctions l'appellent dans le
service, il doit :
a) Pielever ses manches bien au-dessus des poignets, afin d'éviter toute
contamination de ses vêtements (chemise ou jaquette) ;
b) Se laver les mains soigneusement aux lavabos, qui se trouvent en
grand nombre dans le service. La même précaution est indispensable en
quittant le pavillon;
3° Il lui est instamment recommandé de ne jamais mettre dans sa bouche
un objet quelconque pendant son séjour dans la salle des malades ;
4° Il lui est recommandé de ne pas fumer à l'intérieur de l'hôpital;
[58 TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE EN VILLE
5° L'exactitude dans le service est une qualité professionnelle de pre-
mier ordre que 1 on doil acquérir dès les premiers jours des études médi-
cales.
Pour terminer celle élude sur l'hôpital Boucicaut, nous
dirons encore que, comme le voulait la Commission, le loge-
ment du personnel hospitalisé' a été: compris d'une façon beau-
coup plus avantageuse et plus humanitaire que dans les autres
hôpitaux. Les dortoirs communs ont été supprimés et rem-
placés par de petites chambres à un ou deux lits, qui, si elles
ne constituent pas encore l'idéal, sont suffisamment propres
et assez bien aménagées.
Quand on a suivi, comme je l'ai fait, pendant près de six ans
les divers services des hôpitaux de Paris avant l'année 1896,
c'est-à-dire avant que l'administration de l'Assistance publique
se fût décidée à suivre les conseils qui lui avaient été
fournis par la Commission pour l'étude de la Tuberculose el
des réformes hospitalières; quand on est élève <le Grancher
et de Letulle, et qu'on présente comme thèse inaugurale un
travail qui contient une description de la triste situation des
tuberculeux dans les hôpitaux de Paris et presque toutes les
grandes villes du momie ; quand on a enfin essaye de se joindre
aux défenseurs d'une cause aussi juste et aussi urgente que la
création des sanatoria et des hôpitaux spéciaux pour tuber-
culeux pauvres, on ne peut que ressentir une véritable satis-
faction en assistant à l'aurore de celte ère nouvelle, inaugurée
par l'établissement de l'hôpital Boucicaut à Paris.
Dans la construction de ce bel hôpital il y a cependant
une chose que je regrette, c'est que les tuberculeux soient
réunis dans de grandes salles au lieu d'avoir chacun une
chambre à part. Mes raisons pour défendre le système des
chambres séparées, ayant chacune unv fenêtre, sont les sui-
vantes : souvent la toux d'un malade ne permet pas un som-
meil tranquille à son voisin. Le même degré de température
ne convient pas toujours à tous les sujets tuberculeux, tandis
que, avec les petits ventilateurs séparés, et une fenêtre dans
chaque chambre séparée, la température peut être réglée pour
chaque malade selon les indications. Enfin, les chambres sépa-
rées épargnent aux voisins le triste spectacle d'un compagnon
HOPITAL BOUCICAUT 45g
de chambre mourant. Le paravent employé dans ces occasions
n'atténue guère ces impressions pénibles pour les témoins
involontaires d'une scène aussi navrante.
Je suis donc d'avis que le placement d'un tuberculeux dans
Fis
Grand crachoir, modèle de Thoinot.
une chambre séparée est préférable à tous les points de vue.
L'idée que la solitude peut être déprimante pour le malade,
idée qu'on pourrait invoquer contre ce système, ne saurait pré-
valoir si les pavillons sont bâtis de façon que, autour de chaque
(60 TBAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE EN VILLE
étage, se trouvenl tics vérandas où les patients font leur cure
d'air pendant la plus grande partie de La journée i 1). Durant
la nuit le malade préfère rester seul.
En ce qui concerne l'aménagement hygiénique, il n'y a
rien à ajouter aux excellentes prescriptions de M. Lelulle. Seu-
lement je voudrais voir remplacer le crachoir individuel | fig. 90)
en verre bleu par un crachoir en fer-blanc émaillé en bleu, ou
par [[n crachoir en aluminium. Pour atténuer la vue désagréable
des crachats purulents des phtisiques, on peut remplir le cra-
choir d'aluminium en partie avec une solution savonneuse.
Mon objection à l'emploi du crachoir en verre est, ainsi que je
l'ai dit, qu'il peut se briser et exposer le malade et l'infirmier
à une inoculation locale.
Les grands crachoirs (fig. 91) de MM. Thoinot et Nielly sont
1res bien compris. Pour compléter néanmoins l'équipement des
malades et assurer une prophylaxie parfaite, il me semble
qu'on devrait fournir aux tuberculeux hospitalises un crachoir
de poche, tel que celui de Dettweiler (de préférence en métal),
de Vaquier, de Petit, etc. En effet, les malades sont obligés
de se promener, et pendant les promenades il faut qu'ils pos-
sèdent un flacon quelconque pour recueillir leurs expectora-
tions.
Il serait en outre désirable que les infirmiers fussent habi-
tués à préparer et à mettre des chiffons mouillés prés du lit des
malades alites et trop affaiblis pour faire emploi de leur cra-
choir, et à s'assurer de plus que les expectorations ne souille-
ront pas la literie. Les chiffons devraient être enlevés assez
souvent et brûlés avant de redevenir secs.
Atmosphère artificielle mes forêts i>e pins dans les
salles d'hôpitaux. — Le traitement dans un hôpital spécial
doit se rapprocher autant que possible de celui qu'on fait suivre
dans un sanatorium. La seule chose qui soit difficile à rem-
placer, c'est l'air du sanatorium dans les régions montagneuses
et boisées. Mais il y a tout de même quelque chose à faire
dans ce sens. Voici l'ingénieux procédé inauguré par M. le
(1) La véran la qui existe au bout de chaque salle, à Boucicaut, est trop petite
pour contenir les 20 malades hospitalisés.
PRODUCTION D'OZONE DANS LES CHAMBRES 461
D1' Unterberger, de l'hôpital militaire de Tsarskoié-Sélo, pour
produire dans les hôpitaux de tuberculeux une atmosphère
pure et fraîche, rappelant celle dune forêt de sapins :
« Dans le dortoir et la chambre destinée au séjour pendant
la journée se trouvent des sapins transplantés avec les racines
dans des caisses remplies de sable mouillé dans lesquelles ils
conservent leur verdure près de six semaines. Tous les soirs
les arbres perdant leur arôme sont pulvérisés avec une
solution d'huile de pin sylvestre (10), d'huile de térébenthine
pure (3o) et d'eau de fontaine (3oo). La température du dortoir
est de 8° à io° R., celle du salon de io° à i4° R. (1). »
Production d'ozone dans les chambres de phtisiques. —
Pour obtenir de l'ozone on peut se servir d'une machine élec-
trique, ou si par raison d'économie ce procédé n'est pas utili-
sable, je conseille le suivant : on expose au dehors, à un vent
fort et sec pendant un temps plus ou moins long, des draps de
lit secs, et on les rapporte ensuite dans les chambres des
malades où on les suspend. L'odeur de l'ozone se perçoit
immédiatement (2). Il est particulièrement à recommander que
les malades fassent des exercices respiratoires dans ces atmos-
phères.
(1) Petit. La Tuberculose dans le Congrès. Revue de la Tul/erculose,
1897, déc.
(2) Bluhm. Zeitschvift fur diàtetische and physikalische Thérapie. 1S9P,
T. I, Fasc. 3.
CHAPITRE XXIX
Des maternités-sauatoria; des hôpitaux et écoles
pour enfants tuberculeux.
.Nous avons parle dans le chapitre XXII, à propos tlu trai-
tement moral, des conseils à donner aux femmes phtisiques au
point de vue de leur progéniture, et nous avons dit aussi que si,
malgré ces conseils, une femme tuberculeuse devient enceinte,
la meilleure chance pour la vie de la mère, autant que pour
relie de l'enfant, consistera dans le traitement hygiéno-diété-
lique institué de bonne heure et continué longtemps après
l'accouchement, et de préférence dans un établissement fermé.
Parmi les nombreuses femmes pauvres qui accouchent clans
nos maternités publiques, beaucoup sont atteintes de tuber-
culose. Elles sont toujours reçues, el quelques-unes d'entre
elles ^e sentent même un peu mieux pendant et peu de temps
après la grossesse. On les renvoie du neuvième au dixième
jour après l'accouchement, le plus souvent pour mourir chez
elles, et fréquemment après avoir infecte le nouveau-né. Dans
les services d'accouchement que j'ai suivis en Europe et en
Amérique, j'ai vu les soins particuliers donnes aux femmes
syphilitiques pendant et après leur grossesse, mais je ne me
souviens pas d'avoir jamais observé qu'on s'occupât des pauvres
phtisiques, ni au point de vue de la prophylaxie ni au point
de vue du traitement. Et combien n'y a-t-il pas à faire dans
I intérêt «le ces malheureuses mères et de leurs enfants, ainsi
que dans l'intérêt général?
La femme tuberculeuse enceinte peut guérir. — Peut-être
mon opinion au point de vue de la possibilité de sauver un
assez grand nombre de femmes tuberculeuses enceintes n'est-
INFECTION TUBERCULEUSE POST-NATALE 463
elle pas partagée par beaucoup de mes confrères. Mais je
prie ceux qui en doutent d'essayer le traitement hygiéno-diété-
tique pendant trois à six mois avant, et pendant la même durée
après l'accouchement. J'invite aussi les autorités des grandes
villes à créer des maternités-sanatoria où les tuberculeuses
pauvres pourront avoir, quelques mois avant et après leur
accouchement, les soins particuliers que leur état demande.
Les patientes recevront de plus des instructions hygiéniques,
si essentielles pour élever leurs enfants.
Il est de l'intérêt de la communauté que cette méthode soit
adoptée. Ce que disait M. Grancher dans son remarquable
rapport à l'Académie de médecine, au sujet de l'hôpital géné-
ral, est surtout applicable aux sanatoria pour tuberculeux et
particulièrement aux maternités-sanatoria et aux hôpitaux-
écoles pour enfants tuberculeux.
Un établissement où l'on soigne des tuberculeux devrait être
« une école de propreté et de santé pour tous les malades qui
le traversent et qui viennent lui demander un asile tempo-
raire ». Là les tuberculeux apprendraient « non seulement à
se guérir, mais encore à éviter à eux-mêmes de nouvelles
infections et à leur famille la contagion » (i).
Infection tuberculeuse post-natale. — La transmission
directe de la tuberculose de la mère à l'enfant pendant la vie
foetale est si rare qu'elle est presque négligeable. Par contre,
je suis convaincu que la transmission de la tuberculose post-
natale de la mère à l'enfant par voie d'infection (crachat ou
salive) est beaucoup plus fréquente qu'on ne le croit. L'in-
fection des enfants semble se faire le plus souvent à l'âge oii
les petits jouent par terre et souillent leurs doigts avec la pous-
sière du parquet. L'habitude des enfants de mettre leurs
doigts dans la bouche explique enfin l'infection de ces petits
êtres dans les endroits où demeurent des tuberculeux adultes
non consciencieux ou ignorants. Cette infection peut être
évitée grâce à l'instruction hygiénique reçue par la mère
dans une maternité-sanatorium.
(i) Grakchi-r. Rapport à l'Acad. de Méd., 1898, 3 mai.
i ti ; DES MATERNITÉS-SANATORIA
Ces maternités-sanatoria devraient être construites non
loin de la ville et sur un terrain particulièrement sain. L'amé-
nagement d'un pareil établissement doil comprendre tout
ce qui est nécessaire à un sanatorium pour tuberculeux el à
une maison d'accouchement, d'après la conception moderne
de la phtisio-thérapie et de l'art obstétrical. La direction
devrait en être confiée à un phtisio-thérapeute et accoucheur
expérimenté.
On ne peut nier que par la création d'un nombre suffisant de
maternités-sanatoria. le problème d'une prophylaxie sérieuse
de la tuberculose parmi les familles pauvres n'approche con-
sidérablement de sa solution. L'instruction hygiénique que la
mère aura reçue dans le maternité-sanatorium suffira peut-être
pour mener à bien l'élevage de l'enfant en le protégeant
contre l'infection tuberculeuse. Mais si la mère a succombé,
si malgré toutes les précautions l'enfant est devenu tuber-
culeux et s'il arrive à l'âge de 7 ou 8 ans, faudra-t-il l'envoyer
à l'école publique ? N'a-t-il pas là très peu de chance de
se guérir et n'est-il pas même un danger pour ses cama-
rades ?
Au Canada et aux Etats-Unis, dans quelques villes, on refuse
d'admettre les enfants tuberculeux dans les écoles publiques;
mais on n'a pris jusqu'à présent aucune mesure pour les ins-
truire: ni au Canada, ni aux Etats-Unis, il n'y a d'écoles pour
les enfants tuberculeux. En France, en Belgique, en Danemark,
en Allemagne et en Italie, on a au moins des écoles pour les
enfants scrofuleux et atteints de tuberculose osseuse ou arti-
culaire; mais nulle part il n'existe d'écoles publiques pour les
enfants pauvres tuberculeux. Davos est, à ma connaissance,
la seule ville pourvue d'une école privée où l'on reçoive les
enfants atteints de tuberculose pulmonaire ou simplement
prédisposés. Il est donc absolument nécessaire que les
grandes villes fondent pour les enfants phtisiques des sana-
toria, soit séparés, soit comme annexes aux sanatoria pour
adultes.
Statistique de quelques sanatoria pour enfants tuber-
culeux. — Les résultats obtenus dans les hôpitaux spéciaux
pour enfants scrofuleux et tuberculeux sont particulièrement
STATISTIQVE DE QUELQUES SAXATORIA
465
encourageants. Voici quelques renseignements statistiques
que j'ai pu recueillir :
NOM DE L'HÔPITAL
RAPPORTEUR
GUÉRI-
SOXS
AMÉLIO-
RATIONS
DURÉE
moyenne
de séjour.
DÉPENSES
journalières
P. 100.
P. 100.
Dr Léon Petit.
2}
35
6 à 8 mois.
I, 60
Forges-lcs-Bains . .
Dr Doumenge.
5o
25
12 mois.
1 , 60 à 1 , 80
Refsna?s (Danemark).
D'Schepelern.
5 1 , 1 5
42,04
2S2 jours.
Hospice Maritime de
l'impératrice Frédé-
ric. Nordcney (Alle-
magne)
Prof. C. A.
Ewald(i).
5o
Des Sanatoria mariti-
mes en Belgique. .
»
-o
Des Sanatoria mariti-
mes en Italie . . .
»
J3
(i) Beil. klin. Woclienschrift, n se
alembrc
189s-
Kno.t. Sanatoria.
3o
CHAPITRE XXX
Sanatoria pour les pauvres ; la tuberculose pulmonaire comme
problème social ; caisse de secours ; assurance contre la
phtisie.
Aucune maladie n'a autant occupé dans ces dernières
années les esprits des médecins, des philanthropes et des
hommes d'Etal que la tuberculose pulmonaire. Le médecin, a
la veille du vingtième siècle, comprend ses devoirs d'une façon
autre que ses ancêtres.
Lors de l'ouverture de l'Institut Pasteur, à New-York,
son distingué directeur, mon ami M. le docteur Gibier,
s'exprimait, en parlant du médecin de l'avenir, de la façon
suivante :
« Il est de son devoir et de son intérêt de se faire le cham-
pion de l'hygiène sociale aussi bien que île l'hygiène sans
épithèle. Devant les assemblées et les pouvoirs de la nation,
point n'est besoin pour lui de faire appel aux intérêts poli-
tiques; sa force réside dans le calme de la science qui sans
artifice de rhétorique et sans provoquer d'émotions sentimen-
tales, froidement déploie les faits et force l'homme à penser
et à agir. »
Un des premiers savants qui ait envisagé la vie f\y\ phti-
sique pauvre, sa situation sociale, ses entourages malsains et
son triste avenir, est M. le professeur Grancher.
Une série d'articles publiés dans la Gazelle médicale, en
i8j8, donne une description précise du traitement de la phtisie
pulmonaire dans les hôpitaux généraux. M. Grancher y décrit
le traitement dans les hôpitaux de Paris ; il aurait aussi bien
pu intituler cet article : le traitement de la phtisie pulmonaire
dans les hôpitaux généraux du inonde civilisé. Il y a quelques
années, j'ai visité les hôpitaux généraux de plusieurs capitales
LE TUBERCULEUX PAUVRE CHEZ LUI 467
d'Europe, ceux de Londres, Edimbourg, Berlin, Vienne, Buda-
pest, Athènes, Florence, Rome, et je peux dire qu'en dehors
de quelques établissements spéciaux fonctionnant à Londres,
il n'y a pas la moindre différence entre les hôpitaux généraux
de ces pays et ceux de Paris.
Même chose pour la plupart des hôpitaux de nos grandes
villes des États-Unis. Quelques localités seulement (Boston,
Chicago et New-York) font, depuis quelque temps, des efforts
héroïques pour séparer les tuberculeux des autres malades, en
les envoyant dans des hôpitaux excentriques jusqu'à ce que des
bâtiments spéciaux soient construits pour les hospitaliser.
Le tuberculeux pauvre chez lui. — Quelle est la situation
d'un phtisique pauvre dans une grande ville, telle que Paris,
Berlin ou Vienne, par exemple ?
Voici le récit de ce que M. Grancher appelle Y Odyssée d'un
phtisique à Paris :
« Aux premières atteintes du mal, ils se soignent chez eux
et épuisent rapidement les quelques ressources accumulées
pendant plusieurs années de travail et d'économie. Souvent
même, ils s'endettent, puis, le crédit usé, ils viennent demander
leur admission à l'hôpital. On les y soigne, ou plutôt on leur
permet de s'y reposer pendant quelques semaines, après quoi
on est forcé de les renvoyer pour donner leur place à de
nouveaux solliciteurs. Ils reprennent leur travail, mais ne
peuvent plus gagner leur vie comme autrefois ; la fatigue et
l'inanition a°-Q-ravent bien vite leur mal et les oblig-ent à un
nouveau séjour à l'hôpital. Gela se répète plusieurs fois, et
les visites qu'ils nous rendent se rapprochent de plus en
plus.
« Mais souvent il n'y a pas de places vacantes dans nos salles,
et les malades sont dirigés sur le Bureau central. Là, on
dispose chaque jour d'une dizaine de lits au plus, et l'on doit
faire lace à plus de cent demandes d'admission ; les lits dis-
ponibles sont distribués aux fiévreux, et les phtisiques sont
renvoyés au lendemain. Huit ou dix jours de suite ils renou-
vellent leurs tentatives infructueuses, soit au Bureau cen-
tral, soit dans les hôpitaux. Pendant ce temps, ils ne tra-
vaillent pas et en conséquence ne mangent pas ; la maladie fait
.;68 SANATORIA POLR LES PAUVRES
des progrès rapides. Enfin, ils sont reçus à l'hôpital — et ils
y meurent à moins qu'ils ne soient morts en chemin.
« Dans chacun des séjours qu'il fait à l'hôpital, le phtisique est
soumis aux médications les plus variées, car les ressources
thérapeutiques dont nous disposons, pour être à peu près inu-
tiles, n'en sont pas moins nombreuses. »
Puis M. Grancher décrit la triste vie de ce phtisique à
l'hôpital général de la façon suivante : « Les remèdes ne
manquent pas plus à nos malades de l'hôpital qu'à ceux de la
ville ; mais ce qui leur fait absolument défaut, c'est l'hygiène,
c'est-à-dire l'air, l'aliment, le vêtement, le repos. II est inutile
de démontrer ce qui est évident, c'est-à-dire que l'air d'une
salle d'hôpital ne convient pas aux phtisiques. Celte atmos-
phère est toujours viciée par l'encombrement, les poussières
et les déjections. Malgré l'emploi des meilleurs systèmes
connus de ventilation, l'air est insuffisamment renouvelé, cl
l'ouverture des fenêtres n'est possible (pie dans une mesure
restreinte, s'il existe, comme toujours, dans le service des
pneumoniques ou des rhumatisants.
« Les aliments, sauf le pain et le vin, sont défectueux. La
côtelette supplémentaire n'arrive au malade qu'après un long
voyage de la cuisine à son lit, froide et peu appétissante.
« Les excitants naturels de l'appétit, les assaisonnements un
peu variés, font absolument défaut; il n'est pas jusqu'à l'insuf-
fisance du service et cette promiscuité sur une même table
de nuit, de l'assiette et du crachoir, de l'urinoir et du verre,
qui n'ajoute au dégoût naturel du phtisique pour les aliments.
« Le vêtement est aussi incomplet (pie la nourriture. La
capote d'hôpital ne protège pas suffisamment contre les cou-
rants d'air des cours et des couloirs. Il faut un bon spécial du
médecin pour obtenir un ti;ïlet de flanelle, et c'est une faveur
qui, une fois accordée, ne peut guère se renouveler pour le
même malade. Mais ([ne dire du repos si nécessaire à ces
pauvres malades, et cependant si rare à l'hôpital ? Tous les
jours, et dès le matin, le service de propreté commence et ne
cesse plus de toute la journée, sauf aux heures de visite du
médecin ou des parents. Les infirmiers nettoient les crachoirs
et les vases de nuit, frottent, époussettent, refont les lits, les
roulent au milieu de la salle, empilent les chaises et les tables
LE TUBERCULEUX PAUVRE CHEZ LUI
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4;o SANAT0R1A l'Oili LES PAUVRES
de nuit ; bref déménagent et emménagent chaque malade au
moins une fois par jour. Pendant la nuit, le voisin tousse, <>u
o-émit, ou crie, l'infirmier va et vient dans la salle et la sœur
l'ail sa ronde de surveillance... Le malheureux phtisique, tenu
en éveil par luus ces bruits el par sa propre toux, ne dort
guère el empêche ses voisins de dormir. »
M. Grancher donne enfin un calcul des dépenses des phti-
siques dans les hôpitaux généraux, el il termine par ces
paroles significatives. « Avec l'organisation actuelle tous les
phtisiques sont trailés indistinctement à ■>. fr. o,3. et ils meurent
tous. »
Et dans les autres pays l'état de choses n'est pas meilleur,
comme on peut s'en convaincre par la lecture du tableau
(page 469), où figurent les statistiques qu'il m'a été donné de
recueillir tant en Europe qu'en Amérique.
Les guérisons, comme l'indique la cinquième colonne dudit
tableau, sont dont' de zéro presque partout.
.Néanmoins :
L'Autriche dépense journellement, pour un phtisique qu'elle
ne guérit pas
L'Allemagne —
L'Amérique —
L'Italie —
La Suisse — —
La valeur des améliorations dans les hôpitaux généraux est
connue ; elles sont le plus souvent très temporaires, et le
malade revient bientôt se réfugier à l'hôpital, aussitôt qu'il y
a une place libre.
Mais revenons à Paris : on y pourrait compter aussi bien
environ 5o p. 100 d'améliorations, car la moitié au moins des
phtisiques quittent l'hôpital une l'ois avant d'y revenir mourir.
Contentons-nous donc de la statistique des guérisons ; or, il
n'y a pas de guérison de la phtisie dans les hôpitaux généraux,
pas plus à Paris qu'ailleurs. C'est cet état de choses qui a porté
depuis plusieurs années M. le professeur Grancher à plaider
avec tant d'éloquence la cause des phtisiques pauvres et à
demander la construction de sanatoria qui leur soient réservés.
C'est pour cela qu'à l'heure actuelle, nous voyons tous les pays
. fr.
75
3 —
25
5 —
»
1 —
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3 —
■ 5o
LE TUBERCULEUX PAUVRE CHEZ LUI \~ I
civilisés s'agiter pour fonder des sanatoria, des hôpitaux spé-
ciaux, des colonies pour les tuberculeux, et que les derniers
Congrès de la Tuberculose ont conclu en faveur de la création
en aussi grand nombre que possible de sanatoria pour les phti-
siques pauvres. C'est pour cela enfin que dans tous les pays
les médecins les plus illustres sont devenus les défenseurs de
cette juste et généreuse cause. Pour la France, une Commission
désignée par l'Académie de Médecine dans les séances du
3 mai et du 18 juin 1898 a exprimé ses sentiments à cet égard
(Voir page 79). Cette Commission était composée de MM. Rous-
sel, président; Bergeron, vice-président; Besnier, Brouardel,
Colin, Magnan, Monod, Motet, Xapias, A'oeard, Proust, Roux,
Vallin et Grancher, rapporteur.
Pour l'Allemagne, Dettweiler (1), von Leyden (2) et Liebe (3) ;
pouiT'Autriche,.von Schrœtter(4); pour l'Angleterre, Weber (5).
Lindsey (6) et YYalters (7); pour le Danemark, Saugmann (8);
pour la Norvège, Hansen (9) ; et pour les Etats-Unis, Bow-
ditch (10), Biggs et Prudden (n), Lee (12), Trudeau (i3),
(1) Dettweiler. Mittheilungen ùber die erste Yolksheilsliitte fur unbeinittelle
LungenkrankeinFalkenstemi.Tauiius.i)e'!<7st'7<e med. Wochenselirift, 1892,11° 48.
(2) Vos Leyden. Ueber die gegcmvartige Behandluug Tuberkulôser und die
staalliche Fùrsorgc fur dieselben. Congrès internat, de Moscou, 1897,25 août.
(3) G. Liebe. Die Bekâmpfung der Tuberkulose. Deutsche Vierteljahrs-
schrift fur ijffentliche Gesundheitspflege. 1898.
(4) Von Schrotter. Uber den gegenwiirtigen Sland der Frage der Errichtung
eigener HeilstUtten fur die Tuberkulose. Allgem. Wiener med. Zeitung, 1892.
(5) H. AYeber. Croonian Lectures on the Hygienic and Climatic Treatment
ofClironic Pulmonary Phthisis. Londres, i885.
(6) Lindsey. Problem of the consumptive poor. The Lancet, Londres, 1897,
4 déc.
(7) \Yalters. Sanatoria for consumptive patients. The Practitioner, 1898, juin.
(8) C. Saugmann. Sanatorier for Brystsyge. Copenhague, 1S97.
(g) K. Hansen. Forslag til offentlige Foranstaltninger mod Tubcrkulisen.
Christiania, 1893.
(10) Bowditch. Treatment of Phthisis in Sanatoria near oui- Homes. Animal
Meeting of the Mass. Med. Society, 1896, juin.
(11) Biggs et Prudden. Communication to the lion. C. G. YS ilson, Prési-
dent of the Board of Health. New York Med. Journal, 1897, 27 janv.
(12) B. Lee. Présent Attitude of Sanitarians and Boards of Health toward
Pulmonary Consumption. Journal ofthe American Med. Assoc, 1897, 3o oct.
(i3) Trudeau. Sanatoria for the treatment of incipient Tuberculosis. New
York Med. Record, 1897, i3 fév.
472 SANATORIA POLR LES PAUVRES
Flick(i), Hinsdale(a), Otis (3), Gibier (4), Shrady (5), Rose (6)
et Mannheimer (7) ont préconisé la création de sanatoria pour
les tuberculeux pauvres.
Colonisation des tuberculeux. — Etudions à présent quel-
(|iics autres projets intéressants au point de vue du placement
des tuberculeux pauvres.
In de mes maîtres, M. le professeur agrégé Letulle, a t'ait
depuis quelques années plusieurs communications à ce sujet(8).
En 1894, au Congrès d'hydrothérapie maritime de Boulogne-
Sur-Mer, il a résumé ses travaux antérieurs. 11 démontre :
1" que l'encombrement des hôpitaux parisiens s'accroît de
jour en jour; a" que les phtisiques et les tuberculeux dépen-
sent dans les hôpitaux de Paris, qui ne leur sont pas destinés,
au moins le i/5 des journées, et par conséquent de l'argent
qui devrait être attribué aux seules maladies aiguës acciden-
telles, curables, du moins en théorie. Puis, M. Letulle arrive
à cette conclusion : que l'encombrement des hôpitaux généraux
par les tuberculeux soit supprimé le plus tôt possible, et qu'il
devienne irréalisable dorénavant, au moyen des mesures sui-
vantes :
i° Reconnaissance rapide et classement des tuberculeux
parisiens indigents;
a0 Émigration rationnelle des tuberculeux curables, et dis-
tribution des malades dans les sanatoria provinciaux et dans
les colonies de tuberculeux (Corse, Algérie et Tunisie) ;
(1) Flick. Spécial hospilals for the treatment of Tuberculosis. Times and
Register, 1890, i5 mars.
(2) Hinsd.vle. Récent mcasurcs foi' the prévention and treatment of Tubercu-
losis. The Med. News. 1 89 { , août.
(3) Otis. The Sanatorium or closed treatment of Phtisis. New York Med.
Journal, 1896, i3juin.
(4) P. Gibier. Proposée! Sanatorium for Physicians affected wilh Tubercu-
losis of the Lungs. Bulletin ofthe Pasteur Institute. New-York, 1897.
(")) Shrady. New York Med. Record, t. LU, p. 63a.
(6) Rose. Gaillard s Med. Journal. New-York, 1893, 1. IX.
(7) Mannheimer. New York med. Monatsschrift. 1897, mai.
(8) Letulle. Hospitalisation des phtisiques. Semaine Médicale, 189a, 4 mai.
— ae communication à la Société de médecine publique, d'hygiène et de police
sanitaire, 1892, 23 nov.
COLONISATION DES TUBERCULEUX l\f!>
3° Création de lits d'hospice (ou de services particuliers dans
les hôpitaux généraux) pour les phtisiques non transportables.
La journée d'hôpital étant pour ces malades une dépense
inutile, leur séjour dans les salles communes constitue un
danger redoutable.
M. Letulle propose donc, outre les sanatoria, des colonies
de tuberculeux.
C'est en effet un excellent moyen de décentralisation des
tuberculeux, mais pour que cette décentralisation ne devienne
pas une dissémination de la tuberculose dans les pays loin-
tains, je voudrais que tout candidat désigné pour une colonie
fît d'abord un stage de trois mois comme pensionnaire dans
un sanatorium, pour qu'il y put apprendre l'hygiène théo-
rique et pratique. Le malade, avant d'être abandonné à lui-
même, doit avoir la notion juste de son état; il faut qu'il sache
quel genre de vie il doit mener; en un mot, il doit être devenu
son propre médecin et le gardien de sa santé.
M. Letulle émet le vœu qu'une commission médicale et
administrative examine les malades, dès le début du mal,
c'est-à-dire sitôt qu'ils se présenteront à l'assistance publique :
« elle les classera pour les différentes régions du territoire et
les y conduira, en tenant compte, non seulement des indica-
tions cliniques du mal, mais encore des aptitudes et des goûts
individuels. »
Il est difficile d'imaginer un meilleur projet : au point de
vue de la méthode d'examen, il vise toutes les possibilités ;
seulement, je me demande s'il est possible de déterminer
toutes ces conditions : état physique et moral, aptitudes et
goûts individuels, dans un seul examen qui, les malades se
présentant en grand nombre, ne pourra être ni très long ni
très minutieux.
Avant de désigner un tuberculeux du ier degré pour une
colonie, je préférerais l'envoyer, pendant 2 à 3 mois, soit dans
un sanatorium urbain, soit dans un sanatorium de province,
non comme malade, mais comme pensionnaire, où, pour
payer sa pension et pour son instruction, il sera obligé de faire
des travaux légers qui lui seront désignés par le médecin et
non par l'économe.
\-\ SÂNATORIA POUR LES PAUVRES
Travail pour tuberculeux peu atteints. — Je ne crois pas
qu'un travail léger, durant quelques heures, dans un lieu
sain, soit nuisible pendant la période «le début du mal ou
pendant la convalescence, surtout si ce travail est réglé par
un examen médical répété.
Les dépenses de ces établissements pourraient donc être
réduites d'une façon notable. .Mais, chose plus importante, le
malade fait ainsi une sorte de stage d'essai : peut-être recu-
lera-l-il devant le projet d'émigration, peut-être le médecin ne
trouvera-t-il pas, après un examen répété de son état physique
et moral, les qualités nécessaires à un bon sujet puni- la colo-
nisation.
On aura de la sorte évité des frais de déplacement inutiles,
et même, s'il revient dans ses loyers, le patient constituera un
avantage pour la communauté : il aura appris an sanatorium
la sobriété et la tempérance, l'hygiène nécessaire pour éviter la
propagation de sa maladie dans sa famille et parmi ses sem-
blables ; un foyer d'infection possible est supprimé, et une
tendance vers l'éthyliome peut être guérie.
.Mais mon excellent maître a raison quand il demande la
création de colonies pour les malades guéris, « ou tout au
moins améliorés au point de pouvoir et de vouloir reprendre
une vie active. Il est impossible de rêver pour eux mi séjour
indéfini et inactif dans la maison mère à laquelle ils auront dû
leur retour à la santé » (i).
.M. Letulle a réfuté l'objection tirée de la famille et des
affections amicales du malade : il y répond par l'offre de l'émi-
gration, non plus personnelle, mais familiale.
Pour les tuberculeux déjà phtisiques, mais dont l'état
empêche qu'on puisse les transporter dans les colonies, le
sanatorium, c'est-à-dire rétablissement fermé, est le seul
endroit où ils puissent être placés.
Mais, où dirigerons-nous ces malades '.'
Enverrons-nous ceux qui ont une chance de guérison direc-
tement dans un sanatorium provincial éloigné ?
Il est inévitable que des erreurs soient journellement com-
mises.
(i) Lltl'lll. La Presse médicale, 1894, 11 août.
SANATORIUM D'AXGICOURT 4;5
Et les malades en apparence incurables, les consignerons-
nous immédiatement dans les hospices ?
11 est impossible, même aux cliniciens les plus habiles, de
se prononcer d'une façon certaine sur le pronostic de la
maladie; car nous avons vu dans les hôpitaux spéciaux, dans
les sanatoria et dans la clientèle privée, survenir des guéri-
sons inespérées, et succomber d'autre part des malades pour
lesquels l'examen minutieux avait laissé un ferme espoir.
Et puis, autre considération non moins importante, nous
aurons l'opinion publique contre nous, on nous accusera de
condamner les malades d'avance.
Il est donc préférable de créer, dans l'intérieur ou autour des
grandes villes, des sanatoria pour recevoir des tuberculeux à
tous les degrés, même une partie de ceux qui désirent faire
le stage pour une colonisation ultérieure.
Sanatorium d'Angicourt. — Le sanatorium d'Angicourt est
destiné à recevoir, non pas les phtisiques ou les tuberculeux
à cavernes, mais seulement les tuberculeux au début (i). Les
tuberculeux à cavernes et les phtisiques ne sont-ils pas cura-
bles ? Nos maîtres les plus éminents, Bouchard, Grancher, Jac-
coud, etc., n'ont-ils pas dit que la tuberculose est curable dans
le plus grand nombre de cas et presque à tous les degrés ?
On a proposé de mettre les phtisiques incurables en appa-
rence dans des hospices, par raison d'économie (2). Mais avec
les notions modernes sur la contagiosité de la tuberculose pul-
monaire et la connaissance des bienfaits du traitement hygiéno-
diétélique des tuberculeux, traiterons-nous les phtisiques dans
les hôpitaux spéciaux et dans les hospices autrement que dans
les sanatoria ?
Les dépenses dans un hospice ordinaire sont diminuées,
parce que les malades ont besoin de moins de soins médicaux
et que les infirmiers sont en plus petit nombre que dans un
hôpital pour les maladies aiguës, où les dépenses générales
sont innombrables. Mais, dans un hospice pour les tubercu-
leux, l'état de choses n'est pas le même. Il faut, au contraire,
(1) Plicque. Le Sanatorium d'Angicourt.
(2) L. Petit. Le Phtisique et son traitement hygiénique.
476 SANATORIA POUR LES PAUVRES
si nous voulons supprimer les foyers de contamination, une
surveillance exceptionnelle, un service composé de médecins
expérimentés en phtisio-thérapie et aidés par une escouade
d'infirmiers sanitaires (i).
Transformation d'hôpitaux ex sanatoria. — Pourquoi donc
appeler un établissement destiné à soigner les phtisiques et à
empêcher la dissémination des foyers de contagion autrement
cpie « sanatorium » ?
« Brompton Ilospital », à Londres, hôpital spécial par excel-
lence, situé au centre même de la ville, ne diffère des sana-
toria du continent que par une seule chose : il lui manque les
galeries vitrées pour la cure sur les chaises longues.
J'ose dire que si l'on transformait, dans chaque grande ville,
un ou deux des hôpitaux les plus vastes et les mieux situés
en sanatoria pour phtisiques, en y ajoutant des vérandas pour
la cure de repos et en y instituant le traitement hygiénique
et diététique ; que si l'on créait en province, dans les lieux
où l'atmosphère a une pureté relative, quelques sanatoria pour
y envoyer des malades choisis dans les sanatoria urbains
parmi ceux qui ont le plus besoin de changement d'air, la
mortalité par la tuberculose, dans les grandes villes, diminue-
rait d'une façon inespérée.
Mais on me dira que c'est impossible à réaliser; un sanato-
rium pour les tuberculeux serait trop coûteux, surtout si l'on
songe au nombre considérable de phtisiques qu'il faudrait
traiter dans les grandes capitales.
Je vais étayer mon opinion sur des chiffres, en prenant
Paris pour exemple.
DÉPENSE PAR JOUR POUR CHAQUE MALADE DANS LES HOPITAUX DE
Paris. — Comme nous l'avons déjà dit, M. le professeur Gran-
cher a calculé, il y a quelques années, que l'Assistance pu-
blique dépensait par jour et par tuberculeux i fr. i>5.
(i) Ces infirmiers sanitaires seront choisis parmi les agents les plus instruits
et les plus sûrs, chargés de maintenir partout la bonne règle, de veiller à 1 exé-
cution des mesures prescrites et ayant sur le personnel des infirmiers et des
malades une autorité suffisante pour se faire respecter. (Grancher. Rapport
à l'Académie de Médecine. 1898, 3 mai.)
DÉPENSE JOURNALIERE PAR MALADE 477
Mais depuis cette époque, d'après une statistique que j'ai pu
obtenir grâce à l'extrême bienveillance de M. le docteur
Napias, alors inspecteur général des services administratifs du
ministère de l'Intérieur, les dépenses journalières des malades
dans les différents hôpitaux semblent devenues encore plus
élevées (i).
Voici ce qu'elles sont pour les établissements ci-dessous :
Hôtel-Dieu 2,97
Pitié 2,90
Charité 3, 08
Necker 2,93
Saint-Antoine 3, 14
Beaujou 3,27
Lariboislère ... 2,78
Tenon 3, 14
Laënnec 2,97
Bichat 3,84
Saint-Louis 3,66
En prenant la moyenne, on trouve que la dépense journalière
d'un malade est de 3 fr. i5.
D'après le travail très intéressant de M. le docteur L. -II. Petit,
intitulé : « De l'hospitalisation des tuberculeux d'après les opi-
nions des médecins des hôpitaux de Paris », il existe à Paris :
4 services où les tuberculeux occupent 1/2 des lits,
9 - i/3 -
4 — ^ i/5 —
En prenant la moyenne de cette statistique, on voit que les
tuberculeux occupent, non pas seulement le i/o, comme le
disait M. Letulle, mais le i/3 des lits des hôpitaux pendant
toute Tannée.
Voici une statistique qui donne à peu près le nombre de
lits des services généraux de médecine où les phtisiques peu-
vent être admis :
Hôpital Andral ioo
— Beaujou ioo
A reporter. . . 200
(1) Ces chiffres sont ceux qu'a fournis 1 Assistance publique à l'Exposition
de i88q.
478 SANATORIA POUR LES PAUVRES
Report . . 200
Hôpital Bichat ni
— Broussais 198
— de la Charité . . . 374
— Cochin ïoï
Maison Dubois 200
Hôpital Hérold ..... 100
Hôtel-Dieu 337
Hôpital Laénnec 670
— Lariboisièrc. . . . 3y8
— Necker 224
— de la Pitié 5i3
— Saint-Antoine . . . 55o
— Tenon 549
Total. . . . 4629
Ajoutons à cela 961 brancards environ.
Ce qui porte le total à . . . 5 r>90 lits, dont 1 3 est occupé par-
les tuberculeux.
Les fréquents changements d'hôpital que font les phtisiques
rendent très difficile l'évaluation de la durée exacte de leur
séjour.
Pendant plus de cinq ans j'ai fréquenté divers services de
Paris : j'ai pu constater, et je ne crois rien exagérer en l'avait
çant, que la durée moyenne du temps que passe un phtisique
dans nos salles, en allant de l'une à l'attire jusqu'à la fin de sa
maladie, est île 90 jours au moins. M. Letulle, avec sa bienveil
lance habituelle, m'a permis de relever dans ses registres de
l'hôpital Saint-Antoine une statistique qui prouve combien est
grand le nombre des tuberculeux qui demeurent dans le même
service plus de 5o jours, et il n'y a guère de malade qui ne
reste au moins dans deux services avant de mourir.
Voici la statistique des detix salles Barth (femmes) et Louis
(hommes) de l'hôpital Saint-Antoine, pendant l'année i8y3 :
11 phtisiques sont restés à l'hôpital entre 5o et 5g jours
8 Go- 69 —
7 7°- 79
3 8e- 89 —
a 90- 99
G 100-109 —
1 110-119 —
4 1-20-129 —
DÉPENSE JOURNALIERE rAR MALADE 4/9
3 phtisiques sont restés à l'hôpital entre i3o-i3g jours
i i4o-i49 —
1 — — 160-169 —
1 170-179 —
1 : — — 220-229 —
1 — 230-239 —
1 25o-25g —
1 370-379
1 94o-949 —
D'autre part, comme nous l'avons dit dans notre chapitre
sur la curabilité de la phtisie, pour obtenir une moyenne de
3o p. 100 de guérisons et de 4o p. 100 d'améliorations, il faut
à Falkenstein une moyenne de séjour de 90 jours.
D'après les chiffres ci-dessus, on peut affirmer qu'un phti-
sique passe en moyenne 90 jours à l'hôpital, en 1, 2, 3 séjours
successifs.
Les 1,860 lits sont donc occupés toute l'année, et il passe par
les hôpitaux 4 X 1,860 = ^,44o tuberculeux à tous les degrés,
qui coûtent par an 1,860 X 365x3 fr. i5 = 2, i38, 535 francs.
El personne n'est guéri !
Voyons à présent quelle serait la dépense dans un sanato-
rium.
J'ai cru que personne ne serait plus compétent pour répondre
à cette question qu'un médecin dirigeant un sanatorium pour
phtisiques, c'est-à-dire un établissement fermé, construit
d'après les conceptions modernes de la phtisio-thérapie.
J'ai donc adressé la question suivante à plusieurs direc-
teurs :
« Quelle sera, d'après vous, la dépense journalière du trai-
tement hygiéno-diététique dans un sanatorium pour les pau-
vres, bien construit, et remplissant toutes les conditions
voulues pour la phtisio-thérapie ? »
M. le docteur Dettweiler m'a répondu que dans
son deuxième sanatorium pour les pauvres,
près de Falkenstein, le prix de revient est de. 3 fr. 06
Et il ajoute que ses sanatoria se trouvent dans la
région de l'Allemagne où la vie est le plus
chère.
D'après M. le docteur Meissen, de Hohenhonnef,
la dépense sera de 2 fr. 5o à 3 fr. 12
Achtermann et Rœmpler, de Goerbersdorf. . . 3 fr. 12 à 3 Ir. 75
/,8o SÂNATORIA POUR LES PAUVRES
D'après Sabourin, du Cariigou 3 IV.
Turban, de Davos 3 —
— Trudeau, d'Adirondack Cottage Sanato-
rium 5 —
Von Ruck, d'Asheville 3 IV. 6o
— Paul Gibier, de New- York 3 IV. r>o à r> IV.
— Wolf, do Reiboldsgrûn i IV. 50 à 3 fr. is
— Andvord, de Tonsaasen i IV. 70
D'après le rapport de M. Paul Strauss, fait eu
vue du projet île sanatorium à Angicourt, le
prix de revient serait de (pour 5o malades). . .} fr. 10
Et quand rétablissement serait au complet avec
200 malades, il serait seulement de 3 IV. 21
Etant données la compétence et l'expérience de M. Paul
Strauss et de ses collaborateurs, je crois que les calculs laits
pour Angicourt sont aussi exacts que possible.
Si nous traitons tous les phtisiques dans les sanatoria, il y
aura une différence de o fr. 06 par malade et par jour, et les
résultats seront les suivants (ces chiffres ne sont pas des
maxima, mais des minima) :
Guérisons absolues '4 P- IO°
— relatives 1 \ —
Améliorations 42 —
Dire que « la phtisie des classes pauvres est plus grave que
celle des classes riches » ne repose sur aucun fondement.
RÉSULTATS OBTENUS DANS LES SANATORIA POUR LES PHTISIQUES
pauvres. — Je puis opposer à cette assertion : i° les résultats
obtenus dans le deuxième sanatorium de Falkenstein pour les
pauvres, oit ils se montrent aussi satisfaisants que dans le
premier sanatorium payant ;
a0 Aux Etats-Unis, les résultats obtenus (20 à l<"> p. 100) par
le docteur Trudeau, à Adirondacks Cottage Sanatorium;
3° En Finlande, dans le sanatorium « Alexandre » pour les
pauvres, les résultats sont : MJ," p. 100 de guérisons.
Résultats obtenus a l'hôpital Boucicaut. — A l'hôpital
Boucicaui qui, comme nous l'avons vu, n'est pas encore
tout à fait ce que devrait être un sanatorium pour tuberculeux,
s
0<
-a
O
Ksopf. Sanaloria.
CAISSE DE SECOURS 483
M. Letulle pouvait présenter, après un fonctionnement de
six mois seulement, la statistique suivante :
« Sur les 125 tuberculeux qui ont été soignés clans ce ser-
vice, 38 sont morts, l'état de 60 autres est resté stationnaire,
enfin 27 malades se sont sensiblement améliorés, et je ne com
prends dans cette dernière catégorie que ceux qui ont présenté
une augmentation de poids notable variant de 2 à 10 kilos. Si
l'on retranche de cette statistique les tuberculeux entrés mori-
bonds à l'hôpital, on voit qu'environ un tiers de malades a été
amélioré. »
M. Letulle a bien raison quand il ajoute que ces résultats
paraissent absolument différents de ceux qu'on observe géné-
ralement dans les hôpitaux où les tuberculeux sont soignés
dans les salles communes (1).
En rendant égales les conditions hygiéniques, les phtisiques
pauvres doivent guérir tout comme les riches, et le fait curieux
signalé par Cazin à l'hôpital de Berck, et cité par Plicque, peut
même faire pressentir qu'ils guériront mieux que les riches.
C'est que, chez eux, la tuberculose est en quelque sorte acci-
dentelle, créée artificiellement par le manque d'air et de soleil,
par une nourriture insuffisante (2), et nous pouvons ajouter
par l'alcoolisme.
Je crois avoir démontré, non seulement pour la France,
mais aussi pour l'Amérique, l'Allemagne, la Suisse, etc., que
le traitement des phtisiques, quel que soit le degré de la
maladie, ne coûte pas plus cher dans les sanatoria, où les
malades ont 28 p. 100 de chances de guérison absolue ou rela-
tive, et cela en supprimant pour toujours des millions de
foyers d'infection, que dans les hôpitaux généraux, où ils sont
un danger permanent pour les autres malades et pour la com-
munauté en général, et où ils meurent tous.
Caisse de secours. — Le devoir de ceux qui prennent soin
des tuberculeux pauvres est de s'assurer que la famille du
(1) Letulle. L'état actuel de l'hospitalisation des tuberculeux à Paris (4e
Congrès de la Tuberculose).
(2) Plicque. Le Sanatorium d'Angicourt et le traitement hospitalier de la
Phtisie.
484 SANATORIA POUR LES PAUVRES
malade ne soutire pas pendant son séjour au sanatorium. Une
caisse de secours pour la famille îles tuberculeux pendant leur
séjour dans un sanatorium est donc de nécessité absolue.
Sanatoria pour les gens d'aisance moyenne. — Nous avons
dit dans le chapitre précédent qu'en l'état actuel des choses il
est impossible de traiter les tuberculeux dans les établisse-
ments fermés. Mais il est à espérer que dans tous les pays
civilisés on continuera à créer des sanatoria gratuits pour
les pauvres, ainsi que des établissements où les malades de
fortune moyenne pourront recevoir le traitement en payant
suivant leurs ressources.
Assurance volontaire. — Pour ces derniers, je me suis
demandé souvent si par une assurance placée sous la .surveil-
lance de l'Etat — non pas obligatoire pour les ouvriers,
comme en Allemagne, mais volontaire pour tout le monde, —
on n'arriverait pas à diminuer la tuberculose pulmonaire d'une
façon très notable. Supposons que dans une famille où il existe
une tare tuberculeuse on craigne que les enfants ne deviennent
un jour victimes de la phtisie. Grâce à une assurance datant
de la naissance de l'enfant, ce dernier obtiendra le droit d'en-
trer dans un sanatorium à n'importe quelle époque de sa vie,
dès que la tuberculose commencera à se manifester chez lui.
Nous ne pouvons exposer ici les détails d'une pareille entre-
prise ; nous voulons seulement dire que moralement il y
a là un avantage évident : beaucoup de gens hésiteraient à
entrer dans un établissement public créé pour des malades
indigents, qui n'hésiteront pas à rechercher le traitement
dans un sanatorium s'ils savent qu'ils doivent payer pour y
être admis.
Les Sociétés d'assurances ouvrières et le Sanatorium han-
séatique d'Oderberg. — En Allemagne, les Sociétés d'assurances
ouvrières ont bien compris la valeur des sanatoria pour les
ouvriers tuberculeux. Elles ont contribué largement au main-
tien de ces établissements. Elles envoient leurs clients au sana-
orium dès les premiers signes de la maladie. En 1897, ces
Sociétés ont dépensé 1 3oo 000 marks pour le maintien des
ŒUVRE DE LA SOCIÉTÉ DE LA CROIX-ROUGE D'ALLEMAGNE 485
tuberculeux dans les sanatoria, et, pour Tannée 1898, il a été
prévu un fonds de 3 à 4 millions destiné à cet usage en même
temps qu'à la création de sanatoria qui appartiendront à ces
Compagnies.
Nous reproduisons la photographie du premier sanatorium
de ce genre. C'est le sanatorium hanséatique d'Oderberg, près
Saint-Andreasberg, érigé par la Compagnie d'assurances contre
l'invalidité et la vieillesse de la ville de Lùbeck. Le bâtiment
est construit selon les conceptions modernes de l'hygiène et
de la phtisio-thérapie. Il a été inauguré le 12 août 1897. La
figure ci-jointe (fig. 92) est suffisante pour donner une idée
des dimensions de ce beau bâtiment où 120 malades peuvent
être reçus.
Il n'est pas douteux que, prenant l'initiative de la création
d'institutions de ce genre, les gouvernements ne parviennent
à rendre la tuberculose de plus en plus rare parmi les classes
inférieures.
L'œuvre de la Société de la Croix-Rouge d'Allemagne.
— La Société de la Croix-Rouge en Allemagne se propose de
créer 3o sanatoria populaires, dont le tiers fonctionne déjà
actuellement. Les professeurs von Leyden et von Ziemssen
sont à la tête de ce mouvement, avec le Dr Pannwitz. Un sana-
torium important de cette société est celui de Grabowsee, à
quelques lieues de Berlin. Les malades passent d'abord par la
clinique du professeur Gerhardt, qui les examine tous les
quinze jours. L'entretien revient à environ 3 fr. 5o par jour.
Les malades payants donnent par jour 3 fr. 73 (3 marks). On
constate un grand nombre d'améliorations dès la quatrième
semaine.
CONCLUSIONS
Nous ne pouvons nous étendre plus longuement sur le côté
social de cette cpiestion de la tuberculose. Nous avons essayé de
donner un aperçu aussi complet que possible de ce qui cons-
titue le traitement et la prophylaxie moderne de la phtisie
pulmonaire. Nous sommes convaincu que cette maladie est
évitable et guérissable, et nous serions heureux d'avoir réussi
à faire partager noire conviction à ceux qui ne l'avaient pas.
Que ce livre que nous présentons au inonde médical soit
imparfait, nous ne le savons que trop. Nous espérons néan-
moins qu'il sera bien accueilli et que dans une certaine
mesure il aidera l'hygiéniste dans ses efforts pour le main-
tien de la santé publique, qu'il facilitera au médecin le traite-
ment complexe de la tuberculose, qu'il donnera aux hommes
d'Etat quelques indices pour combattre la phtisie en tant que
maladie sociale, et qu'enfin il montrera aux philanthropes le
bien qu'ils pourraient faire en s'unissant aux médecins,
aux hygiénistes et aux hommes d'Etat dans cette grande
œuvre dont le but n'est rien moins que de faire disparaître la
tuberculose parmi les nations civilisées. Tel est le vœu par
lequel nous conclurons notre travail, en nous associant de
tout cœur à l'opinion de l'immortel Pasteur :
« // est dans le pouvoir de l'homme de frire disparaître
toutes les maladies parasitaires du monde ».
TABLE DES CHAPITRES
Préface a la deuxième édition vu
Préface a la première édition xi
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE I
CHAPITRE II
MORTALITÉ PAR PHTISIE PULMONAIRE 16
CHAPITRE III
PREUVES ANATOMO-PATHOLOGIQUES DE LA CURABILITÉ
DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
Opinion d'Hippocrale, de Celse, de Galien, de Laënnec, de Hérard, de
Cornil, de Carswell, de Cruveilhier, de Charcot, de Grancher. — Tableau
statistique des nombres d'individus morts d'autres affections que la
tuberculose ayant présenté à l'autopsie des lésions tuberculeuses cica-
trisées. — Réponses reçues de MM. Brouardel, Letulle, Strassmann,
Goodhart, Whittaker et Nicolas. — Recherches de Kurbow et de Déje-
rine sur la présence des bacilles tuberculeux virulents dans les foyers
calcifiés
CHAPITRE IV
PREUVES CLINIQUES DE LA CURABILITE DE LA TUBERCULOSE
PULMONAIRE
Opinion de Bouchard, de Jaccoud, de Weber, de Leyden. — Tableau statis-
tique de Manasse. — Tableau statistique de Knopf. — Concept de « gué-
/,88 TABLE DES MATIÈRES
rison » selon Daremberg. — Guérison absolue, guérison relative (Dett-
weiler). — Guérison dans le sens de restitutio ad integrum. — Nombre
îles invalides hospitalisés par 200 sanaloria. — Durée dos guérisons. . 2H
CHAPITRE V
LA CONTAGION DE L.V TUBERCULOSE ET LES MOYENS d'ÉVITEB
SA PROPAGATION. — PROPHYLAXIE INDIVIDUELLE
I. Contagion par inhalation. Nombre de bacilles expectorés quotidienne-
ment par un phtisique. — Expériences de divers auteurs sur le danger des
crachats desséchés. — La virulence et la fréquence du bacille de la
tuberculose. — Crachoir de poche de Dettweiler. — Crachoir de poche
de Knopf. — Désinfection des crachoirs. — Crachoirs fixes. — La
résistance du bacille au froid. — Dissémination des bacilles par les
mouches. — Crachoir de Proedohl. — Le mouchoir, la barbe et les
linges des tuberculeux. — Propagation de la tuberculose par les vers
de terre 3;
II. Contagion par ingestion. Fréquence de la tuberculose par ingestion.
— Le danger des laits non stérilisés. — Infection intestinale par des
crachats avalés. — ■ La salive bacillifère. — La nécro-tuberculose. — La
tuberculose parmi les petits animaux domestiques. — Infection des
nouveau-nés par l'ancienne méthode de la respiration artificielle. ... /\ti
III. Contagion par inoculation. Auto-inoculation. — Inoculation par cra-
choirs cassés ou par pans -ment des plaies tuberculeuses ou piqûre
anatomique. — Transmission de la tuberculose d'enfant à nourrice. —
Dangers de la circoncision selon les rites Israélites orthodoxes. — Infec-
tion tuberculeuse par voie génitale. — Infection par les dents malades,
parla vaccination. — Infection par tatouage 54
CHAPITRE VI
LES LOIS SANITAIRES ET LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE
DANS LES DIVERS PAYS
Allemagne, Angleterre, Australie, Autriche, Belgique, Canada. Chili,
Danemark, Espagne, Etats-Unis, France, Hollande, Hongrie, Italie,
Japon, Norvège et Suéde, Portugal, Russie, Suisse, Turquie 60
CHAPITRE VII
PROPHYLAXIE PUBLIQUE DE LA TUBERCULOSE DANS LA RACE BOVINE
Distribution géographique de la tuberculose des bovidés : France, Bel-
gique. Prusse, Saxe, Angleterre, Danemark, Russie Algérie, Japon,
Etats-Unis. — Entente internationale tp
TABLE DES MATIÈRES /fi$
CHAPITRE VIII
PROPHYLAXIE PUBLIQUE DE LA. TUBERCULOSE HUMAINE
Transmission cl prédisposition. — Ecoles spéciales pour enfants tuber-
culeux. — Hygiène scolaire. — Repas aux écoliers pauvres. — Règle-
ment du travail des enfants et des femmes dans les manufactures,
magasins et locaux publics. — Surveillance de tous ces établissements
au point de vue de la ventilation et de l'hygiène générale. — Professions
particulièrement dangereuses aux prédisposés. — Désinfection des
théâtres, salles de concert, etc., après chaque représentation. — Le
danger du transport des phtisiques par chemin de fer (sleeping cars).
— Logements insalubres. — La question de la déclaration obligatoire
de la tuberculose comme maladie contagieuse. — Désinfection de l'ap-
partement des tuberculeux pendant la maladie et après la mort. —
Inspection par les autorités publiques de tous établissements où se
trouvent des tuberculeux comme malades et pensionnaires (sanatoria,
hôpitaux, maisons de santé, asiles, hôtels, etc.). — Sur la défense de
cracher par terre dans les lieux publics. — ■ Expérience personnelle avec
un crachoir de poche. — Surveillance des boulangeries. — Enveloppe-
ment du pain. — Balayage des rues. — Le danger d'un seul calice pour
tous les communiants. — La tuberculose dans l'armée. — La crémation.
— L'intempérance, l'abus de l'alcool, la pauvreté et la misère 99
CHAPITRE IX
TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA PHTISIE PULMONAIRE
Qualités bactéricide et ph igocytique de l'organisme humain. — Le phy-
sique et le caractère d'un individu prédisposé à la tuberculose. — Cause
des rhumes. — Conseils aux femmes tuberculeuses enceintes. — Aéro-
thérapie comme moyen prophylactique. — Exercices respiratoires pour
développer les poumons et les muscles de la respiration. — Chant et
déclamation à l'air libre. — Inhalation, exhalation et deuxième elfort
expiratoire. — Exercice pour empêcher les enfants de se tenir courbés.
— Vie à l'air libre. — Hydrothérapie comme moyen d'endurcissement.
— Education de la peau et du système nerveux à l'eau froide. — Instal-
lation de l'hydrothérapie dans la chambre du malade. — De la gymnas-
tique, du sport et du surmenage. — Maladies phtisio-génétiques. —
— Mauvais mangeurs. — Enseignement de l'hygiène et de la physio-
logie élémentaires dans les écoles publiques. — Choix d'une profession. 1 15
CHAPITRE X
DES SANATORIA ET DU TRAITEMENT HYGIENO-DIÉtÉTIQUE EN GÉNÉRAL
Définition. — Etablissement des sanatoria. — Pas de danger pour le voisi-
nage ou pour les infirmiers. — Réduction de la mortalité par tuberculose
i90 TABLE DES MATIERES
dans les villages dcGoerbersdorf il de Falkenstein, — Opinion du pro-
fesseur von Leyden sur le traitement des tuberculeux dans les sana-
toria 128
CHAPITRE XI
VISITES AUX SANATOBIA
Allemagne : Falkenstein, Ruppertshain, Brehmer, Rômpler, Comtesse
Pûckler, Hohenhonnef, Reiboldsgrùn , Alberlsberg, Bad-Laubbach,
Saint-Blasien, Nordrach, Lehrecke, Schômberg 1 33
Angleterre : Ventnor, Brompton, Craigleitb 182
Autriche- Hongrie : Alland, Neu Schmecks 192
Danemark : Vcjlefjords 201
États-Unis : Adirondack, Loomis, Sharon, Pasteur, Denver Home,
Winyah, Asheville, Citronelle 20Ï
Canada : Muskoka, I.aurentidcs 23o
France Canigou, Château de Durtol, ïrespoye, Villiers-sur-Marne,
Berck-sur-Mer 236
Norvège : Tonsaasen >'>'
Russie : Halila 2Ô3
Suisse : Davos, Arosa, Leysin 264
CHAPITRE XII
LISTE DES SAXATORIA ACTUELLEMENT EX FONCTIONNEMENT OU EX PROJET
DAXS LES PAYS DIVERS DU MONDE
Allemagne. Angleterre, Ecosse. Irlande. Autriche, Hongrie, Belgique,
Danemark, France, Hollande, Italie, Norvège, Russie, Suisse, Australie,
Japon, Afrique, Etats-Unis, Canada 280
CHAPITRE XIII
DESCRIPTION DUN SANATORIUM IDEAL
Emplacement. — Climat. — Altitude. — Système des grands pavillons
réunis par des galeries vitrées. — Pavillons pour médecins et pour
visiteurs. — Pavillon pour isolement. — Pavillon de jeu. — Vacheries. —
Ecuries. — Des constructions pour étuve autoclave et autopsie. — Mai-
sonnette pour jardinier et concierge. — Grande véranda. — Salle
d'hydrothérapie. — Construction des murs. — Equipement intérieur.
Ventilation. — Chauffage. — Eclairage. — Eventails, etc. — Sonnettes
électriques 290
TAULE DES MATIERES 49 I
CHAPITRE XIV
l'hygiène spéciale dans un sanatorium; des crachoirs;
i des crachats ; leur desinfection
Instructions aux malades. — Crachoirs de poche de Dettweiler, de Knopf,
de Petit, de Vaquicr et de Liebe. — Crachoir de cure. — Tasse-crachoir
hygiénique. — Crachoir élevé de Knopf. — Nettoyage et désinfection
des crachoirs. — Chiffons mouillés. — Mouchoirs japonais. — Destruc-
tion des crachats. — Désinfection du service de table, des cuillers, four-
chettes, verres, etc. — Soins à prendre avec les linges en général. —
Désinfection des chambres par la vapeur de formaldéhyde (Expériences
de Nicollc, de Walther et de Schlossmann). — Glycoformal. — Net-
toyage dans un sanatorium sans balai ni plumeau 3oo
CHAPITRE XV
l'aÉROTHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DE LA PHTISIE PULMONAIRE
a. Repos prolongé sur la chaise longue : Défenseurs de la cure à l'air
libre. — L'air pur est contraire aux associations microbiennes. — L'aéro-
thérapie pour les malades fiévreux. — Le jour médical. — Accou-
tumance étonnante des phtisiques aux variations de la température
(Daucrluftkur). ■ — L'aérolhérapie pour les malades alités. — Protection
de la tète contre le soleil. — Danger de la position demi-assise trop
prolongée. — La construction d'une chaise longue. — Lit de camp du
D1 Weickcr pour la cure au dehors 3 ï i
b. Aération des chambres des malades : Ventilation. — Aérolhérapic
pendant la nuit 3i6
c. Exercices respiratoires : Le but de ces exercices. — Gradation des
exercices nos II, III, IV, V, VI. — Règle générale. — Exercices res-
piratoires dans la symphyse pleurale 3 17
d. Promenades graduées : Précautions à prendre. — Contre-indications.
— Traitement dans le cas où le malade revient en transpiration. —
Exercices pour les tuberculeux fiévreux 32 1
e. Cabinet pneumatique : Défenseurs du traitement par cabinet pneuma-
tique. — Description du cabinet. — Résultats du traitement. — Tableau
de Quimby. — Modification du traitement par l'auteur. — Durée des
séances. — Expérience personnelle pendant une séance dans le cabinet.
— Protection contre les microbes pendant l'inspiration profonde dans
le cabinet 3a3
CHAPITRE XVI
L'HYDROTHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DE LA PHTISIE PULMONAIRE
Opinion de Valleix, de Flcury, de Peler. — Température. — Gradation
dans l'application de l'eau froide pour malades alités. — Drap
mouillé. — Exercice pendant la douche. — Réaction. — Préaction.
— Surveillance médicale 33î
492 TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE XVII
HYGIÈNE DU CORPS, VÊTEMENTS, ETC.
Bains hygiéniques. — Barbe. — Désinfection dos vêtements. — ■ Le con-
fort dans l'habillement. — Gilet-bretelles. — Chemise-négligé pour
hommes. — Toilette naturelle pour femmes (Dressreform) . — Respira-
tion costo-supérieure et respiration abdominale. — Robes traînantes.
— Chaussures, — Coiffures. — Tabac 338
CHAPITRE XVIII
T R A I T E M E X T DIÉTÉTIQUE
a. De l'alimentation : Considérations générales. — L'appétit d'un phti-
sique. — Des viandes à recommander. — La préparation de viande
de bœuf crue. — Les céréales. — Riz. — Cacao. — Œufs. — Prépa-
ration des légumes. — Pain de seigle. — Pain complet. — Ration
minimum pour un homme sain. — Menu quotidien dans un sanatorium.
— Nombre des calories par jour. — Recelte pour gelée d'os de veau ;
gelée de lait. — Bouillon en bouteille 343
b. Du lait : Quantité et qualité. — Kouinys. — Képhyr. — Façon de boire
le lait.— Petit-lait 35o
c. De l'alcool : Effets physiologiques. — Alcool dilué. — Surveillance néces-
saire. — Le café et le thé 352
d. Quelques conseils généraux sur l'alimentation des phtisiques. — Den-
tifrice 353
CHAPITRE XIX
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
Toux. — Vomissements. — Dyspnée. — Emphysème. — Bronchorrhée. —
Douleurs thoraciques. — Révulsifs. — Fièvre chronique. — ■ Fièvre sep-
tique et expérience avec le sérum de Marmorek. — Sueurs nocturnes.
— Frissons. — Anorexie. — Dyspepsie nerveuse. — La poudre de viande
de Debove. — « Egg-nog ». — Hyperchlorhvdrie. — Le « Winternitz ».
— Crymothérapio. — Dyspepsie alcoolique. — Hypochlorhydrie. —
— Dilatation stomacale. — Constipation. — Diarrhée. — Hémoptysie
aiguë. — Collapsus. — Traitement psychique. — ■ Hémoptysie chronique.
— Les hémophiliqucs. — Faiblesse générale alarmante. — Insomnie. 35f>
CHAPITRE XX
DES MALADIES INTERCURRENTES ET DES COMPLICATIONS
Coryza et bronchites. — Congestions pulmonaires. — Splénopneu-
monie. — Pleurésie sérofibrineusc primitive. — Pleurésie tuberculeuse
TABLE DES MATIÈRES 493
secondaire. — Pneumothorax. — Hydropneumothorax. — Pyopneumo-
thorax. — Gangrène pulmonaire. — Le phtisique obèse. — Diabète. — ■
Goutte. — Néphrites chroniques. — Pityriasis. — Tuberculose mi-
liaire. — Tuberculoses locales 384
CHAPITRE XXI
LA TUBERCULOSE LARYNGEE
Prophylaxie. — Hygiène. — Aérothérapie et Cabinet pneumatique. —
Toux. — Dysphagic. — Alimentation. — Traitement local par l'acide
lactique. — Traitement chirurgical. — Indications. — Contre-indications. 3g'2
CHAPITRE XXII
TRAITEMENT MORAL ET PEDAGOGIQUE
Occupations du malade. — Rôle du médecin. — Pronostic. — Discipline.
— Les malades de nationalités diverses dans un sanatorium. — Ins-
tructions pour éviter les rhumes. — Les devoirs du malade envers le
médecin. — Conférences et causeries. — Mariage. — Grossesse. —
Allaitement. — Opinion de Tarnier, de Pinard, de Cornil, d Hérard, de
Ribemont, de Lepage, de Hergolt, de Lusk et de Gaulard. — Résultats
obtenus par le traitement hygiéno-diététique chez les femmes enceintes.
— Décalogue pour phtisiques. — Ecoles spéciales pour les infirmiers.
— Choix des gardes-malades pour tuberculeux. — L'hypurgie. . . . 397
CHAPITRE XXIII
CLIMAT, ALTITUDE ET MEDICAMENTS SPECIAUX
Considérations générales sur la phtisio-climato-thérapie. — Home ch-
inâtes. — Huile de foie de morue. — Tropon. ■ — Somatosc. — Les
phosphates, les préparations martiales, la strychnine. — Créosote. —
Créosotal. — Gaïacol. — Iodoforme. — Chlorure de sodium. — Essence
de menthe 4 1 1
CHAPITRE XXIV
DU SÉRUM ANTITUBERCULEUX, DE LA TUBERCULINE,
DE LANTIPHTISINE, ETC. \io
CHAPITRE XXV
LE TRAITEMENT DE LA PHTISIE PULMONAIRE DANS LES STATIONS LIBRES
ET DANS LES COLONIES. DIVERTISSEMENTS ET SPORTS DIVEHS
La vie d'un tuberculeux dans les stations et dans les colonies. — Le dan-
ger de la propagation de la tuberculose. — Canotage, golf, croquet,
494 TABLE DES MATIERES
bicyclette. — Réponses de MM. les D" Balcstrc cl Alkins. —
Quelle classe de malades doit-on envoyer aux stations libres. — Pour
un phtisique en voie d'évolution le traitement dans les stations
libres est illusoire \i\
CHAPITRE XXVI
le traitement des tuberculeux non" ambulants chez eux
(sanatorium a domicile)
La cure d'air au repos chez soi 432
CHAPITRE XXVII
LE TRAITEMENT DU TUBERCULEUX AMBULANT
DANS LES DISPENSAIRES ET DANS LA CLIENTELE PRIVEE , 1 ">
CHAPITRE XXV11I
LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE EX VILLE,
DANS LES ÉTABLISSEMENTS POUR RECEPTION ET ISOLEMENT
(HOPITAUX SPÉCIAUX)
Le but de ces établissements. — Effets physiques du mot sanatorium. —
Où faut-il construire le sanatorium urbain. — Hôpital Boucicaut à
Paris. — Description. — Crachoir individuel. — Grand crachoir de
Thoinot. — Instructions de M. le Dr Letulle. — Chambres séparées
à préférer dans l'hospitalisation des phtisiques. — Quelques sugges-
tions an point de vue des crachoirs à « Boucicaut ». — Atmosphère
artificielle des forêts de pins dans les salles d'hôpitaux. — Pro-
duction d'ozone dans les chambres de phtisiques 44°
CHAPITRE XXIX
DES MATERNITÉS-SAXATORIA, DES HOPITAUX ET DES ÉCOLES
POUR ENFANTS TUBERCULEUX
La femme tuberculeuse enceinte peut guérir. — Ecole de propreté et de
santé pour les mères. — Infection tuberculeuse post-natale. — Les
enfants tuberculeux et les écoles publiques. — Statistique de quelques
sanatoria pour enfants tuberculeux 46a
TABLE DES MATIERES 49 5
CHAPITRE XXX
SANATORIA POUR LES PAUVRES. LA TUDEUCULOSE PULMONAIRE COMME
PROBLÈME SOCIAL. CAISSE DE SECOURS. ASSURANCE CONTRE LA PHTISIE
PULMONAIRE
Le tuberculeux pauvre chez lui. — Difficulté pour l'admission à l'hôpital.
— Traitement insuffisant dans l'hôpital général. — Résultats obtenus
et dépense par jour pour chaque malade dans quelques hôpitaux prin-
cipaux du monde. — Défenseurs de la cause des tuberculeux pauvres.
— Colonisation des tuberculeux. — Travail pour tuberculeux peu
atteints. — Sanatorium d'Angicourt. — Dépense par jour pour chaque
malade dans les hôpitaux de Paris. — Escouade d'infirmiers sanitaires.
— Dépense pour tuberculeux à Paris. — Dépense par jour dans un sana-
torium pour les pauvres. — Résultats obtenus dans les sanatoria
pour les phtisiques pauvres. — Résultats obtenus à l'hôpital Douci-
caut. — Caisse de secours. — Sanatoria pour les gens à moyens modé-
rés. — Assurance volontaire. — Sociétés d'assurances ouvrières en
Allemagne. ■ — Sanatorium Oderberg érigé par la Société d'assurance
ouvrière de Lùbcck. — L'œuvre de la Société de la Croix-Rouge de
l'Allcmague. — Conclusion. — • Axiome de Pasteur 466
EVKEUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HERISSE Y
/
Accession no.
14149
Author
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Le£ stnatoria
traitement . • •
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19th CENT.'